Matthieu 23, 13

Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez à clé le royaume des Cieux devant les hommes ; vous-mêmes, en effet, n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer !

Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez à clé le royaume des Cieux devant les hommes ; vous-mêmes, en effet, n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer !
Origène
Jésus-Christ, comme le vrai Fils de Dieu qui avait donné la loi, pour imiter les bénédictions qui terminent la publication de la loi, a proclamé aussi les béa titudes de ceux qui parviennent au salut; de même ici, pour imiter les malédictions qui se trouvent également dans la loi, il prononce des malédictions contre les pécheurs (cf. Dt 28,3-6 ): «Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites !»Que ceux qui sont obligés d'avouer que ces malédictions prononcées ici contre les pécheurs sont un effet de la bonté de Dieu, comprennent que les malédictions de la loi n'ont point d'autre cause. Ce n'est pas celui qui prédit ces malheurs qui fait que les pécheurs les encourent; mais ce sont leurs péchés qui les rendent dignes des châtiments que Dieu leur prédit pour les ramener au bien. C'est ainsi qu'un père qui reprend son fils a souvent des paroles de malédiction à la bouche, non qu'il dé sire que son fils s'en rende digne par ses vices, mais parce qu'il veut au contraire les détourner de dessus sa tête. Or, Notre-Seigneur donne la raison de cette malédiction: «Parce que vous fermez le royaume des cieux»,etc. Ces deux choses sont indissolublement unies, et il suffit, pour être exclu du royaume des cieux, qu'on empêche les autres d'y entrer.

Les pharisiens et les scribes n'entraient donc pas, ni ne voulaient écouter celui qui a dit: «Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé».Et non-seulement ils n'entraient pas, mais ils ne laissaient pas entrer ceux qui auraient pu croire aux prédictions que la loi et les prophètes avaient pu faire sur le Christ, et ils leur fermaient la porte en leur inspirant la plus grande terreur. Non contents de ne pas croire en Jésus-Christ, ils contestaient l'autorité de sa doctrine, dénaturaient le sens des prophéties dont il était l'objet, et blasphémaient toutes ses actions comme l'oeuvre du mensonge et du démon. Or, tous ceux qui, par leur mauvaise conduite, donnent au peuple l'exemple de la transgression, et qui, par leurs scandales, causent aux faibles un tort irréparable, ferment aux hommes le royaume des cieux. Ce péché se ren contre parmi les simples fidèles, mais surtout parmi les d octeurs qui enseignent en toute justice la saine doctrine de l'Évangile, mais qui sont loin de pratiquer ce qu'ils enseignent. Ceux, au contraire, qui prennent soin de conformer leur conduite à leur enseignement, ouvrent aux hommes le royaume des cieux, et en y entrant les premiers ils excitent les autres à y entrer à leur suite. Mais il en est beaucoup qui, tout en voulant entrer dans le royaume des cieux, ne permettent pas aux autres d'y entrer avec eux: ce sont ceux qui, sans raison, et par un senti ment de jalousie, excommunient ceux qui valent mieux qu'eux, et qui, par cette conduite, ne leur permettent pas l'entrée de ce royaume. Mais ceux qui savent contenir leur âme dans la modération, triomphent de cette tyrannie par leur patience, et quoiqu'on les écarte, ils entrent et possèdent l'héritage du royaume. Il n'en est pas moins vrai que ceux qui, par un excès de témérité, se sont donné la mission d'enseigner avant d'avoir appris, et qui se traînent à la suite des fables juives, en décriant ceux qui s'appliquent à découvrir le sens relevé des Écritures, ferment aux hommes, autant qu'il est en eux, la porte du royaume des cieux.
Saint Jean Chrysostome
Le royaume des cieux ce sont les Écritures, qui contiennent la science du royaume des cieux; la porte des cieux c'est l'intelligence qui les fait comprendre. Ou bien, le royaume des cieux c'est le bonheur du ciel; la porte c'est Jésus-Christ, par lequel on entre dans ce bon heur; les portiers ce sont les prêtres, qui ont reçu le pouvoir d'enseigner et d'interpréter les Écritures; la clef c'est la science des Écritures, science qui ouvre aux hommes la porte de la vérité; ouvrir cette porte c'est interpréter les Écritures dans leur sens véritable. Or, remarquez qu'il ne dit pas: Malheur à vous, qui n'ouvrez pas», mais qui fermez». Donc les Écritures ne sont pas fermées, bien qu'elles renferment des obscurités.
Saint Thomas d'Aquin
2315. Après avoir éclairé ses disciples et les foules sur les précautions qu’ils devaient prendre au sujet de l’enseignement des Juifs, ici [le Seigneur] oriente son discours vers les scribes en les rabrouant.

Premièrement, il [les rabroue] à propos de leur simulacre de religion, alors qu’ils sont irréligieux ; deuxièmement, de leur simulacre de pureté, alors qu’ils sont impurs ; troisièmement, de leur simulacre de piété, alors qu’ils sont impies. Le second point [se trouve] en cet endroit : MALHEUR À VOUS, SCRIBES ET PHARISIENS, QUI PURIFIEZ L’EXTÉRIEUR DE LA COUPE, etc. [23, 25]. Le troisième, en cet endroit : MALHEUR À VOUS, QUI BÂTISSEZ LES SÉPULCRES DE PROPHÈTES, etc. [23, 29].

En ce qui concerne la religion, les prêtres doivent faire certaines choses pour le peuple, et inversement. Premièrement, [le Seigneur] présente donc leur malice pour ce qui relève des prêtres ; deuxièmement, pour ce qui relève du peuple, en cet endroit : MALHEUR À CELUI QUI DIT : «SI L’ON JURE, etc.» [23, 16].

2316. Le prêtre doit quelque chose au sujet déjà converti, et quelque chose à celui qui n’est pas converti. À celui qui n’est pas converti, [il doit] de le convertir ; à celui qui est converti, [il doit] l’enseignement. Ml 2, 7 : Les lèvres du prêtre enseignent la sagesse. Il lui doit aussi [ses] prières. He 5, 1 : Tout grand prêtre, pris d’entre les hommes, est établi en faveur des hommes pour leurs relations avec Dieu. [Les scribes] se comportaient mal dans les deux cas. Ainsi, en premier lieu, [le Seigneur] les rabroue-t-il à propos du premier cas ; en second lieu, au sujet du deuxième, en cet endroit : MALHEUR À VOUS QUI DÉVOREZ LES MAISONS DES VEUVES, etc. [23, 14].

2317. Dans tous ces reproches, il montre qu’il est le Fils de Celui qui a donné l’ancienne loi. En Dt 26 et 28, sont formulées des malédictions contre ceux qui ne seront pas demeurés dans la loi, puis sont formulées des bénédictions. Mais parce que [le Seigneur] était venu afin d’abolir les malédictions de la loi, les bénédictions ont donc d’abord été présentées plus haut, là où il est dit : Bienheureux les pauvres, bienheureux les doux, etc. [5, 3s]. Mais, vers la fin de son enseignement, il formule une malédiction. C’est pourquoi ceux qui rabrouent l’ancienne loi parce qu’y apparaissaient des malédictions rabrouent à tort, car il en est [à ce sujet] de l’ancienne loi comme de la nouvelle. En effet, dans la loi, ne sont maudits que ceux qui s’écartaient de la loi. Il en est de même ici. Pr 3, 11 : Ne rejette pas l’enseignement du Seigneur.

2318. Mais que veut-il dire par : VOUS FERMEZ AUX HOMMES LE ROYAUME DES CIEUX ? Le royaume des cieux est la béatitude de la vie éternelle. Plus haut, 5, 20 : À moins que votre justice ne dépasse celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. De même, l’Écriture est appelée un royaume, plus haut, 21, 43 : Le royaume de Dieu vous sera enlevé, c’est-à-dire la compréhension de la Sainte Écriture. Le Christ est la porte des deux royaumes. Jn 10, 9 : Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira, et il trouvera un pâturage. Que signifie donc : FERMER LE ROYAUME, si ce n’est que ceux-ci [le] fermaient par leur mauvais enseignement et leur mauvaise vie ? N’est fermé que ce qui a été ouvert. Les enseignements du Christ sont ouverts, mais ceux-ci les fermaient parce qu’ils les rendaient obscurs. [On lit] en Is 35, 5 : Le Seigneur lui-même viendra et nous sauvera. Alors seront ouverts les yeux des aveugles et seront débouchées les oreilles des sourds. Lorsque le Seigneur faisait ces miracles, cette Écriture était ouverte, mais eux [la] fermaient lorsqu’ils disaient : C’est par Béelzébut qu’il chasse les démons, Lc 11, 15.

2319. De même, ceux-ci [la] fermaient par leur mauvaise vie lorsque, par le mauvais exemple, ils induisaient [les gens] à pécher. Ps 1, 1 : Bienheureux l’homme qui ne se joint pas au conseil des impies, ne se tient pas sur la route des pécheurs et ne s’assoit pas dans la chaire malodorante. Celui-là s’assoit à proprement parler dans la chaire malodorante, qui reçoit la fonction d’enseigner et corrompt le peuple par une mauvaise vie. Le juge fait encore périr un homme par une sentence injuste. Toutefois, c’est en vain qu’il prononce une sentence injuste. En effet, «le pouvoir de lier et de délier a été donné pour construire, et non pour détruire». On peut donc dire à leur sujet : MALHEUR À VOUS… QUI FERMEZ AUX HOMMES LE ROYAUME DES CIEUX !

De même, on ne peut douter que quiconque empêche l’entrée dans le royaume agit mal. Vient donc ensuite : VOUS N’ENTREZ PAS VOUS-MÊMES, ET VOUS NE LAISSEZ PAS ENTRER CEUX QUI LE VOUDRAIENT, c’est-à-dire, [vous ne laissez pas] les autres se convertir. Ainsi, Ml 2, 8 : Vous vous êtes écartés du chemin et en avez scandalisé un grand nombre.
Louis-Claude Fillion
Dans quelques versions et dans les manuscrits E. F. G. H. K. etc., ce verset a changé de place avec le 14è ; mais l’ordre suivi par la Vulgate est le mieux accrédité. - Malheur à vous. La particule « Or » établit une transition entre la première et la seconde partie du discours, en même temps qu’elle introduit la première malédiction. - Parce que vous fermez. Chaque fois qu’il lancera contre les Pharisiens un « Malheur » terrible auquel il leur sera impossible d’échapper, Jésus le motivera par l’indication de quelque faute grave dont ils se rendaient coupables. Ici, il leur reproche tout d’abord de damner ceux qu’ils étaient chargés de conduire au ciel. L’idée est exprimée sous une frappante métaphore. - Le royaume des cieux... Le royaume des cieux ressemble à un palais qui est destiné à recevoir tous les hommes : la porte du palais, c’est la foi en Jésus-Christ. Or, les Scribes ont la clef de cette porte. En croyant eux-mêmes à la mission divine de Jésus, en excitant leurs subordonnés à y croire, ils pourraient ouvrir le royaume des cieux, et telle était le noble rôle que la Providence leur avait départi. Mais ils préfèrent le fermer et pour eux-mêmes et pour les autres. Notons l’expression devant les hommes, c’est-à-dire « aux hommes qui en étaient près », ce qui aggrave la faute des Docteurs. - Vous n'y entrez pas : ils restent volontairement en dehors, à cause de leur incrédulité et à cause de leur corruption morale. - Vous ne laissez pas entrer... C’était là un crime énorme, qui méritait bien d’ouvrir cette longue série de reproches. L’Évangile tout entier nous montre le peuple bien disposé en faveur de Jésus. Il entrait avec empressement dans le royaume messianique et il eût suffi d’un mot prononcé par les Docteurs pour changer cet heureux élan en une foi vive et profonde ; mais ce sont eux au contraire qui ont étouffé les bons sentiments de la foule, eux qui l’ont surexcitée contre le Christ. « mon peuple, faute de connaissance, sera, lui aussi, réduit au silence » Osée 4, 6. Malheur donc, ajoutait-il ensuite, à ceux qui devaient lui procurer la science et qui ne la lui ont pas donnée !