Matthieu 27, 32

En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus.

En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus.
Saint Thomas d'Aquin
2843. EN SORTANT, ILS TROUVÈRENT UN HOMME DE CYRÈNE. Ici, il s’agit du transport de la croix. Il est indiqué par cela qu’il ne voulait pas souffrir dans la ville, mais en dehors. La raison en est donnée en He 13, 12, où il est dit : Pour cette raison, afin que Jésus sanctifie le peuple par son sang, il a souffert hors de la porte [de la ville]. Cela est approprié à la figure, car, comme on lit, en Lv 16, 19s, que le bouc, qui devait être immolé pour le péché, était envoyé en dehors des murs, de même [en fut-il pour] le Christ, parce qu’il était l’offrande pour le peuple. [Cela est aussi arrivé] pour notre édification. He 13 : Ils portaient ce qui lui était reproché. Il a aussi souffert en dehors de la porte afin que la puissance de sa passion ne soit pas limitée à une seule nation. Jn 11, 52 : Il est mort afin que toutes les nations soient rassemblées.

2844. ET ILS LE REQUIRENT POUR PORTER LA CROIX. Il semble y avoir ici une discordance, car, en Jn 19, 17, on lit que [Jésus] sortit en portant sa croix. Voici la réponse selon Jérôme : d’abord [Jésus] porta [la croix], mais, par la suite, alors qu’ils cheminaient, ils rencontrèrent Simon et le requirent, etc. Origène dit que c’est le contraire qui se produisit : Simon porta d’abord [la croix], et, par la suite, le Christ. Et il existe une raison mystique pour laquelle [Simon] porta d’abord la croix. Ainsi, plus haut, 16, 24 : Celui qui veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive, etc. Il faut noter que ce Simon était un étranger et qu’il indique le peuple des Gentils, qui a porté la croix du Christ. 1 Co 1, 18 : La parole de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont sauvés, pour nous, elle est puissance de Dieu. Simon signifie «obéissant», et le peuple des Gentils a obéi. Ps 17[18], 45 : Le peuple que je ne connaissais pas m’a servi, il m’a obéi en m’entendant. Et il venait d’un village. «Village» se dit pagos en grec. Ainsi, celui-ci venait d’un village, parce qu’il venait du paganisme. Ce que dit [Matthieu], qu’il venait de Cyrène, est approprié, car [Cyrène] signifie «héritage précieux». Ps 2, 8 : Demande-le-moi, et je te donnerai les nations en héritage. Lorsque [Matthieu] dit qu’ils le forcèrent, il indique ceux qui portent extérieurement la croix, mais la portent de force à l’intérieur, parce qu’[ils ne la portent] pas à cause de Dieu, mais du monde. Ga 5, 24 : Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié leur chair avec ses vices et ses désirs.
Louis-Claude Fillion
Comme ils sortaient. Ce mot ne saurait désigner la sortie du prétoire, puisqu'elle a été mentionnée à la fin du verset précédent. Il représente donc, comme l'admettent la plupart des exégètes, le moment où le cortège franchissait la porte de la ville qui conduisait au Golgotha. En effet, d'après la loi juive, cf. Num. 15, 35 et ss. ; 3 Reg. 21, 13 ; Act. 7, 58 ; Lightfoot, Hor. Talm. in h.l. ; de même que d'après la coutume romaine, cf. Cicer. in Verr. 5, 66 ; Plaut. Mil. Gl. 2, 4, 6, les exécutions avaient toujours lieu en dehors des cités. - Un homme de Cyrène. On sortait donc de l'enceinte de Jérusalem, lorsqu'on fit la rencontre de Simon le Cyrénéen. Son surnom indique qu'il était originaire de la Cyrénaïque, province située sur la côte septentrionale de l'Afrique, dans laquelle Ptolémée Lagos avait autrefois établi, avec des privilèges considérables, une colonie de cent mille Juifs. Cf. Jos. c. Appion. 2, 4. Tout porte à croire (cf. Marc. 15, 21 et le commentaire) qu'il était alors domicilié à Jérusalem. Mais il est peu probable qu'il fût déjà chrétien, et que les soldats lui aient imposé pour ce motif la corvée signalée par l'évangéliste, comme s'ils eussent voulu se donner le malin plaisir de faire porter la croix du Maître par un de ses disciples (Grotius et Kuinoel). Il serait néanmoins étonnant qu'il n'eût pas embrassé plus tard le Christianisme. S. Marc, l.c., mentionne ses deux fils comme des chrétiens bien connus à Jérusalem, et d'anciens martyrologes le comptent lui-même au nombre des saints (voir Richard, Dic. Hist. t. 5, p. 92). - Qu’ils contraignirent. Nous avons expliqué plus haut, 5, 41, l'origine du verbe réquisitionner, obliger. Les soldats romains eurent bientôt fait connaître sa signification dans tout l'empire, et spécialement en Judée, Cf. Jos. Ant. 20, 3, 4, où ils aimaient à rendre chacun « corvéable à merci ». Quelle joie pour eux, dans la circonstance présente, de faire porter un fardeau à un Juif en un jour de fête solennelle ! - De porter la croix. Mais pourquoi dérogèrent-ils cette fois à la coutume mentionnée plus haut, d'après laquelle c'était le devoir du condamné de porter sa croix jusqu'au lieu de l'exécution ? Il serait peu naturel de supposer, dans ces cœurs qui avaient désappris la pitié, un sentiment de sympathie pour Jésus. S'ils le déchargent, c'est plutôt par crainte de voir leur victime expirer avant d'arriver au sommet du calvaire. On comprend sans peine que Notre-Seigneur, épuisé par les souffrances de tout genre qu'il endurait depuis environ dix heures, manquât de force pour gravir, la croix sur les épaules, la pente du Golgotha. La tradition parle à bon droit de ses chutes réitérées. Quand les soldats le virent à bout de forces à l'endroit le plus difficile du chemin, ils le déchargèrent de sa croix, et, apercevant alors Simon de Cyrène qui venait à la rencontre du cortège, ils lui imposèrent la fonction de la porter jusqu'au calvaire. Fonction humiliante en elle-même, mais glorieuse dans cette occasion : c'est elle qui a immortalisé le nom de l'humble Cyrénéen.
Fulcran Vigouroux
a croix. Les auteurs avaient émis les opinions les plus diverses sur la nature du bois ou des bois dont était formée la croix. Après l’examen scientifique de diverses reliques, « on peut affirmer que le bois de la croix provenait d’un conifère, et on ne peut douter que ce conifère soit du pin. [D’après l’opinion commune, l’instrument du supplice de Notre-Seigneur se composait d’un montant] avec une traverse laissant passer la tête de la tige, comme l’usage de la représenter s’en est le plus généralement répandu. [D’après] une ancienne tradition, la hauteur du montant était de 4 mètres 80, et celle de la traverse de 2 mètres 30 à 2 mètres 60. » Le supplice de la croix, très fréquent chez les Romains, était spécial pour les esclaves. On l’appliquait quelquefois aux hommes libres, mais alors aux plus vils et aux plus coupables, comme les voleurs, les assassins, les faussaires. Chez les Romains, les condamnés portaient leurs croix. Plaute (Pilate ?) a dit : qu’il porte la potence à travers la ville et qu’il soit ensuite attaché à la croix. « L’intervention de Simon le Cyrénéen peut s’entendre de deux manières. Le texte sacré ne dit pas formellement si Notre-Seigneur fut totalement déchargé de sa croix, ou s’il continua à la porter avec une aide étrangère. Dans la première hypothèse, le Christ aurait marché en avant, Simon portant seul la croix en arrière. Dans la seconde, il aurait porté la partie antérieure et Simon la partie postérieure, le bout traînant à terre. Saint Augustin, saint Athanase, saint Jérôme, saint Léon, Origène et plusieurs modernes supposent que Notre-Seigneur fut entièrement déchargé. [On peut donner] à la croix un [poids total] d’environ cent kilogrammes. La croix devait traîner à terre, [parce que] ce long bois n’aurait pu rester en équilibre sur l’épaule ; la diminution du poids qui en résultait peut être évaluée à 25 ou 30 kilogrammes. [Le Sauveur avait donc encore à porter] environ 75 kilogrammes. [Ce fardeau dépassait ses forces, parce qu’il était] épuisé par les supplices qu’il avait endurés, par la longueur de la voie douloureuse dont on connaît au moins les deux extrémités et qui devait être de 5 à 600 mètres, et par la difficulté des chemins dans un sol montueux. » (ROHAULT DE FLEURY.)