Matthieu 26, 14

Alors, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres

Alors, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres
Saint Thomas d'Aquin
2627. ALORS L’UN DES DOUZE PARTIT. Plus haut, [Matthieu] a présenté une triple annonce de la passion du Seigneur ; ici, il se tourne vers le récit. Premièrement, il [le] fait précéder des événements préparatoires ; deuxièmement, il traite de la passion elle-même, en cet endroit : COMME IL PARLAIT ENCORE, etc. [26, 47].

Il y a trois événements préparatoires : premièrement, l’entente en vue de la trahison est présentée ; deuxièmement, l’institution de la communion au Seigneur ; troisièmement, la prière du Christ. Le second point [se trouve] en cet endroit : LE PREMIER JOUR DES AZYMES, etc. [26, 17] ; le troisième, en cet endroit : ALORS JÉSUS VINT AVEC EUX DANS UN DOMAINE APPELÉ GETHSÉMANI [26, 36].

En premier lieu, la personne de celui qui l’a trahi est décrite ; en second lieu, l’entente concernant la trahison ; en troisième lieu, la préoccupation [de Judas est décrite].

2628. [Matthieu] dit donc : ALORS. Comprenez que cela ne se rapporte pas à ce qui précède immédiatement, car il avait été question de cette femme par mode de transposition. Mais cela répond à ce qui avait été dit : ALORS, LES GRANDS PRÊTRES ET LES ANCIENS… EN VUE D’ARRÊTER JÉSUS PAR RUSE ET DE LE TUER [26, 3].

2629. ALORS L’UN DES DOUZE, QUI S’APPELAIT JUDAS ISCARIOTE. Sa personne est décrite par trois traits. Par sa fonction, car il était l’un des Douze, non seulement l’un des disciples, mais l’un des Douze spécialement appelés. Jn 6, 71 : Ne vous ai-je pas choisis, vous, les Douze, et l’un de vous est le Diable ? Mais pourquoi [le Seigneur] a-t-il voulu choisir un méchant et un traître ? La première raison peut avoir été qu’il voulait indiquer qu’il ne condamne ou ne sauve personne en raison de sa prédestination, mais en raison de sa justice présente. De sorte que si quelqu’un était condamné en raison de sa prédestination, on ne le lui imputerait pas. De même, [c’était] pour la consolation des hommes : en effet, il savait que, dans l’avenir, beaucoup seraient égarés dans leurs choix, comme il arriva à Philippe, qui choisit Simon le Mage. C’est pourquoi le Seigneur a permis qu’il y ait un traître parmi les disciples. Une autre raison peut être que personne ne soit blâmé pour le fait qu’il y ait un méchant, puisqu’il y eut un méchant dans le premier collège.

2630. La personne du traître est aussi décrite par son nom : QUI S’APPELAIT JUDAS. Parmi les disciples, deux portaient ce nom, et cependant un seul fut mauvais, ce qui signifie que certains qui confessent Dieu sont bons, et certains, mauvais. [Il est question] des bons en Ps 113[114], 2 : La Judée l’a rendu saint ; des bons, en Tt 1, 16 : Ils confessent qu’ils connaissent Dieu, mais ils le nient par leurs actes.

De même, [le traître est-il décrit] par son lieu d’origine. ISCARIOTE est un village, et on lui donne le sens de «souvenir de mort», car on garde à la mémoire le péché de Judas. On peut mettre ceci en rapport avec ce que dit Jérémie, 17, 1 : Le péché de Judas a été inscrit avec un stylet de fer sur un ongle dur comme le fer.

2631. [JUDAS SE RENDIT] AUPRÈS DES GRANDS PRÊTRES, qui avaient l’intention de tuer le Christ, en oubliant ce qui est dit en Ps 1, 1 : Bienheureux l’homme qui ne s’est pas joint au conseil des impies, etc. Et en Gn 49, 6, Jacob dit : Que mon âme ne descende pas vers leur conseil.
Louis-Claude Fillion
Pour ne pas commettre d'erreur au sujet de cette date et de l'événement qu'elle introduit sur la scène évangélique, il faut se souvenir que les vv. 6-13 ne sont pas à leur place régulière (voir la note du v. 6) et qu'ils auraient fait partie du chapitre 21, si le narrateur eût suivi rigoureusement l'ordre des temps. De la sorte, le v. 14 se rattache d'une manière immédiate aux versets 3-5, et nous avons deux « alors » parallèles, qui représentent l'un et l'autre la soirée du mardi saint. Le Sanhédrin avait tramé contre Jésus le noir complot que nous savons : au même instant, par une coïncidence providentielle, Judas se décidait à trahir son Maître. Nous rechercherons bientôt les motifs qui ont pu pousser le traître à un acte si infâme, cf. v. 15 : son mobile déterminant, ou, pour employer une image populaire, la goutte d'eau qui fit déborder le vase déjà plein, fut sans doute le reproche que Jésus adressa dans la maison de Simon-le-lépreux à quelques disciples mécontents et plus spécialement à lui ; cf. Joan 12, 4 et ss. C'est pour cela que S. Matthieu et S. Marc ont rompu en cet endroit la chaîne chronologique des faits, afin de rapprocher la trahison de Judas de l'onction de Marie. - Un des douze. Les évangélistes associent habituellement cette formule à l'action de Judas pour en faire ressortir doute l'énormité. - Les princes des prêtres. L'hostilité de la caste sacerdotale à l'égard de Jésus n'était un secret pour personne ; elle s'était tout récemment encore affichée au grand jour. Il est naturel que Judas ait songé à en profiter pour atteindre ses propres fins. Il va donc trouver quelques-uns des princes des prêtres. Ceux-ci sortaient précisément de la séance dans laquelle l'arrestation de Jésus avait été votée : on juge de leur surprise et de leur joie maligne.