Matthieu 24, 35
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Pendant l'hiver, le figuier renferme en lui-même la force de vie qu'il contient; mais, lorsque l'hiver est passé, il manifeste cette puissance de vie qu'il tenait caché, en produi sant de tendres branches et des feuilles nouvelles. C'est ainsi que le monde et chacun des élus qu'il contient, avant l'avènement de Jésus-Christ, renfermaient en eux-mêmes la vie qui les animait, soumis qu'ils étaient à l'influence de l'hiver; mais le souffle vivifiant du Christ atten drira les rameaux de leur coeur, et la vertu qu'ils tenaient cachée en eux produira des feuilles et des fruits. Pour ces élus, l'été et l'avènement glorieux du Verbe de Dieu sont proches.
Cependant la génération de l'Eglise traversera tout ce siècle, pour arriver à l'héritage du siècle futur; mais elle ne passera pas avant que toutes ces choses aient été accomplies. Toutefois, après leur ac complissement, non-seulement la terre mais le ciel lui-même passera. «Le ciel et la terre passe ront»,etc., c'est-à-dire, non-seulement les hommes dont la vie est toute terrestre, et qui, pour cela, sont appelés terre, mais encore ceux dont la vie est dans le ciel, et qui portent le nom de ciel. Or, ils passeront aux choses qui doivent arriver, pour parvenir à un sort meilleur; mais les paroles du Sauveur ne passeront pas, parce qu'elles opèrent et ne cesseront d'opérer selon l'efficacité qui leur est propre. Mais pour les parfaits, qui ne trouvent plus sur la terre de nou veaux moyens de perfection, ils passeront de l'état où ils sont, à un nouvel état qu'ils ne connaissaient pas, et c'est là le sens que le Seigneur ajoute: «Mais mes paroles ne passeront pas».Peut-être aussi peut-on dire que les paroles de Moïse et celles des prophètes passent, car ce qu'ils ont prophétisé est accompli, tandis que les paroles du Christ conservent toute leur plénitude, et ne cessent de s'accomplir tous les jours et s'accompliront encore dans les saints. Cependant, nous ne pouvons peut-être pas affirmer que les paroles de Moïse et des prophètes ont eu leur entier accomplissement, car ce sont vérita blement les paroles du Fils de Dieu, et elles s'accomplissent tous les jours.
Pour rendre plus certaine la foi aux événements qu'il vient de prédire, il ajoute: «Je vous le dis en vérité»,car cette expression «en vérité» est un témoignage infaillible des choses qu'il affirme.
Dans le sens mystique, le figuier est la figure de la synagogue. Les rameaux du figuier sont l'antéchrist, le fils du démon, le partage du péché, le prétendu vengeur de la loi. Or, lorsqu'il commencera à verdir et à se couvrir avec orgueil de ses péchés, comme de feuilles verdoyantes, alors l'été est proche, c'est-à-dire le jour du jugement fera sentir ses premières atteintes.
Le ciel et la terre, par la nature de leur création, n'ont aucune nécessité d'exister, tandis que les paroles de Jésus-Christ, sorties de l'éternité, contien nent en elles-mêmes la puissance qui leur assure une éternelle durée.
Comme le Seigneur avait fixé l'accomplissement des événements qu'il avait prédits au temps qui suivrait immédiatement ces jours d'affliction, les disciples pouvaient lui demander de préciser ce temps, il prévient donc cette question en leur disant: «Comprenez ceci par une comparaison prise du figuier»
Il se sert encore de cette comparaison pour bien établir la certitude des pré dictions qu'il a faites, car toutes les fois qu'il annonce un événement dont l'accomplissement est certain, il apporte pour exemple ce qui arrive nécessairement dans la nature.
Le Sauveur nous apprend par là qu'il y aura peu d'intervalle, et que l'avènement de Jésus-Christ aura lieu presque aussitôt. Il nous apprend encore qu'après les rigueurs de l'hiver, les justes jouiront des douceurs d'un été spirituel et d'une grande tran quillité, tandis que les pécheurs auront à supporter les rigueurs de l'hiver après les douceurs de l'été.
Toutes ces pré dictions ont donc pour objet la ruine de Jérusalem, ainsi que ce qu'il a dit des faux prophètes, des faux christs et de tous les événements qui doivent précéder l'avènement de Jésus-Christ. Or en ajoutant: «Cette génération», il ne veut point parler de la génération contemporaine, mais de la génération composée des fidèles, car c'est la coutume des Écritures de prendre le mot génération comme une expression qui détermine, non-seulement le temps, mais encore le lieu, la religion et la manière de vivre. C'est ainsi que le Roi-prophète dit: «Telle est la génération de ceux qui craignent Dieu» ( Ps 24,6 ). Or, dans ce passage, Notre-Seigneur nous apprend que Jérusalem périra, et que la plus grande partie du peuple sera détruite avec elle; mais qu'aucune épreuve ne pourra triompher de la génération des fidèles.
Le Sauveur prend pour exemples les éléments de ce monde visible, pour montrer que l'Église lui est plus précieuse que le ciel et la terre, et aussi pour établir qu'il est le Créateur des hommes.
C'est-à-dire: Lorsque le figuier pousse de nouvelles branches que les bourgeons s'ouvrent pour laisser passage à sa fleur, et que l'arbre se couvre de feuilles, vous comprenez que l'été est proche et que c'est l'époque du printemps et du zéphyr; ainsi, lorsque vous verrez tous ces événements s'accomplir, ne pensez pas que ce soit absolument la fin du monde, mais considérez-les comme les précurseurs de ce grand jour qui approche, et qui est comme à la porte. «Ainsi, lorsque vous verrez toutes ces choses», etc.
Ou bien encore, par cette génération, il faut entendre tout le genre humain, ou la nation juive en particulier. Or, le Sauveur fortifie la foi de ses disciples aux choses qu'il vient de leur dire, en ajou tant: «Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas»; c'est-à-dire, il est plus facile de détruire les choses les plus fermes et les plus inébranlables que d'ôter son effica cité à une seule de mes paroles.
Le ciel et la terre passeront, c'est-à-dire qu'ils seront transformés, mais non pas détruits; car comment le soleil pourrait-il s'obscurcir et la lune refuser sa lumière, si le ciel qui les contient et la terre n'existaient plus?
Qui pourrait nier, alors que nous sommes témoins des signes prédits dans l'Évangile et dans les prophètes, que nous avons droit d'espérer que l'avènement du Seigneur est proche? Il approche en effet de jour en jour, mais quel intervalle nous en sépare en core? Il a répondu lui-même à cette question: «Il ne vous appartient pas de connaître les temps ou les moments».Considérez à quelle époque l'Apôtre disait: «Notre salut est plus près que lorsque nous avons cru», que d'années se sont écoulées depuis ! et cependant on ne peut l'accuser de fausseté; mais combien plus sommes-nous fondés à dire maintenant que l'avènement du Seigneur est proche, alors que tant de siècles écoulés nous approchent de la fin de toutes choses.
Ou bien encore, par ce figuier, on peut entendre le genre humain, à cause des vifs désirs qu'excitent les passions de la chair. Lorsque ses branches sont tendres, c'est-à-dire lorsque les enfants des hommes commenceront à produire les fruits de l'esprit par la foi en Jésus-Christ, et qu'on ver ra briller en eux l'honneur de l'adoption des enfants de Dieu.
Ou bien ce sera lorsque ce figuier se couvrira de nouveau de verdure, c'est-à-dire lorsque la synagogue recevra l'Évangile par la prédication d'Hénoch et d'Elie, que nous devrons comprendre que la fin est proche.
Il en est qui, sans trop de réflexion, appliquent ces paroles à la destruction de Jérusalem, et qui pensent que le Sauveur a voulu parler de cette géné ration qui a été témoin de sa passion, et dont il affirme qu'elle ne passera pas avant que la destruction de cette cité ne s'accomplisse. Mais je doute qu'ils puissent expliquer littéralement ce passage tout entier dans ce sens, depuis ces paroles: «Il ne restera pas pierre sur pierre»,jusqu'à ces autres: «Il est déjà à la porte». Ils le pourront pour certains endroits; mais, pour d'autres, cette explication est tout à fait impossible.
Le ciel qui passera n'est pas le ciel où brillent les astres, mais le ciel atmosphérique qui périt une première fois par le déluge (cf. 2P 3,5-7 2P 3,10-11 2P 3,15 ).
2454. Puis, il en présente la raison : LE CIEL ET LA TERRE PASSERONT, MAIS MES PAROLES NE PASSERONT PAS, comme s’il disait : «Il est plus facile pour le ciel et pour la terre de passer que pour mes paroles.» Is 40, 8 : Ma parole demeure pour l’éternité. Et Ps 32, 6 : Les cieux ont été établis par la parole du Seigneur. [Sa] parole est donc la cause du ciel, et la cause est toujours plus forte que son effet. C’est pourquoi, etc. Il ne dit pas que le ciel et la terre passeront au sens où ils cesseront d’exister, mais au sens où ils passeront à un autre état. Ap 21, 1 : J’ai vu des cieux nouveaux et une terre nouvelle. Selon Origène, les bons sont signifiés par le ciel et les mauvais par la terre. Is 1, 2 : Cieux, écoutez, terre, prête l’oreille. Les deux passeront, les bons vers la vie éternelle, les mauvais vers le feu éternel. Il est dit que la parole de Dieu ne passera pas : il n’est pas dit qu’elle ne passera pas selon la substance du Verbe, mais selon ce dont il procède. Selon Origène, le Verbe de Dieu a donc en propre, au-delà de tous les autres, de ne pas passer. Les paroles de Moïse et des autres ont passé ; les paroles de Moïse sont donc des signes de l’Église présente. Mais les paroles du Christ annoncent à l’avance l’état de la vie éternelle. Ainsi donc, les paroles de Moïse passent, c’est-à-dire que ce que Moïse a promis passe ; mais ce que le Christ [a promis] ne [passe] pas, car il a promis la gloire à venir, qui ne passe pas. De même, la parole du Christ, pour autant qu’elle porte sur des réalités terrestres et temporelles, passe.
Enfin
Jésus affirme que ses paroles n’ont à craindre aucun démenti, tout se réalisera comme il l’a prédit. - Un
rapprochement inattendu fortifie son affirmation. - Le ciel et la terre... Le ciel et la terre, ces parties de la
création qui semblent si robustes, si stables, Cf. Jer. 31, 35 et 36, passeront cependant ; ils seront
complètement transformés, sinon détruits en totalité ; Cf. 2 Petr. 3, 7 ; 1 Cor. 7, 31. Mais les assertions du
Christ demeureront. Il est vrai qu’il n’y a rien de plus transitoire, de plus fugitif qu’une parole. Cependant,
quand la parole profère une vérité immuable, appuyée sur un décret divin, elle reste jusqu’à son
accomplissement intégral et parfait. - Le v. 35 manque dans le Cod. Sinaïtique, et Tischendorf l’omet dans
ses éditions les plus récentes ; néanmoins son authenticité est suffisamment garantie par sa présence dans les
deux autres rédactions synoptiques, Marc. 13, 31, Luc. 21, 33, et dans tous les témoins ordinaires.
« Ces versets étant la conclusion de la première partie du discours, et cette première partie annonçant deux événements distincts, les mots « cette génération » désigneront ou bien les Juifs actuellement en vie, ou bien la race juive qui doit subsister jusqu’à la fin des temps, selon qu’on appliquera toutes ces choses à la destruction de Jérusalem ou à la catastrophe finale de l’univers. » (CRAMPON, 1885)