Matthieu 25, 1

« Alors, le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux.

« Alors, le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux.
Saint Thomas d'Aquin
2488. Il a été question plus haut de l’avènement du Seigneur en vue du jugement ; ici, il s’agit du jugement même. Ce chapitre se divise donc en deux parties. Dans la première partie, [le Seigneur] parle du jugement sous forme de paraboles ; dans la seconde, il montre de façon claire et explicite la forme du jugement, en cet endroit : QUAND LE FILS DE L’HOMME VIENDRA, etc. [25, 31].

À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, des paraboles sont présentées, par lesquelles certains sont exclus du royaume en raison d’un manque intérieur ; dans la seconde partie, certains sont exclus en raison d’une négligence dans l’action extérieure, en cet endroit : C’EST COMME UN HOMME QUI, PARTANT EN VOYAGE, etc. [25, 14].

2489. La première [parabole] est celle des vierges, qui d’habitude mettent à l’épreuve l’esprit des hommes. Dans celle-ci, trois choses doivent être considérées : premièrement, est présentée la préparation de certains qui se mettent en position de régner avec le Christ ; deuxièmement, l’incitation au jugement est présentée ; troisièmement, l’arrivée du jugement. La deuxième partie [se trouve] en cet endroit : MAIS, AU MILIEU DE LA NUIT, etc. [25, 6] ; la troisième, en cet endroit : ALORS QU’ELLES ÉTAIENT PARTIES, etc. [25, 10].

2490. À propos du premier point, [le Seigneur] aborde d’abord l’application de celles qui se préparent ; deuxièmement, leur sommeil, en cet endroit : COMME [L’ÉPOUX] TARDAIT, etc. [25, 5].

À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, il présente ce qui est commun à toutes celles qui se préparent ; deuxièmement, ce qui distingue ici [les vierges] qui se préparent, en cet endroit : CINQ D’ENTRE ELLES, etc. [25, 2].

À propos du premier point, on aborde quatre choses communes à toutes : le nombre, l’état, la fonction et la fin visée.

2491. Le nombre est abordé [lorsqu’il dit] qu’elles étaient dix : LE ROYAUME DES CIEUX EST SEMBLABLE À DIX VIERGES. Mais pourquoi dix ? Il y a une triple raison. L’une, que dix est le nombre de la totalité : lorsque nous comptons, nous allons jusqu’à dix, puis nous recommençons à un. Ainsi, par dix, un et cent, la totalité est indiquée. Ou bien, selon Hilaire, toutes s’opposent à l’observance des dix commandements ou y sont obligées. Ou bien, [il est question de dix] en raison des cinq sens multipliés par deux. En effet, ils sont multipliés d’une première façon, selon Grégoire, parce qu’il y en a cinq chez les hommes et cinq chez les femmes, ce qui donne dix. Selon Jérôme, ils sont multipliés selon qu’on se réfère aux divers sens. En effet, il y a des sens extérieurs et [des sens] intérieurs. De la vision intérieure, il est dit en Jn 4, 12 : Dieu, personne ne l’a jamais vu. Du goût, il est dit en Ps 33[34], 9 : Goûtez et voyez comme est doux le Seigneur. De l’odorat, il est dit en Ct 1, 3 : Nous accourons vers tes parfums. Et il en est de même des dix [sens] qui aboutissent au jugement.

2492. L’état est touché lorsqu’on dit : VIERGES. Mais pourquoi sont-elles dites VIERGES ? Il existe une triple raison. Selon Chrysostome, cela s’entend de celles qui préservent l’intégrité de leur chair. Mais pourquoi mentionne-t-il plutôt des vierges ? [Chrysostome] dit que, plus haut, 19, 12, [le Seigneur] a parlé des vierges, lorsqu’il disait que certains étaient eunuques parce qu’ils s’étaient castrés en vue du royaume des cieux. Comprenne qui pourra ! Ainsi, parce que la virginité est un si grand bien qu’elle ne tombe pas sous les commandements, mais sous un conseil, selon ce qu’on lit en 1 Co 7, 25 : Au sujet des vierges, je n’ai pas [reçu] de commandement, mais je donne un conseil, si ceux-ci sont condamnés, à bien plus forte raison les autres [le seront-ils]. Ou bien, on appelle VIERGES ceux qui s’abstiennent des séductions des cinq sens. Selon Jérôme et Origène, on appelle vierges les fidèles qui n’admettent pas la dépravation, selon ce que dit l’Apôtre, 2 Co 11, 2 : Je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ.

2493. Vient ensuite le soin [qu’elles apportent] : [DIX VIERGES], MUNIES DE LEURS LAMPES. Les lampes sont des vases de lumière. Selon Hilaire, nous pouvons donc entendre les âmes illuminées par la lumière de la foi qu’elles ont reçue au baptême. Is 58, 8 : Alors surgira ta lumière comme au matin. Ou bien, selon Augustin, par les lampes sont signifiées les œuvres : «Vos oeuvres sont comme une lampe», plus haut, 5, 16 : Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux. Prendre des lampes, c’est donc préparer son âme ou se disposer aux bonnes œuvres.

2494. Quatrièmement, ce qui est exposé, c’est qu’ELLES ALLÈRENT À LA RENCONTRE DE L’ÉPOUX ET DE L’ÉPOUSE. Qui est l’époux et qui est l’épouse ? Il y a une double interprétation selon un double mariage. L’un, de la divinité avec l’humanité, qui a été célébré dans le sein de la Vierge : Car il s’avance comme un époux depuis sa couche, Ps 18[10], 6. L’époux est le Fils lui-même, l’épouse, la nature humaine. Ainsi, sortir pour aller au-devant de l’époux et de l’épouse n’est rien d’autre que de servir le Christ. Il y aussi le mariage du Christ et de l’Église. Jn 3, 29 : Celui qui a l’épouse est l’époux. Ainsi donc, ceux qui préparent des lampes ont l’intention de plaire à l’époux, c’est-à-dire au Christ, et à l’épouse, c’est-à-dire à la mère Église.

2495. Sur ces points, [les dix vierges] s’accordent donc.
Louis-Claude Fillion
Cette parabole compte parmi les plus belles de l'Évangile. Pour la bien comprendre, il est nécessaire de connaître les principales cérémonies qui accompagnaient autrefois la célébration du mariage chez les Juifs : mais d'une part ces cérémonies ont été si complètement décrites par les anciens auteurs, d'autre part elles se sont conservées avec tant de fidélité parmi les Syriens, les arabes et les autres habitants des pays bibliques, qu'il est aisé de s'en faire une exacte représentation. Le trait essentiel d'un mariage juif n'était pas, comme chez nous, l'acte religieux ; c'était la translation solennelle de la fiancée dans la maison qu'elle devait désormais habiter avec son mari. Le soir des noces, car cette translation avait habituellement lieu durant les premières heures de la nuit, l'époux richement habillé et coiffé du gracieux turban que mentionne Isaïe, 61, 10, se rendait avec ses paranymphes(cf. 9, 15 et l'explication) chez les parents de sa future épouse. Celle-ci, également revêtue du costume nuptial, dont les principales parties étaient le voile très ample qui l'enveloppait tout entière, la ceinture, et la couronne, l'attendait entourée de ses amies, les dix vierges de notre parabole. Alors le cortège se mettait en marche avec accompagnement de musique, de torches, et des démonstrations de la joie la plus vive. Voir dans le commentaire de M. Abbott, p. 269, une gravure qui représente une procession de mariage telle qu'on en rencontre de nos jours encore dans les rues de Jérusalem. Arrivés à la maison du fiancé, les invités entraient et les portes étaient immédiatement fermées : personne ensuite n'était admis. On signait le contrat de mariage et chacun prenait sa part d'un somptueux festin. - Nous renvoyons, pour des descriptions plus détaillées à Smith, Dictionary of the Bible, s.v. Marriage ; Rosenmüller, das alte u. neue Morgenland, t. 5, p. 97 ; Weltzer et Welte, diction. Encyclop de la théologie cath ; traduit par Goschler, art. Mariage (jour du) chez les Hébreux ; D. Calmet, dictionn. de la Bible, s. v. Noces ; Selden, Uxor hebraica. Comparez aussi les ouvrages qui s'occupent directement de l'Archéologie biblique, en particulier ceux de Keil et de Saalschütz. Comme le fait observer M. Reuss, Hist. évangél. p. 612, « plusieurs circonstances sont ici laissées de côté, comme étrangères au but de la parabole. Ainsi, il n'est pas fait mention de la fiancée, ni des amis de l'époux ». Jésus se borne à relever les traits dont il avait besoin pour recommander la vigilance à ses disciples. - Alors : à l'époque dont il était question à la fin du chap. 24 ; quand le Fils de l'homme viendra juger les vivants et les morts. - Sera semblable… Nous avons expliqué plus haut cette formule ; cf. 13, 24, etc. Au jour du jugement, il se passera dans le royaume des cieux quelque chose de semblable à ce qui arriva aux dix vierges de la parabole. - Dix vierges. Le choix de ce chiffre n'est sans doute pas un effet du hasard ; il est probable que c'était le nombre ordinaire de jeunes filles qui accompagnaient la fiancée le soir de son mariage. Il était du reste très-aimé des Juifs, comme le remarque Lightfoot : aussi avait-on réglé qu'il fallait au moins dix personnes pour former une assemblée civile ou religieuse ; cf. Baehr, Symbolik des Mos. Cultus, t. 1, p. 175. - Ayant pris leur lampes. Les vierges se munissent de lampes parce que la procession devait avoir lieu pendant la nuit, comme nous l'avons indiqué. Les Grecs et les Romains employaient de préférence les torches dans des circonstances semblables : « Ne vois-tu pas les flambeaux agiter leurs chevelures d'or ? », Catull. Ep. 98 ; « Ils portaient, comme pour la guider à quelque repas nuptial, des torches brillantes devant leur maîtresse », Apulée, l'âne d'or, liv. 10. Cf Hom. Il. 18, 492 et ss. Les Juifs se servaient plus volontiers de ces petites lampes de terre ou de métal, usitées dans toute l'antiquité, et dont nos musées contiennent de nombreux échantillons. Cf. Ant. Rich, Diction. des antiquités rom. et grecq., traduct. française s. v. Lucerna. Ils les suspendaient parfois à l'extrémité d'un bâton. - Allèrent au-devant… Les dix vierges quittent leurs propres demeures pour aller rejoindre la fiancée : avec elle elles attendront l'arrivée de l'époux. C'est en ce sens qu'elles vont au-devant de lui, quoique de fait ce soit lui qui vienne au-devant d'elles d'après la coutume. Les mots et de l'épouse sont probablement apocryphes, car on ne les trouve presque dans aucun manuscrit grec. La Vulgate les reproduit d'après l'ancienne Itala : on les lit également dans la version syriaque.
Fulcran Vigouroux
La cérémonie principale du mariage chez les Juifs consistait à conduire la fiancée de sa propre maison dans la maison de son futur époux. Elle avait lieu le soir, quand il était déjà nuit, ce qui obligeait d’emporter des lampes pour éclairer la marche. La fiancée richement habillée et entourée de ses compagnes, les dix vierges dont il est ici question, attendait la venue de l’époux et de ses amis (voir Matthieu, 9, 15) qui venaient la chercher et la conduisaient dans la maison qui devait être désormais la sienne. ― Les mots de l’épouse ne se lisent pas dans le grec. De fait les compagnes vont attendre seulement l’époux.
Catéchisme de l'Église catholique
Le Christ a affirmé avant son Ascension que ce n’était pas encore l’heure de l’établissement glorieux du Royaume messianique attendu par Israël (cf. Ac 1, 6-7) qui devait apporter à tous les hommes, selon les prophètes (cf. Is 11, 1-9), l’ordre définitif de la justice, de l’amour et de la paix. Le temps présent est, selon le Seigneur, le temps de l’Esprit et du témoignage (cf. Ac 1, 8), mais c’est aussi un temps encore marqué par la " détresse " (1 Co 7, 26) et l’épreuve du mal (cf. Ep 5, 16) qui n’épargne pas l’Église (cf. 1 P 4, 17) et inaugure les combats des derniers jours (cf. 1 Jn 2, 18 ; 4, 3 ; 1 Tm 4, 1). C’est un temps d’attente et de veille (cf. Mt 25, 1. 13 ; Mc 13, 33-37).