Matthieu 26, 17

Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples s’approchèrent et dirent à Jésus : « Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ? »

Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples s’approchèrent et dirent à Jésus : « Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ? »
Saint Thomas d'Aquin
2635. LE PREMIER JOUR DES AZYMES. [Matthieu] traite alors de l’institution du sacrement et, parce que les réalités nouvelles succèdent aux anciennes (comme il est dit en Lv 26, 10 : Lorsque des réalités nouvelles arriveront, vous rejetterez les anciennes), il traite d’abord de l’ancien et, en second lieu, du nouveau.

À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, la préparation de la Pâque est présentée ; deuxièmement, l’annonce anticipée d’un traître est présentée, en cet endroit : TANDIS QU’ILS MANGEAIENT, etc. [26, 21].

À propos du premier point, [Matthieu] indique d’abord le temps ; en second lieu, la préparation du repas ; en troisième lieu, l’institution du sacrement.

2636. [Matthieu] dit donc : LE PREMIER JOUR DES AZYMES. Ici pourrait être soulevée une objection, car ce jour était le premier jour de la Pâque, et il semble que cela s’oppose à ce qui est dit en Jn 13, 1 : Avant le jour de la Pâque, etc. Les Grecs disent que Matthieu, Luc et Marc se sont trompés et que Jean les a corrigés, car [la préparation] se fit avant le jour de la Pâque. Ils disent donc que le Seigneur a souffert à la quatorzième lune et qu’il fit le repas à la treizième. Ils disent ainsi que le Seigneur a [utilisé] non pas du pain azyme, mais du pain avec du levain. Et ils essaient de justifier cela par de nombreux arguments. Premièrement, il est dit, en Jn 18, 28, qu’ils n’entrèrent pas afin de ne pas être contaminés et de pouvoir manger la Pâque, de sorte qu’ils devaient manger la Pâque le jour de la passion. Un autre de leurs arguments est que les femmes préparèrent les aromates ; ainsi, etc. Mais cela ne peut pas être le cas, car le Seigneur n’a pas enfreint les cérémonies : en effet, on ne trouve pas qu’il ait anticipé la Pâque, mais on trouve que celle-ci ait été prolongée. Et à supposer qu’elle ait été anticipée, cela ne va pas dans le sens des Grecs, car il est écrit que la Pâque devait être mangée avec des azymes et des herbes des champs. Si donc il avait agi autrement, il aurait agi contre la loi. Ainsi donc, selon ce que disent les trois évangiles, cela a eu lieu à la quatorzième lune, et il était alors nécessaire de manger la Pâque.

2637. Que faut-il donc répondre à ce que dit Jean : Avant la fête de la Pâque ? Il faut dire que c’était la coutume qu’on fasse débuter le jour à partir du soir [précédent], et ainsi le jour de la Pâque commençait le soir [précédent]. On lit ceci en Ex 12, 18 : Le quatorzième jour, le soir, vous célébrerez la Pâque. Et, à partir de ce moment-là, on ne trouvait plus de pain avec du levain dans les maisons des Juifs jusqu’au vingt et unième jour. De sorte que si nous comptons à partir du soir de la quatorzième lune, la préparation fut faite avant le jour de la Pâque, mais c’était cependant la quatorzième lune. Jean appelle donc ce jour [le jour] des azymes, et le jour de Pâque, la quinzième lune.

2638. Si tu dis en second lieu qu’ils n’entrèrent pas au prétoire, etc., Chrysostome en apporte ainsi la solution : il dit que le Seigneur n’a rien omis des observances de la loi. Il a donc mangé la Pâque à la quatorzième lune. Mais ces grands [prêtres] désiraient ardemment tuer le Christ ; pour cette raison, ils reportèrent [de manger la Pâque]. Ils ne [la] célébrèrent donc pas, et cela, à l’encontre de la loi. Ou bien, par la Pâque, on entend les pains azymes, ce qu’on disait à propos des femmes, selon Augustin, parce qu’elles faisaient beaucoup de solennités. Mais le sabbat était une célébration plus solennelle. C’est pourquoi il n’était pas permis de préparer des aliments le jour du sabbat, ce qui était cependant permis aux autres fêtes, mais non pas le jour du sabbat. Ainsi, il arriva alors que la fête de la Pâque tomba un vendredi, puis suivit le sabbat. Ils [la] préparèrent donc et ils se reposèrent le jour du sabbat. Nous pouvons donc dire que [le Seigneur] célébra la Pâque à la quatorzième lune.

2639. La préoccupation des disciples suit : LES DISCIPLES S’APPROCHÈRENT DE LUI ET LUI DIRENT : «OÙ VEUX-TU QUE NOUS TE PRÉPARIONS DE QUOI MANGER LA PÂQUE ?» Premièrement, l’interrogation est présentée ; deuxièmement, l’ordre [de Jésus] ; troisièmement, l’accomplissement [de l’ordre].

[Matthieu] dit : LES DISCIPLES S’APPROCHÈRENT. Mais quels disciples ? Rémi dit que Judas [s’approcha] docilement afin de cacher sa trahison. Toutefois, le pape Léon dit que les autres aussi. «OÙ VEUX-TU QUE NOUS TE PRÉPARIONS DE QUOI MANGER LA PÂQUE ?» Par cela, il est indiqué que le Christ n’avait pas là de maison, ni aucun membre de son entourage ; sa pauvreté est donc signalée. Ainsi, plus haut, 8, 20 : Le Fils de l’homme n’a aucun endroit où poser sa tête.
Louis-Claude Fillion
Nous devons aborder ici l'une des questions les plus compliquées, les plus controversées de l'histoire évangélique, une question qu'il faut désespérer de voir jamais résoudre d'une manière satisfaisante pour tous, puisque, après des discussions séculaires qui l'ont agitée sous toutes ses faces, elle semble n'avoir pas fait un seul pas en avant et qu'elle sépare aujourd'hui encore les meilleurs exégètes en plusieurs camps opposés. Nous voulons parler de la Chronologie de la Passion. Jusqu'ici cependant, nous avons pu, jour par jour et sans beaucoup de peine, suivre Notre-Seigneur à travers les diverses péripéties de sa dernière semaine : mais c'est au point précis où nous sommes arrivés que commencent de grandes difficultés et de grandes divergences. Notre plan ne nous permet pas de traiter à fond cet intéressant problème, nous devons nous contenter d'en étudier seulement les points les plus importants. Les lecteurs désireux de l'élucider d'une manière plus complète trouveront de nombreux matériaux dans les ouvrages suivants qui l'ont savamment étudié : Bynaeus, de Morte J. Ch. 1, 3 §§ 19-32 ; Carpzov, Apparatus antiquit. Sacr. p. 429 et ss. ; B. Lamy, Traité historique de l'anc. Pâque des Juifs où l'on examine à fond la question si Jésus-Christ fit cette Pâque la veille de sa mort, Paris, 1693 ; Tillemont, Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, t. 2, p. 3, page 150 et ss. ; Calmet, Dissertation sur la dernière Pâque de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en tête du Comment. sur l'Ev. Page 462 / 531 de S. Matth. ; Hardouin, Comment. de supremo Paschate Christi, Paris 1693 ; Jos. Langen, die letzten Lebenstage Jesu, chap. 6, p. 57-146 ; Fouard, La Passion de Jésus-Christ, chap. 1, p. 1-20 ; Robinson, English Harmony of the Gospels, 8, §§ 133-158 ; Andrews, Life of our Lord, p. 423-460. - La passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ remonte à l'an 782 de l'ancienne ère romaine, c'est-à-dire l'an 29 de l'ère vulgaire rectifiée (15ème année du règne de Tibère) : tel est le sentiment le plus probable et le plus commun (voir le chapitre intitulé Chronologie des Évangiles dans notre Introduction générale). Voilà pour l'année. Quant au jour, les évangélistes affirment très catégoriquement que le Sauveur mourut un vendredi, peu de temps avant l'ouverture du repos sabbatal, cf. Marc. 15, 42 ; Luc. 23, 54 ; Joan. 19, 31, et au temps de la Pâque. Mais était-ce le 15 nisan, c'est à dire le jour même de la Pâque, ou le 14 nisan, veille de cette grande solennité ? Tel est, en réalité, le point principal du débat, et c'est de lui surtout que nous avons à nous occuper. Mais on envisage habituellement le problème sous une autre forme. Comme la cène légale, qui était célébrée dès les premières vêpres, servait d'introduction à la Pâque juive, on se demande si le repas auquel Jésus-Christ participa la veille de sa mort avec les Douze doit se confondre avec elle, ou si ce fut un festin pascal anticipé. Dans le premier cas, Notre-Seigneur serait mort le 15 nisan, le grand jour de la solennité ; dans le second cas, sa Passion aurait eu lieu le 14 nisan, la veille de la Pâque. - En quel jour le Sauveur mangea-t-il donc l'agneau pascal ? La question serait toute tranchée s'il n'existait que trois rédactions évangéliques, celles des synoptiques ; car il y est dit clairement et en divers termes que Jésus mangea la Pâque en même temps que ses coreligionnaires « le premier jour des pains Azymes », c'est-à-dire le 14 nisan au soir, ainsi qu'il était prescrit par la Loi ; cf. Matth. 26, 17 et ss. ; Marc 14, 12 et ss. ; Luc. 22, 7 et ss. Il n'y a pas l'ombre d'un doute à ce sujet ; le témoignage des trois évangélistes est irrécusable, et les expressions qu'ils emploient ne sauraient signifier autre chose. Toute la difficulté vient de S. Jean, dont le récit semble, à première vue, contredire celui des autres Évangiles, en fixant un jour plus tôt la manducation de l'agneau pascal par Jésus-Christ. Trois passages surtout méritent d'être allégués : 13, 1 ; 18, 28 ; 19, 14. Dans le premier, il est dit que le dernier repas de Jésus avec ses disciples eut lieu avant le commencement de la fête. Dans le second, nous apprenons que le vendredi matin, au moment où Notre-Seigneur comparut devant Pilate, les Juifs n'avaient pas encore mangé la Pâque. Dans le troisième enfin, le jour où Jésus fut crucifié est appelé « parasceve Paschae », le jour des préparatifs pour la fête. Il suit de là que, cette année, la Pâque aurait été célébrée un samedi et la cène légale un vendredi soir, donc Notre-Seigneur Jésus-Christ aurait devancé d'un jour la manducation de l'agneau pascal. Voilà l'état des faits d'après les récits de l'Évangile : les synoptiques déclarent que Jésus-Christ mangea la Pâque au temps prescrit et mourut le jour de la fête ; S. Jean paraît dire au contraire qu'il ne put célébrer la sainte cène à l'heure légale, puisqu'il fut crucifié avant que la solennité fût régulièrement commencée. Comment concilier des affirmations qui semblent si opposées ? Pour eux, la contradiction est palpable, flagrante : il est impossible de la faire disparaître. Mais elle ne les gêne pas, disent-ils, cf. Ed. Reuss, Histoire Evang., p. 628 ; ou plutôt elle les arrange beaucoup, puisqu'ils partent de là pour attaquer la véracité et partant la divinité des Évangiles. Nous ne les suivrons pas sur ce terrain de la négation, car nous croyons avec l'Église que les écrivains sacrés ne peuvent pas se contredire véritablement, ainsi que s'exprimait Philoponus, traitant de cette même question, De Pasch. Disput. ap. Gallandi, Biblioth. vet. Patr. t. 12, p. 605. Passons donc aux systèmes imaginés par les exégètes croyants pour mettre S. Jean d'accord avec les synoptiques. On peut en faire deux classes principales. Suivant une première opinion, tous les évangélistes fixeraient la date de la mort du Sauveur au 14 nisan, celle de la dernière cène au 13 nisan. D'après un autre sentiment, les évangélistes s'entendraient pour dire que Jésus a été crucifié le 15 nisan, et qu'il a célébré le festin pascal le 14. Les partisans de ce dernier système ont, ce semble, une tâche relativement plus facile quand il s'agit de donner des preuves. Leur rôle consiste 1° à s'appuyer sur l'autorité des synoptiques ; 2° à expliquer les trois difficultés tirées du quatrième Évangile, de manière à effacer toute apparence de contradiction ; 3° à réfuter les objections de leurs adversaires. L'autorité des synoptiques est, nous l'avons vu, d'un très grand poids, à cause de la clarté, de l'identité de leurs affirmations. D'un autre côté, sans faire aux textes la moindre violence, on peut, à l'aide de l'archéologie sacrée, ramener les expressions douteuses employées par S. Jean à un sens qui s'harmonise parfaitement avec les récits de S. Matthieu, de S. Marc et de S. Luc. « Avant la fête », cf. Joan. 13, 1, cela veut dire avant le grand jour de la solennité (15 nisan), par conséquent le soir du 14 nisan, ou le premier jour des pains azymes, d'après le langage des synoptiques. « Manger la Pâque », Joan. 18, 28, ce n'est pas nécessairement manger l'agneau pascal, c'est encore participer aux autres sacrifices qu'on immolait dans la journée du 15 nisan. Enfin la locution Joan 19, 14 peut signifier « la veille de la Pâque », elle est également très classique pour désigner la vigile du samedi qui survenait dans l'octave pascale, ou plus simplement le vendredi de la Pâque. Nous nous bornons à indiquer ici ces solutions : les détails seront mieux à leur place dans l'explication du Page 463 / 531 quatrième Évangile. Pour le moment, il suffit d'avoir brièvement démontré « qu'il n'y a, soit dans le langage de S. Jean, soit dans les circonstances qu'il décrit, rien qui nous oblige ou qui nous permette de croire, selon les règles d'une loyale interprétation, que le disciple bien-aimé a eu l'intention de corriger le récit des synoptiques ».

Les objections des adversaires portent sur un assez grand nombre de faits particuliers : sûrs de rencontrer tôt ou tard les moins importantes sur notre route, nous n'envisagerons actuellement que les deux plus notables. 1° D'après la Loi, cf. Ex. 12, 22, il était rigoureusement prescrit aux Juifs de passer toute la nuit qui suivait le festin de la Pâque dans le lieu même où il avait été célébré. Comme nous voyons Jésus quitter le cénacle avec ses Apôtres peu d'heures après la cène racontée par les Évangiles, il est manifeste que ce n'était pas la cène légale ; cf. D. Calmet, Dissert. sur la Dern. Pâque ; Theile, über die letzte Mahlz. Jesu, Neues krit. Journal der theol. Literat. 1824 t. 2, p. 161. - La tradition juive fournit une réponse facile. En effet, les Rabbins enseignent formellement que l'ordonnance sur laquelle est fondée l'objection fut seulement obligatoire pour la nuit de la première Pâque. Il y avait alors une raison spéciale de ne point sortir, l'Ange exterminateur ravageant le pays ; mais plus tard, ce motif n'existant plus, la prescription cessa elle-même d'être en vigueur ; cf. Lightfoot, De minister. templi, c. 12 ; Bynaeus, De morte J. Chr., c. 2, 21. - 2° On objecte encore que les quatre récits évangéliques attribuent à leurs personnages juifs, depuis le jeudi soir jusqu'au déclin du vendredi, des actions incompatibles avec le repos qui était de règle aux jours de fête. Par exemple, Judas sort sur un mot de Jésus, et les autres apôtres croient qu'il va faire des emplettes pour la fête, cf. Joan. 13, 29 ; le Sanhédrin tient plusieurs séances, Matth. 26, 5 ; Luc. 22, 66 ; Jésus est arrêté et conduit de tribunal en tribunal, Matth. 27, 1-2 et parall. ; on le condamne à mort, Matth. 26, 66 ; Joseph d'Arimathie et Nicodème ensevelissent le corps du Sauveur, Matth. 27, 57 et ss., etc. Donc toutes ces choses n'eurent lieu qu'avant l'ouverture de la Pâque, d'où il suit que Jésus fut mis à mort le 14 nisan et qu'il mangea l'agneau pascal dès le 13. - Nous répondons que l'incompatibilité entre ces actes et le grand jour de la Pâque est moins réelle qu'on l'a supposé. Car 1. le repos prescrit pour les fêtes était beaucoup moins rigoureux que celui du Sabbat ; cf. Patrizzi, de Evang. p. 512 ; 2. Le Talmud, Hilcoth Jom Tob, c. 4, §20, autorise pendant les jours de fêtes tous les achats pressants à condition qu'on ne remettra que plus tard l'argent au vendeur ; 3. les jugements n'étaient pas interdits en ces mêmes jours, du moins pour ce qui concernait les affaires criminelles : on requérait seulement les juges de ne pas écrire alors la sentence, cf. Lightfoot, Hor. talm. in Matth. 27, 5 ; 4. on sait pertinemment (voir Mischna c. 10, §§3-4) que les exécutions capitales étaient parfois réservées pour les grandes solennités, afin d'imprimer au peuple des craintes salutaires. Au reste, ce furent les Romains et non les Juifs qui se chargèrent de tous les détails du crucifiement de Notre-Seigneur. - Tandis que les partisans du second système d'harmonie chronologique sont d'accord les uns avec les autres, du moins sur la plupart des points, pour présenter leurs preuves à la manière dont nous l'avons fait nous-même, les défenseurs du premier sentiment se séparent bientôt en catégories distinctes, selon les hypothèses spéciales auxquelles ils donnent leur préférence. C'est qu'en face des assertions si catégoriques des synoptiques il est bien difficile de démontrer que la dernière cène n'eut pas lieu à l'heure légale, la veille du grand jour de Pâque, le soir du 14 nisan. Il faut donc nécessairement recourir à des conjonctures qui plaisent aux uns et déplaisent aux autres, signe manifeste de leur faiblesse intrinsèque. Nous n'indiquerons que les principales en y ajoutant une critique rapide. 1° Don Calmet, Lamy et quelques autres exégètes ont pensé que la cène dont parlent les synoptiques ne serait pas le festin pascal, mais un simple repas d'adieu à l'issue duquel le Sauveur aurait institué la sainte Eucharistie. - Mais, s'il en avait été réellement ainsi, pourquoi les trois premiers évangélistes mentionneraient-ils d'une manière si expresse le premier jour des pains azymes, les préparatifs faits par deux disciples en vue de la Pâque ? Comment Notre-Seigneur eût-il pu dire, cf. Luc. 22, 15, qu'il avait ardemment souhaité de « manger cette Pâque » avec les siens avant de mourir ? Tout, dans le récit des synoptiques, prouve qu'il s'agissait d'une vraie cène légale. - 2° Grotius, Movers, Arnoldi, Sepp, Aberle, etc., établissent une distinction entre ce qu'ils nomment une cène pascale commémorative et le repas légal. Puis ils prétendent que Jésus-Christ, dans la prévision qu'il mourrait le 14 et ne pourrait manger l'agneau pascal avec son peuple, anticipa d'un jour la cène accoutumée. C'est ce festin anticipé que raconteraient les synoptiques. - La distinction et la supposition sont également arbitraires. Une cène pascale sans l'agneau qui était rigoureusement prescrit eut été insignifiante ; or, les agneaux de la Pâque n'étaient immolés que le 14 nisan dans l'enceinte du temple. De plus, rien n'indique une anticipation dans les récits de S. Matthieu, S. Marc et de S. Luc. Le repas dont ils narrent quelques incidents eut lieu le jour accoutumé et avec toutes les cérémonies requises par la Loi. - 3° Un exégète ingénieux et savant, quoique parfois un peu aventureux, le docteur Hug, cf. Einleit. in die Schrift. des N. Test. 4ème édit. 2, p. 198 et ss., croit semblablement à une anticipation de la Pâque par Notre-Seigneur Jésus-Christ ; mais il a recours à une autre démonstration. Selon lui, l'usage se serait peu à peu introduit parmi les Galiléens de manger l'agneau pascal dès le soir du 13 Page 464 / 531 nisan : Jésus étant originaire de Galilée aurait bénéficié l'année de sa mort du privilège dont jouissaient ses compatriotes. - Malheureusement le Talmud, auquel M. Hug emprunte ses preuves, dit seulement que les travaux étaient interrompus dès la soirée du 13 nisan dans la province de Galilée, sans ajouter autre chose. - 4° L'année de la mort du Sauveur, d'après les P. Peteau et Tillemont, tous les ans et d'une manière régulière suivant Carpzov, Ideler et Serno, les Juifs auraient célébré la Pâque deux jours de suite, le 14 et le 15 nisan, dans la crainte qu'il ne se glissât quelque erreur dans la fixation de la solennité, par suite des différences qui existaient entre l'année civile et l'année astronomique. Jésus se serait décidé en faveur du 14, de là sa célébration de la cène légale dans la soirée du 13 ; au contraire la plupart des Juifs auraient choisi le 15. - Mais ce sont là des conjonctures sans fondement sérieux. Il en est de même d'autres hypothèses analogues qu'il ne nous est pas possible de citer au long : elles ne sont du reste que des modifications plus ou moins heureuses des précédentes et manquent pareillement de bases solides. Aussi nous est-il impossible pour ce qui nous concerne d'en adopter aucune. - Après cet exposé, nous croyons être en droit de conclure que, sans avoir la prétention de rejeter comme dénuée de valeur une opinion soutenue par des écrivains nombreux et distingués, nous trouvons du moins beaucoup plus vraisemblable le sentiment que nous avons proposé à la suite d'autres exégètes non moins nombreux : il nous paraît en effet plus clair, mieux appuyé sur l'Évangile, plus conforme aux usages des Juifs, et plus facile à défendre. D'ailleurs on peut l'appeler le « sentiment ecclésiastique », d'après les paroles suivantes de Dom Calmet : « Le sentiment commun des deux églises, de la grecque et de la romaine, est que Notre-Seigneur avait célébré la Pâque légale avec ses disciples le jeudi au soir, quatorze de Nisan, et que le vendredi, jour de Pâque, quinzième du même mois, il avait été crucifié et mis à mort. C'est sur cela qu'est fondé l'usage de n'employer dans l'Église latine que du pain azyme ou sans levain dans nos mystères, dans la supposition que notre Sauveur, ayant célébré la Pâque comme les Juifs, n'a point usé d'autre pain. Il est inutile d'alléguer pour ce sentiment les témoignages des Pères et des nouveaux docteurs. On avoue que presque généralement tous l'ont suivi ; et il est même supposé dans le Concile de Trente (Sess. 13, c. 1) comme communément reçu dans l'Église ». Dissert. sur la dern. Pâque, Comment. littéral, t. 19, p. 146, Paris 1725. - Le premier jour des azymes. On appelait pains azymes, cf. Levit. 7, 12, des galettes très minces dans la composition desquelles il ne devait pas entrer la plus petite parcelle de levain, et qui remplaçaient le pain fermenté pendant toute la durée de la solennité pascale. Aussi la Pâque était-elle appelée fête des Azymes. Dès le 14 nisan vers midi, on brûlait avec le plus grand soin tout le pain levé qui se trouvait dans les maisons, et, à partir de la cène légale jusqu'au soir du 21, on ne se servait que de pain azyme. « Le premier jour des Azymes » était donc de fait le jour où l'on commençait à remplacer le pain fermenté par le pain sans levain, c'est-à-dire le 14 nisan, bien qu'à proprement parler la fête ne s'ouvrît que le soir, au moment où l'on consommait l'agneau pascal. Théophylacte, Euthymius et, de nos jours le Dr Sepp violent les règles les plus essentielles de la grammaire pour montrer à tout prix que Notre-Seigneur ait mangé la Pâque « la veille des Azymes » soit le 13 nisan. - Les disciples s'approchèrent. Ce fut probablement dans la matinée, car les préparatifs de la cène étaient assez nombreux et demandaient un temps considérable. Nous les indiquerons plus loin. Jésus se trouvait alors selon toute vraisemblance à Béthanie. - Où, dans quelle maison. Le divin Maître et ses disciples étant étrangers à Jérusalem, il fallait qu'ils trouvassent un logement pour y célébrer le festin pascal. - Nous vous préparions ; ils lui parlent comme à un père de famille auquel revenait dans cette solennité le rôle principal. - Manger la Pâque, pour « pascha ad comedendum ». C'est un hébraïsme, qui existe aussi dans le texte grec. S. Matthieu et les autres synoptiques désignent ici le repas solennel par lequel la fête de Pâque était inaugurée chez les Juifs et dont le mets le plus essentiel était l'agneau pascal ; cf. Bretschneider, Lexic. Man. t. 2, p. 329.
Catéchisme de l'Église catholique
Vint le jour des Azymes, où l’on devait immoler la pâque. [Jésus] envoya alors Pierre et Jean : ‘Allez dit-il, nous préparer la Pâque, que nous la mangions’... Ils s’en allèrent donc ... et préparèrent la Pâque. L’heure venue, il se mit à table avec ses apôtres et leur dit : ‘J’ai désiré avec ardeur manger cette pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous le dis, je ne la mangerai jamais plus jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu’ ... Puis, prenant du pain et rendant grâces, il le rompit et le leur donna, en disant : ‘Ceci est mon Corps, qui va être donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi’. Il fit de même pour la coupe après le repas, disant : ‘’Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon Sang, qui va être versé pour vous’ (Lc 22, 7-20 ; cf. Mt 26, 17-29 ; Mc 14, 12-25 ; 1 Co 11, 23-26).