Matthieu 22, 23

Ce jour-là, des sadducéens – ceux qui affirment qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent :

Ce jour-là, des sadducéens – ceux qui affirment qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent :
Saint Thomas d'Aquin
2256. CE JOUR-LÀ. Ici est présentée la deuxième interrogation, et [Matthieu] fait trois choses : premièrement, l’interrogation est présentée ; deuxièmement, la réponse ; troisièmement, l’effet. Le second point [se trouve] en cet endroit : JÉSUS LEUR RÉPONDIT, etc. [22, 29] ; le troisième, en cet endroit : ET LES FOULES QUI AVAIENT ENTENDU ÉTAIENT ÉTONNÉES [22, 33].

À propos du premier point, les dispositions et la condition de ceux qui interrogent sont d’abord présentées ; en second lieu, l’interrogation.

2257. [Matthieu] dit donc : CE JOUR-LÀ. Et pourquoi : CE JOUR-LÀ ? La question n’est pas oiseuse, car, voyant [les Pharisiens et les Hérodiens] confondus, ce n’est pas sans présomption qu’ils l’interrogèrent. Mais, selon Chrysostome, ils s’étaient rappelé qu’ils l’avaient entrepris en parole et tous voulaient l’honneur de la victoire. C’est pourquoi, ceux-là confondus, ceux-ci voulurent s’approcher. Jb 19, 12 : Et des brigands se sont approchés et ils se sont ouvert un chemin vers moi. En effet, il y avait deux sectes : les Pharisiens, c’est-à-dire les séparés, et les Sadducéens, c’est-à-dire les justes. Ceux-ci avaient des positions erronées, car ils n’accueillaient pas les prophéties et ne croyaient pas à la résurrection. Ils croyaient aussi qu’avec la mort du corps, tout l’homme mourait. C’est ce que [Matthieu] dit : QUI DISENT QU’IL N’Y A PAS DE RÉSURRECTION.
Louis-Claude Fillion
Ce même jour, c’est-à-dire le surlendemain de l’entrée triomphale, Cf. Marc. 11, 11, 12, 20, 27 ; 12, 18, par conséquent le mardi saint. Bossuet, Méditations, Dern. semaine, 40è jour, l’appelle « le jour des interrogations » ; mais c’est aussi, ajoute-t-il, « le jour des résolutions les plus admirables que la sagesse incarnée ait données aux hommes ». - Les Sadducéens : nous avons déterminé autrefois, note du chap. 3, v. 7, le caractère général de cette secte, qui n’était guère moins célèbre alors que celle des Pharisiens. L’évangéliste fait ici au sujet des Sadducéens une déclaration bien surprenante : qui disent qu'il n'y a pas de résurrection. Comment des Juifs, et des Juifs qui appartenaient en grand nombre à la race sacerdotale et lévitique, pouvaient-ils nier un dogme si important de la religion judaïque ? Mais le fait de cette négation est aussi avéré que possible. Non seulement les deux autres synoptiques l’attestent comme S. Matthieu, Cf. Marc. 12, 18 ; Luc. 20, 27, non seulement le livre des Actes le mentionne à son tour, Cf. 23, 6 et suiv., et rattache au matérialisme sadducéen l’une des scènes les plus intéressantes de la vie de S. Paul ; mais des écrits exclusivement juifs le confirment dans les termes les plus expressifs. « Les Pharisiens, dit l’historien Josèphe, Ant. 18, 1, 3-4, croient que les âmes possèdent une force immortelle et qu’il y a des récompenses ou des châtiments pour ceux qui, pendant leur vie, ont pratiqué la vertu ou le vice... Les Sadducéens au contraire sont d’avis que l’âme disparaît avec le corps ». Dans le traité Aboth de de Rabbi Nathan, c. 5 ; Cf. Geiger, Usrschrift, p. 105, nous lisons le trait suivant qui est un vivant commentaire du passage de Josèphe : « Les Sadducéens se servent toujours de vases en or et en argent ; non pas par fierté, mais en tenant ce propos : C’est comme une tradition entre les Pharisiens de se tourmenter dans cette vie, et cependant ils n’auront rien dans l’autre monde ». Le traité Tanchum, fol. 3, n'est pas moins formel : « Les Sadducéens niaient et disaient : le nuage s’estompe et disparaît. De la même façon, après être descendu dans le sépulcre, on ne revient pas ». Donc, anéantissement de l’âme au moment de la mort, point de vie future, point de résurrection des corps, telles étaient les affirmations hérétiques des Sadducéens. - L'interrogèrent : d’une manière hostile, bien entendu, ainsi qu’il résulte du contexte. Quoique ennemis des Pharisiens, les Sadducéens faisaient cependant cause commune avec eux lorsqu’il s’agissait de ruiner Jésus et sa doctrine ; Cf. 12, 38 ; 16, 1, 6, 11 ; 22, 23, 34 ; Act. 4, 1 ; 5, 17, etc. Néanmoins, leur haine semble avoir connu quelques mesures jusqu’à la Passion du Sauveur.
Catéchisme de l'Église catholique
Bien des actes et des paroles de Jésus ont donc été un " signe de contradiction " (Lc 2, 34) pour les autorités religieuses de Jérusalem, celles que l’Évangile de S. Jean appelle souvent " les Juifs " (cf. Jn 1, 19 ; 2, 18 ; 5, 10 ; 7, 13 ; 9, 22 ; 18, 12 ; 19, 38 ; 20, 19), plus encore que pour le commun du Peuple de Dieu (cf. Jn 7, 48-49). Certes, ses rapports avec les Pharisiens ne furent pas uniquement polémiques. Ce sont des Pharisiens qui le préviennent du danger qu’il court (cf. Lc 13, 31). Jésus loue certains d’entre eux comme le scribe de Mc 12, 34 et il mange à plusieurs reprises chez des Pharisiens (cf. Lc 7, 36 ; 14, 1). Jésus confirme des doctrines partagées par cette élite religieuse du Peuple de Dieu : la résurrection des morts (cf. Mt 22, 23-34 ; Lc 20, 39), les formes de piété (aumône, jeûne et prière, cf. Mt 6, 18) et l’habitude de s’adresser à Dieu comme Père, le caractère central du commandement de l’amour de Dieu et du prochain (cf. Mc 12, 28-34).

Jésus est apparu aux yeux des Juifs et de leurs chefs spirituels comme un " rabbi " (cf. Jn 11, 38 ; 3, 2 ; Mt 22, 23-24. 34-36). Il a souvent argumenté dans le cadre de l’interprétation rabbinique de la Loi (cf. Mt 12, 5 ; 9, 12 ; Mc 2, 23– 27 ; Lc 6, 6-9 ; Jn 7, 22-23). Mais en même temps, Jésus ne pouvait que heurter les docteurs de la Loi car il ne se contentait pas de proposer son interprétation parmi les leurs, " il enseignait comme quelqu’un qui a autorité et non pas comme les scribes " (Mt 7, 28-29). En lui, c’est la même Parole de Dieu qui avait retenti au Sinaï pour donner à Moïse la Loi écrite qui se fait entendre de nouveau sur la Montagne des Béatitudes (cf. Mt 5, 1). Elle n’abolit pas la Loi mais l’accomplit en fournissant de manière divine son interprétation ultime : " Vous avez appris qu’il a été dit aux ancêtres (...) moi je vous dis " (Mt 5, 33-34). Avec cette même autorité divine, il désavoue certaines " traditions humaines " (Mc 7, 8) des Pharisiens qui " annulent la Parole de Dieu " (Mc 7, 13).