Matthieu 26, 28

car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés.

car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés.
Saint Thomas d'Aquin
2681. CAR CECI EST MON SANG, etc. Ce sont les paroles de la consécration. Et remarquez qu’il y a une différence entre ces paroles et celles qu’utilise l’Église. L’Église ajoute : Ceci est la coupe. De même, là où il dit : DE LA NOUVELLE ALLIANCE, l’Église ajoute : De l’alliance nouvelle et éternelle. De même, là où il dit : QUI [SERA RÉPANDU POUR UN GRAND NOMBRE, l’Église ajoute : Qui [sera répandu] pour un grand nombre, etc. D’où l’Église tient-elle cette forme ? Il faut dire, comme le dit Denys, que ce n’était pas l’intention des évangélistes de transmettre les formes des sacrements, mais de les garder secrètes ; ils n’avaient donc comme but que de raconter l’histoire. D’où l’Église les tient-elle donc ? D’une décision des apôtres. C’est ainsi que Paul dit, 1 Co 11, 34 : Pour le reste, lorsque je viendrai, j’en déciderai.

2682. Mais une question se pose. Pourquoi dit-il : CECI EST MON CORPS, ou : CECI EST MON SANG ? Pourquoi ne dit-il pas : «Ceci est changé en mon corps ou en mon sang, etc. ?» Il y a une double raison. La première est que les formes des sacrements doivent signifier ce qu’elles réalisent. Ce qu’elles réalisent, c’est que cela soit changé en corps du Christ. Mais l’effet ultime est que cela devienne le corps [du Christ]. Il faut donc que l’effet ultime soit indiqué. Il faut ainsi qu’il soit indiqué que cela est le corps, et non que cela est changé en corps [du Christ]. Mais, dans cette forme, il y a quelque chose de semblable avec [le sacrement] ancien, et quelque chose de dissemblable. De semblable par le fait que, comme on le lit en Ex 24, 8, lorsque Moïse eut lu la loi, il immola des veaux et en offrit le sang en disant : Voici le sang de l’alliance du Seigneur. De même le sang [du Seigneur] fut-il offert pour le salut du peuple. En He 9, 7, il est dit : Une fois par an, le grand prêtre seul entrait avec du sang qu’il offrait à cause de son ignorance et de celle du peuple.

2683. Mais la différence est montrée sur quatre points. Premièrement, par le fait que le sang était alors celui de veaux, mais ici c’est le sang du Christ. Celui-ci est donc efficace pour remettre [les péchés]. He 9, 13 : En effet, si le sang des boucs et des taureaux et les cendres des veaux répandues sanctifiaient les pécheurs par la purification de la chair, à combien plus forte raison le sang du Christ purifiera-t-il notre conscience des œuvres de mort afin qu’elles servent Dieu ! De même, on disait que le sang [d’autrefois] était le sang de l’alliance, mais le sang [du Christ] est l’alliance. De même, on entend alliance au sens général et au sens propre. Au sens général, [on l’entend] de n’importe quel geste, car c’était la coutume que, pour tout geste, on présente des témoins. Au sens propre, on parle d’alliance lorsque quelque chose est légué à la mort, conformément à ce que dit l’Apôtre, que l’alliance est confirmée à la mort du testateur. Cela s’applique ici dans les deux sens, car l’alliance avait été contractée alors, et elle se réalisait dans le sang, parce que, lors d’une alliance de paix, on présentait autrefois du sang ; c’est pourquoi on parlait du sang de l’alliance. [Cela s’applique aussi] au sens où en parle pour les morts. Il existait ainsi une certaine alliance entre Dieu et les hommes sous l’ancienne et sous la nouvelle loi, mais de manière différente : dans le premier cas, celui de l’ancienne loi, elle portait sur des réalités temporelles, comme on voit clairement que [Dieu] leur avait promis le pays des Amorréens. Elle était ainsi ancienne, car les hommes n’en étaient pas renouvelés, mais plutôt vieillis. Mais l’alliance présente porte sur les réalités célestes et d’en haut. [On lit] ainsi plus haut, 4, 17 : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. Il dit donc : DE LA NOUVELLE ALLIANCE. On disait autrefois : «Voici le sang de l’alliance que le Seigneur a contractée avec vous par toutes ces paroles, etc.» Jr 31, 31 : Fête pour la maison d’Israël et pour la maison de Judas que cette nouvelle alliance !

2684. Ainsi donc : CAR CECI EST MON SANG, CELUI D’UNE ALLIANCE NOUVELLE, c’est-à-dire consacré pour une alliance nouvelle, dans laquelle nous devons mettre notre confiance. He 10, 19 : Nous mettons notre confiance dans le sang du Christ. Cela convient aussi pour la mort [du Christ], car, par la mort du Christ, la promesse a été accomplie. Il existe aussi une autre différence, car [l’Église] ajoute : De l’alliance nouvelle et éternelle, qui peut être mis en rapport soit avec l’héritage éternel, soit avec le Christ, qui est éternel. Une autre différence est que [dans l’alliance ancienne], on lit : Que j’ai contractée avec vous. Cette alliance se limitait donc seulement à eux. Mais celle-ci [concerne] toutes les nations. Is 52, 15 : Celui-ci asperge de son sang de nombreuses nations. POUR UN GRAND NOMBRE et pour tous, car, si l’on envisage la capacité [du Christ], il est lui-même propitiation pour nos péchés, et non pas seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier. Mais si nous en considérons l’effet, elle n’a d’effet que pour ceux qui sont sauvés, et cela par la faute des hommes. Mais l’Église ajoute : Pour vous, c’est-à-dire pour les apôtres, car il sont eux-mêmes ministres de ce sang et, à travers eux, il parvient à toutes les nations. Il est aussi dit : EN RÉMISSION DES PÉCHÉS, parce que [le sang de l’ancienne alliance] ne pouvait remettre les péchés.
Louis-Claude Fillion
De là aussi celle de la particule car : Buvez-en tous, attendu que ce n'est pas un breuvage ordinaire, mais mon propre sang. - La seconde formule de consécration est « mutatis mutandis » la reproduction de la première ; elle en est par là-même la confirmation. Aussi le protestant Stier, Reden des Herrn., h. l., a-t-il raison de dire que ceux qui seraient tentés d'interpréter d'une manière superficielle ou erronée l'une des deux paroles d'institution peuvent trouver dans l'autre le vrai sens voulu par Jésus. C'est ce qu'indiquait déjà Tertullien dans son vigoureux langage : « En instituant, dans la mention du calice, un testament signé de son sang, il confirme par là même que c’est la substance de son corps, car le sang ne peut pas appartenir à un autre corps qu’à un corps charnel » (cité par Stier). - Ceci est : Le sujet est indéterminé de même qu'au v. 26. Ceci, ce que contient cette coupe. - Mon sang ; mon vrai sang, et non son symbole. La phrase « Ceci est mon corps » avait directement changé le pain au corps du Sauveur ; la phrase semblable « Ceci est mon sang » transsubstantia directement le vin en son sang. Les paroles de Jésus furent en effet, comme l'enseigne la théologie, des paroles opérantes. Aux hérétiques qui osent affirmer, avec l'anglais J. Morison, que la cène eucharistique est « une parabole pour l’œil, le toucher, le goût », nous répondons avec S. Thomas d'Aquin que l’œil, le toucher, le goût se trompent s'ils ne veulent juger que d'après les apparences. L’Eucharistie est un mystère qui réclame la foi. - La nouvelle alliance. L'ancienne alliance, conclue entre Jéhovah et le peuple juif, avait été inaugurée, scellée au pied du Sinaï par le sang de nombreuses victimes ; cf. Ex. 24, 5-8 ; Hebr. 9. Moïse, jetant sur le peuple quelques gouttes de ce sang, avait dit « Voici le sang de l'alliance que l'Éternel a faite avec vous selon toutes ces paroles » (Ex., 24, 8). Jésus veut de même inaugurer et sceller par du sang répandu la nouvelle alliance dont il est le médiateur : toutefois c'est son propre sang qui rachètera l'humanité. - Pour beaucoup ; c'est-à-dire pour tous, cf. 20, 28, ou du moins pour tous ceux qui s'en feront l'application. - Sera répandu : allusion à la Passion du lendemain. En grec, le verbe est au présent, pour mieux marquer que le sang du Sauveur allait couler dans quelques heures à peine, comme une libation agréable à Dieu. Il suit encore des mots « répandu pour beaucoup » que la liqueur contenue dans la coupe après la consécration était substantiellement la même que le sang qui devait être versé le vendredi saint pour le salut du monde. - Pour la rémission des péchés. Les souffrances et la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'avaient pas d'autre but que celui de remettre les péchés des hommes. « Le sang de Jésus... nous purifie de tout péché » 1 Joan. 1, 7 ; cf. Hebr. 9, 14 ; 1 Petr. 1, 19 ; Apoc. 1, 5. - Nous parlerons ailleurs (explication de S. Luc, 22, 20) des variantes qui existent entre les Évangiles à propos de cette seconde formule ; elles sont plus considérables encore que celles qui existent au sujet de la première.
Fulcran Vigouroux
Le sang du nouveau testament. Comme l’ancien testament était consacré avec le sang des victimes (voir Exode, 24, 8) par ces paroles : Ceci est le sang du testament (voir Hébreux, 9, 20), de même se trouve ici la consécration et l’institution du nouveau testament dans le sang de Jésus-Christ, répandu d’une manière mystique par ces paroles : Ceci est le sang du nouveau Testament. ― Pour un grand nombre. Voir Matthieu, 20, 28.
Catéchisme de l'Église catholique
Jésus invite les pécheurs à la table du Royaume : " Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs " (Mc 2, 17 ; cf. 1 Tm 1, 15). Il les invite à la conversion sans laquelle on ne peut entrer dans le Royaume, mais il leur montre en parole et en acte la miséricorde sans bornes de son Père pour eux (cf. Lc 15, 11-32) et l’immense " joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent " (Lc 15, 7). La preuve suprême de cet amour sera le sacrifice de sa propre vie " en rémission des péchés " (Mt 26, 28).

La mort du Christ est à la fois le sacrifice Pascal qui accomplit la rédemption définitive des hommes (cf. 1 Co 5, 7 ; Jn 8, 34-36) par l’Agneau qui porte le péché du monde (cf. Jn 1, 29 ; 1 P 1, 19) et le sacrifice de la Nouvelle Alliance (cf. 1 Co 11, 25) qui remet l’homme en communion avec Dieu (cf. Ex 24, 8) en le réconciliant avec Lui par le sang répandu pour la multitude en rémission des péchés (cf. Mt 26, 28 ; Lv 16, 15-16).

Parce qu’elle est mémorial de la Pâque du Christ, l’Eucharistie est aussi un sacrifice. Le caractère sacrificiel de l’Eucharistie est manifesté dans les paroles mêmes de l’institution : " Ceci est mon Corps qui va être donné pour vous " et " Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon Sang, qui va être versé pour vous " (Lc 22, 19-20). Dans l’Eucharistie le Christ donne ce corps même qu’il a livré pour nous sur la croix, le sang même qu’il a " répandu pour une multitude en rémission des péchés " (Mt 26, 28).

Dans une confiance audacieuse, nous avons commencé à prier notre Père. En le suppliant que son Nom soit sanctifié, nous lui avons demandé d’être toujours plus sanctifiés. Mais, bien que revêtus de la robe baptismale, nous ne cessons de pécher, de nous détourner de Dieu. Maintenant, dans cette nouvelle demande, nous revenons à lui, comme l’enfant prodigue (cf. Lc 15, 11-32), et nous nous reconnaissons pécheurs, devant lui, comme le publicain (cf. Lc 18, 13). Notre demande commence par une " confession " où nous confessons en même temps notre misère et sa Miséricorde. Notre espérance est ferme, puisque, dans son Fils, ‘’nous avons la rédemption, la rémission de nos péchés’’ (Col 1, 14 ; Ep 1, 7). Le signe efficace et indubitable de son pardon, nous le trouvons dans les sacrements de son Église (cf. Mt 26, 28 ; Jn 20, 23).
Pape Saint Jean-Paul II
En vertu de son rapport étroit avec le sacrifice du Golgotha, l'Eucharistie est un sacrifice au sens propre, et non seulement au sens générique, comme s'il s'agissait d'une simple offrande que le Christ fait de lui-même en nourriture spirituelle pour les fidèles. En effet, le don de son amour et de son obéissance jusqu'au terme de sa vie (cf. Jn 10, 17-18) est en premier lieu un don à son Père. C'est assurément un don en notre faveur, et même en faveur de toute l'humanité (cf. Mt 26, 28; Mc 14, 24; Lc 22, 20; Jn 10, 15), mais c'est avant tout un don au Père: « Sacrifice que le Père a accepté, échangeant le don total de son Fils, qui s'est fait “obéissant jusqu'à la mort” (Ph 2, 8), avec son propre don paternel, c'est-à-dire avec le don de la vie nouvelle et immortelle dans la résurrection ».

En donnant son sacrifice à l'Église, le Christ a voulu également faire sien le sacrifice spirituel de l'Église, appelée à s'offrir aussi elle-même en même temps que le sacrifice du Christ. Tel est l'enseignement du Concile Vatican II concernant tous les fidèles: « Participant au Sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, ils offrent à Dieu la victime divine, et s'offrent eux-mêmes avec elle ».

L'efficacité salvifique du sacrifice se réalise en plénitude dans la communion, quand nous recevons le corps et le sang du Seigneur. Le Sacrifice eucharistique tend en soi à notre union intime, à nous fidèles, avec le Christ à travers la communion: nous le recevons lui-même, Lui qui s'est offert pour nous, nous recevons son corps, qu'il a livré pour nous sur la Croix, son sang, qu'il a « répandu pour la multitude, en rémission des péchés » (Mt 26, 28). Rappelons-nous ses paroles: « De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi » (Jn 6, 57). C'est Jésus lui-même qui nous rassure: une telle union, qu'il compare par analogie à celle de la vie trinitaire, se réalise vraiment. L'Eucharistie est un vrai banquet, dans lequel le Christ s'offre en nourriture. Quand Jésus parle pour la première fois de cette nourriture, ses auditeurs restent stupéfaits et désorientés, obligeant le Maître à souligner la vérité objective de ses paroles: « Amen, amen, je vous le dis: si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous » (Jn 6, 53). Il ne s'agit pas d'un aliment au sens métaphorique: « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6, 55).

En accueillant au Cénacle l'invitation de Jésus: « Prenez et mangez... Buvez-en tous... » (Mt 26, 26. 28), les Apôtres sont entrés, pour la première fois, en communion sacramentelle avec Lui. À partir de ce moment-là, et jusqu'à la fin des temps, l'Église se construit à travers la communion sacramentelle avec le Fils de Dieu immolé pour nous: « Faites cela en mémoire de moi... Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi » (1 Co 11, 24-25; cf. Lc 22, 19).

C'est le sang purificateur. Le sang des sacrifices de l'Ancienne Alliance en avait été le signe symbolique et l'anticipation: le sang des sacrifices par lesquels Dieu montrait sa volonté de communiquer sa vie aux hommes, en les purifiant et en les consacrant (cf. Ex 24, 8; Lv 17, 11). Tout cela s'accomplit et se manifeste désormais dans le Christ: son sang est celui de l'aspersion qui rachète, purifie et sauve; c'est le sang du Médiateur de la Nouvelle Alliance, « répandu pour une multitude en rémission des péchés » (Mt 26, 28). Ce sang, qui coule du côté transpercé du Christ en croix (cf. Jn 19, 34), est « plus éloquent » que celui d'Abel; celui-ci, en effet, exprime et demande une « justice » plus profonde, mais il implore surtout la miséricorde, il devient intercesseur auprès du Père pour les frères (cf. He 7, 25), il est source de rédemption parfaite et don de vie nouvelle.