Matthieu 23, 35

ainsi, sur vous retombera tout le sang des justes qui a été versé sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire et l’autel.

ainsi, sur vous retombera tout le sang des justes qui a été versé sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire et l’autel.
Saint Thomas d'Aquin
2364. Ensuite est présentée la condamnation, car elle paraissait lourde. [Le Seigneur la] confirme donc : EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS, TOUT CELA VA RETOMBER SUR CETTE GÉNÉRATION [23, 36].

[Le Seigneur] dit : POUR QUE RETOMBE SUR VOUS TOUT LE SANG INNOCENT, DEPUIS LE SANG DE L’INNOCENT ABEL JUSQU’AU SANG DE ZACHARIE, FILS DE BARACHIE. Cet Abel est connu, car c’est lui qui a été tué par Caïn, son frère. Mais on ne sait pas qui est ce Zacharie. On lit que Zacharie a eu trois fils. L’un était le fils de Barachie, qui était le onzième des prophètes. Mais on ne peut entendre cela de celui-ci, car il n’y avait pas encore d’autel. Un autre fut le père de Jean, et on ne trouve pas de qui il était le fils. Mais Chrysostome dit qu’il fut tué à cause du Christ, car, dans le temple, il y avait un endroit pour les vierges et, alors que la Vierge Marie était assise à l’endroit des vierges, les Juifs voulurent l’expulser de cet endroit, ce à quoi s’opposa Zacharie en la défendant, et c’est pour cela qu’il fut tué. Un autre est appelé fils de Ioiadas, que Joas tua sur le parvis du temple, à savoir, entre le temple et l’autel. L’endroit concorde donc, mais le nom est en désaccord. Mais Jérôme dit que [le nom] veut dire «béni du Seigneur» et désigne la sainteté de son père, le prêtre Ioiadas. Il dit avoir lui-même vu l’Évangile des Nazaréens et que le texte portait : Fils de Ioiadas.

2365. Mais la raison pour laquelle [le Seigneur] commence par ce Zacharie soulève une question sur le sens du texte. La raison semble en être que, même si ce qui précède se présente plus fréquemment, on trouve cependant ce genre de choses dans l’Écriture. Ou bien, Abel était pasteur et Ioiadas, prêtre. Ainsi, par ces deux, sont signifiés les laïcs et les clercs. De sorte que toute condamnation pour avoir tué un homme retombera sur vous. Ou bien, [sont signifiés] les actifs et les contemplatifs. De sorte que les deux sont indiqués par [ceux qui sont mentionnés].
Louis-Claude Fillion
Afin que retombe. Les exégètes n’ont jamais été d’accord sur la signification de la conjonction afin que en cet endroit. Plusieurs la traduisent par « ita ut », sous prétexte que le langage biblique exprime habituellement sous une forme causative ce qui n’est en réalité qu’une simple conséquence. D’autres en plus grand nombre lui conservent son acception ordinaire, « afin que », dont nous ne voyons aucune raison de nous écarter ici. Puisque Dieu est déterminé à châtier les Pharisiens coupables déjà de tant de fautes, pourquoi ne leur fournirait-il pas l’occasion de commettre un dernier crime qui accélérera l’heure de ses vengeances, dès là qu’ils seront complètement libres de résister au mal ? - Tout le sang innocent. Le sang innocent, (Cf. 4 Reg. 21, 16 ; 24, 4 ; Jerem. 26, 15 ; Thren. 4, 13), que d’autres passages de l’Écriture, Gen. 4, 10 ; Hebr. 12, 24 ; Apoc. 6, 10, représentent comme criant vengeance vers le ciel, est supposé tomber à la façon d’un poids écrasant sur la tête de ceux qui l’ont injustement versé ; Cf. 28, 55. Sans figure, Jésus veut dire que la responsabilité, en même temps que le châtiment de tant d’homicides infâmes, retombera sur les Scribes et sur toute la nation juive. - Le sang d'Abel. Le meurtre d’Abel, qui ouvre d’une manière si lamentable l’histoire de l’homme déchu, Cf. Gen. 4, 8 et ss., avait fait couler sur la terre les premières gouttes de sang innocent. Depuis, quelle longue chaîne de crimes analogues dans la race choisie, jusqu’à l’époque fixée par Jésus ! Le Sauveur en rend les Pharisiens en particulier et tous les Juifs en général responsables, à cause de la solidarité qui unit les membres d’une même famille. Or, ceux auxquels il tenait ce langage ne remontaient-ils pas en droite ligne jusqu’à Adam par Abraham et par Noé ? « En vertu de l’unité de l’espèce, dit M. Schegg, personne n’existe à part et seulement pour soi ; il vit dans l’ensemble auquel il appartient, et dont il partage les destinées comme le rameau partage celles de l’arbre. D’après cette loi, chaque génération ne commence pas à pécher en son propre nom, mais elle continue les crimes de la génération qui l’a précédée, et la dette est accumulée, additionnée, bien que cette addition ait lieu d’après un calcul soustrait à notre appréciation ; puis, quand vient le moment de régler des comptes, quand arrivent les Page 417 / 531 châtiment divins, alors les descendants expient vraiment et littéralement les fautes de leurs ancêtres. Mais il est évident que nous ne voulons parler ici que du châtiment temporel et terrestre, de ce châtiment qui ne manque jamais d’être infligé, Dieu l’eût-il différé pendant des siècles ». C’est en ce sens que les Juifs contemporains du Sauveur devaient être punis pour le crime de Caïn et pour d’autre meurtres commis longtemps avant leur naissance. - Zacharie, fils de Barachie. Du premier de tous les meurtres, qui était d’autant plus coupable que c’était un fratricide, le Sauveur passe à un autre assassinat d’un genre atroce, commis dans le lieu saint et raconté dans le dernier livre de la Bible hébraïque, 2 Par. 24, 20 et ss. Il est en effet très probable que ce Zacharie auquel Notre-Seigneur fait allusion ne diffère pas de celui dont il est question au second livre des Paralipomènes : telle est l’opinion commune des exégètes modernes et de la plupart des anciens. Du reste, voici d'après S. Jérôme le résumé de la discussion qui existait dès le temps de ce Père sur ce passage difficile, et qui est restée depuis à peu près au même point. « Quel est ce Zacharie, fils de Barachie, car nous trouvons dans l'Écriture un grand nombre de personnes nommées Zacharie ? Pour nous prémunir contre toute erreur, Notre-Seigneur ajoute : "que vous avez tué entre le temple et l'autel". Les uns pensent que ce Zacharie est le onzième des douze petits prophètes, et le nom de son père est favorable à cette opinion ; mais l'Écriture ne nous dit pas dans quelle circonstance il a été tué entre le temple et l'autel, d'autant plus que de son temps il restait à peine quelques ruines du temple. D'autres veulent que ce soit Zacharie, père de Jean-Baptiste. Cette explication n'étant pas appuyée sur l'autorité de l'Écriture, peut être rejetée aussi facilement qu'on l'admet. D'autres prétendent qu'il s'agit de Zacharie qui fut tué par Joas, roi de Juda, entre le temple et l'autel, c'est-à-dire sur le parvis; mais il faut remarquer que ce Zacharie ne fut pas fils de Barachias, mais du grand-prêtre Joiadas. Barachias, dans la langue hébraïque, veut dire le béni du Seigneur, tandis que le nom de Joiadas signifie, en hébreu, la justice. On lit cependant dans l'Évangile dont se servent les Nazaréens, fils de Joiadas, au lieu de fils de Barachias », Comm. in Matth. Lib. 4 ch. 3 A ces trois sentiments, on en a ajouté un quatrième, qui a trouvé son point d'appui dans les lignes suivantes de l'historien Josèphe, Bell. Jud. 4, 6, 4 : « Les Zélotes, irrités contre Zacharie, fils de Baruch, résolurent de lui donner la mort. Ils étaient vexés de le voir ennemi du mal, ami du bien : il possédait en outre de grandes richesses. Deux des plus hardis le saisirent et l’assassinèrent au milieu du temple ». Les noms et les circonstances cadrent fort bien avec le fait raconté par Jésus ; seulement, le divin Maître parle d’un événement qui devait s’être accompli depuis un certain nombre d’années (que vous avez tué), tandis que le meurtre mentionné dans les annales de Josèphe n’eut lieu qu’environ quarante ans après la Passion. Il faut donc revenir à l’opinion de S. Jérôme qui ne présente, après tout, qu’une difficulté dont la solution n’est nullement embarrassante. Il est possible en effet que les mots « fils de Barachie » soient une faute de copiste, comme l’admettent Paulus, Fritzsche, etc., d’autant mieux qu’ils manquent totalement dans le passage parallèle de S. Luc, 11, 51. Il se peut aussi que le père de Zacharie ait porté simultanément les noms de Joïada et de Barachie (Grotius, Bengel, Kuinœl), car il n’était pas rare chez les Juifs d’avoir en même temps deux appellations distinctes. - Entre le temple et l'autel, par conséquent entre le Naos, ou le temple proprement dit, qui se composait du Saint et du Saint des Saints, et l’autel des holocaustes situé en avant du vestibule. Cf. l’Atlas d’archéologie biblique de M. Ancessi, pl. 10. Cette circonstance aggravait singulièrement le crime. Un pareil attentat, commis en pareil lieu sur la personne d’un saint prêtre, était devenu tristement célèbre dans l’histoire juive. « Ils ont commis sept crimes ce jour-là. Ils ont tué le prêtre, prophète et juge ; ils ont versé le sang innocent, et pollué la cour. Et cela arriva le jour du Sabbat, et le jour de l'Expiation », Talmud, Sanhed. f. 96, 2. C’étaient, d’après les Rabbins, sept sacrilèges ajoutés à l’homicide. Et encore : « R. Judan interrogea R. Acham : En quel lieu ont-ils tué Zacharie ? Dans la cour des femmes ? Dans la cour des Israélites ? Il lui répondit : Ni dans la cour des Israélites, ni dans la cour des femmes, mais dans cour du Grand Prêtre », ibid. Aussi bien, le récit devenant légendaire cite d’étranges détails destinés à montrer jusqu’où serait allée la rigueur de la vengeance divine après cet attentat. Le sang de Zacharie, demeuré sur les dalles du vestibule dans un état d’ébullition permanente sans qu’il fût possible de l’enlever ou de le calmer, aurait été aperçu 250 ans plus tard par Nabuzardan, général en chef des troupes de Nabuchodonosor. « Qu'est-ce que cela signifie ? », demanda-t-il aux Juifs ? - C'est le sang, lui répondent-ils, des veaux, des agneaux et des boucs, que nous avons offert sur l'autel. Apportez donc, dit-il, des veaux, des agneaux et des boucs, pour vérifier que ce sang provient d'eux. Ils amenèrent des veaux, des agneaux et des boucs et ils les tuèrent, et ce sang continua à bouillonner ; mais le sang des animaux tués ne bouillonnait pas. Dévoilez-moi ce secret, dit-il, ou je ferai déchirer la chair de vos poitrines. Ils lui dirent : C'est un Prêtre, un Prophète et un Juif, qui a prédit à Israel ces maux dont tu nous fais souffrir, et nous nous sommes rebellés contre lui, et nous l'avons tué. Et moi, dit-il, je calmerai ce sang. Il fit venir des Rabbins, les tua et cependant le sang ne se calma pas. Il fit venir des enfants de l'école rabbinique, les tua, et le sang ne se calma pas. Il fit ainsi immoler 94000 personnes, et cependant le sang ne se calma pas. Il s'approcha alors et dit : « O Zacharie, pour t'apaiser j'ai fait périr les meilleurs des tiens, veux tu que je les fasse tous périr? » Et le sang de Zacharie cessa alors de bouillonner », ibid. Il est bien difficile que l’allusion de Jésus ne se soit pas rapportée à un fait devenu si populaire à Jérusalem.
Fulcran Vigouroux
Zacharie, fils de Barachie. « Il y a divers sentiments, plus ou moins plausibles, sur la personne de Zacharie, fils de Barachie. ― Plusieurs interprètes pensent qu’il s’agit ici de celui que les zélateurs ont immolé dans le temple, pendant le dernier siège de Jérusalem. Notre-Seigneur aurait pu parler de ce meurtre à l’avance et annoncer qu’il serait puni ; mais il ne paraît pas le faire ici. Il parle au passé, comme d’un crime déjà commis. ― D’autres supposent qu’il est question de Zacharie, le dernier des petits prophètes. Son père s’appelait bien Barachie ; mais si un personnage si connu, le plus récent des prophètes, avait été tué entre le vestibule et l’autel, est-il à croire qu’il n’en fût fait mention nulle part ? ― La plupart croient, comme saint Jérôme, que ce Zacharie est celui qui fut lapidé par Joas, in atrio domus Domini, c’est-à-dire dans le parvis des prêtres, entre l’autel des holocaustes placé en avant du vestibule et le saint ou l’enceinte qui précédait immédiatement le Saint des Saints. C’était probablement un usage parmi les Juifs d’unir le meurtre d’Abel à celui de ce pontife, comme les deux crimes les plus odieux qui eussent jamais déjà été commis. Si l’on objecte que le meurtre de Zacharie était déjà bien ancien pour être cité comme le dernier dont ils fussent coupables, on répond que le livre dans lequel on le lisait était un des livres historiques les plus récents de leur canon. Ainsi le meurtre d’Abel se lisait aux premières pages de la Bible, et celui de Zacharie aux dernières. La difficulté de ce sentiment est que, selon les Paralipomènes, ce Zacharie était fils de Joiadas et non pas de Barachie. On peut néanmoins la résoudre de plusieurs manières : ― 1° En supposant que le père de Zacharie, Joiadas, avait deux noms, qu’il était surnommé Barachie ou fils d’Achias, ce qui n’a rien d’invraisemblable. ― 2° En prenant le mot fils dans le sens de petit-fils ou d’héritier, ce qui a lieu fréquemment. Si l’on suppose Barachie mort avant son père Joiadas, il était naturel que l’auteur des Paralipomènes donnât à Zacharie la qualification de fils, c’est-à-dire de descendant et d’héritier de Joiadas, son aïeul, plutôt que de Barachie, son père. Or, il paraît que l’âge de Joiadas confirme cette supposition. ― 3° En supposant que les mots fils de Barachie, qui ne sont pas en saint Luc, et qui manquent dans le manuscrit du Sinaï, à cet endroit de saint Matthieu, ont été introduits par un des premiers copistes, qui aura cru qu’il s’agissait du dernier Zacharie. » (L. BACUEZ.) ― Entre le temple, le naos, la maison de Dieu, et l’autel des holocaustes. Voir Matthieu, 21, 12.