Matthieu 26, 36

Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier. »

Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier. »
Saint Thomas d'Aquin
2700. ALORS JÉSUS SE DIRIGEA AVEC EUX VERS UN DOMAINE APPELÉ GETHSÉMANI. Dans cette section, la préparation [de la passion] est présentée, car elle se fait par trois choses. [Matthieu] fait donc trois choses : premièrement, l’intention [de Jésus] de prier est présentée ; deuxièmement, la nécessité de prier ; troisièmement, la différence. Le second point [se trouve] en cet endroit : ET PRENANT AVEC LUI PIERRE, etc. [26, 37] ; le troisième, en cet endroit : ÉTANT ALLÉ UN PEU PLUS LOIN, IL TOMBA FACE CONTRE TERRE [26, 39].

À propos du premier point, [Matthieu] fait deux choses : premièrement, le lieu est présenté ; deuxièmement, [le Seigneur] annonce à l’avance son intention : ET IL DIT À SES DISCIPLES [26, 38].

2701. [Matthieu] dit donc : ALORS JÉSUS SE DIRIGEA AVEC EUX VERS UN DOMAINE APPELÉ GETHSÉMANI. Le contraire semble être dit en Jn 18, 1, [à savoir] que Jésus, après être sorti, traversa le torrent du Cédron. Il faut donc remarquer que ce domaine se trouvait au pied du mont des Oliviers et que l’endroit était le même. Il vint là après le repas comme pour se promener. Puis, il annonça à l’avance son intention de prier : ET IL DIT À SES DISCIPLES : «RESTEZ ICI PENDANT QUE J’IRAI LÀ-BAS POUR PRIER.» On lit la même chose en Gn 22, 5 : Abraham dit à ses enfants : «Attendez ici avec l’âne ; moi et l’enfant irons là-bas afin d’adorer, puis nous reviendrons vers vous.»

2702. Mais [Jean] Damascène soulève ici une question. La prière est une ascension vers Dieu. Or, l’intellect du Christ était uni à Dieu. Comment donc Dieu, qui était à l’œuvre, avait-il besoin [de s’élever vers Dieu] ? Disons qu’il priait non pas pour lui-même, mais pour notre utilité. Et celle-ci est double, car il a prié pour nous donner l’exemple que, dans les tribulations, nous devons recourir au Seigneur. Ps 119[120], 1 : J’ai crié vers le Seigneur dans mes tribulations. [Il l’a fait] aussi afin de montrer qu’il venait d’un autre et qu’il était ce qu’il était par un autre. C’est pourquoi il dit : Le Fils ne peut rien faire de lui-même. Et au même endroit, [Mt] 8, 28 : Je ne fais rien de moi-même. C’était aussi afin d’écarter l’erreur, car certains disaient que la puissance du Père et du Fils n’était pas la même. Jn 8, 49 : Moi, j’honore mon Père.

2703. Il donne donc l’exemple de la prière et de la manière de prier. En effet, la première condition de la prière est que ce doit être une prière humble, ce qui est signifié par le fait qu’il se dirigea vers une vallée. Jdt 9, 16 : La prière des humbles et des doux t’a toujours plu. [La prière] doit aussi être dévote ; c’est pourquoi [il se dirigea] vers Gethsémani, à savoir, vers un domaine riche. Ps 62[63], 6 : Que mon âme soit comblée de graisse et d’abondance ! Il faut aussi qu’elle soit solitaire, comme [il a été dit] plus haut, 6, 6 : Entre dans ta chambre et, après avoir fermé la porte, prie ton Père.
Louis-Claude Fillion
C'est ici que commence la Passion proprement dite du Sauveur. Elle s'ouvre par une des scènes les plus douloureuses que Jésus ait eu à endurer avant sa mort. Seule, l'agonie de la croix peut être comparée à l'agonie de Gethsémani. Les tortures infligées par les hommes, quelque déchirantes qu'elles puissent être, sont cependant peu de chose à côté des souffrances morales qui sont directement imposées par Dieu ; or, c'est Dieu lui-même qui fit porter à l'âme du Sauveur, dans le jardin de Gethsémani, l'horrible poids de tous les péchés du monde. - Jésus vint avec eux dans un domaine. Ce domaine était situé au-delà du torrent de Cédron, cf. Joan. 18, 1, au pied du mont des Oliviers. Le pèlerin trouve précisément au N.E. de Jérusalem, non loin de la porte Saint Étienne et des remparts, de l'autre côté du Cédron, un emplacement à peu près carré, long de 160 pieds anglais, large de 150, qu'on lui dit ou plutôt qu'on lui prouve, d'après une tradition qui remonte au moins jusqu'à Constantin (cf. Euseb. Onomasticon, s. v. Gethsemani ; S. Jérôme, ibid. ; Sepp, Jerus. u. das. Land, 1864 t. 1, p. 564 et ss.), avoir été le théâtre de l'agonie de Jésus. Les Pères franciscains, aux soins desquels il est depuis longtemps confié, l'ont récemment entouré de grands murs ; ils y ont planté à profusion la fleur dite de la Passion, la rose, le romarin, et le « Graphalium sanguineum », ou Goutte de sang, qu'une gracieuse légende fait naître de la sueur sanglante de Jésus. Mais le principal ornement de ce précieux enclos consiste dans huit oliviers énormes, aux troncs noueux, au rare feuillage, que des connaisseurs font remonter jusqu'à deux mille ans, cf. O. Strauss, Sinai u. Golgotha, 8ème édit. p. 224, et qui purent en effet échapper comme par miracle aux coupes nombreuses pratiquées dans les environs de Jérusalem par Pompée, par Titus, par Adrien et par les croisés. Cf. Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Paris 1837, t. 2, p. 181 ; Lamartine, Voyage en Orient, t. 1, p. 470 ; Mgr. Mislin, les Saints Lieux, 1re édit. t. 2, p. 4 et ss. ; Fouard, la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, p. 25. - Appelé Gethsemani. L'étymologie la plus probable de ce nom est Gath Schemâné, « pressoir d'huile ». Le jardin aurait été ainsi appelé à cause du pressoir qui s'y trouvait pour écraser les olives au temps de la récolte. D'autres préfèrent Ghé Schemâné, « vallée d'huile », c'est-à-dire vallée fertile, ou vallée produisant beaucoup d'huile ; mais alors, comment appliquer l'insertion du T ? Cf. Winer, bibl. Realwoerterbuch, s.v. - Il dit à ses disciples : il n'en restait que huit, Judas étant parti et trois autres apôtres S. Pierre, S. Jacques et S. Jean devant accompagner Jésus ; cf. v. 37. - Asseyez-vous, c'est-à- dire « restez ». - Pendant que j'irai là. « Ici, là » : Jésus désignait les deux endroits du geste. On a justement rapproché de ces paroles celles d'Abraham laissant ses serviteurs au pied du Moria qu'il allait gravir avec Isaac : « Abraham dit à ses serviteurs : Restez ici avec l'âne ; moi et le jeune homme, nous irons jusque-là pour adorer, et nous reviendrons auprès de vous », Gen. 22, 5. Jésus ne va-t-il pas, dans sa prière d'agonie, s'étendre sur l'autel avec la foi d'Abraham et la résignation d'Isaac ? Cf. Stier, Reden des Herrn, in h.l.
Fulcran Vigouroux
Gethsémani. « Au bord même et presque à la naissance du torrent de Cédron, à l’est de Jérusalem, est Gethsémani ou le jardin des Oliviers. On y voit la grotte où Notre-Seigneur répandit une sueur de sang. Cette grotte est irrégulière, profonde et haute, et divisée en deux cavités qui communiquent par une espèce de portique souterrain ; on y a pratiqué des autels. Le jardin même est entouré d’un petit mur de pierres sans ciment, et huit oliviers espacés de trente à quarante pas les uns des autres le couvrent presque tout entier de leur ombre. Ces oliviers sont au nombre des plus grands arbres que j’ai jamais rencontrés, dit Lamartine ; la tradition fait remonter leurs années jusqu’à la date mémorable de l’agonie de l’Homme-Dieu qui les choisit pour cacher ses divines angoisses. [L’olivier est pour ainsi dire immortel, a observé Châteaubriand, parce qu’il renaît de sa souche.] Leur aspect confirmerait au besoin la tradition qui les vénère ; leurs immenses racines, comme les accroissements séculaires, ont soulevé la terre et les pierres qui les recouvraient, et, s’élevant de plusieurs pieds au-dessus du niveau du sol, présentent au pèlerin des sièges naturels, où il peut s’agenouiller ou s’asseoir pour recueillir les saintes pensées qui descendent de leurs cimes silencieuses. Un tronc noueux, cannelé, creusé par la vieillesse comme par des rides profondes, s’élève en large colonne sur ces groupes de racines, et, comme accablé et penché par le poids des jours, s’incline à droite ou à gauche et laisse pendre ses vastes rameaux entrelacés, que la hache a cent fois retranchés pour les rajeunir. Ces rameaux, vieux et lourds, qui s’inclinent sur le tronc, en portent d’autres plus jeunes, qui s’élèvent un peu vers le ciel, et d’où s’échappent quelques tiges d’une ou deux années, couronnées de quelques touffes de feuilles et noircies de quelques petites olives bleues, qui tombent, comme des reliques célestes, sur les pieds du voyageur chrétien. » (LAMARTINE.)