Matthieu 28, 8

Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.

Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
Saint Thomas d'Aquin
2927. Mais ici se pose une question sur le texte, car on dit ici que [les femmes] virent [l’ange] assis sur la pierre ; chez un autre évangéliste, qu’après être entrées dans le tombeau, elles virent un jeune homme assis à droite. Augustin donne une solution : elle eurent deux fois la vision d’un ange. Il est donc possible qu’elles en aient vu un à l’extérieur et un autre à l’intérieur. Ou bien, on peut dire qu’il ne s’agit pas seulement d’une pierre taillée, mais qu’il y avait là un matériau qui faisait partie du tombeau. Ainsi, ce que dit Marc : Après être entrées dans le tombeau, ne doit pas s’entendre de la pierre [qui avait été roulée], mais de l’espace qui faisait partie [du tombeau]. Et cela est clair, car il est dit ici qu’ELLES QUITTÈRENT AUSSITÔT LE TOMBEAU DANS LA CRAINTE ET DANS LA JOIE, etc.

2928. Plus haut, la résurrection a été annoncée aux femmes ; ici, elle est confirmée par le Christ, et l’évangéliste fait trois choses : premièrement, les femmes sont décrites ; deuxièmement, l’arrivée du Christ ; troisièmement, la charge d’annoncer [la résurrection] est confiée. Le second point [se trouve] en cet endroit : ET VOICI QUE JÉSUS VINT À LEUR RENCONTRE [28, 9] ; le troisième, en cet endroit : NE CRAIGNEZ PAS, etc. [28, 10].

Dans la première partie, il faut relever trois choses dignes d’intérêt : premièrement, l’état des femmes ; deuxièmement, leurs sentiments ; troisièmement, leur intention.

2929. Leur état est abordé lorsqu’il est dit : ELLES QUITTÈRENT AUSSITÔT LE TOMBEAU. Pour ce qui est du sens littéral, le tombeau ne signifie pas une pierre taillée, mais un espace renforcé d’une certaine protection. Selon le sens mystique, le tombeau est le lieu des morts, et par là est indiqué l’état de péché. Ps 87[88], 6 : Blessés, ils dormaient dans les tombeaux. De sorte que quitter le tombeau, c’est sortir du péché. 2 Co 6, 17 : À cause de cela, éloignez-vous d’eux, etc. Et remarquez que [l’évangéliste] dit : AUSSITÔT, car il faut aussitôt sortir du péché. Si 5, 8 : Ne tarde pas à te convertir au Seigneur, et ne reporte pas de jour en jour.

2930. Un double sentiment est aussi touché : la crainte et la joie. La crainte, à cause de la vision de l’ange ; la joie, à cause de la résurrection. La crainte vient de la fragilité humaine, la joie, de la vision divine. Ps 29[30], 6 : Le soir, les pleurs se sont installés ; mais, au matin, la joie. Le pécheur doit ainsi craindre. Si 5, 5 : Ne sois pas sans craindre à la suite du péché pardonné. Mais il doit se réjouir de l’espérance de la résurrection. Ps 2, 11 : Servez le Seigneur dans la crainte, et exultez en tremblant.

2931. Puis, [Matthieu] aborde les sentiments [des femmes] : ELLES COURURENT PORTER LA NOUVELLE AUX DISCIPLES, etc. Et cela convient aux pécheurs, car ils doivent courir et se hâter de progresser dans le bien. 1 Co 9, 24 : Courez donc afin d’obtenir [la couronne]. Et He 4, 11 : Hâtons-nous d’entrer dans ce repos.

[Matthieu] aborde aussi leur bonne intention, car [le Seigneur] a voulu que ce qu’elles avaient reçu, elles le communiquent aux autres. 1 P 4, 10 : Que chacun communique aux autres la grâce qu’il a reçue.
Louis-Claude Fillion
Les amies du Sauveur exécutent sur le champ la recommandation de l'ange. Par un trait pittoresque, le narrateur nous les montre, au sortir du tombeau, se dirigeant en toute hâte, courant vers le lieu où étaient réunis les apôtres, pour leur annoncer la résurrection de Jésus. Il ajoute aussi un détail psychologique plein d'intérêt : avec crainte et avec une grande joie . L'association de la crainte et de la joie dans un même cœur et au même moment paraît peut-être au premier abord un phénomène impossible, parce qu'il ressemble à une contradiction. Il est cependant très ordinaire qu'on éprouve à la fois ces deux sentiments sous le coup d'une bonne nouvelle inespérée. « Je ne me connais pas, s'écrie un personnage de Térence, L'Andrienne, 5, 4, 34, tant mon esprit est agité en même temps par la crainte, par la joie et par l'espérance, quand je considère ce bonheur si grand et si peu attendu ». Ou bien, l'effroi des saintes femmes avait été causé par la vue de l'ange, cf. v. 5, tandis que leur joie provenait des heureuses nouvelles qu'elles avaient entendues. L'adjectif grande retombe sur les deux substantifs, qu'il détermine de la même manière.