Matthieu 27, 3
Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens.
Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens.
2796. ALORS JUDAS, QUI L’AVAIT LIVRÉ, VOYANT QU’IL AVAIT ÉTÉ CONDAMNÉ, etc. Il s’agit ici du repentir et de la mort de Judas. À ce sujet, [Matthieu] fait deux choses : premièrement, il raconte [sa] trahison ; deuxièmement, ce que [Judas] a fait de l’argent reçu, en cet endroit : MAIS LES GRANDS PRÊTRES, PRENANT L’ARGENT LUI DIRENT [27, 4].
À propos du premier point, il est d’abord question du repentir [de Judas] ; deuxièmement, de son désespoir, en cet endroit : JETANT ALORS LES PIÈCES DANS LE TEMPLE, IL S’EN ALLA [27, 5].
2797. À propos du premier point, le motif est présenté ; deuxièmement, le repentir ; troisièmement, l’effet.
Le motif [est le suivant] : VOYANT ALORS QU’IL AVAIT ÉTÉ CONDAMNÉ, PRIS DE REPENTIR, IL RAPPORTA LES TRENTE PIÈCES D’ARGENT. Il se peut que Judas ait cru, en vendant [Jésus], qu’il ne serait pas tué, mais qu’il serait flagellé. C’est pourquoi, lorsque [Jésus] fut condamné, il se repentit.
2798. Mais une question se pose : lorsque [Jésus] fut livré au gouverneur, comment [Judas] a-t-il pu voir qu’il avait été condamné ? Jérôme dit qu’«il vit cela par l’œil de son esprit, car, en voyant qu’il avait été condamné par les Juifs et livré à Pilate, il pensa que Pilate le jugerait selon leur volonté», c’est-à-dire selon celle des Juifs. Origène dit que certains ont dit que Judas, voyant qu’il (c’est-à-dire Judas lui-même) avait été condamné, celui-ci avait été amené à se repentir. Ainsi, PRIS DE REPENTIR, IL RAPPORTA LES TRENTE PIÈCES D’ARGENT. Ce repentir n’est pas un véritable repentir ; il comportait cependant quelque chose du repentir, car le repentir doit être à mi-chemin entre l’espoir et la crainte. Or, Judas avait connu la crainte et la douleur, car il se repentit d’un péché passé, mais il n’avait pas d’espérance. Tel est le repentir des impies, Sg 5, 3 : Ceux qui se repentent et gémissent dans l’angoisse de leur esprit.
2799. Et pourquoi [Judas] fut-il conduit au repentir ? Il faut remarquer qu’Origène dit qu’il arrive parfois que le Diable pousse un homme à pécher, et que parfois l’homme [s’y pousse] lui-même, mais de manière différente, car l’homme cherche à assouvir son désir, et le Diable [cherche] à le perdre. Si c’est le Diable qui s’est immiscé, l’homme [n’a donc pas péché] dès la création. Il pouvait donc se repentir. Cela va à l’encontre des manichéens, qui disent qu’il y a une double création : une bonne et une mauvaise, et que ceux qui appartiennent à la mauvaise création ne peuvent pas bien agir, et inversement. Selon eux, Judas appartenait à la mauvaise création. Comment donc pouvait-il se repentir ? Il dit donc que le fait qu’il désespéra venait seulement du fait qu’il s’était montré négligent.
À propos du premier point, il est d’abord question du repentir [de Judas] ; deuxièmement, de son désespoir, en cet endroit : JETANT ALORS LES PIÈCES DANS LE TEMPLE, IL S’EN ALLA [27, 5].
2797. À propos du premier point, le motif est présenté ; deuxièmement, le repentir ; troisièmement, l’effet.
Le motif [est le suivant] : VOYANT ALORS QU’IL AVAIT ÉTÉ CONDAMNÉ, PRIS DE REPENTIR, IL RAPPORTA LES TRENTE PIÈCES D’ARGENT. Il se peut que Judas ait cru, en vendant [Jésus], qu’il ne serait pas tué, mais qu’il serait flagellé. C’est pourquoi, lorsque [Jésus] fut condamné, il se repentit.
2798. Mais une question se pose : lorsque [Jésus] fut livré au gouverneur, comment [Judas] a-t-il pu voir qu’il avait été condamné ? Jérôme dit qu’«il vit cela par l’œil de son esprit, car, en voyant qu’il avait été condamné par les Juifs et livré à Pilate, il pensa que Pilate le jugerait selon leur volonté», c’est-à-dire selon celle des Juifs. Origène dit que certains ont dit que Judas, voyant qu’il (c’est-à-dire Judas lui-même) avait été condamné, celui-ci avait été amené à se repentir. Ainsi, PRIS DE REPENTIR, IL RAPPORTA LES TRENTE PIÈCES D’ARGENT. Ce repentir n’est pas un véritable repentir ; il comportait cependant quelque chose du repentir, car le repentir doit être à mi-chemin entre l’espoir et la crainte. Or, Judas avait connu la crainte et la douleur, car il se repentit d’un péché passé, mais il n’avait pas d’espérance. Tel est le repentir des impies, Sg 5, 3 : Ceux qui se repentent et gémissent dans l’angoisse de leur esprit.
2799. Et pourquoi [Judas] fut-il conduit au repentir ? Il faut remarquer qu’Origène dit qu’il arrive parfois que le Diable pousse un homme à pécher, et que parfois l’homme [s’y pousse] lui-même, mais de manière différente, car l’homme cherche à assouvir son désir, et le Diable [cherche] à le perdre. Si c’est le Diable qui s’est immiscé, l’homme [n’a donc pas péché] dès la création. Il pouvait donc se repentir. Cela va à l’encontre des manichéens, qui disent qu’il y a une double création : une bonne et une mauvaise, et que ceux qui appartiennent à la mauvaise création ne peuvent pas bien agir, et inversement. Selon eux, Judas appartenait à la mauvaise création. Comment donc pouvait-il se repentir ? Il dit donc que le fait qu’il désespéra venait seulement du fait qu’il s’était montré négligent.
« Alors », c'est-à-
dire quand le Sanhédrin, après les deux séances dans lesquelles il avait décrété officiellement la mort de
Jésus, se mit en marche pour conduire sa victime au gouverneur romain. - Qui l'avait trahi : formule sinistre
ajoutée au nom de Judas pour le stigmatiser. - Voyant qu'il était condamné. Le traître comprend que Jésus est
condamné dans ressource et qu'on veut sérieusement sa mort. Qu'est-ce à dire ? Ignorait-il donc, en le
trahissant, qu'on en viendrait à cette extrémité ? Dom Calmet et d'autres exégètes l'ont pensé. Mais cela
paraît peu vraisemblable. Il vaut mieux, pour expliquer l'espèce de stupéfaction qui saisit alors Judas,
recourir à la psychologie. Souvent il arrive que les grands criminels ne sentent bien l'énormité de leurs attentats qu'après les avoir consommés ; Tacite déjà l'affirmait, annal. 14, 10 : « C'est quand Néron eut
consommé le crime qu'il en comprit la grandeur ». C'est en ce sens que Judas est rempli d'horreur par la
condamnation de Jésus, quoiqu'il l'eût prévue et facilitée. - C'est aussi en ce sens qu'il se repent : Poussé par
le repentir. Écoutons là-dessus une réflexion très juste de J. Jean Chrysostôme, Hom. 85 in Matth. : « Le
démon commence toujours par de petites choses, et qu’il conduit insensiblement les hommes jusqu’aux plus
grands crimes, d’où il les jette ensuite dans le désespoir qui est le comble de tous les autres. Car celui qui
désespère après son crime, sera plus damné pour son désespoir que pour son crime qui en est la cause ». Du
reste, les anciens auteurs ont justement comparé la pénitence de Judas à celle de Caïn : comme celle du
premier fratricide, elle consista sans doute en un vif sentiment de douleur et de crainte ; mais le divin amour
et l'espérance en furent éloignés. Cf. Thom. Aq. Comm. In h.l. Aussi est-ce à bon droit que le texte grec
exprime simplement le désir que ce qui a été fait n'ait pas été fait, désir mêlé de regrets et même de remords,
mais sans aucun changement réel du cœur, sans repentir sérieux. S. Pierre s'était repenti de la bonne
manière : Judas au contraire n'a qu'une fausse contrition qui accroît sa faute bien loin de la diminuer. -
L'évangéliste note cependant un signe frappant du remords qui le dévorait : Il rapporta les trente pièces
d'argent. En haine du crime qu'il a commis, il se prive librement du gain horrible que lui a valu sa trahison.
Peut-être se flattait-il, en rendant l'argent et en déclarant la parfaite innocence de Jésus, d'obtenir son
élargissement.