Matthieu 22, 16

Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens.

Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens.
Saint Thomas d'Aquin
2244. Les agents sont décrits lorsque [Matthieu] dit : ET ILS LUI ENVOIENT LEURS DISCIPLES ACCOMPAGNÉS DES HÉRODIENS. Mais pourquoi n’y sont-ils pas allés [eux-mêmes] ? La raison est qu’ils voulaient l’interroger par ruse. S’ils y étaient allés, il n’y aurait donc pas eu ruse. Mais ceux [qui y allèrent] étaient leurs disciples. Si 10, 2 : Tel est le gouvernant, tels ses subordonnés.

AVEC DES HÉRODIENS. Qui sont ces Hérodiens ? Selon ce qui est abordé en Luc, la Judée est devenue tributaire des Romains sous Hérode. Ce fils d’Antipater, un étranger, avait été établi roi par les Romains ; il voulut donc forcer les Juifs à payer le cens aux Romains. Les Hérodiens, c’est-à-dire les agents assignés à collecter ce qui avait été instauré par Hérode. Mais celui-ci était déjà mort et il avait laissé trois fils. L’un [s’appelait] Hérode (c’est de celui-ci qu’il est question ici), dont il est dit, en Lc 22, qu’il fut aussi présent lors de la mort du Seigneur. Il était donc facile pour ses serviteurs de se joindre aux autres.

2245. Mais pourquoi y allèrent-ils avec les Hérodiens ? Une raison est que les Hérodiens étaient des partisans de l’empereur. Les disciples des Pharisiens les amenèrent donc avec eux, de sorte que si [Jésus] disait que le tribut devait être acquitté, ils l’accuseraient auprès des Pharisiens ; mais s’il disait qu’[il ne devait pas l’être], alors les Hérodiens s’empareraient de lui. De même, ceux-ci n’étaient pas connus ; ils croyaient donc que [Jésus] ne s’en apercevrait pas. Ils allaient ainsi à l’encontre de Ps 25[26], 4 : Je ne me suis pas assis avec le fourbe, je n’entrerai pas chez l’hypocrite. Autre interprétation : lorsque la Judée était devenue tributaire des Romains, ils étaient divisés, car certains disaient que le peuple voué à Dieu ne devait pas payer le tribut à un homme ; mais d’autres disaient que, parce qu’il travaillait à la paix universelle, tous devaient payer le tribut à César. Ainsi, ceux qui disaient que le tribut devait être payé à César s’appelaient les Hérodiens.

2246. Une fois les agents présentés, la question est présentée. Premièrement, on flatte [Jésus] ; deuxièmement, on l’interroge, en cet endroit : DONNE-NOUS TON AVIS [22, 17].

Les hommes mauvais commencent par la flatterie. Ils ont de bonnes paroles, mais le mal est dans leurs cœurs, Ps 23[24], 3. En premier lieu, ils font l’éloge de [sa] personne ; en second lieu, de [son] enseignement ; en troisième lieu, de [sa] constance.

2247. Ils font l’éloge de sa personne en raison de son autorité et de sa puissance. En raison de son autorité, lorsqu’ils disent : MAÎTRE. Et ils mentent dans leurs cœurs, car ils ne le considéraient pas comme un maître, mais comme un séducteur, comme on le trouve plus loin, 27, 63 : Nous nous sommes rappelé que ce séducteur a dit qu’il ressusciterait le troisième jour, etc. Toutefois il était véritablement un maître, comme [on le lit] plus loin : Vous n’avez qu’un maître, etc. [23, 8]. De même, NOUS SAVONS QUE TU ES VÉRIDIQUE. Celui-là est véridique qui dit la vérité, et cela est propre à Dieu et à celui qui est associé à Dieu. Ps 115[116], 11 : J’ai dit dans mon débordement : «Tout homme est menteur.» Rm 3, 4 : Dieu est véridique, mais tout homme est menteur. Or, le Christ est associé à Dieu par union. Il est donc véridique.

2248. On fait ainsi son éloge en raison de son autorité. Ensuite, on le fait en raison de sa puissance : ET TU ENSEIGNES LA VOIE DE DIEU EN VÉRITÉ. Premièrement, [celui qui enseigne la vérité] doit savoir ce qu’il enseigne. Sg 7, 13 : [La sagesse] que j’ai enseignée sans tromperie et que je transmets sans envie. De même, certains enseignent, mais ce qui n’est pas utile. Or, celui-ci enseigne ce qui est utile, à savoir, le chemin de Dieu. Is 48, 17 : Moi, je suis ton Dieu qui t’enseigne ce qui est utile. De même, certains enseignent ce qui concerne Dieu, mais non pas en vérité, car ils sont hérétiques. Or, celui-ci enseigne en vérité. [Il est question] de cela en Ps 24[25], 4 : Seigneur, montre-moi ta route et enseigne-moi tes sentiers. Conduis-moi dans ta vérité, etc.

2249. De même, ils font l’éloge de sa constance. Ils disent ainsi : «TU NE TE PRÉOCCUPES DE PERSONNE, tu n’omets pas de dire ce que tu dois dire ou faire par crainte de quelqu’un.» Is 51, 12 : Qui es-tu pour craindre un homme mortel ? Et pourquoi ? CAR TU NE TIENS PAS COMPTE DU RANG DES PERSONNES, à savoir, à l’encontre de Dieu. Celui-là tient compte du rang des personnes qui, en raison d’un individu, s’abstient de dire la vérité qu’il doit dire. Dt 1, 17 : Vous ne ferez acception de personne. Et voyez comme ils sont mauvais. La question comportait deux membres : ne pas acquitter [le tribut] concernait l’honneur de Dieu ; l’acquitter, la faveur des hommes. Ils voulaient donc qu’il recherche la faveur de Dieu et enseigne le chemin du Seigneur. S’il répondait [qu’il ne fallait pas acquitter le tribut], ce qu’ils souhaitaient, il aurait aussitôt été saisi par les Hérodiens.
Louis-Claude Fillion
Leurs disciples. Tout d’abord, ils ne se présentent pas eux-mêmes ; mais ils députent auprès de Jésus plusieurs de leurs disciples, c’est-à-dire quelques-uns de ces étudiants qui suivaient alors à l’université célèbre de Jérusalem les cours de Gamaliel et de plusieurs autres Pharisiens distingués. C’était une habile tactique : interrogé par les Rabbins eux-mêmes, Jésus, reconnaissant en eux ses ennemis invétérés, aurait pu se tenir sur ses gardes ; il sera au contraire sans défiance en face de jeunes Talmidim, (nom donné aux étudiants dans la langue juive) qui viendront lui poser respectueusement un cas de conscience et faire appel à ses lumières. Saul, le futur S. Paul, qui se distinguait déjà par son fanatisme religieux et qui faisait alors ses cours à Jérusalem, faisait peut- être partie de cette députation. - Avec les Hérodiens. Qu’étaient ces Hérodiens qui accompagnent les disciples des Pharisiens auprès de Notre-Seigneur ? Il est assez difficile de le déterminer. Leur nom indique toutefois infailliblement qu’ils tenaient aux Hérodes de quelque manière (comparez les mots « Pompeiani, Cæsariani, Mariani », par lesquels on désignait à Rome les partisans de Pompée, de César, de Marius). Il est probable que ce n’étaient pas de simples courtisans, mais plutôt des hommes influents qui s’associaient à la politique romaine de la famille royale, dans la pensée qu’il n’y avait pas d’autre moyen de préserver l’existence déjà si précaire de l’état juif. Bien qu’ils fussent d’ordinaire en lutte avec les Pharisiens, qui abhorraient le joug de Rome et la famille d’Hérode, ils ne craignent pas de se coaliser avec eux contre Jésus, l’ennemi commun. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’avait lieu cette ligue impie. Cf. Marc. 3, 6 et l’explication. Nous comprendrons mieux tout à l’heure le motif spécial de leur concours dans la circonstance actuelle. - Maître ; ils dirent en hébreu « Rabbi », traitant en apparence Jésus-Christ comme l’un de leurs maîtres. Du reste, tout leur prélude vise à attirer la bienveillance du Seigneur : les disciples ne le cèdent en rien à leurs Docteurs en fait d’hypocrisie. « Ils commencent par la flatterie, dit Bossuet, car c’est par là que l’on commence toujours lorsqu’on veut tromper quelqu’un ». Ils relèvent donc avec affectation : 1° la parfaite orthodoxie de l’enseignement de Jésus, vous enseignez la voie de Dieu... La voie de Dieu c’est l’ensemble des préceptes voulus par lui et que l’homme doit suivre comme on suit un grand chemin ; 2° l’indépendance bien connue de celui qu’ils consultent : sans vous inquiéter de personne... ; il ne s’inquiète pas des hommes, de leurs faveurs, de leur disgrâce, du qu’en dira-t-on. (L’expression est élégante et classique) ; 3° son impartialité : vous ne regardez pas la condition des hommes... ; c’est l’hébraïsme si fréquent, favoriser quelqu’un aux dépens d’un autre.
Fulcran Vigouroux
Par les hérodiens dont il est ici question, les uns entendent les membres d’une secte de ce nom, les autres de simples partisans d’Hérode qui étaient, comme la secte elle-même, pour les Romains, et par conséquent opposés aux pharisiens ; de sorte que, de quelque manière que le Sauveur répondit, il ne pouvait manquer d’être accusé par l’un ou l’autre parti. Mais il sut éluder leur demande et éviter ainsi le piège qu’ils lui tendaient. ― La face des hommes ; c’est-à-dire leur qualité, leur condition. Le sens de ce passage est que le Sauveur ne faisait acception de personne. ― Les hérodiens ou partisans des Hérodes étaient probablement un parti surtout politique, qui considérait la famille d’Hérode comme le meilleur appui des Juifs contre l’absorption totale de leur pays dans l’empire romain, mais qui cherchait en même temps à établir une sorte de compromis entre le judaïsme et le paganisme, et avait par suite peu de zèle pour l’observation de la loi.