Matthieu 24, 15

Lorsque vous verrez l’Abomination de la désolation, installée dans le Lieu saint comme l’a dit le prophète Daniel – que le lecteur comprenne ! –

Lorsque vous verrez l’Abomination de la désolation, installée dans le Lieu saint comme l’a dit le prophète Daniel – que le lecteur comprenne ! –
Saint Thomas d'Aquin
2399. [Le Seigneur] a déjà présenté la destruction [de Jérusalem]. Dans cette partie, il expose que la fin viendra. Il présente d’abord certains préambules : premièrement, il présente une prophétie ; deuxièmement, un avertissement, en cet endroit : ALORS QUE CEUX QUI SONT EN JUDÉE FUIENT DANS LES MONTAGNES [24, 16] ; troisièmement, la raison de l’avertissement, en cet endroit : CAR IL Y AURA ALORS UNE GRANDE TRIBULATION [24, 21].

2400. [Le Seigneur] a donc dit : ALORS VIENDRA LA FIN. LORS DONC QUE VOUS VERREZ L’ABOMINATION DE LA DÉSOLATION, etc. Qu’appelle-t-il abomination ? On peut dire qu’est appelée abomination l’armée des Romains et que ceux-ci sont appelés abominations de la désolation parce qu’ils ont ravagé la terre. Ou bien, [on entend] par abominations les idoles, et on peut l’entendre de deux idoles. On lit que Pilate a introduit dans le temple un aigle (c’était l’emblème des Romains), que les Juifs appelaient une abomination. Lorsqu’ils virent une idole placée dans le lieu saint, vous pouvez alors comprendre que la prophétie de Daniel au sujet de la destruction de Jérusalem s’était accomplie. Ou bien, on peut dire que Jérusalem a été détruite deux fois. Premièrement, par Titus et Vespasien, et alors le temple fut incendié et certains furent aussi dispersés. Par la suite, certains se sont encore rebellés, et alors Hadrien, qui avait succédé à Trajan, la détruisit entièrement et établit une loi selon laquelle aucun Juif ne devait plus y habiter, puis il donna son nom à la ville. Il installa ainsi une idole dans le lieu saint. Cette idole qu’installa Hadrien peut être appelée une abomination, De sorte que LORSQUE VOUS VERREZ, etc. Lm 2 parle de manière appropriée de cette déchéance.

2401. QUE LE LECTEUR COMPRENNE ! Pourquoi [le Seigneur] dit-il cela ? Parce que, dans cette prophétie de Daniel [Dn 9, 27], il est beaucoup parlé de la passion du Christ. Il faut donc porter attention à ces paroles. Il y est donc dit : Le Christ sera tué..., et il y aura dans le temple une abomination de la désolation, et la désolation durera jusqu’à la consommation et à la fin. Celui-là donc qui voit, qu’il comprenne que ces choses sont arrivées !
Louis-Claude Fillion
Quand donc vous verrez. Après avoir décrit les pronostics et les préludes communs aux deux grandes époques touchant lesquelles ses disciples l’avaient interrogé, le divin Maître revient maintenant sur chacune d’elles pour les faire connaître plus en détail. Il suit l’ordre des temps, et s’occupe en premier lieu de la catastrophe qui engloutira Jérusalem avec l’état juif. - L'abomination de la désolation. Ces mots sont une traduction littérale du grec, et cette locution grecque, empruntée aux Septante, avait été elle-même calquée sur l’hébreu du prophète Daniel. Ils sont assez obscurs dans les trois langues. Ils équivalent d’après Maldonat à « désolation abominable et redoutable », selon d’autres à « abomination horrible ». Du moins, ce qui est clair, c’est qu’ils prédisent quelque chose d’affreux, un sacrilège épouvantable. - Dont a parlé le prophète Daniel. Jésus montre, par cette phrase incidente, qu’il n’entend point formuler un présage nouveau et inouï jusqu’alors. L’abomination de la désolation dont il parle a été prédite depuis longtemps par l’un des plus grands prophètes du Judaïsme, Dan. 9, 27 ; Cf. 11, 31 ; 12, 11 ; ses auditeurs la connaissent donc par ouï-dire, au moins d’une manière générale. - Établie : expression pittoresque qui personnifie la désolation, la présentant aux regards comme établie et domiciliée pour ainsi dire dans le lieu saint. - Quel est ce lieu sacré ? Notons que l’article manque dans le texte grec, « dans un lieu saint » ; de sorte que les paroles de Jésus peuvent ne pas désigner directement le temple de Jérusalem, mais soit la Terre Sainte tout entière (Bengel, de Wette, Baumgarten-Crusius), soit la ville de Jérusalem prise dans son ensemble. Cependant, si l’on se reporte au texte même de Daniel cité librement par Notre-Seigneur, on voit qu’il y est fait mention expresse du temple : « sur une aile du Temple il y aura l’Abomination de la désolation » ; aussi, n’est-il pas douteux que Jésus-Christ ait voulu exprimer la même pensée que le Prophète. Si nous parcourons les derniers temps de l’histoire juive, nous ne voyons guère que les scènes sanglantes opérées dans le temple par les Zélotes, Cf. Joseph. Bell. Jud. 4, 5, 10 ; 3, 10 ; 3, 10, qui puissent cadrer parfaitement avec la prédication du Sauveur. Plusieurs Pères, S. Hilaire en particulier, ont pensé à l’Antéchrist ; mais il n’est pas question de lui dans cette strophe. D’autres exégètes (S. Jean Chrys., Euthym., etc.) supposent que Jésus avait en vue l’érection des statues de Titus et d’Adrien sur l’emplacement du temple, ou l’incendie de cet édifice par les Romains : toutefois, ces événements furent postérieurs à la ruine de Jérusalem, tandis que la prédiction parle d’un fait qui devait la précéder, car elle suppose qu’on aura encore le temps de fuir quand éclatera l’abomination de la désolation. (Voir d’autres opinions dans Maldonat, Comm. in h. l). La profanation du lieu saint par les Zélotes s’accorde au contraire parfaitement avec la prophétie de Jésus. Elle fut d’ailleurs d’autant plus horrible qu’elle avait pour auteurs des adorateurs de Jéhova. On en trouvera le récit détaillé dans le bel ouvrage de M. de Champagny, Rome et la Judée. - Que celui qui lit... D’après S. Jean Chrys., Euthymius, Hengstenberg, Ewald, Stier, etc., cette parenthèse aurait été insérée par le Sauveur lui-même ; elle ferait partie de son discours primitif, et rappellerait aux lecteurs du livre de Daniel que les malheurs de Jérusalem et du temple auront lieu bientôt. M. Schegg, qui partage ce sentiment, cite la parole analogue qui revient fréquemment sur les lèvres de Jésus : « Que celui qui a des oreilles pour entendre entende ». Mais il est plus probable que ces mots ne furent point prononcés par Notre-Seigneur : c’est plutôt une réflexion de l’évangéliste, un avis pressant qu’il adresse à tous ceux qui lisaient dans les premiers temps ce passage de son récit. Prenez garde, leur disait-il, l’heure annoncée par le Maître n’est-elle point arrivée et n’est-il pas temps de prendre les précautions auxquelles il vous invite ? Ce sens est le plus naturel et la plupart des commentateurs l’ont adopté.
Fulcran Vigouroux
L’abomination de la désolation ; une idole, d’après l’interprétation des Juifs et de plusieurs Pères.