Matthieu 24, 22

Et si le nombre de ces jours-là n’était pas abrégé, personne n’aurait la vie sauve ; mais à cause des élus, ces jours-là seront abrégés.

Et si le nombre de ces jours-là n’était pas abrégé, personne n’aurait la vie sauve ; mais à cause des élus, ces jours-là seront abrégés.
Origène
Dans le sens mystique, l'antéchrist, qui est toute parole de mensonge, se tient fréquem ment dans le sanctuaire des Écritures de l'Ancien et du Nouveau Testament. Ceux qui le voient doivent fuir de la Judée, qui est la lettre, sur les montagnes sublimes de la vérité. Or, celui qui se trouvera sur le toit de la parole, et qui se tiendra sur ce sommet, ne doit pas en descendre sous le prétexte d'emporter quelque chose de sa maison; s'il est dans les champs, dans ce champ où se trouve caché un trésor, et qu'il retourne en arrière, il s'exposera à la séduction de la parole de mensonge, sur tout s'il s'est dépouillé de ses vêtements anciens, c'est-à-dire du vieil homme, et qu'il ait re tourné sur ses pas pour le reprendre. C'est alors que l'âme qui porte encore dans son sein, et n'a pas encore enfanté les fruits de la parole, encourt la malédiction; car elle laisse mourir le fruit qu'elle avait conçu, et. elle perd l'espérance qui est fondée sur les actes de la vérité. Il en sera de même de l'âme qui aura enfanté le fruit de la parole, mais qui ne l'aura pas nourri suffi samment. Or, que ceux qui s'enfuient vers les montagnes prient que leur fuite n'ait lieu ni en hiver ni au jour du sabbat. Car les âmes qui sont établies dans le calme et la tranquillité peuvent obtenir de marcher dans la voie du salut; mais si l'hiver les surprend, elles tomberont au pou voir de ceux qu'elles veulent éviter. Qu'elles prient donc pour que leur fuite n'arrive ni durant l'hiver, ni au jour du sabbat. Il en est qui observent le repos du sabbat en s'abstenant d'oeuvres mauvaises, mais sans en faire de bonnes; que votre fuite n'ait pas lieu dans ce jour de sabbat, complètement vide de bonnes oeuvres; car on ne sera pas facilement victime de l'erreur, à moins qu'on ne soit entièrement dépouillé de bonnes oeuvres. Mais quelle tribulation plus grande pour nous que de voir nos frères victimes de la séduction, que de nous voir nous-mêmes plongés dans l'agitation et le trouble? Les jours, ce sont les préceptes et les dogmes de la vérité; et toutes les explications que cherche à en donner une fausse science viennent ajouter aux épreuves de ces jours que Dieu abrége par les moyens qu'il choisit dans sa sagesse.

Oubien encore, malheur à elles, parce qu'il ne sera plus temps de s'apitoyer ni sur le sort des femmes enceintes, ni sur celles qui nourrissent, ni sur leurs enfants. Et comme Notre-Seigneur parlait ici pour les Juifs qui croyaient ne pouvoir s'éloigner le jour du sabbat qu'à la distance d'un mille, il ajoute donc: «Priez que votre fuite n'arrive pas pendant l'hiver, ni au jour du sabbat».
Saint Hilaire de Poitiers
Ces paroles: «Malheur aux femmes qui seront grosses, ou nourrices en ce temps-là», ne doivent pas s'entendre des femmes grosses dans le sens naturel, mais des âmes appe santies sous le poids de leurs péchés, et qui, ne se trouvant ni sur les toits, ni dans les champs, ne pourront éviter la tempête de la colère qui les attend. Malheur aussi à ceux qui sont nourris, cette menace s'adresse à ces âmes faibles qui sont formées à la connaissance de Dieu comme les enfants qui ne se nourrissent encore que de lait; malheur à elles, parce que ne pouvant fuir devant l'antéchrist, et étant d'ailleurs incapables de souffrir, elles ne pourront ni éviter le pé ché, ni recevoir la nourriture du pain véritable.

Nous pouvons encore, dans un autre sens, Voir tous les signes précurseurs de l'avènement du Seigneur dans ces paroles: «Lorsque vous verrez», etc. Car le prophète Da niel a eu ici en vue les temps de l'antéchrist. L'antéchrist est appelé abomination, parce qu'il est venu contre Dieu, pour usurper l'honneur qui n'est dû qu'à Dieu; c'est l'abomination de la désolation, car il doit désoler la terre par les guerres et les flots de sang qu'il répandra. C'est pour cela même que les Juifs le recevront, qu'il s'assiéra dans le lieu le plus sacré du temple, et que les infidèles lui rendront les honneurs divins dans l'endroit même où les saints adressaient à Dieu leur prière. Et comme le caractère particulier de l'erreur des Juifs sera d'embrasser le mensonge après avoir rejeté la vérité, le Sauveur ordonne à ses disciples d'abandonner la Judée, et de fuir dans les montagnes, pour éviter la persécution ou la corruption auxquelles ils seraient exposés en restant au milieu d'un peuple qui doit croire à l'antéchrist. Quant à ces paroles: «Que celui qui est sur le toit ne descende pas», etc., on peut les entendre dans ce sens: Le toit est le faîte de la maison, le complément est comme la perfection de tout l'édifice. Celui donc qui est en haut de la maison, c'est-à-dire dans la per fection de son coeur, renouvelé par la régénération, élevé par les sentiments de son âme, ne devra pas céder à la convoitise et descendre aux basses jouissances de la terre. De même: «Celui qui sera dans le champ», etc., c'est-à-dire celui qui s'applique à l'accomplissement des préceptes, ne devra pas retourner aux occupations de sa vie passée, qui le recouvrirait de nouveau du vêtement de ses anciens péchés.

Ou bien encore, dans le froid de la mort, que produisent les péchés, ou dans l'oisiveté des bonnes oeu vres; car le châtiment sera bien sévère, heureusement Dieu abrégera ces jours en faveur des élus, de manière que leur courte durée puisse faire triompher de la violence du mal.
Saint Jean Chrysostome
Remarquez ici l'admirable économie de l'Esprit saint; l'Évangéliste saint Jean n'a rien écrit sur ces événements, pour qu'on ne pût dire qu'il avait écrit après les faits accomplis, puisqu'il vécut encore longtemps après la ruine de Jérusalem. Mais les autres Évan gélistes qui sont morts auparavant, et qui n'ont pu voir aucun de ces événements, les ont écrits pour faire éclater de toutes parts, la puissance divine de la prophétie.

Notre-Seigneur avait parlé précédemment de la ruine de Jérusalem en termes obscurs; il l'annonce ici ouvertement et cite à l'appui une prophétie qui sera pour eux un motif de croire à la destruction du peuple juif. «Lors donc que vous verrez l'abomination de la désolation», etc.

C'est ce qui me fait croire que, dans la pensée du Sau veur, cette abomination c'est l'armée elle-même qui désola Jérusalem la ville sainte.

Les Juifs auraient pu dire que c'était la prédication de l'Évangile et les disciples de Jésus-Christ qui étaient cause de tous ces malheurs; le Sauveur leur déclare donc que s'ils n'avaient pas au milieu d'eux ses disciples, ils auraient été entièrement exterminés: «Mais en faveur des élus, ces jou rs seront abrégés».

Ou bien, dans cette abomination, on peut voir encore la statue de celui qui désola la cité et le temple, statue qui fut placée dans l'intérieur du temple. Or, pour qu'ils sachent que toutes ces choses arriveront de leur vivant, le Sauveur ajoute: «Lorsque vous verrez»,etc. Admirez ici la puissance de Jésus-Christ et le courage des Apôtres, qui ne craignaient pas de prêcher l'Évangile dans un temps où les Juifs étaient attaqués de toutes parts. Les Apôtres, qui avaient été choisis parmi les Juifs, établirent des lois nouvelles, en face de la puissance des Ro mains, qui dominaient alors sur la Judée; les Romains réduisirent en captivité un nombre infini de Juifs, et ils ne pure nt vaincre douze hommes sans armes et sans défense. Or, comme bien des fois les Juifs s'étaient relevés après de grands désastres, par exemple au temps de Sennachérib ( 2R 19,20 2Ch 32 Is 27 ), d'Antiochus ( 1M 1,13 1M 2 ), le Sauveur ne veut point que l'on conçoive une semblable espérance, et il commande à ses disciples de s'enfuir: «Alors que ceux qui sont dans la Judée», etc.

Notre-Seigneur fait voir ensuite que les calamités qu'il vient de prédire, sont inévitables pour les Juifs, et l'extrémité des malheurs qui les attendait: «Que celui qui sera sur le toit ne descende pas»,etc. Il valait beaucoup mieux se sauver sans son manteau que d'être tué en rentrant pour le prendre; c'est pour cela que le Sauveur ajoute, en parlant de celui qui sera dans les champs: «Et que celui qui sera dans les champs, ne revienne pas», etc. Si ceux qui se trouvent dans la ville doivent s'enfuir, à plus forte raison ceux qui sont au dehors doivent se garder d'y chercher un refuge. Il est facile encore de faire le sacrifice de ses richesses, et ou peut remplacer ses vêtements, mais comment échapper aux incommodités inséparables de la nature? Comment une femme enceinte pourra-t-elle facilement prendre la fuite? Comment celle qui allaite pour ra-t-elle abandonner son nouveau-né? «Malheur aux femmes qui seront grosses ou nourri ces»,etc. Malheur aux premières, parce que le poids de leur grossesse ralentit leur marche et les empêche de fuir; malheur aux autres, parce qu'elles sont retenues par l'amour qu'elles ont pour leurs enfants, et qu'elles ne pourront sauver ceux qu'elles allaitent.

Vous pouvez remarquer ici que c'est aux Juifs que s'adresse ce dis cours; car les Apôtres ne devaient ni observer le sabbat, ni se trouver dans la Judée lorsque Vespasien vint faire le siége de Jérusalem. D'ailleurs plusieurs d'entre eux étaient déjà morts, et si quelques-uns vivaient encore, ils se trouvaient alors dans d'autres parties du monde. Mais pour quelle raison veut-il que l'on ait recours à la prière? La voici: «Car l'affliction de ce temps-là sera si grande»,etc.

Je demanderai aux Juifs quelle est donc la cause de ces maux accablants que la colère divine a fait tomber sur eux, et qui surpassent tous ceux qui ont précédé? Il est évident que c'est le crime audacieux de la croix, et la condamnation prononcée contre Jésus-Christ par le peuple. Mais le Sauveur va plus loin, et leur déclare qu'ils méritaient encore un plus terrible châtiment: «Et si ces jours n'avaient été abrégés, nul homme n'aurait été sauvé». C'est-à-dire si la guerre des Romains contre Jérusalem avait duré plus longtemps, elle eût fait périr tous les Juifs sans exception. Il parle ici de tous les Juifs, de ceux qui habitaient la Judée, et de ceux qui se trou vaient au dehors; car les Romains ne faisaient pas seulement la guerre à ceux qui étaient dans la Judée, mais ils poursuivaient encore tous ceux qui étaient dispersés dans les différentes contrées de l'empire.
Saint Jérôme
Ces paroles: «Que celui qui lit comprenne», etc., sont dites pour nous inviter à pénétrer le sens caché de ce passage. Or, voici ce que nous lisons dans le prophète Daniel: «Et, au milieu de la semaine, l'oblation et le sacrifice cesseront; l'abomination de la désolation sera dans le temple, et, jusqu'à la fin du temps, la consommation persévérera sur la solitude».

Car, pendant l'hiver, la rigueur du froid empêche de s'enfuir dans les lieux solitaires, et de se cacher dans les montagnes du désert; et le jour du sabbat il y a pour eux transgression de la loi s'ils veulent prendre la fuite, et danger de mort s'ils se déterminent à rester.

Mais ils oublient cette parole des livres saints: «Par votre ordre, le jour subsiste tel qu'il est». Il nous faut donc admettre que ces jours ont été abrégés selon leur nature, c'est-à-dire que ce n'est pas leur étendue, mais leur nombre qui a été abrégé, de peur que des épreuves trop prolongées ne vinssent à ébranler la foi des chrétiens.

On peut l'entendre aussi de l'image de César que Pilate fit placer dans le temple, ou de la statue équestre d'Adrien, qui, jusqu'à ce jour, est restée dans le lieu appelé le Saint des Saints. Car, dans le style de l'Ancien Testament, abomination veut dire idole, et le mot de désolation lui est ajouté, parce que l'idole avait été placée dans le temple désert et désolé.
Saint Augustin
Nous ne devons pas douter qu'au temps de la ruine de Jérusalem, il n'y eut parmi le peuple juif des élus de Dieu qui avaient passé de la circoncision à la foi chrétienne, ou qui devaient croire dans la suite et que Dieu avait choisis pour ses élus avant la création du monde; c'est en leur faveur que ces jours seront abrégés; afin qu'on puisse en supporter plus facilement les épreuves. Il en est qui prétendent que ces jours seront abrégés par une marche plus rapide du soleil, de la même manière que le jour fut autrefois prolongé à la prière de Josué, fils de Navé ( Jos 10,12-14 )

Il ne nous faut pas croire cependant que la succession des semaines de Daniel ait été dérangée, parce que ces jours ont été abrégés; ou bien qu'elles n'ont pas eu alors leur accomplissement, qui n'aurait lieu qu'à la fin des temps, car saint Luc déclare expressément ( Lc 21,20 ) que la prophétie de Daniel a reçu son accomplissement à l'époque de la destruction de Jérusalem.

Car il faut prendre garde de se laisser vaincre par les tribulations, et de descendre des hauteurs de la vie spirituelle aux bassesses d'une vie toute charnelle, ou bien de se relâcher et de regarder en arrière, après qu'on a fait des progrès en s'avançant vers ce qui était devant soi ( Ph 3 )

Ou bien, la femme grosse est celui qui désire le bien d'autrui, et la femme qui nourrit, celui qui s'est emparé de l'objet de sa convoitise. Malheur à l'un et à l'autre au jour du jugement ! Notre-Seigneur ajoute: «Priez pour que votre fuite n'arrive point durant l'hiver, ni au jour du sabbat», etc.

C'est-à-dire que personne ne soit surpris en ce jour, ou dans la tristesse, ou dans la joie que causent les choses de la terre.

Saint Luc voulant préciser le temps où cette abomination de la désolation aurait lieu, c'est-à-dire lors du siège de Jérusalem, rapporte ici ces paroles du Seigneur: «Lorsque vous verrez Jérusalem entourée par une armée, sachez que sa désolation est proche».

Nous lisons dans saint Luc: «Ce pays sera accablé de maux, et la colère du ciel tombera sur ce peuple; ils passeront par le fil de l'épée, et ils seront emmenés captifs dans toutes les nations». Or, au rapport de Josèphe qui a écrit l'histoire des Juifs, ce peuple vit fondre sur lui de si grandes calamités, qu'on peut à peine les croire; aussi est-ce avec raison que N otre-Seigneur assure qu'il n'y a point eu de tribulation pareille depuis le commencement du monde, et qu'il n'y en aura jamais. Car, en supposant qu'au temps de antéchrist, l'affliction doive être aussi grande ou même plus grande, il faut entendre ici qu'il n'y en aura point de semblable pour le peuple juif. En effet, si ce peuple doit être le premier à recevoir alors antéchrist, il sera bien plutôt l'auteur que la victime de la tribulation.

Quelques interprètes me paraissent avoir donné l'explication véritable des jours dont il est ici question, et qui signifieraient les calamités elles-mêmes, de même qu'en d'autres endroits de la sainte Écriture, nous voyons cette expression: «Les jours mauvais». ( Gn 47 Ps 94,13 Ep 5,16 ) Car ce ne sont pas les jours qui sont mauvais, mais les événements qui arrivent durant ces jours. Or, le Sauveur dit que ces maux seront abrégés, parce que par une grâce de Dieu qui donnera la force de les supporter, ils seront moins sentis, et pour ainsi dire diminués, comme si on abrégeait leur durée.
Saint Rémi
Il est certain que tous ces événements s'accomplirent aux approches de la ruine de Jérusalem. Lorsque les armées romaines s'avancèrent, tous les chrétiens qui étaient dans la Judée, avertis par un signe miraculeux, comme le rapporte l'histoire ecclésiastique, s'enfuirent au loin, et, traversant le Jourdain, ils vinrent dans la ville de Pella, où ils dem eurèrent quelque temps sous la protection du roi Agrippa dont il est parlé dans les Actes des Apôtres. Cet Agrippa était soumis à l'empire romain avec la partie du peuple juif qu'il gouvernait.
Saint Thomas d'Aquin
2408. Chrysostome demande en raison de quel péché elle est arrivée, car le châtiment de Sodome ne fut pas si grand, de sorte qu’il n’y aurait pas de châtiment plus grave si le péché n’était pas plus grave. Et parce qu’on pourrait dire que cela était arrivé à cause des péchés des chrétiens, [le Seigneur] dit donc que ce n’est pas le cas. De sorte que SI CES JOURS N’AVAIENT PAS ÉTÉ ABRÉGÉS, NUL N’AURAIT EU LA VIE SAUVE. Augustin dit que certains ont ainsi interprété que les jours sont alors devenus plus courts, comme [le jour] s’était allongé à l’époque de Josué. Mais, en sens contraire, le Ps 118[119], 91 dit : Les jours durent comme tu en as disposé.

2409. On peut donc dire cela de deux façons. Premièrement, que les jours ont été abrégés en nombre. Si ce temps avait duré, tous auraient donc été tués, car personne n’aurait survécu. Pourquoi ? Parce que les Romains dominaient la terre entière et que les Juifs ont été dispersés dans le monde entier. Si donc ce temps avait duré, ils auraient été tués par toute la terre. Ou bien, on dit que les jours ont été abrégés lorsque les maux ont été abrégés. Et pourquoi sont-ils abrégés ? À CAUSE DES ÉLUS, afin que ne manque pas la parole de Dieu. En effet, un grand nombre a été converti parmi ce peuple, et [ceux-ci] demandaient qu’il reste une semence pour ce peuple. Is 1, 9 : Si le Seigneur ne nous avait laissé une semence, nous serions comme Sodome, etc.

2410. Chrysostome présente alors deux remarques sur la raison pour laquelle cela a été dit, car il y avait là des disciples, et la vie de [l’apôtre] Jean s’est aussi étendue au-delà. Il dit donc que Jean n’a pas mentionné cela dans son évangile parce qu’il a vécu après les faits ; il aurait [ainsi] parlé de choses passés. Mais Matthieu et Luc, qui ont écrit avant [l’événement], l’ont mentionné parce qu’il était alors à venir. Il dit donc que ce fut un miracle évident, lorsque les Romains assaillirent les Juifs et que presque toute la nation des Juifs subit l’extinction, que si peu de Juifs purent aller par toute la terre pour convertir pour ainsi dire le monde entier, et cela fut le fait de l’admirable puissance du Christ.

2411. Hilaire explique que ces paroles se rapportent à la fin du monde. LORSQUE VOUS VERREZ cette ABOMINATION désigne l’Antéchrist. 1 Th 2, 2 : Ne soyez effrayés ni par un esprit, ni par un discours annonçant que le jour du Seigneur est imminent, afin que personne ne vous séduise d’aucune façon. QUE CEUX QUI SONT EN JUDÉE FUIENT DANS LES MONTAGNES, car les Juifs feront défection. Ils fuiront donc le pays des Juifs et se dirigeront vers les montagnes du christianisme. ET QUE CELUI QUI SERA SUR LE TOIT NE DESCENDE PAS PRENDRE QUELQUE CHOSE DANS SA MAISON. Il veut dire que les parfaits ne doivent pas être détournés de leur perfection. [Le Seigneur] touche donc à la vie contemplative, qui est désignée par le toit. Ceux-ci ne doivent donc pas s’écarter de leur contemplation. De même, QUE CEUX QUI SONT AUX CHAMPS : il touche à la vie active. Que ceux-là ne reviennent pas à leur vie antérieure, mais persévèrent dans leur propos. Et que veut-il dire par LES FEMMES QUI ALLAITENT ? Les hommes chargés de péchés. Les hommes qui allaitent sont les hommes imparfaits. Il veut donc dire : «Malheur aux hommes chargés de péchés et non affermis !» Selon Augustin, les femmes enceintes sont ceux qui envisagent de mal agir ; ceux qui allaitent [sont ceux] qui accomplissent en acte. Et que veut-il dire par EN HIVER ET LE JOUR DU SABBAT ? L’hiver indique la tristesse, et le sabbat, la joie. Que cela ne se produise donc pas en hiver en raison d’une tristesse absorbante, ou le jour du sabbat en raison d’une joie qui soulève l’esprit. Ou bien, par le sabbat, [il indique] le loisir d’une bonne action, et par l’hiver, le refroidissement de la charité. ET SI CES JOURS N’AVAIENT PAS ÉTÉ ABRÉGÉS, car cela durera peu ; en effet, si cela durait, NUL N’AURAIT EU LA VIE SAUVE, c’est-à-dire tout [homme] charnel.

2412. On peut mettre aussi cela en rapport avec l’avènement du Christ par l’Église. Origène dit ainsi que, de même que la parole de l’évangile a été diffusée par son avènement, de même la fausse doctrine sera-t-elle diffusée par l’avènement de l’Antéchrist. Et de même que le Christ a eu ses prophètes, de même [en sera-t-il] pour l’Antéchrist. Alors, QUE CEUX QUI SONT DANS LES VILLES FUIENT DANS LES MONTAGNES, [à savoir], [celles] de la justice parfaite. On appelle FEMMES ENCEINTES ceux qui parcourent encore la parole du salut ; CELLES QUI ALLAITENT, ceux qui ont déjà fait quelque chose.

2413. PRIEZ DONC afin qu’ils n’en soient pas empêchés par l’indolence et l’apathie. IL Y AURA ALORS UNE GRANDE TRIBULATION, car l’enseignement chrétien sera perverti par un faux enseignement. ET SI CES JOURS N’AVAIENT PAS ÉTÉ ABRÉGÉS, à savoir, par l’enseignement de la doctrine, par l’accroissement de la vraie doctrine, NUL N’AURAIT EU LA VIE SAUVE, c’est-à-dire que tous se seraient convertis à la fausse doctrine.
Louis-Claude Fillion
Notre-Seigneur, à la façon des Prophètes, s’exprime comme si les événements qu’il annonce avaient déjà reçu leur accomplissement : de là l’emploi du plus-que-parfait. Ce qu’il dit ici est une lueur d’espoir au milieu de la tempête. Dieu, qui est Père même lorsqu’il châtie, se souviendra donc de sa miséricorde ; c’est pourquoi il diminuera le nombre de ces jours affreux : autrement, tous les Juifs eussent péri. - Nulle chair (hébraïsme pour « tout homme » ; Cf. Gen. 6, 12 et ss. ; Act. 2, 16) doit en effet se restreindre au peuple juif. Nous admettons cependant sans peine, avec M. Schegg, que le regard prophétique de Jésus était aussi dirigé, tandis que sa bouche prononçait ces paroles, sur les catastrophes finales et sur les angoisses des derniers temps qui les réaliseront dans toute leur étendue. Mais elles regardent directement les compatriotes et les contemporains du Sauveur. Alford signale dans son commentaire plusieurs combinaisons providentielles qui abrégèrent d’une manière notable le siège et par suite les maux de Jérusalem. 1° Hérode Agrippa avait entrepris de réparer les fortifications de la ville, de manière à la rendre imprenable ; mais son entreprise fut bientôt arrêtée par l’empereur Claude ; Cf. Jos. Ant. 19, 7, 2. 2° Les Juifs, en proie à des divisions intestines, avaient négligé de se préparer à un siège sérieux. 3° Leurs magasins de blé furent incendiés peu de temps avant l’approche de Titus : ils contenaient, au dire de Josèphe, des provisions pour plusieurs années. 4° Titus commença soudainement l’attaque et les assiégés abandonnèrent d’eux-mêmes une partie des ouvrages fortifiés. Cf. Jos. Bell. Jud. 6, 8, 4. Au reste, le général romain reconnut lui-même le doigt de Dieu dans les incidents du siège : « Dieu a combattu pour nous, et c’est lui qui a privé les Juifs de leurs fortifications : car qu’est-ce qu’auraient pu contre ces tours des bras ou des engins humains ? » - À cause des élus. A coup sûr, ce n’était pas sur les coupables que le cœur divin s’apitoyait ; mais il voulait sauver les bons, les élus, qui eussent partagé, sans les mesures prises par sa Providence, le sort malheureux des méchants ; Cf. Gen. 28, 29 et suiv.
Fulcran Vigouroux
Nulle chair. L’Ecriture emploie souvent le mot chair pour désigner l’homme.