Matthieu 4, 10

Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »

Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »
Saint Thomas d'Aquin
434. Il dit donc : ALORS JÉSUS LUI DIT. Note que Jésus avait entendu beaucoup d’injures, mais il ne s’en est pas soucié. Mais cela, «SI TOMBANT TU M’ADORES», il ne l’a pas supporté, car les premières injures étaient contre lui, mais celle-là [était] une injure contre Dieu. Chrysostome [dit] : «L’injure personnelle est tolérable, mais l’injure contre Dieu, il est trop impie de la négliger.» C’est pourquoi [le Christ] dit : «VA-T’EN, SATAN.» 1 R 19, 10 : Je suis épris de zèle pour le Seigneur Dieu des armées, car les fils d’Israël ont abandonné son alliance. Ps 68, 10 : Le zèle de ta maison me dévore. De plus, il n’est pas au pouvoir du diable de tenter autant qu’il veut, mais autant que Dieu permet. C’est pourquoi il dit : «VA-T’EN», comme s’il disait : «Je ne veux pas que tu tentes davantage.» 1 Co 10, 13 : Le Dieu fidèle qui ne supportera pas que vous soyez tentés au-dessus de ce que vous pouvez, mais donnera avec la tentation ce qui est nécessaire pour que vous puissiez la supporter. Jb 38, 11 : Tu viendras jusqu’ici et tu n’avanceras pas plus loin, et ici tu briseras tes flots tumultueux. Il faut noter que le Seigneur a dit des paroles presque identiques à Pierre (Mt 16, 23), mais là il a dit : «En arrière !» C’est pourquoi l’idée est différente dans l’un et l’autre passage, car «Satan» se traduit «adversaire». Donc le Seigneur a voulu que Pierre, qui voulait empêcher la Passion, aille derrière lui ; mais ici il dit seulement : «VA-T’EN», car le diable ne peut pas le suivre, et c’est pourquoi il dit : «VA-T’EN», à savoir, en enfer, Mt 25, 41 : Allez, maudits, dans le feu éternel, qui est préparé pour le diable et ses anges.

435. IL EST ÉCRIT, Dt 6, 16 : [Vous ne mettrez pas le Seigneur votre Dieu à l’épreuve]. Et il cite souvent de telles autorités tirées du Deutéronome pour signifier que l’enseignement du Nouveau Testament est annoncé par l’intermédiaire du Deutéronome.

436. De la suite immédiate, LE SEIGNEUR DIEU, on peut tirer deux conclusions, comme s’il disait : «Toi, le diable, tu me dis de tomber et de t’adorer ; mais la loi dit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu.» D’où on peut conclure qu’un simple homme ne doit pas être adoré.

Ou alors, il faut comprendre que [le Christ] parle de lui-même comme de Dieu : Tu adoreras le Seigneur Dieu, etc, comme s’il disait : «C’est toi qui dois m’adorer plutôt que l’inverse, car IL EST ÉCRIT, etc.»

437. La première [explication] cependant est plus conforme à la lettre.

438. Et note qu’il dit deux choses : «TU ADORERAS» et «TU SERVIRAS.» Il y a une différence entre les deux, car on doit se comporter de deux façons envers Dieu : on doit lui être soumis ; et on doit s’élever jusqu’à lui comme vers sa fin ultime.

439. Pour le premier point, nous lui devons toute obéissance, Ac 5, 29 : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Nous lui sommes soumis quand nous faisons toute sa volonté. Nous nous élevons vers Dieu de deux façons : parfois nous nous tirons vers lui, Ps 33, 6 : Approchez-vous de lui et vous serez illuminés, et votre visage sera sans confusion. Parfois nous tirons les autres vers lui. 1 Co 3, 9 : Nous sommes les collaborateurs de Dieu. Nous faisons la démonstration sensible de ces deux choses, car lorsque nous nous prosternons, nous nous remémorons que nous devons être soumis à Dieu, et c’est pourquoi il dit : LE SEIGNEUR DIEU. Ps 71, 11 : Toutes les nations le serviront. En outre, quand nous offrons des sacrifices et des louanges, nous signifions que nous devons élever notre esprit jusqu’à lui, et la sujétion tend à cela. Ainsi, C’EST LUI SEUL QUE TU SERVIRAS.

440. Il y a deux façons de servir ; une qui est due à Dieu seul et s’appelle en grec latria, et elle est double : l’une est l’adoration qui n’est due qu’à Dieu et qui consiste à le servir de préférence à tout ; l’autre servitude consiste à tendre vers lui comme vers notre fin ultime. En effet, il y a une adoration ou servitude qui est seulement celle des sujets, comme quand des inférieurs servent des supérieurs. Rm 13, 1 : Que chacun soit soumis aux autorités supérieures. Mais [un inférieur] ne doit pas obéir [à son supérieur] par-dessus tout, jamais contre Dieu. Pareillement, il n’y a aucune créature qui doive être tenue pour une fin ultime, Ps 145, 3 : Ne mettez pas votre confiance dans les princes ni dans les fils des hommes, en qui il n’y a pas de salut. Jr 17, 5 : Maudit l’homme qui se confie en l’homme. Il y a aussi une deuxième servitude, qui est due aux supérieurs et qui en grec s’appelle doulia.
Louis-Claude Fillion
Mais le second Adam ne sera pas séduit comme le premier : à cette offre diabolique d’une étonnante hardiesse et qui revenait à dire, comme autrefois dans l’Éden, Tu seras semblable à Dieu, il fait une réponse brève mais péremptoire. - Retire-toi, Satan. Il n’y pas de contrat possible avec le démon. - Jusqu’ici le tentateur avait pu passer pour un ami bien intentionné, quoique trop empressé et peu éclairé ; maintenant qu’il s’est démasqué, Jésus le traite selon sa véritable nature et l’appelle par son nom ignominieux de Satan, qui signifie contradicteur et qui est, dans la Bible, l’appellation personnelle du chef des démons ; Cf. Job. 1, 6 et ss. ; 2, 1 et ss. Puis, le Sauveur réfute son assertion révoltante par une dernière citation des saintes Lettres, faite librement, comme les précédentes, d’après la version d’Alexandrie et tirée du Deutéronome, 6, 13. - Le Seigneur ton Dieu... C’est la loi fondamentale de la vraie religion, le premier des commandements, qui renferme tous les autres : il suffit à Jésus d’en rappeler la formule pour réduire son adversaire au silence. - Lui seul n’existe ni dans le texte hébreu, ni dans la traduction des 70, mais ce mot est évidemment renfermé dans l’idée même du précepte, de sorte que Notre-Seigneur a pu l’ajouter sans rien changer au sens. Tels sont les traits particuliers de la tentation de Jésus-Christ. M. Bisping fait observer avec justesse, d’après la première épître de S. Jean, 2, 16, qu’on y trouve les trois formes principales sous lesquelles la tentation s’est toujours et partout présentée aux hommes, « concupiscence des yeux, concupiscence de la chair et l'orgueil » ; aussi pourrait-on dire que cet épisode est un abrégé de toutes les tentations. Plût à Dieu que le résultat fût pour les disciples ce qu’il a été pour le Maître ! - Il est temps maintenant de considérer, comme nous l’avons promis, quel fut le caractère général de ce fait extraordinaire. La tentation du Sauveur prend une importance d’autant plus grande qu’elle se dégage davantage de tout élément inférieur. A vrai dire, la lutte serait peu digne du Christ, s’il s’agissait uniquement pour lui de résister à sa faim, de ne pas se prêter à un acte vaniteux, de refuser une gloire grossière. Ne serait-il pas mesquin d’affirmer que l’épreuve subie par notre Rédempteur se réduisit à une triple tentation « de la chair, de vaine gloire, d'ambition », comme on l’a souvent écrit ? Il y eut cela sans doute, mais il y eut aussi quelque chose de plus. Au fond, ce n’est pas comme un homme ordinaire, c’est comme Messie que Jésus est tenté, et les images que le démon fait miroiter sous ses yeux pour le séduire sont loin d’être les premières venues ; elles ont été admirablement choisies, et répondent tout à fait au but que se proposait l’esprit du mal. « Après tout, Satan n’a fait au désert que résumer par d’expressifs symboles tout le programme du faux messianisme juif qui, lui aussi mettait sous le couvert de paroles saintes les rêves d’une ambition charnelle et terrestre... Le Christ des apocalypses hébraïques, tel que l’attendaient et le voulaient les contemporains de Jésus, répondait en tout point au faux Messie dont Satan lui présentait l’image. On croirait entendre la sibylle juive, dans les oracles élaborés à Alexandrie, tout palpitants d’aspirations ardentes et grossières. Le libérateur qu’ils nous dépeignent ne doit-il pas être ceint de l’épée et abattre... toute puissance rivale ? N'est-il pas destiné à ouvrir sur la terre de Judée les sources d'une abondance sans égale ? N’est-il pas enfin par de grands coups de théâtre qu’il doit procéder ?... Le sentiment populaire ne demandait pas autre chose au temps de Jésus... La tentation du désert n’avait donc rien de chimérique, elle était appropriée au véritable état des choses », de Pressensé, Jésus-Christ, son temps, sa vie, p. 318. Envisagée à ce point de vue, elle acquiert une importance de premier ordre, et une grandeur toute tragique. Nous y voyons clairement marqué tout le plan divin de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour le rachat du monde : au faux principe messianique il oppose le vrai principe, à la fausse méthode il oppose la vraie, à la caricature il oppose le portrait sublime que nous connaissons, que nous admirons et que nous aimons. Mais il lui en coûtera la vie, car, en ne se ployant pas au rôle qu’on lui suggère, il heurtera tous les préjugés de la nation juive et soulèvera toute sa haine. Chaque fois donc qu’il a repoussé une tentation du démon, il a franchi un nouveau degré de l’autel sur lequel il doit être immolé ; la consommation ne se fera pas longtemps attendre.
Catéchisme de l'Église catholique
Il est écrit : " C’est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte " (Mt 4, 10).

" C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras " (Mt 4, 10). Adorer Dieu, Le prier, Lui offrir le culte qui Lui revient, accomplir les promesses et les vœux qu’on Lui a faits, sont des actes de la vertu de religion qui relèvent de l’obéissance au premier commandement.
Pape Saint Jean-Paul II
Mais si Dieu seul est le Bien, aucun effort humain, pas même l'observance la plus rigoureuse des commandements, ne réussit à « accomplir » la Loi, c'est-à-dire à reconnaître le Seigneur comme Dieu et à lui rendre l'adoration qui n'est due qu'à lui (cf. Mt 4, 10). « L'accomplissement » ne peut venir que d'un don de Dieu : il est l'offrande d'une participation à la bonté divine qui se révèle et qui se communique en Jésus, celui que le jeune homme riche appelle « bon Maître » (Mc 10, 17 ; Lc 18, 18). Ce que, pour l'instant, le jeune homme ne réussit peut-être qu'à pressentir, sera pleinement révélé à la fin par Jésus lui-même dans son invitation : « Viens et suis-moi » (Mt 19, 21).