Matthieu 21, 44
Et tout homme qui tombera sur cette pierre s’y brisera ; celui sur qui elle tombera, elle le réduira en poussière ! »
Et tout homme qui tombera sur cette pierre s’y brisera ; celui sur qui elle tombera, elle le réduira en poussière ! »
Cet homme, père de famille, c'est Dieu qui prend le nom d'homme dans quelques paraboles, comme un père qui bégaie avec son petit enfant, et qui descend jusqu'à son langage enfantin pour l'instruire plus facile ment.
Ou bien encore, la garde de Dieu, c'est la haie qui en toure cette vigne, et le pressoir le lieu où se faisaient les libations «Et il y fit un pressoir»
Ou bien ces paroles signifient que le Seigneur, qui avait marché avec eux sous la forme d'une nuée pendant le jour et d'une colonne de feu pendant la nuit ( Ex 13,21-22 ), ne leur apparut plus ensuite de cette manière. Or, dans le prophète Isaïe, c'est le peuple juif qui est appelé la vigne, et c'est à cette vigne que s'adressent les menaces du père de famille dans l'Évangile. Au contraire, ce n'est pas à la vigne qu'il fait des reproches, mais à ceux qui la cultivent. C'est qu'en effet, dans l'Évangile, la vigne est le royaume de Dieu; la vie exempte de toute faute en est le fruit. La haie qui entoure la vigne, c'est la lettre de l'Écriture, qui cache aux yeux de ceux qui sont en dehors les fruits mystérieux qu'elle renferme; la profondeur des oracles di vins, c'est le pressoir dans lequel ceux qui ont mis à profit la connaissance de la parole de Dieu versent tous leurs soins et toute leur affection comme autant de fruits; la tour qui est élevé dans la vigne, c'est le Verbe qui vient de Dieu lui-même, par l'économie divine de l'incarnation; il a loué cette vigne à des vignerons, c'est-à-dire au peuple qui nous a précédé, tant prêtres que laïques. Or, il part pour un pays lointain, afin de laisser aux vignerons le temps de la cultiver. Le temps de la vendange arrive, et pour chacun en particulier, et pour tout le peuple en général. La première saison de la vie est celle de l'enfance, et alors la vigne, sans rien produire au dehors, n'a encore en elle que la sève de la vie Lorsque l'enfant commence a par ler, c'est le temps ou les bourgeons commencent a paraître Or, plus l'âme de l'enfant fait de progrès, plus aussi la vigne, c'est-à-dire la parole de Dieu, se développe, et c'est à la suite de cet accroissement successif qu'elle produit, dans leur maturité, les fruits de la charité, de la joie, de la paix et d'autres vertus semblables Pour le peuple qui reçut la loi de Moise, le temps de la vendange approche également: «Or, le temps des fruits étant proche».
Ou bien enfin ces paroles: «Ils respecteront mon fils», se sont accomplies dans ceux d'entre les Juifs qui connu rent Jésus-Christ et crurent en lui; et quant à celles qui suivent: «Les vignerons, voyant le Fils, dirent entre eux: Voici l'héritier, venez, tuons-le»,elles ont trouvé leur accomplissement dans ceux qui, ayant vu Notre-Seigneur Jésus-Christ, et l'ayant reconnu pour le Fils de Dieu, n'ont pas laissé de le crucifier.
Ou bien ces paroles: «Ils le jetèrent hors de la vigne», veulent dirent, à mon avis, qu'autant qu'il était en eux, ils le traitèrent comme étranger à la vigne et à ceux qui la cultivaient.
Non plus que Caïphe ( Jn 11,51 ); ce n'est pas d'eux-mêmes que les princes des prêtres prononcent contre eux ce jugement prophétique, d'après lequel la parole de Dieu leur sera enlevée pour être donnée aux Gentils, qui produiront des fruits dans leur temps. Ou bien, c'est le Seigneur qu'ils ont mis à mort qui, aussitôt sa résurrection, fit périr misérablement ces mauvais vignerons, et loua sa vigne à d'autres (c'est-à-dire aux Apôtres), qui avaient embrassé la foi parmi le peuple juif.
C'est-à-dire c'est Dieu lui-même qui a donné cette pierre à tout l'édifice, et cette pierre angulaire est un spectacle admira ble pour nous qui pouvons le voir des yeux de l'intelligence.
Le royaume de Dieu, ce sont les mystères du royaume de Dieu, c'est-à-dire les divines Écritures que le Seigneur a données aux hommes, d'abord à ce premier peuple à qui ont été confiés les oracles divins ( Rm 3,1-2 ), et ensuite aux nations qui en ont produit les fruits. Or, Dieu ne donne sa parole qu'à celui qui lui fait produire des fruits, et le royaume de Dieu n'est point donné à celui qui laisse régner en lui le péché. Comment donc a-t-il pu donner ce royaume à ceux qui devaient en être dépouillé? Remarquons ici que les dons de Dieu sont des dons gratuits. Ceux à qui Dieu n'a fait que louer son royaume, il ne le leur a pas donné comme aux élus et comme aux fidèles; ceux, au contraire, à qui Dieu l'a donné, l'ont reçu comme étant marqués du sceau des élus.
Ou bien Dieu a préparé les prophètes comme autant de pressoirs dans lesquels les flots de l'Esprit saint devaient se répandre en abondance, comme un vin qui bouillonne.
Ou bien, par cette tour, il faut entendre l'élévation de la loi qui, sortant de la terre, élevait les hommes jusqu'au ciel, et du haut de laquelle on pouvait découvrir dans le lointain des âges l'avènement du Christ.
Ces prophètes envoyés en plus grand nombre que les premiers désignent le temps où, à la prédication individuelle et successive de chaque prophète, Dieu en fit succéder un plus grand nombre, pour annoncer tous en même temps ses oracles. - Ou bien ces pre miers serviteurs qui furent envoyés sont Moïse, qui donna la loi, et Aaron, premier grand prêtre, qu'ils renvoyèrent sans leur avoir donné aucun fruit, après les avoir flagellés par leurs plaintes insolentes. Dans les autres serviteurs, vous pouvez voir les choeurs des prophètes.
Le fils envoyé en dernier lieu signifie l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ. «Enfin, il leur envoya son propre Fils».
Il est devenu la pierre principale de l'angle, parce qu'il a été le lien qui a uni le peuple de la loi au peuple des Gentils.
Jésus-Christ fut jeté hors de Jérusalem, comme hors de la vigne, pour y subir la sentence qui le condamnait à mort.
Il veut leur montrer ensuite que rien en cela n'était contraire à la volonté de Dieu, et il ajoute: «Ceci est l'oeuvre du Seigneur».
A cette première parabole le Sauveur en ajoute une autre, pour montrer que les Juifs sont beaucoup plus coupables encore et indignes de tout pardon. Écoutez une autre parabole: «Il y avait un homme, etc».
Ou bien, par cette haie, il faut entendre que cette vigne est confiée à la garde des saints patriarches, qui sont devenus comme un rempart pour le peuple d'Israël.
On donne à Dieu le nom d'homme, non pas sans doute qu'il en ait la nature, il l'est par comparaison et non pas en réalité; et le Fils, qui prévoyait que ce nom qu'il portait lui-même donnerait lieu aux blasphèmes de ceux qui le regardaient comme un simple mortel, a voulu le donner à son Père, Dieu invisible, qui, par nature, est le Seigneur des anges et des hommes et qui en est le père par sa bonté.
Ou bien encore, le pressoir c'est la parole de Dieu qui crucifie l'homme, malgré les contradictions de la chair.
Ce fut lorsque Moïse établit des prêtres et des lévites d'après la loi, et qu'ils reçurent le pouvoir de gouverner le peuple de Dieu. Or de même qu'un fermier, quoiqu'il offre à son maître de ses propres biens, ne peut lui être aussi agréable qu'en lui présentant les fruits de sa vigne; ainsi le prêtre ne plaira jamais autant à Dieu par sa sainteté personnelle qu'en enseignant au peuple à se sanctifier, parce que la justice du prêtre n'est que la justice d'un seul homme, tandis que la justice du peuple c'est la justice d'un grand nombre.
Ou bien il part pour un pays lointain, en usant à leur égard de longani mité, et en ne leur infligeant pas toujours les châtiments que leurs péchés méritaient.
Les serviteurs ce sont les prophètes, qui, comme autant de prêtres, offrent au Seigneur les fruits du peuple et les témoignages de son obéissance, qui consiste dans les oeuvres. Or, ces vignerons ont fait paraître toute l'étendue de leur méchanceté, non-seulement en ne portant pas de fruits, mais encore en entrant dans une grande colère contre les serviteurs qu'on leur avait envoyés et en plongeant leurs mains dans le sang. «Mais les vignerons s'étant saisis de ses serviteurs», etc.
A chaque degré de la malice des Juifs, Dieu ajoutait un degré de miséricorde; mais leur malice s'augmentait en proportion égale de la miséricorde divine, et la méchanceté des hommes engageait ainsi un véritable combat contre la clémence de Dieu. «Il leur envoya encore d'autres serviteurs»,etc.
La pierre, c'est Jésus-Christ, et ceux qui bâtissent sont les docteurs des Juifs qui l'ont rejeté en disant: «Cet homme ne vient pas de Dieu».
Pourquoi ne l'a-t-il pas envoyé en premier lieu? C'était pour leur laisser le temps de se reconnaître coupables des mauvais traitements qu'ils avaient faits aux premiers envoyés, et que, renonçant à leur fureur, ils fussent saisis de honte en voyant le Fils de Dieu lui-même venir à eux. C'est pour cela qu'il dit: «Ils auront quelque respect pour mon Fils.
Il le leur envoie, non comme un juge qui porte à des coupables la sentence de condamnation, mais pour offrir le pardon au repentir; il le leur envoie, non pour les châtier, mais pour les couvrir de honte.
Ou bien le Sauveur exprime ici ce qui aurait dû se faire, car ils auraient dû le res pecter, et il montre ainsi toute l'énormité de leur crime et combien ils sont inexcusables.
Il en est qui prétendent que Jésus-Christ re çut le nom de Fils à son baptême, comme les autres saints; mais le Seigneur lui-même détruit cette interprétation en disant ici: «Je leur enverrai mon Fils».Or, lors qu'il songeait à leur envoyer son Fils après les prophètes, il était déjà Fils. D'ailleurs, s'il n'est appelé Fils qu'au même titre que tous les autres saints auxquels Dieu a fait entendre sa parole, le Seigneur aurait dû donner aux prophètes le nom de Fils comme au Christ, ou lui donner le nom de serviteur comme aux autres prophètes.
Cependant, ce n'est qu'après qu'il fut entré dans le temple, et qu'il en eut chassé tous ceux qui vendaient les animaux destinés aux sacrifices, qu'ils formèrent surtout le projet de le mettre à mort. Et ils se dirent entre eux: «Venez, tuons-le». Tel était en effet leur raisonnement: «Cet homme fera nécessairement perdre au peuple l'habitude de sacrifier ces victimes qui font notre profit, pour le déterminer à offrir le sacrifice de justice ( Ps 4,6 , Ps 59,20 , Ml 3,3 ) qui tend directement à la gloire de Dieu, et ce peuple cessera ainsi d'être à nous pour être tout à Dieu. Si, au contraire, nous le mettons à mort, alors que personne ne demande à ce peuple les fruits de la justice, on continuera d'offrir des victimes, et le peuple sera toujours sous notre domination. C'est ce qu'ils expriment en propres termes: «Et nous aurons son héritage». Telles sont les pensées des prêtres qui suivent les inspirations de la chair, et qui, sans se préoccuper que leur peuple s'ive sans péché, n'ont en vue qu'une seule chose: les offrandes qui sont faites dans l'église, et qu'ils considèrent comme le gain du sacerdoce.
Si leur réponse est conforme à la vérité, il ne faut pas en attribuer le mérite à ceux qui ont prononcé une sentence aussi juste, mais à la justice de la cause elle-même; car c'est la vérité qui leur a fait violence.
Ou bien encore, il n'y a aucune contradiction, car cette réponse a pu être donnée deux fois, d'abord par les Juifs, et puis par Notre-Seigneur lui-même.
On peut dire encore, dans un autre sens, que le Seigneur leur a proposé cette parabole pour leur faire prononcer leur propre condamnation sans le savoir, comme Nathan le fit à l'égard de David ( 2S 12,1-15 ), mais qu'ayant compris que c'était contre eux-mêmes que cette parabole était dirigée, ils s'écrièrent: «A Dieu ne plaise».
Mais comme les princes des prêtres n'acceptaient pas ce jugement, le Sauveur leur apporte un témoignage de L'Écriture: «Jésus ajouta: N'avez-vous jamais lu dans l'Écriture: «La pierre qu'ont rejetée», etc. C'est-à-dire: Si vous ne comprenez cette parabole, compre nez au moins ce passage de l'Écriture.
Ou bien encore, saint Luc a rapporté la réponse de leur bouche, et saint Matthieu celle de leur coeur; car ils le contredirent réellement en face en lui répondant: «A Dieu ne plaise», tandis qu'ils l'approuvaient dans leur âme, et répondaient intérieurement: «Il fera périr misérablement ces méchants»; c'est ainsi qu'un homme qui est surpris en faute cherche à excuser sa conduite, qu'il est obligé de condamner dans sa conscience.
C'est comme s'il leur disait: Comment ne comprenez-vous pas dans quel édifice cette pierre doit devenir le sommet de l'angle. Ce n'est pas dans le vôtre sans doute, puisque vous l'avez reje tée, mais dans un autre. Or, si un nouvel édifice doit s'élever, le vôtre doit donc être abandon né? Aussi ajoute-t-il: «Je vous déclare donc: Le royaume de Dieu vous sera enlevé», etc.
Jésus-Christ est appelé la pierre, non-seulement à cause de sa force et de sa consistance, mais parce qu'il doit briser et réduire en poudre tous ses ennemis. Voilà pourquoi il ajoute: «Et celui qui tombera sur cette pierre, se brisera»,etc.
Être brisé et être broyé sont deux choses différentes: quand un objet est brisé, il en reste quelque chose; mais quand il est broyé, il est comme réduit en poussière. Or, ce qui tombé sur une pierre ne se brise pas en proportion de la dureté de la pierre, mais en raison de la violence de sa chute, ou de la force de son poids, ou de la hauteur d'où il tombe; ainsi la ruine du chrétien qui pêche n'est pas en proportion de ce que Jésus-Christ peut faire pour le perdre, mais en raison de ce qu'il fait pour se perdre lui-même par ses oeuvres, eu raison de l'énormité de ses péchés ou de la grandeur de sa dignité; la ruine des infidèles, au contraire, n'est qu'en raison de la puissance que Jésus-Christ a pour les perdre.
Ou bien il leur indique ici deux ruines différentes: l'une qu'ils éprouve ront en venant se heurter contre cette pierre qui a été pour eux un objet de scandale, et à la quelle il fait allusion en disant: «Celui qui tombera sur cette pierre»; l'autre qui viendra à la suite de la captivité qui les menace, et qu'il exprime en ajoutant: «Et elle écrasera celui sur qui elle tombera».
C'est lui qui a planté la vigne dont Isaïe a dit: «La vigne du Seigneur des armées est la maison d'Israël (cf. Ps 80 ) ». Suite. - «Et il l'entoura d'une haie». Cette haie, ce sont les murs de la cité ou les secours des anges.
Ce pressoir c'est l'autel, ou bien les pressoirs qui forment le titre des psaumes huitième, quatre-vingtième, quatre-vingt-troisième; pressoirs qui désignent les martyrs.
C'est-à-dire le temple, dont le prophète Michée a dit: «Et la tour de la fille de Sion qui est environnée de nuages».
Ce n'est pas que Dieu change de lieu, car il est nécessairement présent partout, puisqu'il ( Jr 23,23 ) remplit tout de son immensité; mais il paraît s'éloigner de sa vigne pour laisser aux vignerons toute liberté dans leur travail.
Ils les battirent de verges comme Jérémie ( Jr 27 ), les tuèrent comme Isaïe, les lapidèrent comme Naboth ( 1R 21,13-15 ) et comme Zacharie, qu'ils immolèrent entre le temple et l'autel ( Mt 23,35 ).
Il leur présente la même vérité sous des paraboles diverses, et ceux qu'il vient d'appeler laboureurs et vignerons, il les présente comme des a rchitectes et des maçons.
Cette parole: «ils auront quelque res pect» ne veut pas dire que le père de famille était dans l'ignorance de ce qui devait arriver; car que peut-il ignorer lui qui n'est autre que Dieu lui-même? Si donc Dieu nous est représenté comme sujet au doute, c'est pour sauvegarder la libre volonté de l'homme.
Interrogeons ici Arius et Eunomius: Vous le voyez, leur dirons-nous, on dit du Père qu'il ne sait pas. Tout ce qu'ils pourront répondre en faveur du Père, qu'ils l'appliquent donc au Fils, qui a déclaré ne pas sa voir le dernier jour.
Le Seigneur leur fait cette question, non qu'il ignore ce qu'ils doivent y répondre, mais pour qu'ils trouvent leur condamnation dans leur propre réponse. Ils lui dirent donc: «Il fera périr misérablement ces méchants», etc.
Celui qui est pécheur, mais qui croit en Jésus-Christ, tombe il est vrai, sur cette pierre et s'y brise, sans toutefois être entièrement réduit en poudre, car la patience de Dieu lui réserve des occa sions de salut. Mais celui sur lequel tombera, c'est-à-dire sur lequel viendra fondre cette pierre, et qui aura tout à fait renié Jésus-Christ, elle le réduira tellement en poudre, qu'il ne restera pas le moindre fragment avec lequel il soit possible de puiser une goutte d'eau ( Is 30,14 ).
Saint Marc ne donne pas cette réponse comme venant des Juifs ( Mc 12,9 ), mais comme une suite du discours du Seigneur, et comme s'il avait répondu lui-même à la question qu'il avait faite. Mais il est facile de lever cette difficulté en disant que leur réponse suivit de si près la question, que l'Évangéliste n'a pas cru devoir la faire précéder de ces mots: «Ils répondirent», laissant au lecteur le soin de les suppléer; ou bien que cette réponse a été attribuée au Seigneur, parce qu'étant conforme à la vérité, c'est lui qui, étant la vérité même, a parlé par leur bouche.
Mais une difficulté plus sérieuse, c'est que, d'après saint Luc, non-seulement les Juifs n'ont pas fait cette réponse, mais qu'ils en ont donné une toute contraire; car voici comment cet Évangéliste s'exprime: «Ce qu'ayant entendu, c'est-à-dire cette sen tence tombée des lèvres du Sauveur, ils dirent: A Dieu ne plaise». Or, on peut lever cette ap parente contradiction en disant que parmi le peuple qui l'écoutait, quelques-uns firent la ré ponse rapportée par saint Matthieu, et d'autres celle de saint Luc: «A Dieu ne plaise».Et on ne doit pas se laisser ébranler par cette circonstance que saint Matthieu raconte que les princes des prêtres et les anciens du peuple s'approchèrent du Sauveur, et continue sa narration jus qu'à la parabole de la vigne louée aux vignerons sans faire paraître d'autres interlocuteurs. Car on peut très-bien supposer que tout ce discours s'adressait a ux princes des prêtres, mais que saint Matthieu, pour abréger, a omis ce que rapporte saint Luc, c'est-à-dire que la parabole de la vigne fut exposée non-seulement devant ceux qui avaient interrogé Jésus sur son autorité, mais encore en présence du peuple, et c'est parmi le peuple qu'il s'en est trouvé pour faire cette réponse: «Il les fera périr, et il donnera sa vigne à d'autres». Saint Marc attribue cette réponse au Seigneur lui-même, à cause de la vérité qu'elle renferme, ou par suite de l'union des membres avec leur chef, union qui en fait un seul corps. Mais il y en eut aussi qui, entendant cette réponse, s'écrièrent: «A Dieu ne plaise», parce qu'ils comprenaient que cette parabole était dirigée contre eux.
Ou bien, ceux qui tomberont sur cette pierre sont ceux qui l'accablent actuellement de mépris et d'outrages; ils ne périssent pas sans res source; mais ils sont cependant brisés, et ne marchent plus dans les sentiers de la justice; ceux, au contraire, sur lesquels tombera cette pierre, la verront fondre sur eux du haut du ciel au jour du jugement avec des châtiments sans retour; c'est pour cela qu'il ajoute: «Elle les écrase ra».Car les impies seront comme la poussière que le vent disperse de dessus la face de la terre.
C'est avec raison qu'il dit: «Le temps des fruits»,et non le temps de recueillir les pro duits de cette vigne, car un peuple rebelle et opiniâtre ne produit aucun fruit.
Mais c'est justement parce qu'ils l'ont rejeté qu'il devint cette pierre angulaire qui affermit le sommet de l'angle, parce qu'il réunit dans une même foi ceux qu'il avait choisis dans les deux peuples, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Elle est devenue la principale pierre de l'angle».
Cet aveu qu'ils font en disant: «Voici l'héritier»,nous prouve clairement que ce n'est point par ignorance, mais par jalousie, que les princes des prêtres ont crucifié Jésus-Christ. Ils comprirent qu'il était celui à qui Dieu a dit par son prophète: «Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage».L'héritage du Fils est, en effet, la sainte Église formée de toutes les nations, héritage que le Père ne lui a pas laissé en mourant, mais qu'il a conquis lui-même d'une manière admirable par sa mort.
Ou bien les Juifs cherchaient à lui enlever son héritage après l'avoir mis à mort, en s'efforçant d'éteindre la foi dont il est l'auteur, de lui substi tuer leur justice, qui vient de la loi, et d'en semer les germes dans le coeur des Gentils qu'ils voulaient former eux-mêmes.
Dans le sens moral, le Seigneur loue à chacun de nous sa vigne pour la cultiver lorsqu'il nous donne le baptême pour que nous lui fassions produire des fruits de justice. Il envoie un serviteur, puis un second et un troisième lorsqu'on nous lit la loi, les psaumes et les prophéties, pour nous exhorter à faire le bien. Mais nous frappons, et nous chassons ces envoyés lorsque nous méprisons ou, ce qui est plus grave encore, lorsque nous blasphémons la parole de Dieu. Tout chrétien, autant qu'il est en lui, met à mort l'héritier lorsqu'il foule aux pieds le Fils de Dieu et fait outrage à l'esprit de grâce. Après le châtiment du premier vigneron, la vigne est louée à un autre, ce qui arrive lorsque l'âme qui est humble reçoit le don de la grâce que le superbe a méprisé.
2215. [Le Seigneur] présente une double peine : CELUI QUI ACHOPPERA SUR CETTE PIERRE S’Y FRACASSERA. Jérôme en donne l’interprétation suivante : celui qui achoppe sur la pierre qui est le Christ, est celui qui reçoit de lui, c’est-à-dire du Christ, la foi, mais il achoppe par le péché qui est contre [le Christ]. Ce sont donc les pécheurs qui tombent, parce qu’ils n’ont pas la charité. ET CELUI SUR QUI ELLE TOMBERA, ELLE L’ÉCRASERA. Car le Christ tombe sur les infidèles. La différence est celle-ci : lorsqu’un vase tombe sur la pierre, le vase n’est pas fracassé à cause de la pierre, mais à cause du mode de la chute, selon qu’elle tombe de plus haut ; mais lorsque la pierre tombe sur le vase, elle le brise selon la grosseur de la pierre. Ainsi l’homme, lorsqu’il tombe sur la pierre [qui est] le Christ, se fracasse selon la grandeur du péché ; mais lorsqu’il devient infidèle, il est totalement brisé. Ou bien, quelqu’un achoppe sur la pierre lorsqu’il pèche délibérément ; mais la pierre tombe sur lui lorsque le Christ le punit, car il est alors entièrement réduit en miettes. Ps 17, 43 : Je les disperserai comme la poussière dans le vent.
Côté positif du châtiment des Juifs, exprimé sous l’image de la pierre angulaire
qu’ils ont si criminellement repoussée. Jésus reprend ainsi le langage figuré qu’il avait en partie abandonné
au v. 43. - Celui qui tombera... On tombe sur cette pierre quand on offense volontairement le Christ. On se
précipite sur lui pour le renverser et le détruire, mais les agresseurs se brisent infailliblement contre ce bloc
inébranlable. C’est ce qui arrivera aux Juifs déicides. - Celui sur qui elle tombera. Même pensée répétée avec
une nuance et d’une manière plus énergique ; car si un vase fragile ne manque pas d’être brisé quand on le
heurte contre une pierre, il est littéralement réduit en poussière, anéanti, quand cette pierre vient à rouler d’en
haut sur lui. La pierre fameuse de la vision de Daniel, 2, 34-35, avait pulvérisé de la sorte la statue qui
représentait les royaumes impies hostiles à celui du Christ ; les ennemis de Jésus ou de son Église, quel que
soit leur nom, n’auront pas une autre destinée : ils seront écrasés par la pierre angulaire.