Matthieu 21, 12

Jésus entra dans le Temple, et il expulsa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le Temple ; il renversa les comptoirs des changeurs et les sièges des marchands de colombes.

Jésus entra dans le Temple, et il expulsa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le Temple ; il renversa les comptoirs des changeurs et les sièges des marchands de colombes.
Saint Thomas d'Aquin
2163. PUIS, JÉSUS ENTRA DANS LE TEMPLE ET CHASSA TOUS LES ACHETEURS ET LES VENDEURS. Plus haut, l’évangéliste a montré la gloire qui avait été manifestée au Christ en cours de route et dans la ville ; maintenant, [il s’agit] de la gloire pour ce qui arriva dans le temple. Trois choses se produisirent dans le temple, qui se rapportent à la gloire du Christ : premièrement, il purifia le temple ; deuxièmement, il guérit les malades ; troisièmement, il fit parler les enfants. L’évangéliste précise successivement ce qu’il en est de chacune.

À propos de la première, il présente d’abord la visite au temple ; deuxièmement, sa purification ; troisièmement, le reproche adressé aux Juifs. Le second point [se trouve] en cet endroit : IL CHASSA TOUS LES VENDEURS ET LES ACHETEURS ; le troisième, en cet endroit : IL LEUR DIT, etc. [21, 13].

2164. [Matthieu] dit donc : PUIS, JÉSUS ENTRA DANS LE TEMPLE, etc. Mais pourquoi, en entrant dans la ville, se rendit-il immédiatement au temple ? Une raison est qu’il était venu comme la victime qui doit être immolée ; il se rendit donc d’abord au lieu de l’immolation, et c’était le jour déterminé pour que l’agneau soit présenté, comme on lit, en Ex 12, 6, que l’agneau devait être présenté à la dixième lune et devait être tué à la quatorzième lune. Mais [Jésus] fut tué le jeudi soir. L’offrande devait donc être faite le jour des Rameaux. La seconde raison était qu’il se montrât le Fils du Père qui devait être révéré : afin de montrer sa révérence envers le Père, il vint à la maison de son Père. Ml 1, 6 : Si je suis le père, où est mon honneur ? Par cela nous est donné un exemple de religion, de sorte que, lorsque nous arrivons dans une ville, nous nous rendions d’abord au temple. Ps 5, 8 : J’adorerai dans son saint temple. Il agit aussi comme un bon médecin, qui s’adresse d’abord à la cause de la maladie. Ainsi, la maladie et la cause de la corruption spirituelle viennent du temple, car si le prêtre est corrompu, le peuple sera aisément corrompu. Il se rendit donc d’abord au temple afin de donner d’abord la guérison autour du temple. Ez 9, 6 : Commencez par mon temple.

2165. Pour comprendre cela, vous devez comprendre, comme on le lit en Ex 23, 15, que tous les fils d’Israël devaient se présenter une fois par an devant le Seigneur, et ils ne devaient pas se présenter les mains vides, mais ils devaient donner leurs offrandes. Ainsi, ceux qui demeuraient loin amenaient avec eux leurs animaux afin d’en tirer profit. De même, parce que certains n’avaient pas d’argent, on disposait de menue monnaie qui conviendrait à ceux qui n’en avaient pas, afin qu’ils ne puissent ainsi être exemptés de l’offrande. Mais parce qu’il était défendu de s’adonner à l’usure, on n’acceptait pas d’usure, mais des petits présents appelés coliba, à savoir, des raisins secs ou des choses de ce genre. De même, parce que certains étaient pauvres et ne pouvaient posséder de gros animaux, et parce qu’on ne leur faisait pas crédit, il y avait des serviteurs qui vendaient des colombes et des tourterelles, afin que l’offrande ne fasse défaut à personne.

2166. Le Seigneur ne reprochait donc pas les offrandes, mais leur cupidité. Il dit donc : IL CHASSA LES VENDEURS ET LES ACHETEURS, au sens propre. Les vendeurs étaient des serviteurs des prêtres. Ils avaient aussi de la menue monnaie : c’est pourquoi IL CULBUTA LES TABLES DES CHANGEURS ET LES SIÈGES DE MARCHANDS DE COLOMBES, c’est-à-dire les bancs sur lesquels ils étaient assis.

2167. Au sens mystique, DANS LE TEMPLE, c’est-à-dire dans l’Église, il y en a qui soupirent après les avantages temporels, et qui sont chassés de l’Église, car ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et les pièges du Diable, 1 Tm 6, 9. On peut dire que les changeurs sont les diacres, à qui est confiée l’administration des biens temporels, comme on le trouve en Ac 6, 2. Ainsi, lorsqu’ils transforment leur fonction de dispensation en collecte, ils doivent être chassés de l’Église. On entend par la colombe l’Esprit Saint ; les vendeurs de colombes sont donc les prélats qui vendent les dons spirituels, comme l’ordre et les choses de ce genre. Ac 8, 20 : Ton argent te mènera à la perdition. De même, on peut l’interpréter au sens où chacun est le temple de Dieu. 1 Co 3, 16 : Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu ? Ainsi donc, chacun doit chasser de soi la vente et l’achat, de sorte qu’il ne serve pas Dieu pour des richesses. De même en est-il pour l’avarice, qui est [signifiée] par les changeurs. De même pour le délit de simonie, [chacun doit-il] chasser même le désir de simonie de son cœur, qui est signifié par les sièges.

2168. Mais ici se pose une question sur le texte, car on trouve, en Jn 2, 14s, que ce miracle fut réalisé avant que Jean ne fût livré. Or, ici, on trouve que cela s’est produit alors que la passion était imminente. Augustin dit que ce miracle a été fait à deux reprises. Ils sont donc plus coupables, puisqu’ils avaient déjà été repris. De même, comme [Jésus] était un homme respectueux et humble, comment a-t-il pu faire cela contre la volonté des prêtres et des grands ? Jérôme dit que c’est «un très grand miracle que le Seigneur l’ait fait, et qu’une puissance émanait de son regard par laquelle il terrifiait les hommes lorsqu’il le voulait».
Louis-Claude Fillion
Jésus entra. Nous devons répondre tout d’abord à deux questions préliminaires : 1° Cette expulsion des vendeurs diffère-t-elle de celle que l’évangéliste S. Jean raconte presque au début de la Vie publique de Notre-Seigneur, 2, 13 et ss. ? 2° Eut-elle lieu le jour même de l’entrée solennelle à Jérusalem, ou seulement le lendemain ? - Sur le premier point notre réponse sera franchement affirmative. Nous distinguerons avec la plupart des exégètes deux purifications du temple très distinctes l’une de l’autre, et séparées par environ trente mois d’intervalle (Voir la discussion des preuves dans le commentaire du quatrième Évangile). Le premier comme le dernier acte du ministère public de Jésus-Christ pendant sa vie mortelle aura donc consisté à purifier le temple profané par les Juifs et devenu un vil « marché ». Le rôle du Messie ne pouvait ni mieux commencer, ni mieux finir. - Relativement à la seconde question, nous abandonnerons la chronologie de S. Matthieu, pour suivre celle de S. Marc, qui est beaucoup plus exacte. Le premier évangéliste paraît en effet supposer que l’expulsion des vendeurs suivit immédiatement l’entrée de Jésus à Jérusalem et dans le temple ; Cf. vv. 1, 10, 12 et ss. ; de même S. Luc, 19, 29, 41, 45 et ss. ; mais S. Marc affirme en termes formels qu’elle n’eut lieu que le jour suivant, c’est-à-dire le lundi de la semaine sainte. Voici, d’après sa relation, l’ordre très précis des faits. Le triomphe se termine sous les portiques du temple, où Jésus est conduit par la foule. Là, Notre-Seigneur examine toutes choses (« Il parcourut du regard toutes choses », Marc 11, 11) à la façon d’un roi nouvellement introduit dans son palais. Mais il est tard, et le divin Maître retourne à Béthanie avec les Douze. Le lendemain matin, il reprend en compagnie de ses Disciples la route de Jérusalem et, après avoir maudit le figuier stérile, il entre de nouveau dans le temple, cette fois pour faire disparaître les abus qu’il a remarqués la veille et pour chasser sans pitié les vendeurs (Marc. 11, 11, 12, 15, et ss.). S. Matthieu a donc groupé les événements d’après l’ordre logique, comme en plusieurs autres endroits de son Évangile. Nous aurons bientôt un nouvel exemple de la liberté qu’il prend à l’égard des dates. - Dans le temple de Dieu. Il était d’usage, même chez les peuples païens, de terminer les triomphes dans un temple, afin de rapporter toute gloire à la divinité. Jésus avait une raison spéciale de se conformer à cette coutume. C’est comme Messie qu’il venait d’être conduit triomphalement à Jérusalem ; mais le Messie avait un rôle foncièrement religieux, et, à ce titre, le temple était sa résidence habituelle : c’est donc au temple que devait s’achever sa marche glorieuse. Nous passons maintenant au LUNDI SAINT. - Et il chassa tous ceux qui vendaient... Les Rabbins parlent souvent de ce commerce dont l’origine remonte probablement à la fin de la captivité babylonienne. Des Juifs nombreux venaient des contrées les plus éloignées, pour célébrer à Jérusalem les fêtes d’obligation : il fallait donc qu’ils pussent se procurer aux alentours du temple les victimes, le sel, le vin, la farine, l’huile, l’encens et autres objets nécessaires pour le sacrifice. Mais les prêtres, oubliant les lois les plus élémentaires du respect pour les lieux sacrés, avaient établi des boutiques, et un grand marché à bestiaux dans l’enceinte même du temple. - Dans le temple, c’est- à-dire dans la cour gigantesque nommée Cour des Gentils, parce qu’il était permis aux païens d’y pénétrer. On trouvait là des bœufs et des brebis par milliers, Cf. Lightfoot Hor. hebr. in h. l. ; et il est aisé de comprendre le bruit, les scandales que devait produire un tel rassemblement. Jésus indigné chasse tout ensemble hommes et bêtes, acheteurs et vendeurs. - Les tables des changeurs. Nous avons vu, Cf. 17, 24, que tout Israélite devait payer chaque année l’impôt du temple, qui consistait en un demi-sicle : les étrangers profitaient de leur voyage à Jérusalem à l’occasion des fêtes pour s’en acquitter. Mais, comme l’on n’admettait que la monnaie sainte et nationale, on avait également laissé s’établir sous les parvis, des changeurs qui, moyennant un droit assez considérable prélevé par eux sur les monnaies grecques et romaines, fournissaient à tout venant le demi-sicle exigé pour le culte. De là vient la dénomination de Kolboz, donnée dans la langue rabbinique au profit usuraire qu’ils retiraient de leur trafic. - Les sièges de ceux qui vendaient des colombes. Les colombes formaient le sacrifice des pauvres ; on en immolait chaque jour un très grand nombre. Les marchands qui les vendaient les tenaient dans des cages exposées sur des tables, et ils étaient eux-mêmes assis en face, sur des sièges que l’évangéliste appelle ici sièges, bien que ce nom désigne habituellement dans le Nouveau Testament les chaires des Docteurs. Jésus renverse sans pitié les tables des changeurs avec l’or et l’argent qui s’y trouvait, et les tréteaux des marchands de colombes. Quelle scène singulière dût s’ensuivre ! Les grands maîtres des différentes écoles de peinture, entre autres Jouvenet (au musée de Lyon), Panini, Rembrandt, Albert Durer, Bonifazio, etc., se sont complu à la représenter.
Fulcran Vigouroux
Dans le temple, en grec, hiéron. Le texte original distingue toujours soigneusement le hiéron et le naos. Le hiéron était l’ensemble des bâtiments et des cours qui étaient consacrés à Dieu ; le naos était le sanctuaire proprement dit. Comme nos églises consistent exclusivement dans l’édifice qui est la maison de Dieu, nos langues n’ont point de termes propres pour désigner ces deux choses autrefois si distinctes. Le naos ou maison de Dieu proprement dite se composait d’un portique, puis du Saint où étaient l’autel des parfums, le chandelier à sept branches et les pains de proposition, et enfin du Saint des Saints où avait été d’abord l’arche et où le grand prêtre seul pouvait pénétrer une fois par an. Les sacrifices ne s’offraient point dans le naos, mais au dehors. Devant le naos était une cour ou terrasse, appelée le parvis des Prêtres ; c’est là qu’était l’autel des holocaustes sur lequel on offrait les victimes immolées au Seigneur. Les prêtres et les Lévites seuls pouvaient y pénétrer. Autour de cette terrasse en était une autre, plus basse de quinze marches, qui portait le nom de parvis des Israélites. A l’est, une cour élevée de cinq marches était réservée aux femmes. Une barrière séparait la cour des Juifs d’une troisième cour qui portait le nom de parvis des Gentils, parce que les Gentils eux-mêmes pouvaient y pénétrer, tandis qu’il leur était défendu sous peine de mort de pénétrer dans la cour d’Israël. Le parvis des Gentils était plus étendu à l’est et surtout au sud qu’au nord et qu’à l’ouest, parce que le naos n’était pas au milieu de la plateforme du mont Moriah, mais au nord-ouest. Le parvis des Gentils était fermé au levant par le portique de Salomon et au midi par le portique royal qui était beaucoup plus large que celui de Salomon. L’un et l’autre étaient magnifiques ; ils étaient formés de colonnes monolithes de marbre blanc de douze à treize mètres de haut. C’est sous ces portiques que se sont passées une partie des scènes racontées par les Evangiles, et en particulier celle des vendeurs du temple. ― Les tables de changeurs. « Ces usages se sont perpétués à Jérusalem, où, dans les rues voisines du bazar, les changeurs sont assis devant de petites tables chargées de diverses espèces de monnaie. » (J.-H. MICHON.)