Matthieu 24, 4

Jésus leur répondit : « Prenez garde que personne ne vous égare.

Jésus leur répondit : « Prenez garde que personne ne vous égare.
Saint Thomas d'Aquin
2379. [Le Seigneur] répond donc [aux disciples], en premier lieu, au sujet de la destruction [de Jérusalem] ; en second lieu, au sujet du second avènement, en cet endroit : COMME L’ÉCLAIR PART DE L’ORIENT [24, 27].

À propos du premier point, il annonce d’abord à l’avance ce qui précèdera la destruction ; en second lieu, la destruction elle-même, en cet endroit : LORSQUE VOUS VERREZ L’ABOMINATION DE LA DÉSOLATION, etc. [24, 15].

Ces préambules visaient à la fois ceux de l’extérieur et ceux qui sont à l’intérieur de l’Église. En premier lieu, donc, ceux de l’extérieur ; en second lieu, ceux qui sont à l’intérieur de l’Église, en cet endroit : DE NOMBREUX FAUX PROPHÈTES SURGIRONT ET EN ABUSERONT UN GRAND NOMBRE [24, 11].
Louis-Claude Fillion
Et Jésus leur répondit. C’est ici qu’éclate entre les exégètes le dissentiment dont nous avons parlé. Ils ne peuvent en effet se mettre d’accord sur l’objet direct de la première partie du discours de Notre -Seigneur, non plus que sur la manière dont chaque pensée se rattache à cet objet. Pour plusieurs, l’instruction entière concernerait la ruine de Jérusalem et la destruction de l’état juif. Selon d’autres, elle serait uniquement relative à la fin du monde. Lightfoot, MM. Norton, Barnes, Brown et A. Clarke soutiennent la première hypothèse ; S. Irénée, S. Hilaire, S. Grégoire-le-Grand et quelques auteurs modernes défendent la seconde. Entre ces deux opinions qui semblent directement opposées à différentes paroles de Jésus (voir les versets 15-20, 29-31 avec leur explication), et qui, pour ce motif, n’ont jamais trouvé qu’un petit nombre de défenseurs, il en existe une troisième adoptée déjà par S. Jérôme et S. Augustin, et autour de laquelle se sont de tout temps rangés la plupart des commentateurs. Elle consiste à dire que, dans sa prophétie, Notre-Seigneur a tout à la fois en vue la destruction de Jérusalem et la consommation des siècles. Toutefois, l’harmonie est loin d’être parfaite même sur ce terrain commun. Nous ne tardons pas à y rencontrer des divisions ou du moins des nuances. Suivant un système assez répandu, les deux prédictions seraient exprimées parallèlement dans chaque verset du discours, la même image pouvant s’appliquer tout ensemble et à la ruine de la théocratie juive et à la fin du monde. D’après une autre conjecture, ces deux idées seraient au contraire entièrement séparées ; mais les traits relatifs à chacune d’elles auraient été proférés à dessein avec si peu d’ordre qu’il est moralement impossible de les retrouver tous avec certitude. Suivant l’opinion qui nous paraît la plus raisonnable (voir les commentaires de Schegg, Bisping, Stier, etc.), on distingue dans la première partie du discours eschatologique plusieurs séries de versets qui traitent alternativement de la ruine de Jérusalem et de ce qui doit se passer à la fin des temps. Il serait trop long de discuter ces divers sentiments : une lecture attentive du texte et du commentaire suffira pour montrer que celui que nous adoptons explique pour le mieux la pensée de Jésus et fait disparaître la plupart des difficultés. - Il ne faut cependant pas s’attendre à une parfaite clarté sur les points mystérieux que Jésus va développer : le Sauveur, en effet, ne se propose point de satisfaire la curiosité de ses disciples, ni d’enflammer leur imagination. Il veut plutôt les préparer aux événements qu’il décrit que leur en fournir une description adéquate. Aussi ne leur dira-t-il rien de l’époque à laquelle auront lieu les grandes crises historiques qu’il annonce, et plusieurs de ses paroles demeureront obscures jusqu’à ce qu’elles aient été mises en lumière par leur accomplissement. - Dans les versets 5-35 nous trouvons trois strophes d’inégale étendue, analogues à celles qui existent dans les discours habituellement rythmiques des anciens Prophètes. A trois reprises, la pensée prend une direction nouvelle, de manière à produire des tableaux variés. Tout d’abord, Jésus répond en termes généraux à la question de ses Apôtres, leur indiquant quels seront les pronostics communs de la ruine de Jérusalem et de la fin des temps, vv. 5-14 : c’est la première strophe. Dans la seconde, vv. 15-22, il revient d’une manière spéciale à la destruction de l’empire juif, dont il décrit les calamités et les signes. Enfin, dans la troisième, vv. 23-35, il parle spécialement aussi de la fin du monde, des malheurs qui l’accompagneront et des moyens par lesquels on pourra reconnaître son approche. - Prenez garde. Les disciples, nous l’avons vu, avaient confondu dans leur demande plusieurs choses qui devaient être séparées par des intervalles considérables lorsqu’elles se réaliseraient. Au début de sa réponse (première strophe), Notre-Seigneur mélange comme eux les divers points sur lesquels il se proposait de les instruire : il envisage donc comme si c’était un seul et même acte la ruine de la capitale juive et la consommation du siècle. Il l’avait déjà fait plusieurs fois en d’autres circonstances ; Cf. 10, 23 ; 16, 28. Après tout, n’existe-t-il pas entre ces deux événements la plus étroite union, malgré leur distinction réelle ? Ils sont le commencement et la fin d’une même œuvre, la scène initiale et la scène finale d’une grande et unique tragédie divine. S’ils se correspondent ainsi l’un à l’autre, le Sauveur a pu, comme les Prophètes, les contempler ensemble d’un seul coup d’œil. Les années et les siècles, en s’écoulant, devaient rétablir la perspective qui demeurait invisible pour les premiers auditeurs et les premiers lecteurs. - Ne vous égare. Avis plein de gravité sur lequel le divin Maître reviendra plus loin, vv. 23- 25, et qui a pour but de faire pressentir aux disciples les dangers terribles des temps qu’ils désirent connaître. « Ils étaient peu prémunis encore contre l’effet moral des déceptions qui attendaient leurs espérances et des luttes qu’ils rencontreraient dans leur chemin ; de plus, ils étaient très disposés à se laisser éblouir et égarer par le mirage des illusions que leur propre simplicité ou le fanatisme des enthousiastes... pouvaient faire naître dans leur esprit ». Reuss, Histoire évangélique, p. 600.