Matthieu 27, 5

Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre.

Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre.
Saint Thomas d'Aquin
2802. Puis le désespoir est présenté. En effet, celui qui désespère des biens temporels ne s’intéresse plus à rien. [Judas] agit ainsi : JETANT ALORS LES PIÈCES DANS LE TEMPLE, IL SE RETIRA (il ne s’intéressait plus à l’argent) ET S’EN ALLA SE PENDRE. On lit ainsi en Ac 1, 18 qu’il se pendit et éclata par le milieu. Et pourquoi ? Origène dit qu’il arrive que le Diable précipite quelqu’un dans le péché, et qu’en lui laissant de l’espace, il veut encore le précipiter dans un autre. C’est ce qu’a voulu éviter l’Apôtre lorsqu’il dit, en 2 Co 2, 7 : De crainte que cet homme-là ne sombre dans une tristesse encore plus grande. Ainsi Judas a-t-il tellement sombré qu’IL S’EN ALLA SE PENDRE. Ps 68, 16 : Que je ne sombre pas dans l’abîme ! Origène rappelle l’opinion de certains qui disaient que, parce que Judas avait entendu parler de la résurrection, il croyait aller au-devant du Christ, et que ce fut la raison pour laquelle il se pendit.

2803. Augustin cherche à savoir quand cela se produisit. Car, si on veut bien examiner la chose, on trouvera difficilement un moment avant la passion où cela aurait pu arriver, car les grands prêtres s’occupèrent toute la journée de la mort du Christ. De même, le jour suivant était le sabbat, et ils n’auraient pas pris d’argent le jour même. C’est pourquoi Augustin semble vouloir dire que cela arriva après la résurrection. Toutefois, on peut dire que, si certains approchèrent Pilate et s’occupèrent de la mort du Christ, certains étaient néanmoins demeurés dans le temple, et c’est à eux que Judas donna les trente deniers.
Louis-Claude Fillion
Ayant jeté les pièces d'argent. La réponse brutale des prêtres mit le comble au désespoir de Judas. Il commence par jeter dans le temple, comme un témoignage contre eux et pour rescinder l'infâme contrat, les trente pièces d'argent qui ont causé sa perte. - Dans le temple. Il est vrai que l'accès de l'enceinte sacrée était réservé exclusivement aux prêtres : mais les laïques pouvaient entrer dans le vestibule du temple, et c'est là sans doute que Judas jeta les trente deniers. Il est possible aussi, comme le conjecturent des auteurs sérieux (Meyer, Alford, Tregelles, Fouard, etc.) que le traître, dans un élan désespéré, ait envahi le Saint pour y lancer les trente deniers. Ensuite il s'en alla, probablement hors de la ville, et il mit fin à ses jours d'une manière honteuse et criminelle. Il se pendit ! Et pourtant on a essayé parfois de donner au verbe une signification figurée. Grotius, Hammond, Perizonius (De Morte Judae, Lugd. Bat. 1702) etc. le traduisent par « mourir de chagrin, se consumer de désespoir » : mais à quoi bon faire ainsi de l'arbitraire pour donner à Judas une mort honorable qu'il n'a pas eue ? D'un autre côté, Origène et Ligthfoot se livrent, quoique en des sens très divers, à tous les écarts d'une imagination ardente lorsqu'ils représentent, le premier, Comm. in Matth. h.l., Judas se précipitant par une mort volontaire dans le séjour des trépassés pour y devancer son Maître, se jeter à ses pieds et implorer sa miséricorde ; le second, le diable saisissant le traître au moment où il sortait du temple, l'enlevant dans les airs et le lançant à terre après l'avoir étranglé. Cf. Hor. Talm. in Matth. in h.l. La réalité ne fut ni si belle, ni si affreuse, quoiqu'il lui reste suffisamment d'horreurs. Les détails cités par S. Pierre dans le discours que nous avons signalé plus haut ne contredisent en rien le récit de l'Évangile. Plusieurs rationalistes (cf. K. Hase, Leben Jesu p. 165) n'hésitent pas à le reconnaître. Toute la différence consiste dans les points de vue divers auxquels se placent les deux narrateurs. Tandis que S. Matthieu insiste davantage sur l'action personnelle de Judas, le prince des Apôtres note surtout l'action de la Providence qui permit qu'une circonstance horrible vint s'ajouter à la mort du traître. Voir Warneccius, de Suspension Judae, ap. Iken, Thesaurus phil.-Theolog. t. 2, p. 304 et ss.