Matthieu 26, 6

Comme Jésus se trouvait à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux,

Comme Jésus se trouvait à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux,
Saint Thomas d'Aquin
2615. COMME JÉSUS SE TROUVAIT À BÉTHANIE. Ici est présentée l’annonce anticipée par le geste d’une femme. Premièrement, le geste est présenté ; deuxièmement, un reproche ; troisièmement, une excuse. Le second point [se trouve] en cet endroit : À CETTE VUE, LES DISCIPLES FURENT INDIGNÉS [26, 8] ; le troisième, en cet endroit : JÉSUS S’EN APERÇUT [26, 10].

À propos du premier point, [Matthieu] fait quatre choses : premièrement, le lieu est décrit ; deuxièmement, la personne ; troisièmement, la capacité ; quatrièmement, l’acte.

Premièrement, un double lieu est présenté : général et particulier. Général, lorsqu’il dit : COMME JÉSUS SE TROUVAIT À BÉTHANIE ; particulier, lorsqu’il dit : CHEZ SIMON LE LÉPREUX. Remarquez que [Simon] n’était pas alors lépreux, car il avait été guéri par le Christ. En effet, s’il ne l’avait pas été, le Christ ne serait pas demeuré chez lui, puisque cela est interdit par la loi. Cependant, les deux choses se rattachent à un mystère. Béthanie veut dire «maison de l’obéissance». Par cela est donc signifiée l’obéissance [du Christ]. Ph 2, 8 : Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Il est donc approprié qu’il se trouve dans la maison d’un lépreux. Is 53, 4 : Et nous, nous l’avons considéré comme un lépreux. C’est pour cette raison qu’il est venu là.

2616. Une autre raison peut être [tirée du] texte même, à savoir que cette [femme] ait la confiance nécessaire pour s’approcher du Christ, car [Simon] était un parent de Marie et avait été guéri de la lèpre corporelle, alors que celle-ci s’approchait pour être guérie de la lèpre spirituelle. Et il faut remarquer qu’on ne dit de personne d’autre qu’il s’est approché du Christ en vue de la santé spirituelle, sauf de celle-là. Elle était donc digne d’éloge.
Louis-Claude Fillion
S. Luc a raconté plus haut, 7, 37 et ss., une histoire semblable, dans laquelle on voit pareillement une femme s'approcher de Jésus tandis qu'il est à table chez un Juif nommé Simon, et lui parfumer les pieds qu'elle essuie ensuite avec ses cheveux. Serait-ce le même repas ? La même onction ? Non, car il existe entre les récits des différences notables qui seront indiquées dans l'explication du troisième Évangile. En outre la date n'est évidemment pas la même. Il faut être rationaliste pour vouloir réunir quand même les deux faits, et pour attribuer à une tradition mensongère la séparation d’événements qui s'étaient confondus à l'origine. Mais, si les uns veulent ravir injustement à l'Évangile quelques-uns de ses plus beaux fleurons, d'autres multiplient les incidents sans raison comme sans utilité. C'est ainsi qu'Origène, S. Jérôme, Théophylacte, Lightfoot, etc., admettent jusqu'à trois onctions, parce qu'ils ne croient pas pouvoir concilier la narration de S. Jean avec celle de S. Matthieu et de S. Marc. Nous réfuterons cette erreur en son lieu. Voir Joan. 12, 1-11 et le commentaire. - A Béthanie. Cf. 21, 1 et l'explication. La date du repas et de l'onction de Béthanie est pour les exégètes un objet de sérieuse discussion. Plusieurs, supposant qu'il règne ici un enchaînement parfait dans la relation de S. Matthieu, maintiennent l'époque fixée au v. 2 . D'après eux, les trois incidents que nous avons rencontrés depuis le commencement du chap. 26 (cf. vv. 1-2 ; 3-5 ; 6 et suiv.) auraient eu lieu en un seul et même jour, le mardi saint, avant-veille de la Pâque. Mais ces auteurs semblent n'avoir pas lu les lignes de S. Jean, 12, 1-3, qui leur infligent un formel démenti : « Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare… On donna un repas en l’honneur de Jésus... Marie avait pris une livre d’un parfum... elle versa le parfum sur les pieds de Jésus ». Tout est clair dans ce récit, la date de l'onction est nettement déterminée : elle eut lieu six jours avant la Pâque, c'est-à-dire le vendredi ou le samedi qui précéda immédiatement la Passion. S. Matthieu et S. Marc n'ont donc pas donné à ce fait sa place chronologique : ils en ont reculé volontairement la narration, qu'ils reprennent maintenant d'une manière rétrospective. Nous verrons plus bas, v. 14, quel motif a pu leur inspirer l'idée de ce déplacement. - Simon le lépreux. C'est le nom de celui qui fut l'hôte du Sauveur en cette circonstance mémorable. L'épithète de « lépreux » était un surnom soit ancien déjà et héréditaire dans sa famille où il y aurait eu autrefois quelque personne atteinte de la lèpre, soit récent et personnel, en souvenir de sa guérison opérée peut-être par Jésus lui-même. Simon et une dénomination très commune chez les Juifs, on distinguait d'ordinaire par des surnoms ceux qui la portaient : v. g. Simon Bar-Jona, Simon le Cananéen, etc. Des traditions qui paraissent apocryphes font de de Simon le lépreux tantôt le père de Lazare, tantôt le mari de sainte Marthe ; cf. Niceph. Hist. Eccl. 1, 27. Il est du moins vraisemblable qu'il était l'ami de S. Lazare et de ses deux sœurs. Quelques auteurs ont pensé, mais sans le moindre fondement, qu'il était déjà mort à cette époque.
Fulcran Vigouroux
Simon le lépreux ; c’est-à-dire qui avait été lépreux. ― « Le repas décrit par saint Jean, 12, 2, est-il différent de celui qui eut lieu chez Simon le lépreux, voir Matthieu, 26, 6, et de celui que décrit saint Luc, 7, 36 ? ― Il est probable que le repas décrit par saint Jean est le même que saint Matthieu nous dit avoir eu lieu chez Simon. Les deux Evangélistes placent la scène à Béthanie ; les récits présentent les mêmes circonstances et se rapportent à la même époque. Le Sauveur revint dans ce bourg six jours avant Pâques, comme le dit saint Jean, le samedi soir par conséquent, un peu avant le repas, ou le vendredi, si l’on compte les six jours à partir du jeudi soir où la fête commençait. Si saint Matthieu parle de deux jours avant Pâques, quelques versets plus haut, c’est à propos d’un autre fait, de la résolution prise par le Sanhédrin de faire mourir Jésus ; et cette anticipation n’empêche pas qu’il ne dérive ensuite très naturellement ce repas de Béthanie, qui a fourni à Judas l’occasion de quitter son Maître et de le vendre aux Juifs. Que Lazare et ses sœurs assistent à ce repas, ce n’est pas une preuve qu’il eut lieu chez eux. Celui qui l’offrait ne pouvait-il pas être de leurs parents ou de leurs amis ? C’est même probablement parce qu’on n’était pas chez eux que saint Jean crut devoir signaler leur présence et surtout le zèle de Marthe à servir les convives. Ici comme ailleurs, le dernier évangile complète les précédents, en ajoutant à leur récit de nouveaux traits. Saint Matthieu et saint Marc disent : une femme ; saint Jean dit : Marie, sœur de Lazare. Ils parlent de l’onction de la tête seulement ; lui signale l’onction des pieds.

« Le repas dont parle saint Luc eut lieu assez longtemps auparavant en Galilée, et selon toute apparence à Naïm. On ne peut donc pas le confondre avec celui qui eut lieu à Béthanie six jours avant Pâques, où Notre-Seigneur eut à reprendre les sentiments de Judas, et non ceux de Simon. Seulement on peut demander si ce n’est pas le même Simon qui les a donnés l’un et l’autre. La plupart distinguent Simon le pharisien de Simon le lépreux. Ils ne semblent pas, disent-ils, avoir le même domicile, ni le même caractère, ni les mêmes dispositions envers le Sauveur. Ces raisons ne sont cependant pas une démonstration. Il n’est pas sûr que Simon fût de Naïm, ni même de Galilée : saint Luc ne le dit pas ; et quoique pharisien, il avait pu être guéri de la lèpre par Notre-Seigneur et changer de sentiment à son égard. » (L. BACUEZ.)