Matthieu 27, 14
Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur fut très étonné.
Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur fut très étonné.
Considérez combien celui que Dieu le Père a établi le juge de toute créature, s'est humilié en consentant à comparaître devant un homme qui était alors un simple juge de la terre de Judée, et à s'entendre adresser une question que Pilate lui fait pour se mo quer de lui, ou sans croire à la vérité qu'elle contient. «Et le gouverneur l'interrogea en ces termes: Êtes-vous le roi des Juifs ?»
A ces nouvelles accusations, Jésus ne répond pas plus qu'il n'a fait à la première; car la parole de Dieu ne devait plus se faire entendre aux Juifs comme elle s'était autrefois ré vélée par le moyen des prophètes. D'ailleurs, Pilate lui-même n'était pas digne de réponse, lui qui n'avait point d'opinion constante et arrêtée sur la personne de Jésus-Christ, mais qui se laissait entraîner aux idées les plus opposées. «Alors Pilate lui dit: Vous n'entendez pas de combien de choses ils vous accusent».
Or, le gouverneur s'étonne de la constance de Jésus, lui qui savait, peut-être, qu'il avait le pouvoir de le condamner à mort, et qui le voyait tranquille, calme dans la sagesse, et d'une dignité que rien ne pouvait troubler. Voilà ce qui l'étonne grandement, car il regardait comme un prodige surprenant que Jésus, sous le coup d'une sentence capitale, fût sans crainte et sans trouble devant la mort, qui inspire à tous les hommes une si grande terreur.
Ou bien, lorsque le grand-prêtre lui a demandé s'il était le Christ, il lui a répondu «Vous l'avez dit», parce qu'il avait dû apprendre de la loi, que le Christ demeurait éternellement ( Jn 12,34 Ps 109 Ps 116 Is 10,9 ), mais ici que cette même question: «Êtes-vous le roi des Juifs ?» lui est faite par un homme qui ne connaît pas la loi, il lui ré pond: «Vous le dites», parce que c'est par la foi de leur confession actuelle que les Gentils obtiennent le salut.
Pilate interroge Jésus sur ce qui était le sujet continuel des récriminations de ses ennemis; car comme ils savaient que Pilate n'avait nul souci des questions purement légales, ils formulent contre lui une accusation en matière politique.
Jésus confesse qu'il est roi, mais roi du ciel, comme nous le lisons plus clai rement dans un autre évangile: «Mon royaume, dit-il, n'est pas de ce monde» ( Jn 18,36 ), afin que Pilate et les Juifs soient inexcusables d'insister sur ce chef d'accusation.
Or, il parlait de la sorte, parce qu'il voulait le délivrer, en profitant d'une réponse qui l'aurait justifié. «Mais Jésus ne répondit à aucun de ces griefs, de sorte que le gouverneur en était dans l'étonnement».Malgré tant d'épreuves évidentes qu'ils avaient de sa puissance, de sa douceur et de son humilité, ils ne laissent pas de conspirer contre lui, et de l'accabler sous le poids de leurs injustes accusations. C'est pour cela qu'il ne leur répond rien, ou s'il leur répond quel quefois, c'est en peu de mots, et pour qu'on ne put qualifier d'opiniâtreté son silence absolu. Ou bien, Jésus ne voulut rien répondre, dans la crainte qu'en se justifiant, il ne fût mis hors de cause par le gouverneur, et que les biens immenses que la croix devait produire, ne fussent ainsi différés.
Remarquez que Jésus satisfait en partie à la question de Pilate qui le jugeait malgré lui, tandis qu'il garde un silence absolu devant les anciens et les princes des prêtres qu'il regarde comme indignes d e toute réponse: «Et comme les princes des prêtres et les anciens l'accusaient, il ne répondit rien».
Celui qui méprise ainsi Jésus-Christ est un païen, mais il en fait retomber la responsabilité sur le peuple juif.
Après avoir achevé de raconter ce qui concerne le traître Judas, saint Matthieu reprend la suite de son récit: «Or, Jésus comparut devant le gou verneur».
Saint Luc nous apprend quels sont les crimes dont ils l'accusèrent. «Et ils commencèrent à l'accuser en disant: «Nous avons trouvé cet homme qui pervertissait le peuple, qui empêchait de payer le tribut à César, et qui se disait le Christ roi. Il importe peu à la vérité des faits qu'ils soient rapportés dans un ordre plutôt que dans un autre, ou qu'un Évangéliste passe sous si lence ce que l'autre raconte.
2815. Puis est présenté l’étonnement de Pilate : SI BIEN QUE LE GOUVERNEUR ÉTAIT FORT ÉTONNÉ. Et pourquoi était-il étonné ? Parce qu’il avait entendu dire que [Jésus] parlait beaucoup, et c’est ce que dit David, Ps 37[38], 14 : Moi, je n’entendais pas, comme si j’étais sourd, et comme un muet je n’ouvrais pas la bouche, c’est-à-dire comme si j’étais ignorant. Remarquez qu’il dit : FORT [ÉTONNÉ]. En effet, qu’un sage ne réponde pas, cela est étonnant ; mais qu’en une telle cause, où l’on décide de [sa] mort, il ne réponde pas, cela est très étonnant. [Pilate était aussi très étonné] parce qu’il voyait que [Jésus] n’était pas effrayé, car, dans un tel cas, les hommes ont aussi coutume d’être terrifiés.
Même silence de la part de Jésus. Oui, il lui serait aisé de se défendre et de se justifier : mais
n'a-t-il pas promis de mourir pour le salut des hommes ? Pour s'encourager dans ce moment d'angoisse, il
pense aux lignes sublimes par lesquelles, six cent ans auparavant, Isaïe décrivait sa Passion : « S'il a été
sacrifié, c'est qu'il l'a voulu ; voilà pourquoi, il n'a pas ouvert la bouche. Comme une brebis conduite à la
boucherie, comme un agneau en présence de celui qui le tond, il se tait, et n'ouvre même pas la bouche », Is.
53, 7. - Le gouverneur en fut très étonné. L'étonnement de Pilate se change en admiration : il admire cette
dignité, ce calme, ce mépris de la mort. Pourquoi le procurateur, écoutant la voix de sa conscience, ne mit-il
pas aussitôt Jésus en liberté ? Nous le comprendrons mieux en étudiant le passage parallèle de S. Jean : Il
craint de déplaire à ces Juifs qu'il méprise pourtant, et d'être accusé par eux auprès de César de n'avoir pas
réprimé les audacieuses menées d'un homme qui voulait se faire roi de Jérusalem. Mais, apprenant alors que
Jésus était Galiléen, il croit se débarrasser habilement de cette cause délicate en la faisant trancher par
Hérode qui se trouvait en ce moment dans la capitale ; cf. Luc. 23, 6-12. L'expédient ne réussit pas, une
heure ou deux après, nous retrouvons Jésus au prétoire.