Matthieu 21, 19

Voyant un figuier au bord du chemin, il s’en approcha, mais il n’y trouva rien d’autre que des feuilles, et il lui dit : « Que plus jamais aucun fruit ne vienne de toi. » Et à l’instant même, le figuier se dessécha.

Voyant un figuier au bord du chemin, il s’en approcha, mais il n’y trouva rien d’autre que des feuilles, et il lui dit : « Que plus jamais aucun fruit ne vienne de toi. » Et à l’instant même, le figuier se dessécha.
Saint Thomas d'Aquin
2178. VOYANT UN FIGUIER. Mais pourquoi a-t-il fait un miracle particulièrement à propos du figuier ? Parce que c’est un arbre très humide. Aussi le fait qu’il se dessécha fut-il un miracle très manifeste. Et [le figuier] signifie la Judée pour deux raisons : il produit des figues qui mûrissent rapidement, et ceux-ci étaient les apôtres, qui sont les premiers [fruits] ; et aussi, ce fruit compte plusieurs graines sous une seule enveloppe, comme beaucoup étaient sous la même loi.

Et [ce figuier] se trouvait PRÈS DU CHEMIN, à savoir, le Christ, parce qu’il était en attente et ne voulait pas venir jusqu’au chemin. En effet, [le Christ] était le chemin. Jn 14, 6 : Je suis le chemin, la vérité et la vie ; et Is 36, 21 : Voici le chemin : suivez-le !

2179. IL S’EN APPROCHA. Chez Marc, on lit qu’il s’approcha pour voir s’il y trouverait quelque chose. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Ce n’était pas alors le temps des figues. Il faut dire que parfois l’Écriture présente une chose, non pas comme elle est en réalité, mais en raison de son effet. Ainsi, il ne s’est pas approché pour chercher, mais il s’est approché en raison de la suspicion des disciples. Il s’approcha donc en vue de faire un miracle. Il s’approcha d’elle, lorsqu’il visita la Judée. Lc 1, 78 : L’Astre d’en haut nous a visités. [Ce figuier] avait des feuilles, c’est-à-dire des observances légales, mais pas de fruit. De même certains ont-ils parfois une certaine apparence d’honnêteté, bien qu’ils soient mauvais et pervers à l’intérieur.

2180. Vient ensuite la malédiction : IL LUI DIT : «JAMAIS PLUS TU NE PORTERAS DE FRUIT !» Il semble qu’il ait mal agi, car ce n’était pas le temps des figues. De même, il semble qu’il ait causé du tort au propriétaire [du figuier]. Observe comment les paroles du Seigneur sont une figure, comme le sont ses gestes. Parfois, le Seigneur veut mettre en lumière son enseignement, et alors il le met en lumière chez les hommes ; parfois, [il veut mettre en lumière] sa puissance punitive, et alors il la met en lumière dans d’autres choses. Il exerça donc là son pouvoir pour montrer que la Judée serait stérile, comme on le trouve en Rm 11. Ainsi, il arrive parfois que certains, qui sont mauvais à l’intérieur, mais sont florissants à l’extérieur, sont desséchés par le Seigneur afin qu’ils ne corrompent pas les autres. 2 Tm 3, 8 : Des hommes à l’esprit corrompu et peu fiables en matière de foi, mais ils n’iront pas plus loin. Lc 13, 7 : Voici trois ans que je viens vérifier qu’il y a des fruits dans ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le !

2181. Vient ensuite l’effet : À L’INSTANT MÊME, LE FIGUIER SE DESSÉCHA. Ps 21[22], 16 : Ma puissance s’est desséchée comme une coquille, car, au temps des apôtres, le judaïsme se dessécha et après, les dispositions légales se desséchèrent à mesure que crût l’évangile. Et ils sont devenus abominables, une terre féconde s’est desséchée par la malice de ses habitants, Ps 106[107], 34.
Louis-Claude Fillion
Voyant un figuier. Le figuier, « ficus carica » de Linné, a toujours été l’un des arbres les plus communs de la Palestine, où il est volontiers cultivé à cause de ses fruits succulents ; Cf. Deut. 8, 8 ; Stanley, Sinaï and Palestine, p. 187, 421, 422. Il abondait aux environs de Jérusalem et particulièrement auprès de Bethphagé, la « maison des figues » par antonomase. Jésus, allant de Béthanie à la ville sainte, remarqua un de ces arbres entre tous les autres ; c’est, nous dit S. Marc, 12, 13, qu’il était déjà couvert de feuilles, circonstance extraordinaire pour la saison, et qui attirait aussitôt l’attention des passants. - Près du chemin. Pline rapporte dans son histoire naturelle, 15, 17, que l’on plantait volontiers le figuier sur le bord des routes, parce qu’on s’imaginait que son exubérance de sève était absorbée par la poussière, ce qui arrêtait la croissance des branches gourmandes et contribuait à donner aux fruits une qualité supérieure. - Il s'en approcha. Fritzsche, singulier à ses heures, donne à cette phrase pourtant si claire le sens de « monta dans l'arbre », comme si la préposition grecque exprimait toujours un mouvement ascensionnel proprement dit ! Jésus s’approche donc de cet arbre dans l’espoir d’y trouver quelques figues pour calmer sa faim, mais il n'y trouva rien, du moins rien en fait de fruit ; car son feuillage était luxuriant. Quelques détails sont ici nécessaires pour que nous puissions bien comprendre en quoi consistait, si l’on peut parler ainsi, le tort du figuier et le motif pour lequel il fut maudit par Jésus, comme s’il eût été un agent moral. Dégageons d’abord complètement de ce fait la prescience du Christ. Quand il s’approche de l’arbre, il sait fort bien qu’il n’y trouvera que des feuilles ; mais il agit ici en tant qu’homme, et son omniscience n’est pas le moins du monde en cause. On sait que le figuier émet ses fruits assez longtemps avant de produire des feuilles. « Son feuillage apparaît plus tard que ses fruits », Pline, Hist. Nat. 16, 499 ; cf. Arnoldi, Palaestina, p. 64. Mais ils ne sont généralement mûrs qu’au mois d’août. Toutefois, il est aussi des figues printanières (la « ficus præcox » de Pline, Hist. nat. 15, 19 ; la Biccoura des Hébreux, l’albacora des Espagnols) qui mûrissent en juin, parfois en mai et même en avril, au temps de la Pâque, dans les ravins chauds et abrités du mont des Oliviers ; Cf. Thomson, the Land and the Book, p. 349. Enfin, il existe encore une troisième sorte de figue appelée tardive, qui passe fréquemment l’hiver sur l’arbre et qu’on peut recueillir encore au printemps. Ainsi donc, bien que ce ne fût pas alors la vraie saison des figues, Notre-Seigneur pouvait chercher et trouver soit des fruits printaniers, soit des fruits tardifs ; il le pouvait d’autant mieux que l’arbre auquel il s’adressait était déjà couvert de feuillage, et manifestait ainsi une précocité extraordinaire. - Qu'à jamais il ne naisse de toi aucun fruit : Telle fut la sentence prononcée par Jésus contre cet arbre stérile. Il est puni non seulement parce qu’il est sans fruit, mais encore et surtout parce qu’étant en avance sur les figuiers voisins au point de vue du feuillage, il annonce pour ainsi dire avec ostentation qu’il les dépasse en fertilité. Il est important de noter ce fait pour l’explication du symbole. - Et aussitôt le figuier se déssécha. La sentence reçoit à l’instant sa réalisation ; non que l’arbre ait été immédiatement desséché des pieds à la tête ; mais la sève cesse de monter et de descendre, peu à peu elle se coagule et ne communique plus la vie : les belles feuilles vertes s’étiolent et retombent le long des branches ; puis le soleil, dardant ses rayons sur elles, les grille complètement. Toutefois il fallut une bonne partie de la journée pour que ces divers phénomènes fussent produits : on ne s’en aperçut pas sur-le-champ. - S. Hilaire remarquait déjà que, parmi les nombreux miracles du Sauveur, il n’en est qu’un seul qui ait une apparence de dureté et qu’il a lieu sur un végétal, non sur une créature raisonnable : « C’est en cela que nous pouvons trouver une preuve de sa bonté. En effet, lorsqu’il voulut prouver par des exemples qu’il venait sauver le monde, il fit sentir les effets de sa toute-puissance aux corps des hommes, établissant ainsi l’espérance des biens futurs, et le salut des âmes par la guérison des maux de cette vie ; mais maintenant qu’il veut donner un exemple de sa sévérité contre les rebelles opiniâtres, c’est en faisant mourir un arbre qu’il nous donne l’image des châtiments futurs ». Mais pourquoi ce miracle ? Pourquoi frapper ainsi un arbre dépourvu de raison et de responsabilité ? Se proposait-il simplement, comme on l’a dit, de fortifier la foi de ses disciples en vue de la Passion ? Voulait-il, comme on l’a dit encore, éloigner par une manifestation de sa puissance divine le scandale qu’aurait pu leur causer cette faim anticipée, qui l’avait obligé de chercher sa nourriture à la façon des autres hommes ? Ce seraient là, il faut l’avouer, des motifs bien étranges et qui eussent exigé du Sauveur des miracles à chaque pas durant cette dernière semaine. Tout devient clair si nous disons avec Bossuet, Méditations, dernière semaine, 20è jour, à la suite d’Origène et de S. Jérôme : « C’est une parabole de choses, semblable à celle de paroles que l’on trouve en S. Luc, ch. 13, 6, » et cette parabole concernait, d’après les mêmes Pères, la synagogue juive, bien qu’elle fût alors comme un arbre verdoyant, était cependant complètement stérile et dépourvue de fruits de salut. « Cet arbre qu’il rencontre dans le chemin, c’est la synagogue et les assemblées des Juifs… il n'y a rien trouvé, si ce n'est des feuilles, bruissantes de promesses, de traditions pharisaïques et d'étalage de la Loi, ornements de paroles mais sans aucun fruit de vérité », S. Jérôme, Comm. in h. l. ; cf. S. Hilaire, ib. Combien le peuple juif, comblé des faveurs divines, n’était-il pas en avance sur les autres nations ! Quelles douces espérances ne devait-on point concevoir à la vue de ses lois, de son culte, de ses écrits inspirés ? Et pourtant les fruits faisaient défaut : le divin agronome prend donc la hache pour le frapper. Tel est le sens de la malédiction du figuier : c’est une action typique, un symbole prophétique du châtiment réservé aux Juifs dans un prochain avenir. Plusieurs des discours subséquents de Jésus, 21, 26-44 ; 22, 1-14 ; 23, 24, 25, seront le commentaire enflammé de cet acte qu’il accomplit avec la sainte colère d’un juge souverain. - Cependant un jour viendra, jour de repentir et de conversion, où l’arbre desséché reverdira par un nouvel effet de la puissance divine, Cf. Rom. 11, 25 et s. ; alors, le peuple juif croira en Notre-Seigneur Jésus-Christ, portera par lui des fruits nombreux qui lui mériteront le salut. Il ne faut donc pas urger les mots à jamais de la sentence. - Luc de Bruges fait ici une excellente réflexion morale : « Que cet exemple nous serve à nous aussi : si nous sommes semblables à ce figuier, ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force (2 Tim. 3, 5), nous serons réprouvés avec les Juifs », Comm. in h. l.
Fulcran Vigouroux
Et à l’instant le figuier sécha. « En arrivant de Béthanie à Jérusalem le matin, Jésus eut faim ; ayant vu de loin un figuier, il s’en approcha pour voir s’il s’y trouverait du fruit ; mais n’y trouvant que des feuilles, parce que ce n’était pas le temps des fruits, il le maudit. ― C’est une parabole de choses, semblable à celle des paroles qu’on trouve en saint Luc, 13, 6. Il ne faut donc point demander ce qu’avait fait ce figuier, ni ce qu’il avait mérité : car qui ne sait qu’un arbre ne mérite rien ? ni regarder cette malédiction du Sauveur par rapport au figuier, qui n’était que la matière de la parabole. Il faut voir ce qu’il représentait, c’est-à-dire la créature raisonnable qui doit toujours des fruits à son créateur en quelque temps qu’il lui en demande ; et lorsqu’il ne trouve que des feuilles, un dehors apparent, et rien de solide, il la maudit. Jésus-Christ continua son voyage et revint à Béthanie, selon sa coutume, et la matinée d’après, ses disciples s’arrêtèrent au figuier, qu’ils trouvèrent desséché depuis la racine ; et Pierre dit au Sauveur : Maître, le figuier que vous avez maudit est séché. Jésus-Christ ne voulait pas sortir de ce monde sans faire voir les effets sensibles de sa malédiction, voulant faire sentir ce qu’elle pouvait ; mais par un effet admirable de sa bonté, il frappe l’arbre et épargne l’homme. Ainsi quand il voulut faire sentir combien les démons étaient malfaisants, et jusqu’où allait leur puissance, lorsqu’il leur lâchait la main, il le fit paraître sur un troupeau de pourceaux que les démons précipitèrent dans la mer (voir Matthieu, 8, 32). Qu’il est bon et qu’il a de la peine à frapper l’homme ! » (BOSSUET.) ― Il faut d’ailleurs remarquer que Notre-Seigneur pouvait s’étonner, en Palestine, de ne pas trouver de figues sur un figuier, quoique ce ne fut pas le temps ordinaire des figues (voir Marc, 11, 13), parce qu’en Palestine les figuiers ont des fruits à peu près toute l’année, voir Luc, note 13.6. Josèphe dit qu’on cueillait des figues sur les figuiers des bords du lac de Génésareth pendant dix mois de l’année. Souvent, surtout sur les vieux arbres, il y a des figues qui ne sont pas encore mûres quand les feuilles tombent et que la végétation s’arrête ; elles ne se détachent point des arbres, mais y restent suspendues pendant tout l’hiver et deviennent bonnes à manger quand la végétation recommence au printemps. Notre-Seigneur pouvait donc trouver des fruits sur l’arbre aux environs de Pâques. Les figuiers étaient nombreux autrefois sur le mont des Oliviers et il y en a encore quelques-uns aujourd’hui.