Matthieu 23, 24
Guides aveugles ! Vous filtrez le moucheron, et vous avalez le chameau !
Guides aveugles ! Vous filtrez le moucheron, et vous avalez le chameau !
Mais comme il pouvait arriver que quelques-uns, entendant le Sauveur s'exprimer de la sorte, négligeraient de payer la dîme des choses moins importantes, il ajoute avec sagesse: «Et il fallait observer ces choses», c'est-à-dire la justice, la miséricorde, la foi, et ne pas omettre les autres, c'est-à-dire la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin.
Ou bien, ils filtrent le moucheron, c'est-à-dire qu'ils se gardent des moindres fautes que Notre-Seigneur compare à des moucherons, tandis qu'ils avalent le chameau en commettant les plus grands crimes qu'il compare à des chameaux, dont la difformité égale la grandeur. Les scribes, dans le sens moral, sont ceux qui ne veulent voir dans l'Écriture que ce que la lettre seule exprime, tandis que les pharisiens sont ceux qui se justifient eux-mêmes, et se séparent des autres en leur disant: «Ne m'approchez pas, car je suis pur».La menthe, l'aneth et le cumin servent à assaisonner les aliments, mais ne peuvent tenir place des aliments essentiels, et c'est ainsi que dans la vie chré tienne, il est des choses nécessaires pour notre justification, comme la miséricorde, la justice et la foi, tandis qu'il en est d'autres qui sont comme l'assaisonnement de nos actions, et semblent leur donner un goût plus agréable, comme l'éloignement de folles joies du monde, le jeûne, les génuflexions et autres actes semblables. Or, comment ne pas considérer comme aveugles ceux qui ne voient pas? Car que sert d'être comme un économe fidèle dans les petites choses, si on néglige les plus importantes. Les pharisiens trouvent donc leur condamnation dans les paroles du Sauveur qui ne défend pas d'être fidèle aux moindres observances, mais qui nous com mande d'accomplir avec beaucoup plus de soin les points les plus importants de la loi.
C'était assurément une moindre faute d'omettre de payer la dîme d'une herbe quel conque que de manquer à un devoir de charité, aussi le Seigneur leur adresse ce reproche iro nique: «Conducteurs aveugles, qui avez grand soin de passer ce que vous buvez, de peur d'avaler un moucheron».
Le Seigneur avait reproché plus haut aux scribes et aux pharisiens de lier des fardeaux pesants, et de les placé sur les épaules des autres, alors qu'eux-mêmes ne vou laient pas les remuer du bout du doigt, il les accuse ici d'être d'une grande exactitude dans de petites choses, tandis qu'ils ne tenaient aucun compte des points les plus importants de la loi. «Malheur à vous, leur dit-il, scribes et pharisiens hypocrites qui payez la dîme», etc.
Ou bien dans un autre sens, les prêtres, pleins d'avarice, reprenaient sévèrement celui qui avait négligé de payer la dîme des plus petites choses, comme s'il avait commis un grand crime; mais s'il avait fait tort à son prochain, s'il s'était rendu coupable d'offense envers Dieu, ils ne songeaient même pas à lui en faire un reproche, uniquement préoccupés de leurs intérêts et pleins d'indifférence pour la gloire de Dieu et le salut des hommes. Car c'est pour sa gloire que Dieu nous a fait un précepte de la justice, de la miséricorde, de la foi, tandis que la dîme n'a d'autre fin que l'utilité des prêtres, et Dieu l'a établie pour que les prêtres pussent se consacrer au service du peuple dans les choses spirituelles, et que les peuples leur fournissent de quoi subvenir à leurs besoins temporels. Mais il arrive que tous se montrent pleins de sollicitude pour leurs intérêts, tandis que l'honneur de Dieu les trouve tout à fait insensibles; ils défendent leurs droits avec un zèle excessif, mais n'ont pas le moindre souci de rendre à l'Église les services dont ils lui sont redevables. Que le peuple néglige de payer les dîmes, vous les entendez tous murmurer; mais qu'ils soient témoins de prévarication du peuple, pas un seul ne lui en fera le moindre reproche. Toutefois, comme parmi les scribes et les pharisiens il en était qui faisaient partie du peuple, il n'est pas inutile de donner une autre explication qui puisse s'appliquer à ceux qui payaient la dîme; car l'expression décimer signifie à la fois celui qui reçoit la dîme et celui qui la paie. Dans ce sens, les scribes et les pharisiens payaient la dîme des moindres choses ( Nb 18, 2 et suiv). par ostentation de religion, tandis qu'ils étaient in justes dans leurs jugements, sans miséricorde pour leurs frères, et incrédules à l'égard de la vé rité.
Laissant là pour le moment toute interprétation mystique, nous dirons que Dieu ayant ordonné à son peuple d'offrir dans le temple la dîme de tous ses biens pour l'entretien des prêtres et des lévites dont Dieu était le seul héritage, les pharisiens n'avaient d'autre préoccu pation que de faire porter dans le temple cette offrande exigée, tandis qu'ils abandonnaient complètement d'autres obligations bien plus importantes, comme Notre-Seigneur le leur repro che: «Et vous avez laissé ce qu'il y a de plus important dans la loi», etc. Il leur reproche aus si, par là, leur avarice, eux qui exigeaient avec tant de soin la dîme des herbes les plus viles, et qui ne tenaient aucun cas des principaux commandements, comme d'observer la justice dans les différends, la miséricorde envers les pauvres, la foi en Dieu.
Je pense que par le chameau, il faut entendre ici les grands préceptes, la justice, la miséricorde et la foi; et par le moucheron, la dîme de la menthe, de l'aneth, du cumin et d'autres légumes de vil prix. Nous avalons pour ainsi parler, et nous négli geons les préceptes les plus importants, et sous prétexte de religion, nous déployons beaucoup de zèle pour les petites choses qui nous apportent du profit.
Ces paroles de Notre-Seigneur nous apprennent qu'il faut accomplir avec la même fidélité tous les commandements de la loi, les plus grands comme les plus petits. Il condamne en même temps ceux qui s'imaginent que l'aumône qu'ils fontS des fruits de la terre, les rend tout à fait impec cables, tandis que ces aumônes leur serviront de rien, s'ils ne s'efforcent de mettre fin à leurs péchés.
Ou bien dans un autre sens, le moucheron pique en bourdonnant, et le chameau s'incline pour recevoir les fardeaux dont on veut le charger. Les Juifs passèrent le moucheron, lorsqu'ils demandèrent la grâce d'un voleur séditieux, et ils avalèrent le chameau en s'efforçant d'étouffer par leurs cris celui qui était descendu volontairement pour prendre sur lui les fardeaux de notre mortalité.
2343. GUIDES AVEUGLES QUI PASSEZ DIFFICILEMET UN MOUSTIQUE, ET AVALEZ UN CHAMEAU ! Dans cette section, [le Seigneur] propose une comparaison. Il dit donc : QUI PASSEZ DIFFICILEMENT UN MOUSTIQUE. Celui qui passe difficilement avale avec difficulté. [Le Seigneur] veut donc dire qu’ils accordent le plus grand soin aux plus petites choses, et peu de soin aux grandes. Ou bien, on entend par moustique les tout petits péchés, et par chameau les grands. Ils insistent donc sur les petits péchés. C’est cela qu’il dit : VOUS AVALEZ UN CHAMEAU !
Jésus poursuit le développement du même reproche, et cite un second exemple de l’inconséquence étonnante
des Scribes. D’une part, ils filtrent le moucheron, d’autre part, ils avalent le chameau. Cette antithèse
frappante repose sur l’usage qui existait à l’époque de Notre-Seigneur, non seulement chez les Juifs mais
aussi chez les Grecs et les Romains, de filtrer le vin, le vinaigre et les autres liqueurs (« liquare vinum » des
classiques latins). Toutefois, tandis que cette coutume n’avait lieu la plupart du temps que dans un but de
propreté, elle était pour les Pharisiens un acte religieux auquel ils ne se seraient pas permis de manquer,
parce qu’alors en avalant même par mégarde quelque petit insecte (en grec, mouche à vin) noyé dans la
liqueur, ils auraient enfreint les lois relatives à la pureté légale, qui avaient pour eux une si grande
importance ; Cf. Lev. 11, 20, 23, 41, 42 ; 17, 10-14. Un moucheron n’était-il donc pas un animal impur ?
Voilà pourquoi ils filtraient, ordinairement à travers un linge de lin, tout ce qu’ils buvaient. Les Bouddhistes
agissent de même, pour un motif semblable, dans l’Hindoustan et dans l’île de Ceylan. - Tout en prenant des
précautions si considérables pour ne pas violer la Loi dans les détails les plus minimes, les Docteurs juifs ne
craignaient pas de la blesser dans ses prescriptions les plus urgentes : c’est ce qu’indique l’hyperbole
contenue dans les mots suivants, « avalez le chameau ». Le chameau, qui est aussi un animal impur, est
opposé au moucheron à cause de sa grosse taille : il est censé être tombé dans le breuvage des Scribes qui
l’avalent sans scrupule, eux qui n’auraient pas osé boire du vin non filtré, de crainte de se rendre impurs en
avalant un animalcule. - La locution employée par Jésus était proverbiale selon toute vraisemblance. Nous
avons pensé que le lecteur prendrait volontiers connaissance d’une pièce officielle, émanée récemment de la
synagogue de Cologne, et prouvant que l’opération de filtrage subsiste encore en principe chez les Juifs
orthodoxes. C’est un acte par lequel est déclaré licite, le vin de Champagne préparé par un négociant de
Reims pour l’usage spécial des Juifs. Nous traduisons littéralement l’hébreu moderne dans lequel il a été
composé. « J’atteste par les présentes que, du pays de France, de la ville de Reims, est venu auprès de moi il
y a deux ans, le sieur N. négociant en vins de Champagne ; il m’a dit qu’il était prêt à fabriquer du vin
« cosher » (licite), dont pourraient se pourvoir les Israélites fidèles aux lois de leurs pères. Après qu’il se fût
engagé à exécuter tout ce que je lui prescrirais, je partis pour Strasbourg afin d’y chercher des hommes
fidèles et éprouvés. Les ayant trouvés, je les envoyai à Reims, chez le négociant susdit, non sans les avoir
instruits de tout ce qui concerne le « cosher ». Ils y sont allés trois fois : la première à l’époque où l’on pressure le raisin, la seconde au moment où l’on met le vin en bouteilles, la troisième lorsqu’on débouche les
bouteilles pour y verser encore un peu de vin afin de les remplir. Ces hommes ont préservé le vin de toute
atteinte étrangère, et chaque fois qu’ils s’en retournaient chez eux, ils ont fermé la cave et ont apposé les
scellés sur la porte, et la clef est restée entre leurs mains. Quand tout fut achevé, ils ont scellé les bouteilles et
ont placé sur chacune d’elles deux signes dont « cosher » (licite). Ainsi donc tout le vin fourni par le
marchand susdit est « cosher » quand il est dans des bouteilles marquées de ces deux signes, et il est permis
d’en boire pour la Pâque ».