Matthieu 24, 45

Que dire du serviteur fidèle et sensé à qui le maître a confié la charge des gens de sa maison, pour leur donner la nourriture en temps voulu ?

Que dire du serviteur fidèle et sensé à qui le maître a confié la charge des gens de sa maison, pour leur donner la nourriture en temps voulu ?
Saint Thomas d'Aquin
2474. QUI, PENSES-TU, EST LE SERVITEUR FIDÈLE ET PRUDENT, QUE LE MAÎTRE A ÉTABLI SUR SA FAMILLE ? Ici, [le Seigneur] avertit d’une manière particulière les prélats de veiller : premièrement, en faisant miroiter les récompenses ; deuxièmement, en les menaçant de tourments.

À propos du premier point, il fait trois choses : premièrement, il présente la compétence du bon prélat ; deuxièmement, sa fonction ; troisièmement, la récompense.

2475. La compétence [du prélat] consiste en ce qu’il soit fidèle et prudent. En chaque bonne œuvre, deux choses sont nécessaires : que l’intention vise la fin nécessaire, et qu’elle emprunte les voies appropriées vers cette fin. Dans la fonction du prélat, ces deux choses sont donc nécessaires. Premièrement, il doit fixer son intention sur la fin nécessaire, alors que certains la fixent sur eux-mêmes. Ez 34, 2 : Malheur aux pasteurs qui se paissent eux-mêmes ! Car ceux qui visent une fin correcte ne recherchent pas ce qui leur est utile, mais [ce qui est utile] à un grand nombre, afin d’être sauvés, et ils font tout cela pour la gloire de Dieu. Mais celui qui cherche son propre bien ne le fait pas. Il faut donc que [le prélat] soit fidèle. 1 Co 4, 2 : On attend du serviteur qu’il soit fidèle.

Il doit aussi être prudent, car il peut arriver que quelqu’un recherche la gloire de Dieu, mais sans la science. En effet, il appartient au prélat de corriger les vices. Il pourrait donc faire tant de reproches qu’il pourrait induire au péché. Il faut donc qu’il soit prudent, plus haut, 10, 16 : Soyez prudents comme des serpents.

2476. Remarquez qu’il dit «serviteur», car la différence entre l’homme libre et le serviteur est que toutes les actions du serviteur sont tournées vers son maître, mais pas celles de l’homme libre. Toutes les actions du prélat doivent ainsi se rapporter à Dieu. Paul s’appelle ainsi serviteur, lorsqu’il dit, 2 Co 4, 5 : Nous, nous sommes vos serviteurs dans par Jésus.

Mais pourquoi dit-il : QUI, PENSES-TU, EST LE SERVITEUR FIDÈLE ET PRUDENT ? Parce que peu sont fidèles. Ph 2,21 : En effet, ils recherchent tous leur bien, et non celui de Jésus le Christ. Pr 20, 6 : Qui trouvera un homme fidèle ? Et s’il y a peu d’hommes fidèles, il y en a encore moins de prudents. C’est ce que dit le Seigneur en soulignant la rareté.

2477. Ensuite, il aborde leur fonction : QUE LE MAÎTRE A ÉTABLI SUR SA FAMILLE. Et il fait trois choses : premièrement, il parle de l’institution par lui de la fonction du [serviteur], lorsqu’il dit : QUE LE MAÎTRE A ÉTABLI, et non le [serviteur] s’est procuré par des cadeaux ou par des prières. He 5, 4 : Que personne ne prenne sur lui cet honneur, sinon celui qui est appelé par Dieu, comme Aaron. Ensuite, il aborde ce sur quoi [le serviteur] est établi : SUR SA FAMILLE, c’est-à-dire son Église, et non sur ce qui est extérieur à l’Église. 1 Co 5, 12 : Que nous importe ce qui est à l’extérieur ? De même, il aborde la fonction du prélat : POUR LUI DONNER LA NOURRITURE EN TEMPS VOULU, à savoir, la nourriture de l’enseignement, du bon exemple et de l’aide temporelle. C’est pourquoi le Seigneur a dit par trois fois à Pierre : Pais, pais, pais mes brebis. Pais par la parole, pais par l’exemple, pais par l’aide temporelle, qui vient en dernier lieu, mais toutefois EN TEMPS VOULU. Qo 3, 1 : Chaque chose a son temps. De même, Jn 16, 12 : J’ai beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les accepter maintenant. Si [le prélat] veut dire des paroles, alors que cela ne convient pas, il perd [la famille].
Louis-Claude Fillion
Les v. 45-51 contiennent une nouvelle parabole imparfaite que le divin Maître avait déjà citée, mais dans des circonstances très différentes et avec une variété évidente de détails ; Cf. Luc. 12, 42-46. - Quel est, pensez- vous... Formule destinée à exciter l’attention des auditeurs ; Cf. S. Jean Chrysost. Hom. 77 in Matth. - Le serviteur fidèle et prudent. Le contexte prouve qu’il s’agit d’un serviteur élevé, d’un intendant de maison à qui incombent des devoirs tout particuliers. De là cette juste réflexion de saint Hilaire : « Bien que le Seigneur nous ait recommandé à tous en général une vigilance continuelle sur nous-mêmes, il ordonne aux princes du peuple, c'est-à-dire aux Apôtres, aux évêques et aux prêtres, une sollicitude toute particulière dans l'attente de son avènement ». Remarquons les deux qualités essentielles que doit posséder le bon serviteur dont parle Jésus : la fidélité à son maître, à ses obligations, et la prudence, une profonde sagesse. - Sur ses gens... Famille dans l’ancien sens de cette expression, pour désigner les autres esclaves de la maison, « famulitium, servitium ». - Le maître qui a ainsi confié à un serviteur le soin de diriger les autres est Dieu lui-même ou le Christ. - Pour leur distribuer... But de cette prépondérance. La parabole fait allusion aux rations quotidiennes que le « dispensator » était chargé de distribuer aux esclaves placés sous sa juridiction. Le pronom « leur » est au pluriel parce que « familia » est un nom collectif. - En temps convenable, scil. « au temps fixé ».