Matthieu 26, 29
Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père. »
Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père. »
Le calice du Seigneur ne contient pas de l'eau seule ou du vin seul, mais l'un et l'autre mêlés ensemble, de même que ce qui doit être changé au corps du Seigneur n'est pas de la farine seule ou de l'eau seule, mais ces deux substances unies et mélangées.
De ce que Judas n'a pas été admis à boire avec lui de cette coupe, on conclut qu'il ne devait pas boire un jour dans le royaume, puisque le Sauveur promet à tous ceux qui participent à cette coupe qu'ils boiront un jour avec lui de ce fruit de la vigne.
Nous célébrons ce mystère sous les deux espèces, car ce que nous recevons sert à protéger à la fois notre corps et notre âme.
Mais puisque Melchisédech a offert du pain et du vin ( Gn 14,18 ), que signifie ce mélange d'eau avec le vin? En voici la raison: Moïse frappa la pierre et en fit ainsi jaillir l'eau en abondance ( Ex 17,6 ); or, cette pierre, c'était le Christ ( 1Co 10,4 ); et l'un des soldats perça de sa lance le côté du Christ, et de ce côté sortit du sang et de l'eau: l'eau, pour nous purifier, le sang pour nous racheter.
C'est-à-dire le sang de la promesse de la nouvelle loi. En effet, l'Ancien Testament promettait ce que pos sède le Nouveau, car de même que l'Ancien Testament fut consacré par le sang des boeufs et des brebis, ainsi le Nouveau est consacré par le sang du Seigneur.
Il rend grâces encore, pour nous apprendre dans quels sentiments nous devions célébrer ce mystère, et pour prouver que ce n'est pas malgré lui qu'il approche du moment de sa passion. Il nous en seigne ainsi à supporter avec actions de grâces toutes les épreuves qui nous arrivent, et il nous donne en même temps les plus belles espérances; car si la figure de ce sacrifice, c'est-à-dire l'immolation de l'agneau pascal, a délivré le peuple juif de la servitude d'Egypte, à combien plus forte raison la vérité délivrera-t-elle l'univers entier: «Et il le leur donna en disant: Bu vez-en tous». Et pour prévenir le trouble que pouvaient produire ses paroles, il boit son sang le premier, et les amène sans étonnement à la communion des divins mystères.
En leur pré sentant son sang, le Sauveur prédit de nouveau sa passion par ces paroles: «Qui sera répandu pour plusieurs»,et il leur rappelle également la cause de sa mort en ajoutant: «Pour la rémission des péchés».Comme s'il disait: Le sang de l'agneau a été répandu dans l'Egypte, pour sauver les premiers-nés du peuple juif; celui-ci sera répandu pour la rémission des péchés de toute la terre.
Il nous apprend encore, par ces paroles, que sa passion est le mystère du salut des hommes, et c'est une consolation qu'il offre à ses disciples. Et de même que Moïse avait dit: «Ce sera pour vous un souvenir éternel», Notre-Seigneur dit aussi, comme le rapporte saint Luc: «Faites ceci en mémoire de moi».
Comme il venait de parler de sa passion et de sa croix, par une conséquence naturelle il fait aussi allusion à sa résurrection: «Or, je vous dis que je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne», etc. Ce royaume, c'est sa résurrection. Or, en parlant de sa résurrection, il affirme qu'alors il boira avec ses Apôtres, pour qu'on ne pût croire que sa ré surrection n'était qu'imaginaire. Aussi, lorsque les Apôtres prêchèrent la résurrection de Jésus-Christ, disent-ils ouvertement: «Nous avons mangé et bu avec lui, après qu'il fut ressuscité d'entre les morts» ( Ac 10,41 ). Il leur donne ainsi l'assurance qu'ils le verront ressuscité et qu'il sera de nouveau au milieu d'eux. Ce vin nouveau doit s'entendre d'une manière nouvelle de le boire, c'est-à-dire avec un corps qui ne sera plus soumis ni à la souffrance, ni au besoin de nourriture; car, si nous le voyons manger et boire après sa résurrection, ce, ne fut point par nécessité, mais pour nous donner une preuve qu'il était vraiment ressuscité. Mais comme il devait y avoir des hérétiques qui, dans la célébration de ce mystère, n'useraient que d'eau à l'exclusion du vin, il prouve par ces paroles que dans l'institution de ces augustes mystères il s'est servi du vin qu'il a bu après sa résurrection. C'est pour cela qu'il dit en termes précis: «De ce fruit de la vigne», car la vigne produit, du vin et non pas de l'eau.
C'est ainsi que le Seigneur fut à la fois le convive et le festin, le convive qui mange, et, l'aliment qui est mangé.
Ou bien, dans un autre sens, Notre-Seigneur passe des choses matérielles aux choses spirituelles. La sainte Écriture déclare que la vigne qui a été transplantée de l'Egypte, c'est le peuple d'Israël. Le Seigneur déclare qu'il ne boira plus du fruit de cette vigne que dans le royaume de son Père. Or, comme le royaume de son Père est à mon avis la foi des fidèles, le Seigneur ne boira du vin des Juifs que lorsqu'ils auront reconnu et accepté le royaume de son Père. Remarquez aussi qu'il dit: «Dans le royaume de mon Père»,et non pas de Dieu, car tout père donne son nom à son fils, et c'est comme s'il disait: Lorsqu'ils auront cru en Dieu le Père, et que le Père les aura conduits jusqu'au Fils.
Ou bien enfin, ces paroles: «Je boirai ce vin nouveau»,veu lent dire que celui-ci est ancien. Notre-Seigneur avait pris de la race d'Adam, qui est appelée le vieil homme ( Rm 6 ), ce corps qu'il devait livrer à la mort dans sa passion; c'est pourquoi il nous donne son sang sous l'apparence du vin. Mais que signifie ce vin nouveau, si ce n'est l'immortalité de nos corps qui doivent être renouvelés? Quant à ces paroles: «Je le boirai avec vous», elles sont la promesse que leurs corps ressusciteront pour revêtir l'immortalité. Toutefois ces paroles: «Avec vous»,ne doivent pas s'entendre de la même époque, mais du même renouvellement. C'est ainsi que l'Apôtre déclare, que nous sommes ressuscités avec Jésus-Christ, afin que l'espérance de ce bonheur à venir soit pour nous une source de joie dès cette vie. Il appelle nouveau ce fruit de la vigne, pour nous apprendre que ces mêmes corps que leur vétusté terrestre condamne à la mort ressusciteront un jour par un principe de renou vellement tout céleste.
Après avoir donné son corps à ses disciples sous les apparences du pain; par une raison également pleine de convenance, le Sauveur leur présente le calice de son sang. «Et, prenant le calice, il rendit grâces, et le leur donna», etc. Il nous montre ainsi combien notre salut lui donne de joie, puisqu'il veut répandre son sang pour nous.
Nous lisons, en effet, dans l'Exode ( Ex 24,8 ), que Moïse prit le sang d'un agneau, le versa dans une coupe, et après y avoir trempé un bouquet d'hysope, il le répandit sur le peuple en disant: «Voici le sang de l'alliance que le Seigneur à faite avec vous».
Et remarquez qu'il ne dit pas: Pour un petit nombre, ou pour tous, mais «Pour plusieurs»; car il n'était pas venu pour ra cheter seulement une nation, mais un grand nombre d'hommes de toutes les nations de la terre.
Notre-Seigneur nous a enseigné que nous devions offrir non-seulement du pain, mais encore du vin, pour nous apprendre que ceux qui avaient faim et soif de la justice apaiseraient l'une et l'autre en recevant ce mystère.
Rappelons-nous encore que les grandes eaux, au témoignage de saint Jean ( Ap 17,1 ), sont les peuples, et comme nous devons toujours demeurer en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en nous, on offre du vin mêlé avec de l'eau, pour montrer que la tête et les membres, c'est-à-dire Jésus-Christ et l'Église ne font qu'un seul corps; ou bien encore que le Christ n'a point souffert sans l'amour qui l'a porté à nous racheter, et que nous ne pouvons nous-mêmes avoir part à sa rédemption sans les mérites de sa passion.
Ou bien encore: «Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne», c'est-à-dire: Je ne me complairai plus dans les sacrifi ces charnels de la synagogue, parmi lesquels l'immolation de l'agneau pascal occupait la pre mière place. Mais viendra le temps de ma résurrection, et le jour où ayant pris possession du royaume de mon Père, c'est-à-dire, étant revêtu de la l'éternelle immortalité, je boirai avec vous ce vin nouveau, c'est-à-dire je me réjouirai comme d'une joie toute nouvelle du salut de ce peuple qui aura été renouvelé dans les eaux du baptême.
La Glose
Car, de même que notre corps répare ses forces par le boire et le manger, ainsi les forces de notre âme se raniment dans ce banquet spirituel que le Seigneur nous a préparé sous les apparences du pain et du vin. Il était convena ble d'ailleurs que ce sacrement qui devait représenter la passion du Seigneur fut institué sous la double espèce du pain et du vin, car son sang fut répandu dans sa passion et fut ainsi séparé de son corps. Il était donc nécessaire, pour reproduire le mystère de la passion du Sauveur, d'offrir séparément le pain et le vin, qui sont les signes de son corps et de son sang.
Mais en admettant avec les autres saints docteurs que Judas avait reçu le sacrement de l'Eucharistie des mains de Jésus-Christ, nous dirons que ces paroles: «Avec vous» s'adressent, non pas à tous, mais à la plupart d'entre eux.
2685. JE VOUS LE DIS. Ici est présentée une consolation, selon Chrysostome. Parce que [le Seigneur] avait parlé du sang, par lequel était indiquée la passion, il console donc [ses disciples] et [leur] annonce sa gloire à l’avance.
On peut interpréter cela de quatre façons. Chrysostome en donne l’interprétation suivante : parce que le Seigneur avait annoncé à l’avance [sa] passion, il veut donc leur donner de la joie. JE NE BOIRAI PLUS DÉSORMAIS DU PRODUIT DE LA VIGNE, c’est-à-dire de vin, JUSQU’AU JOUR OÙ…, etc. Il appelle ce royaume le royaume de la résurrection. Il a alors reçu un royaume nouveau, c’est-à-dire d’une nouvelle manière. Qu’il ait bu avec eux par la suite, cela apparaît clairement en Ac 10. Mais pourquoi parle-t-on de nouvelle manière ? Parce qu’auparavant, il mangeait par nécessité ; mais, après la résurrection, [il n’a pas mangé] par nécessité, mais afin de démontrer la réalité de la résurrection.
2686. Jérôme parle ainsi : par la vigne est indiqué le peuple des Juifs. Is 5, 7 : La vigne du Seigneur des armées, c’est la maison d’Israël. Jr 2, 21 : Je t’ai planté comme un cep de choix, tout entier d’excellente semence. JE VOUS DIS QUE JE NE BOIRAI PLUS, c’est-à-dire que mon âme ne se réjouira plus à cause de ce peuple, JUSQU’AU JOUR OÙ JE LE BOIRAI DE NOUVEAU AVEC VOUS DANS LE ROYAUME DE MON PÈRE. Le ROYAUME désigne l’Église présente. NOUVEAU, c’est-à-dire renouvelé par la foi, car alors [les Juifs] se convertiront, et alors je me réjouirai avec eux. En effet, beaucoup ont été convertis et beaucoup se convertiront.
2687. Rémi donne l’interprétation suivante et dit que cela doit être mis en rapport avec les cérémonies pascales : «Je ne célébrerai plus ces cérémonies jusqu’à l’établissement de l’Église, alors que je me réjouirai du renouvellement de l’Église.»
Augustin l’interprète de la manière suivante : en disant NOUVEAU, on l’oppose à l’ancien. La vétusté est double : celle de la peine et celle de la faute, et celle-ci découle d’Adam, comme on le lit en Rm 5, 12s. Or, le Christ a connu la vétusté de la peine, mais non celle de la faute. De sorte que ce qui est simple chez lui remet ce qui est double chez nous. Il dit donc : JE NE BOIRAI PLUS, de la vétusté de la peine, JUSQU’AU JOUR, etc., parce qu’il devait déposer ce corps et a reçu par la résurrection un corps glorieux, et il promet aux apôtres qu’eux-mêmes en recevront [un semblable]. Et il indique que [ces corps] ne sont pas de nature différente, car le corps qu’il prendra sera d’une même nature, mais d’une gloire différente.
On peut interpréter cela de quatre façons. Chrysostome en donne l’interprétation suivante : parce que le Seigneur avait annoncé à l’avance [sa] passion, il veut donc leur donner de la joie. JE NE BOIRAI PLUS DÉSORMAIS DU PRODUIT DE LA VIGNE, c’est-à-dire de vin, JUSQU’AU JOUR OÙ…, etc. Il appelle ce royaume le royaume de la résurrection. Il a alors reçu un royaume nouveau, c’est-à-dire d’une nouvelle manière. Qu’il ait bu avec eux par la suite, cela apparaît clairement en Ac 10. Mais pourquoi parle-t-on de nouvelle manière ? Parce qu’auparavant, il mangeait par nécessité ; mais, après la résurrection, [il n’a pas mangé] par nécessité, mais afin de démontrer la réalité de la résurrection.
2686. Jérôme parle ainsi : par la vigne est indiqué le peuple des Juifs. Is 5, 7 : La vigne du Seigneur des armées, c’est la maison d’Israël. Jr 2, 21 : Je t’ai planté comme un cep de choix, tout entier d’excellente semence. JE VOUS DIS QUE JE NE BOIRAI PLUS, c’est-à-dire que mon âme ne se réjouira plus à cause de ce peuple, JUSQU’AU JOUR OÙ JE LE BOIRAI DE NOUVEAU AVEC VOUS DANS LE ROYAUME DE MON PÈRE. Le ROYAUME désigne l’Église présente. NOUVEAU, c’est-à-dire renouvelé par la foi, car alors [les Juifs] se convertiront, et alors je me réjouirai avec eux. En effet, beaucoup ont été convertis et beaucoup se convertiront.
2687. Rémi donne l’interprétation suivante et dit que cela doit être mis en rapport avec les cérémonies pascales : «Je ne célébrerai plus ces cérémonies jusqu’à l’établissement de l’Église, alors que je me réjouirai du renouvellement de l’Église.»
Augustin l’interprète de la manière suivante : en disant NOUVEAU, on l’oppose à l’ancien. La vétusté est double : celle de la peine et celle de la faute, et celle-ci découle d’Adam, comme on le lit en Rm 5, 12s. Or, le Christ a connu la vétusté de la peine, mais non celle de la faute. De sorte que ce qui est simple chez lui remet ce qui est double chez nous. Il dit donc : JE NE BOIRAI PLUS, de la vétusté de la peine, JUSQU’AU JOUR, etc., parce qu’il devait déposer ce corps et a reçu par la résurrection un corps glorieux, et il promet aux apôtres qu’eux-mêmes en recevront [un semblable]. Et il indique que [ces corps] ne sont pas de nature différente, car le corps qu’il prendra sera d’une même nature, mais d’une gloire différente.
Après avoir
institué et laissé à son Église un double gage de son amour, le divin sacrement de l'autel et le saint sacrifice
de la Messe, Jésus-Christ annonce qu'il n'a plus qu'à mourir. - Je ne boirai plus : désormais, à partir de cet
instant. Selon toute probabilité (voir la note de Marc 14, 25), Jésus n'avait communié sous aucune des deux
espèces. Il avertit donc ses apôtres que, bien qu'il leur ait recommandé à tous sans exception de boire à la
coupe eucharistique, il n'y trempera pas lui-même ses lèvres. - De ce fruit de la vigne. Expression poétique
pour désigner le vin. Les Protestants ont parfois conclu de ces paroles que, même après la consécration, il
existait du vin dans le calice qui circulait alors entre les mains des disciples ; plusieurs des leurs (Olshausen,
Stier, etc.) les réfutent sans peine en montrant que le Sauveur ne parlait pas exclusivement de la liqueur
contenue dans la coupe, mais du vin d'une manière générale. - Jusqu'à ce jour : le jour de la Résurrection,
d'après les auteurs grecs ; le ciel, d'après le contexte. - Je le boirai... Il est évident qu'ici le langage de
Notre-Seigneur ne doit pas être pris à la lettre : c'est une métaphore orientale, du reste parfaitement biblique,
destinée à représenter les délices du ciel, comparées à celles d'un festin. - De nouveau, c'est-à-dire « d'une
façon nouvelle est sans précédent », suivant S. Jean Chrysostôme, Hom 82 in Matth. et Théophylacte ; « une
nouvelle fois » d'après d'autres ; plus simplement : nouveau, meilleur, supérieur. - Dans le royaume de mon
Père : dans le royaume messianique parvenu à sa consommation bienheureuse et glorieuse. - C'est ainsi qu'en
terminant la cène, Jésus-Christ associe la joyeuse pensée de son règne futur au triste tableau de ses
souffrances. Pour nous, la sainte eucharistie qu'il venait d'instituer est donc en même temps un mémorial et
un emblème prophétique : un mémorial au point de vue du passé, car elle nous rappelle la Passion du Christ ;
un emblème prophétique au point de vue de l'avenir, puisqu'elle est le type du festin des noces de l'agneau
que nous célébrerons éternellement au ciel.
Lors de la dernière cène, le Seigneur a lui-même tourné le regard de ses disciples vers l’accomplissement de la Pâque dans le royaume de Dieu : " Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père " (Mt 26, 29 ; cf. Lc 22, 18 ; Mc 14, 25). Chaque fois que l’Église célèbre l’Eucharistie, elle se souvient de cette promesse et son regard se tourne vers " Celui qui vient " (Ap 1, 4). Dans sa prière, elle appelle sa venue : " Marana tha " (1 Co 16, 22), " Viens, Seigneur Jésus " (Ap 22, 20), " Que ta grâce vienne et que ce monde passe ! " (Didaché 10, 6).