Matthieu 25, 9

Les prévoyantes leur répondirent : “Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter.”

Les prévoyantes leur répondirent : “Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter.”
Saint Thomas d'Aquin
2510. MAIS LES [VIERGES] SAGES RÉPONDIRENT. Ici est présentée la réponse des [vierges] sages et, dans cette réponse, deux choses sont exposées : premièrement, le refus est présenté ; deuxièmement, un conseil est proposé, en cet endroit : ALLEZ PLUTÔT CHEZ LES MARCHANDS. Et pour quelle raison ? DE CRAINTE QU’IL N’Y EN AIT PAS ASSEZ POUR NOUS ET POUR VOUS.

2511. Ainsi, parce que l’huile de la miséricorde ou la joie intérieure, ou les œuvres extérieures, ne suffisent pas pour nous et pour vous, il est dit en 1 P 4, 18 : Si le juste est sauvé de justesse, que feront l’impie et le pécheur ? Et l’Apôtre [dit], Rm 8, 19 : Les souffrances présentes ne se comparent pas à la gloire qui sera révélée en nous. Et Is 54, 6 : Toute votre justice est comme le vêtement souillé d’une femme menstruée. Puis donc que cela ne suffit pas pour nous et pour vous, ALLEZ PLUTÔT CHEZ LES MARCHANDS ET ACHETEZ-EN POUR VOUS. Mais auront-elles le temps d’aller chercher de l’huile ? Il faut donc comprendre que ceci est dit plutôt comme un reproche que comme un conseil, comme si elles disaient : «Vous auriez dû y aller.» Selon Chrysostome, ces marchands sont des pauvres, car ils font commerce du royaume. Lc 16, 9 : Faites-vous des amis avec l’argent de l’iniquité. Elles disent dont : ALLEZ, c’est-à-dire : «Vous auriez dû y être allées.» En effet, selon Augustin, cela est exprimé comme un reproche. Les marchands d’huile sont les flatteurs. Voyant donc que [les insensés] demandent de l’aide, ils disent : ALLEZ CHEZ LES MARCHANDS ET ACHETEZ-EN POUR VOUS, comme s’ils disaient : «Vous n’avez jamais recherché que de l’huile, c’est-à-dire la gloire humaine ; maintenant allez vers le monde et achetez ce témoignage que vous avez toujours recherché.»

2512. Selon Origène, le sens littéral est clair, car il veut que tout cela se produise en ce monde. Il arrive parfois qu’un pécheur voie un juste et lui demande ce qu’il doit faire. Mais certains sont tellement sages que leur sagesse leur suffit, mais ne suffit pas à eux-mêmes et aux autres. De sorte que ceux-là disent à ceux qui leur demandent conseil : «Nous ne possédons pas la doctrine spirituelle en si grande abondance que nous puissions suffire à nous et à vous ; allez donc vers les docteurs de l’Église et vers les marchands qui vous en vendront.» On lit à leur sujet en Is 55, 1 : Vous tous qui avez soif, approchez-vous de l’eau, et vous qui n’avez pas d’argent, approchez-vous, achetez et mangez. Mais comment vend-on sans argent ? Je dis que la sagesse n’est pas vendue sans argent. Et quel est son prix ? Que l’homme s’y applique volontiers : tel est le prix de la sagesse. Pr 2, 4 : Si tu la recherches comme de l’argent et si vous la fouillez comme un trésor, alors tu comprendras la crainte [de Dieu] et tu trouveras la connaissance de Dieu.
Louis-Claude Fillion
Hélas ! La réponse des vierges sages n'est pas et ne pouvait pas être favorable. Elle est exprimée d'une manière elliptique, ainsi qu'il convient dans un moment de grande hâte (Bengel, Gnomon in loc.). C'est un refus formel, quoique poli : refus du reste plein de sagesse, comme l'indique le motif allégué par les vierges : De peur … En partageant, ne s'exposeraient-elles pas à manquer d'huile toutes les dix ? (S. Jean Chrysostôme, de Pœnit. Hom. 8). - Allez chez ceux qui en vendent. On a vu parfois de l'ironie dans ce conseil ; S. Augustin par exemple, qui s'écrie « Ce n'est pas un conseil, c'est une dérision », Serm. 93, 11. Mais cela serait-il bien digne des vierges sages, surtout en un pareil moment ? Non, elles ne se rient point cruellement du malheur de leurs amies, elles leur indiquent plutôt le seul moyen qui reste à celles-ci de pouvoir encore participer à la fête des noces. Qu'elles se hâtent d'aller acheter de l'huile chez les marchands !