Matthieu 21, 5
Dites à la fille de Sion : Voici ton roi qui vient vers toi, plein de douceur, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme.
Dites à la fille de Sion : Voici ton roi qui vient vers toi, plein de douceur, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme.
2154. DITES À LA FILLE DE SION, etc. Annoncez à la fille de Sion : ainsi s’appelle le peuple de Jérusalem qui est aux pieds de la montagne de Sion. Cela signifie aussi l’Église entière, car Sion veut dire «lieu élevé». Annoncez ses exploits parmi les nations, Ps 9, 12. Sa dignité est annoncée à l’avance : VOICI QUE TON ROI. Ces Juifs avaient longtemps supporté des tyrans ; ils attendaient donc un roi, comme il est dit en Jr 23, 5 : Un roi régnera et il sera sage. Et il présente quatre traits qui mettent en lumière la dignité du roi et, ensuite, les quatre traits qui se trouvent chez les tyrans. Premièrement, l’affinité, car l’homme est plus affecté par ceux qui lui sont plus unis. Dt 17, 15 : Tu ne pourras établir un roi sur toi que s’il est ton frère. Il dit donc : VOICI QUE TON ROI, c’est-à-dire qu’il est de ta race. Mais parfois les rois se transforment en tyrans parce qu’ils recherchent leur propre bien, ce qui est opposé au comportement du roi. Il dit donc : IL VIENT À TOI, à savoir, pour ton bien. Ha 3, 13 : Tu es allé vers le salut avec ton Christ. DOUX : la douceur appartient au roi, car l’infliction d’une peine relève de la férocité. Pr 20, 28 : La miséricorde et la justice garderont le roi. Ainsi David fut-il aimé du peuple parce qu’il était doux. De même, l’humilité est nécessaire, car le Seigneur rejette les orgueilleux ; c’est pourquoi il dit : ASSIS SUR UNE ÂNESSE. Plus haut, 9, 29 : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur.
Dites à la fille de Sion. Ces premiers mots
du texte ne sont nullement de Zacharie : ils sont d’Isaïe, 62, 11, auquel l’évangéliste, qui cite de mémoire, les
emprunte peut-être à son insu. Du reste la prophétie de Zacharie s’ouvrait aussi par une petite introduction du
même genre : « Exulte fille de Sion. Jubile, fille de Jérusalem. Voici ton roi etc... ». Le changement est sans
importance, et s’explique sans peine par la ressemblance des expressions. Sion est la plus haute des collines
sur lesquelles Jérusalem était bâtie : la fille de Sion est donc, par correspondance entre terme propre et terme
figuré, la capitale juive elle-même. Les villes sont fréquemment appelées en Orient les filles des localités sur
lesquelles elles s’élèvent. On peut dire aussi que le mot fille désigne ici d’une manière collective tous les
habitants de Jérusalem, représentés sous la figure d’une vierge. - Voici : cette particule attire l’attention ; elle
annonce un fait remarquable, important. - Ton roi, le roi par excellence et en même temps le roi de
Jérusalem. Il lui appartient en tant qu’elle est la métropole du royaume messianique, en tant qu’il lui a été
spécialement promis. - Tient à toi. Nouvelle emphase dans le pronom : il est à toi et c’est pour toi qu’il vient,
car tu es la résidence qu’il s’est choisie et dont il veut prendre possession. - Dans cette entrée du Messie-Roi
tout annonce la paix. Le prophète a soin de relever par deux circonstances particulières ce côté pacifique du
triomphe du Christ. 1° Son caractère est la bonté même, il est plein de douceur : il se présente pour sauver,
non pour détruire ; la justice l’accompagne : loin de lui les violentes conquêtes ! C’est ce que dit le texte
complet de Zacharie : « Il vient à toi en homme juste et en sauveur ; et il est pauvre ». Le mot que S. Jérôme
traduit par « pauvre », a plutôt dans ce passage la signification de « doux ». Comme on le voit par plusieurs
anciennes versions (70, chald, etc.) auxquelles s’est conformé S. Matthieu, et par les interprétations des
commentateurs juifs. 2° La monture du Christ n’a rien de commun avec des intentions belliqueuses, monté
sur une ânesse... « Il ne fera point cette entrée monté sur un char magnifique comme les rois, il n’imposera
point de tributs, il, n’exigera point d’impôts, il ne sera point fier et superbe. Il ne se fera point craindre par le
grand nombre de gardes qui l’accompagnent; mais il témoignera en toute chose une douceur et une humilité
toute divine. Qu’on demande aux juifs quel autre roi que Jésus est jamais entré dans Jérusalem monté sur un
âne? », S. Jean Chrysost. Hom. 66 in Matth. Le nom hébreu et son équivalant grec étant des deux genres, il
serait possible, d’après un assez grand nombre d’interprètes, que les mots suivants, et sur l’ânon de celle qui
porte le joug, fussent des expressions synonymes de « ânesse », de sorte que nous aurions, dans le texte
primitif de la prophétie, trois locutions parallèles pour désigner un seul et même animal. Dans ce cas, la
préposition « et » devrait se traduire par « évidemment, bien entendu », car elle serait explicative et point
copulative, ainsi que s’expriment les grammairiens dans leur étrange langage. En faveur de ce sentiment, on
allègue d’une part le parallélisme poétique des Hébreux, d’autre part les trois autres évangélistes qui ne font
mention que de l’ânon. Mais ne ressort-il pas au contraire de l’ordre même donné par Notre-Seigneur
Jésus-Christ, v. 2, dans l’intention d’accomplir la prophétie, et de l’exécution de cet ordre, v. 7, que
l’Esprit-Saint, en inspirant Zacharie, avait deux animaux en vue ? Pourquoi Jésus aurait-il expressément
commandé qu’on lui amenât l’ânon et sa mère, pourquoi S. Matthieu eût-il ajouté qu’il agissait ainsi pour
réaliser une ancienne prédiction, si cette prédiction n’eût parlé que d’un seul animal ? - Fils de celle qui
porte le joug. Les Orientaux accumulent volontiers les synonymes, comme on le voit par un exemple
analogue extrait du Targum « sur le petit du lion, fils de la lionne ». Le mot « qui porte le joug » (subjugalis)
est un peu obscur : c’est une traduction littérale du substantif grec que S. Matthieu a emprunté à la version
d’Alexandrie, où il est employé plus de vingt fois comme synonyme. Il désigne en général toutes les bêtes de
somme. L’hébreu dit simplement : « fils des ânesses ». Telle est donc la monture du Christ-Sauveur faisant
son entrée solennelle à Jérusalem. Les Juifs l’ont prise pour le thème des légendes les plus ridicules, qu’on
trouve fidèlement consignées dans le Talmud. Tantôt c’est le roi Sapor promettant d’envoyer au Messie un
noble coursier pour remplacer ce vil équipage, et recevant d’un rabbin cette fière réponse : Vous n’avez pas
de cheval aux cent taches, semblable à l’âne du Christ. Tantôt c’est la généalogie de cet âne, prouvant qu’il
remonte en droite ligne à ceux de Moïse et d’Abraham, etc. ; Voir Lightfoot, Wetstein in h.l. Un rabbin du
moyen âge, Emmanuel Ben-Salomo, lancé en plein dans le rationalisme, montre d’une manière tout opposée
combien il avait perdu l’esprit théocratique, quand il ose, dans un de ses sonnets célèbres, parler au Messie dans les termes suivants : « Si tu ne peux faire ton apparition que sur une monture si misérable, je te
conseille d’abandonner plutôt complètement l’œuvre de la Rédemption » ; Cf. A. Geiger, Allg. Einleitung in
die Wissenschaft des Judenthums, p. 132 et 214. - Les Saints Pères se livrent volontiers, lorsqu'ils étudient ce
passage du prophète Zacharie, à de touchantes considérations allégoriques : « On peut encore y voir une
figure de la spéculation et de la pratique, de la science et des œuvres. Cette ânesse qui avait été domptée et
qui portait le joug, représente la synagogue qui avait porté le joug de la loi, et le petit de l’ânesse, le peuple
des Gentils fougueux et indompté ; car, dans le plan de Dieu, la Judée fut la mère des nations », S. Jérôme in
h. l. ; de même s. Justin, Origène, S. Cyrille et plus tard S. Thomas d'Aquin et S. Bonaventure.
Cette citation paraît être empruntée d’Isaïe et de Zacharie, mais surtout de ce dernier. Nous devons faire observer que l’évangéliste donne le sens du texte, sans en rapporter les propres termes.