Matthieu 23, 15
Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un seul converti, et quand c’est arrivé, vous faites de lui un homme voué à la géhenne, deux fois pire que vous !
Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un seul converti, et quand c’est arrivé, vous faites de lui un homme voué à la géhenne, deux fois pire que vous !
Or, tous ceux qui font profession de judaïsme depuis la venue du Sauveur, apprennent à partager les sentiments de ceux qui s'écrièrent alors: «Crucifiez-le», c'est pour cela qu'il ajoute: «Et après qu'il est devenu votre prosélyte, vous faites de lui un fils d'enfer deux fois plus que vous».
Ce passage nous apprend qu'il y aura une différence dans les tourments de ceux qui tomberont dans les enfers, puisque l'un est ap pelé simplement fils de l'enfer, et l'autre, fils de l'enfer deux fois plus que lui. Or, il faut consi dérer si l'on ne devient pas fils de l'enfer en général (comme le Juif ou le Gentil), ou en parti culier par les différentes espèces de péchés, de telle sorte, que d'un côté le juste verrait sa gloire s'augmenter en proportion du nombre de ses bonnes oeuvres, et le pécheur ses supplices se multiplier selon la multitude de ses péchés.
Ils parcourent la mer et la terre, c'est-à-dire qu'ils blasphèment en tous lieux l'Évangile de Jésus-Christ en soumettant quelques prosélytes au joug de la loi par opposition à la justification qui vient de la foi. Ces prosélytes étaient ceux qui passaient de l'idolâtrie dans la synagogue, et dont cet unique prosélyte dont parle le Sauveur, représente le petit nombre; car, même après la prédication de Jésus-Christ, leur doctrine n'a pas entièrement perdu son autorité, mais tout homme qui embrasse la foi des Juifs, devient un enfant de l'enfer.
Il devient digne d'une peine deux fois plus grande, et pour n'avoir pas reçu la rémission des pé chés qu'il a commis précédemment, et pour être entré dans la société des persécuteurs de Jésus-Christ.
A ces reproches, le Seigneur en ajoute encore d'autres, il accuse les pharisiens d'être impuissants pour convertir la multitude, puisqu'ils se donnent tant de mal pour convertir un seul homme, et non-seulement d'abandonner, mais de perdre ceux qu'ils ont convertis, en les corrompant par les exemples de leur vie dépravée: «Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites qui parcourez la mer», etc.
Ils ne l'instruisaient pas dans un sentiment de miséricorde ou dans le désir de le sauver, mais c'était par avarice, afin qu'il augmentât le nom bre de ceux qui fréquentaient la synagogue, et par là même le revenu des sacrifices; ou enfin par un motif de vaine gloire. Comment, en effet, celui qui s'enfonce lui-même dans l'abîme du mal, peut-il délivrer un autre de ses péchés? Peut-on avoir plus de miséricorde pour autrui que pour soi-même? C'est donc par ses oeuvres qu'un homme prouve qu'il veut en convertir un autre ou en vue de Dieu, ou par un motif de vanité.
Ou bien encore, peut-être que lorsqu'il suivait le culte des idoles, il pratiquait la justice au moins par respect humain, tandis qu'étant devenu juif, il est entraîné par les exemples de ses maîtres pervers, et devient plus mauvais qu'eux.
En effet, lorsqu'un maître est vertueux, ses disciples imitent ses vertus, mais s'il leur donne l'exemple du mal, ils vont plus loin que lui dans la carrière du vice.
Ou bien, le zèle des pharisiens et des scribes à parcourir toute la terre, avait pour but de faire un prosélyte parmi les Gentils, pour mêler un étranger incirconcis au peuple de Dieu.
Ou bien dans un autre sens, lorsqu'il était païen, son erreur était simple et ordinaire, mais maintenant qu'il voit les moeurs dépravées de ceux qui sont devenus les maîtres, il com prend qu'ils détruisent par leur conduite la force de leurs enseignements, et retourne à ce qu'il avait rejeté, redevient païen et prévaricateur, et digne d'un châtiment plus rigoureux.
Ce pro sélyte est appels fils de l'enfer comme on dit: fils de perdition, fils de ce siècle. Tout homme est appelé fils de celui dont il fait les oeuvres.
Et cela, non parce que les prosélytes recevaient la circoncision, mais parce qu'ils imitaient les moeurs cor rompues de ceux dont le Sauveur avait défendu à ses disciples de suivre les exemples par ces paroles: «Ils sont assis sur la chaire de Moïse»,etc., paroles où nous voyons à la fois d'un côté, l'honneur extraordinaire qu'il rend à la chaire de Moïse, qui forçait pour ainsi dire les docteurs corrompus qui y étaient assis, à enseigner la vérité, et de l'autre, malgré cela, la dam nation du prosélyte qui devenait fils de l'enfer, non pas en obéissant aux enseignements de la loi, mais en imitant la conduite de ceux qui l'instruisaient. Or, il devient fils d'enfer deux fois plus qu'eux, parce qu'il n'observait pas une loi qu'il avait embrassée de son, propre choix.
Les hypocrites, dont la conduite est toujours mauvaise, ne laissent pas d'enseigner une doctrine saine et d'engendrer, par là, des enfants à la foi et à la pratique du bien, mais ils sont incapables de les nourrir par l'exemple d'une vie vertueuse; car plus ils s'identifient eux-mêmes avec les intérêts et les choses de la terre, plus aussi ils laissent tomber par leur négligence ceux qu'ils avaient enfantés dans une vie toute terrestre, et c'est ainsi qu'ayant le coeur endurci, ils ne donnent aux enfants qu'ils ont engendrés, aucune marque de la tendresse qui leur est due.
C'est pour cela que Notre-Seigneur dit ici de ces hypocrites: «Et lorsque vous avez fait un prosélyte, vous en faites un fils de l'enfer».
2323. MALHEUR À VOUS, SCRIBES ET PHARISIENS, QUI PARCOUREZ MERS ET CONTINENTS POUR GAGNER UN SEUL PROSÉLYTE. Ceci s’interprète de deux manières : par référence à l’époque postérieure au Christ et [à l’époque] antérieure au Christ. Si [on se réfère] à l’époque postérieure, [le Seigneur] parle ainsi des choses à venir et présentes. En effet, il a prévu que les Juifs devaient être dispersés à la grandeur du monde et qu’ils chercheraient à convertir à leur loi, en détournant du Christ ceux qu’ils pourraient. On dit donc : QUI PARCOUREZ MERS ET CONTINENTS, etc. On appelle prosélytes ceux qui, parmi les Gentils ou les chrétiens, se convertissent à leur foi, et c’est parce qu’il prévoyait ceux qui se convertiraient à leur foi parmi les chrétiens qu’il dit cela. Et il dit : UN SEUL, parce que très peu se sont [ainsi] convertis. Ils ont donc encouru cette malédiction qu’on trouve en Os 9, 10 : Comme des raisins dans le désert, j’ai trouvé Israël.
2324. ET QUAND IL A ÉTÉ GAGNÉ, c’est-à-dire quand il est devenu juif, VOUS LE RENDEZ DIGNE DE LA GÉHENNE DEUX FOIS PLUS QUE VOUS, car il était d’abord un Gentil, puis [est devenu] par la suite un Juif. Il commet donc des péchés doubles, à savoir ceux des Gentils et ceux des Juifs, puisque, comme Juif, il participe à la mort du Christ. S’il avait été d’abord chrétien, puis par la suite juif, il aurait été deux fois pire, car il aurait souillé le don du Saint-Esprit qu’il avait reçu par les sacrements. De même participe-t-il aux péchés des Juifs. Jn 8, 44 : Vous tenez de votre père, le Diable.
On peut aussi mettre [ce qui est dit] en rapport avec l’époque antérieure au Christ, car, avant le Christ, [les Juifs] en convertissaient un certain nombre à leur foi. Et cela est clair, car chacun s’aime davantage qu’un autre. S’ils en avaient converti en vue du salut de leur âme, ils auraient donc dû s’occuper de leur propre salut, mais ils n’en avaient cure. Ils faisaient tout cela pour collecter, car ils voulaient que les offrandes augmentent. Leur enseignement est donc futile.
2325. ET QUAND IL A ÉTÉ GAGNÉ, VOUS LE RENDEZ DIGNE DE LA GÉHENNE DEUX FOIS PLUS QUE VOUS, car d’abord il s’était converti au judaïsme et avait chuté, puis, par la suite, il s’est converti de nouveau. Ainsi il est dit, 2 P 2, 21 : Mieux vaut ne pas connaître le chemin de la justice que de revenir sur ses pas après l’avoir connu. [On peut aussi l’interpréter] autrement. Avant d’être juif, il s’abstenait du mal, du moins pour être louangé par les hommes, mais, après, non. De sorte que Rm 2, 14 [dit] : En effet, alors que les païens, qui n’ont pas de loi, font naturellement ce qui relève de la loi, tout en n’ayant pas de loi, ils sont une loi pour eux-mêmes. Ils prenaient donc exemple sur les méchants.
2324. ET QUAND IL A ÉTÉ GAGNÉ, c’est-à-dire quand il est devenu juif, VOUS LE RENDEZ DIGNE DE LA GÉHENNE DEUX FOIS PLUS QUE VOUS, car il était d’abord un Gentil, puis [est devenu] par la suite un Juif. Il commet donc des péchés doubles, à savoir ceux des Gentils et ceux des Juifs, puisque, comme Juif, il participe à la mort du Christ. S’il avait été d’abord chrétien, puis par la suite juif, il aurait été deux fois pire, car il aurait souillé le don du Saint-Esprit qu’il avait reçu par les sacrements. De même participe-t-il aux péchés des Juifs. Jn 8, 44 : Vous tenez de votre père, le Diable.
On peut aussi mettre [ce qui est dit] en rapport avec l’époque antérieure au Christ, car, avant le Christ, [les Juifs] en convertissaient un certain nombre à leur foi. Et cela est clair, car chacun s’aime davantage qu’un autre. S’ils en avaient converti en vue du salut de leur âme, ils auraient donc dû s’occuper de leur propre salut, mais ils n’en avaient cure. Ils faisaient tout cela pour collecter, car ils voulaient que les offrandes augmentent. Leur enseignement est donc futile.
2325. ET QUAND IL A ÉTÉ GAGNÉ, VOUS LE RENDEZ DIGNE DE LA GÉHENNE DEUX FOIS PLUS QUE VOUS, car d’abord il s’était converti au judaïsme et avait chuté, puis, par la suite, il s’est converti de nouveau. Ainsi il est dit, 2 P 2, 21 : Mieux vaut ne pas connaître le chemin de la justice que de revenir sur ses pas après l’avoir connu. [On peut aussi l’interpréter] autrement. Avant d’être juif, il s’abstenait du mal, du moins pour être louangé par les hommes, mais, après, non. De sorte que Rm 2, 14 [dit] : En effet, alors que les païens, qui n’ont pas de loi, font naturellement ce qui relève de la loi, tout en n’ayant pas de loi, ils sont une loi pour eux-mêmes. Ils prenaient donc exemple sur les méchants.
Notre-Seigneur Jésus-Christ reproche maintenant aux Scribes
et aux Pharisiens leur prosélytisme de mauvais aloi, dont les païens eux-même se moquaient. Ses premières
paroles, vous parcourez la mer et la terre, décrivent avec ironie le zèle de ses ennemis pour faire des
prosélytes, toute la peine qu’ils se donnaient à cette intention ; Cf. Joseph. Ant. 20, 2, 3. Elles équivalent à
l’expression proverbiale des Latins « omnem lapidem movere » : ne laisser aucune pierre non retournée,
donc ne rien laisser sans avoir essayé de le travailler. Le mot latin « aridam » est calqué sur l’hébreu (le
féminin au lieu du neutre) et représente la terre ; Cf. Gen. 1, 10 ; Agg. 2, 7 ; Jon. 1, 9 : 2, 11 ; etc. César et
d’autres auteurs latins emploient « aridum ». - Les paroles suivantes, pour faire un prosélyte, indiquent le
résultat obtenu par tant de marches et de contre-marches : on finit par faire UN prosélyte ! Puisque les exégètes protestants appliquent le v. 14 aux prêtres catholiques, nous pouvons bien leur rendre la pareille et
jeter, d’après des rapports officiels signés par leur coreligionnaires (voir l’ouvrage de M. Marshall : Les
missions chrétiennes, passim), le v. 15 à la face des missionnaires anglicans, méthodistes, luthériens et
autres, qui obtiennent les mêmes résultats que les Pharisiens, après une même dépense d’efforts et d’argent. -
Le nom de prosélyte vient du grec, « je m’approche », et il servait à désigner les païens convertis au
Judaïsme (en hébreu « qui vient du dehors »). Il y avait deux sortes de prosélytes, les prosélytes de la porte,
et les prosélytes de la justice. Les premiers se bornaient à abjurer le paganisme et à observer les sept
commandements dits de Noé parce que le Seigneur les aurait imposés à ce patriarche (ce sont : la fuite de
l’idolâtrie, du blasphème, du meurtre, de l’impudicité, du vol, la prohibition de se nourrir de sang ou de
viandes étouffées, la loi d’obéissance) ; les autres étaient circoncis et englobés dans le peuple théocratique,
dont ils suivaient toutes les coutumes religieuses et civiles. Comparez l’article Prosélytes dans les
Dictionnaires de Dom Calmet et de Wetzer et Welte. - Après qu'il l'est devenu, scil. « prosélyte ». - Fils de la
géhenne, hébraïsme qui signifie « digne de l’enfer ». - Deux fois pire que vous. Les Hérodes à Jérusalem,
Poppée à Rome, sont de frappants exemples du fait allégué par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le Talmud
même montre par quelques phrases vigoureuses le cas que les Juifs honnêtes faisaient de la plupart des
prosélytes (et des Sodomites auxquels on ne craint pas de les associer) : « Les prosélytes empêchent
l'avènement du Messie. Les prosélytes sont comme la gale d'Israël », Cf. Babyl. Niddah, f. 13, 2. C’était un
dicton populaire qu’aucun homme sensé ne voudrait se fier à un prosélyte, même après 24 générations, Cf.
Jalkuth Ruth, f. 163, 1. Voilà donc à quoi aboutissaient les efforts des Docteurs pour sauver les païens : ils les
rendaient pires qu’eux-mêmes, les scandalisant après les avoir éclairés, de telle sorte qu’un prosélyte ne
tardait pas à présenter un affreux mélange de vices juifs et de vices païens. Rien n’est plus exact que ce triste
trait de psychologie. « Nous sommes par nature plus portés à imiter les vices que les vertus, et en matière de
choses mauvaises le maître est facilement dépassé par son disciple », Maldonat in h. l. Voir sur ce sujet la
savante dissertation de J. Andr. Danz, « Cura Judaeorum in conquirendis proselytis », insérée dans le « Nov.
Testam. Ex Talmude illustratum » de Meuschen, p. 649 et suiv. - Il est inutile de faire observer que Jésus
n’attaque nullement le prosélytisme en général, qui est un acte de zèle, mais les abus qui peuvent s’y
attacher.
Fils de la géhenne ; c’est-à-dire de l’enfer ; hébraïsme, pour digne de l’enfer. Ainsi le sens est : Vous le rendez digne de l’enfer deux fois plus que vous. ― Géhenne. Voir Matthieu, 5, 22. ― Pour faire un prosélyte, un converti du paganisme au judaïsme. Les Rabbins distinguaient deux espèces de prosélytes : les prosélytes de la justice, qui ayant reçu la circoncision, observaient tous les préceptes de la loi mosaïque, et les prosélytes de la porte, non circoncis, mais habitant au milieu des Juifs et observant certains préceptes, les sept appelés noachiques. Ils étaient ainsi nommés sans doute parce que le Pentateuque parle des étrangers qui habitent « dans les portes » ou l’intérieur des villes juives. Voir Exode, 20, 10 ; Deutéronome, 14, 21 ; 24, 14.