Matthieu 4, 3
Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
398. Ensuite il y a l’attaque de la tentation, et elle est triple. D’abord, la gourmandise ; en deuxième lieu, la vaine gloire ; en troisième lieu, l’ambition. La deuxième [se trouve] en cet endroit : ALORS LE DIABLE L’EMPORTA DANS LA VILLE SAINTE. La troisième, en cet endroit : À NOUVEAU LE DIABLE L’EMPORTA SUR UNE TRÈS HAUTE MONTAGNE.
399. À propos du premier point, [Matthieu] fait deux choses : d’abord, il présente l’attaque du diable ; deuxièmement, comment le Christ répond, en cet endroit : IL RÉPONDIT etc.
400. S’APPROCHANT, LE TENTATEUR DIT. Il pouvait arriver que [le Tentateur] vienne lui-même à Jésus sous une forme corporelle. Et il y a une triple tentation parce que Dieu éprouve pour instruire, Gn 22, 1 : Dieu éprouva Abraham. Parfois l’homme [éprouve] pour apprendre quelque chose de plus, de même que la reine de Saba mit Salomon à l’épreuve, 1 R 10, 1, où il est dit d’elle : Mais la Reine de Saba, ayant appris la renommée de Salomon, vint l’éprouver par des énigmes. Le diable tente pour tromper, 1 Th 3, 5 : Pourvu que le Tentateur ne vous ait pas tentés. Quiconque veut tenter au sujet de la science, tente d’abord sur les choses ordinaires. Les vices communs à tout le genre humain sont les vices charnels, et principalement la gourmandise. De même, qui veut assiéger une place forte commence par la partie la plus faible. Or, l’homme a deux parties, la charnelle et la spirituelle. Le diable tente toujours par la partie la plus faible, c’est pourquoi il tente d’abord par les vices charnels, comme il est évident chez notre premier père, qu’il tenta d’abord de gourmandise.
401. Mais il faut noter l’admirable astuce de la tentation : SI TU ES FILS DE DIEU. Ainsi il le tente directement d’une chose et obliquement d’une autre. C’est pourquoi il persuadait le premier homme de manger de l’arbre, ce qui concernait directement un péché charnel, à savoir la gourmandise ; mais, d’une façon cachée, il l’induisait à l’orgueil et à l’avidité, qui sont des péchés spirituels. C’est pourquoi [le Tentateur] a dit : Et vous serez comme des dieux, Gn 3, 5. De même avec le Christ : il avait appris que le Christ allait venir dans le monde, et celui-ci paraissait être fils de Dieu ; mais il doutait si c’était celui dont les prophètes avaient parlé, car il ne trouvait rien contre lui, Jn 14, 30 : Il vient, le prince de ce monde, et il ne peut rien contre moi. C’est pourquoi il suggérait ce qui est délicieux pour un homme affamé.
402. De plus, il l’induisit à désirer ce qui appartient à Dieu : SI TU ES FILS DE DIEU, DIS QUE CES PIERRES DEVIENNENT DES PAINS. Qo 8, 4 : Sa parole est pleine de puissance, et Ps 32, 6 : Par la parole du Seigneur, les cieux ont été fortifiés, et par le souffle de sa bouche toute leur puissance. Donc la pierre peut être transformée par sa parole. [Le diable] voulait donc l’incliner à cela, parce que s’il le faisait, [le diable] saurait qu’il était Fils de Dieu, sinon il l’induisait à l’arrogance. Et il faut noter qu’il y a beaucoup de gens qui consentent à des péchés charnels, croyant que cela ne va pas leur faire perdre l’état spirituel. Mais si, en consentant à ce qui le tente, l’homme ne perdait pas ce qui est spirituel, la tentation serait légère. Ainsi le diable voulut persuader la femme et le Christ, en faisant des promesses spirituelles.
399. À propos du premier point, [Matthieu] fait deux choses : d’abord, il présente l’attaque du diable ; deuxièmement, comment le Christ répond, en cet endroit : IL RÉPONDIT etc.
400. S’APPROCHANT, LE TENTATEUR DIT. Il pouvait arriver que [le Tentateur] vienne lui-même à Jésus sous une forme corporelle. Et il y a une triple tentation parce que Dieu éprouve pour instruire, Gn 22, 1 : Dieu éprouva Abraham. Parfois l’homme [éprouve] pour apprendre quelque chose de plus, de même que la reine de Saba mit Salomon à l’épreuve, 1 R 10, 1, où il est dit d’elle : Mais la Reine de Saba, ayant appris la renommée de Salomon, vint l’éprouver par des énigmes. Le diable tente pour tromper, 1 Th 3, 5 : Pourvu que le Tentateur ne vous ait pas tentés. Quiconque veut tenter au sujet de la science, tente d’abord sur les choses ordinaires. Les vices communs à tout le genre humain sont les vices charnels, et principalement la gourmandise. De même, qui veut assiéger une place forte commence par la partie la plus faible. Or, l’homme a deux parties, la charnelle et la spirituelle. Le diable tente toujours par la partie la plus faible, c’est pourquoi il tente d’abord par les vices charnels, comme il est évident chez notre premier père, qu’il tenta d’abord de gourmandise.
401. Mais il faut noter l’admirable astuce de la tentation : SI TU ES FILS DE DIEU. Ainsi il le tente directement d’une chose et obliquement d’une autre. C’est pourquoi il persuadait le premier homme de manger de l’arbre, ce qui concernait directement un péché charnel, à savoir la gourmandise ; mais, d’une façon cachée, il l’induisait à l’orgueil et à l’avidité, qui sont des péchés spirituels. C’est pourquoi [le Tentateur] a dit : Et vous serez comme des dieux, Gn 3, 5. De même avec le Christ : il avait appris que le Christ allait venir dans le monde, et celui-ci paraissait être fils de Dieu ; mais il doutait si c’était celui dont les prophètes avaient parlé, car il ne trouvait rien contre lui, Jn 14, 30 : Il vient, le prince de ce monde, et il ne peut rien contre moi. C’est pourquoi il suggérait ce qui est délicieux pour un homme affamé.
402. De plus, il l’induisit à désirer ce qui appartient à Dieu : SI TU ES FILS DE DIEU, DIS QUE CES PIERRES DEVIENNENT DES PAINS. Qo 8, 4 : Sa parole est pleine de puissance, et Ps 32, 6 : Par la parole du Seigneur, les cieux ont été fortifiés, et par le souffle de sa bouche toute leur puissance. Donc la pierre peut être transformée par sa parole. [Le diable] voulait donc l’incliner à cela, parce que s’il le faisait, [le diable] saurait qu’il était Fils de Dieu, sinon il l’induisait à l’arrogance. Et il faut noter qu’il y a beaucoup de gens qui consentent à des péchés charnels, croyant que cela ne va pas leur faire perdre l’état spirituel. Mais si, en consentant à ce qui le tente, l’homme ne perdait pas ce qui est spirituel, la tentation serait légère. Ainsi le diable voulut persuader la femme et le Christ, en faisant des promesses spirituelles.
Nous allons d’abord commenter les trois actes de ce drame intéressant, tels
qu’ils sont exposés par S. Matthieu : nous indiquerons ensuite le caractère général, le sens messianique de la
tentation de Jésus-Christ. - Et le tentateur s'approchant. Le tentateur par antonomase ! Ce nom convient
entre tous au démon, dont il indique le rôle le plus habituel. Nous remarquerons que Satan se présente
d’abord à Jésus, couvert d’un masque hypocrite et sous les traits empruntés de l’amitié ; à la fin seulement, il
se montrera sous son vrai jour, comme l’ennemi déclaré de Dieu et du Messie. - Voilà donc les deux
antagonistes en face l’un de l’autre et tout prêts à se mesurer : le moment est par conséquent venu de nous
demander quels furent le mode et la nature de la scène qui va suivre. A cette question qui a été de nos jours
l’occasion de vifs et nombreux débats, l’on a fait cent réponses différentes. Comme il serait fastidieux et
inutile de les énumérer toutes, nous nous bornerons à les grouper sous cinq chefs principaux. 1. Nous
sommes simplement en présence d’un mythe ou d’une histoire idéale (Strauss, de Wette, Meyer). 2. Le récit
de la tentation ne serait qu’une parabole racontée par Jésus-Christ à ses disciples, pour leur montrer, et dans
leur personne aux chrétiens à venir, la manière de se conduire en des circonstances semblables
(Schleiermacher, Usteri, Baumgarten-Crusius, etc). 3. Les partisans du troisième sentiment (Eichhorn,
Dereser, etc.), sans aller aussi loin, éliminent pourtant la réalité du phénomène extérieur ; bien plus, ils
rejettent complètement le surnaturel ; assurant que nous avons sous les yeux dans ce passage l’exposé d’un
simple combat intime qui se serait passé dans l’âme ou dans l’imagination du Christ. 4. La tentation a eu lieu
véritablement, mais en vision, d’une manière extatique ; ce fut un phénomène purement intérieur quoique
surnaturel. Plusieurs anciens auteurs, tels qu’Origène, S. Cyprien, Théodore de Mopsueste, ont soutenu cette
opinion. 5. Tout s’est passé littéralement comme le racontent les évangélistes ; la tentation du Christ fut un
événement extérieur, réel et miraculeux : Satan lui apparut sous la forme humaine ou angélique et le tenta
dans les termes que nous allons lire. Tel est le sentiment qui a toujours été le plus communément admis, qui
mérite l’épithète de traditionnel, car il a été soutenu par la plupart des Pères et des Docteurs. On doit le
suivre sans hésiter, soit à cause de cet appui solide de l’autorité chrétienne, soit parce qu’il est seul logique,
naturel, conforme à la lettre et à l’esprit des Évangiles. Nous regarderons donc cet épisode comme un fait
objectif et surnaturel : si on lui enlevait ce double caractère, nous ne voyons pas auquel des événements de la
vie de Jésus on ne pourrait pas l’arracher par contre-coup ou par analogie. Voir Dehaut, l’Évangile expliqué,
défendu, 5è édit., t. 1, p. 477 et ss. - Lui dit. La première tentation se rattache à la faim qui tourmentait déjà le
divin Maître. - Si tu es le Fils de Dieu. La voix qui s’était fait récemment entendre, Cf. 3, 17, avait pu
apprendre au tentateur la nature et la dignité de Jésus, qu’il devait du reste soupçonner depuis longtemps. Il emploie le titre de « Fils de Dieu » non seulement d’après la signification qu’il avait alors généralement chez
les Juifs, comme synonyme de Messie, mais aussi jusqu’à un certain point selon le sens littéral et
métaphysique. « Si tu es ! ». Ce si est tout à fait habile et insidieux. « Le démon pensait, dit fort bien
Euthymius, que Jésus serait piqué par cette parole qui supposait qu’il pouvait n’être pas le Fils de Dieu ».
Faites cela si vous pouvez ! dites cela si vous l’osez ! Qui ne se sent porté, en face d’une pareille
provocation, à agir, à oser, quand même il devrait garder le calme de l’inertie ? - Dis. Le démon suppose et à
bon droit que le Messie, en tant que Messie, est doué du pouvoir d’opérer de grands miracles. - A ces
pierres ; il montrait du doigt, en parlant ainsi, les pierres sans nombre qui couvrent la surface du désert de
Jéricho. Des voyageurs dignes de foi assurent qu’auprès de la montagne de la Quarantaine, on trouve en
grande quantité des pierres qui, par leur forme et leur couleur, ressemblent beaucoup à des morceaux de pain,
de telle sorte qu’on peut s’y laisser facilement tromper. Ce trait ajoute un nouvel intérêt à la scène que nous
expliquons. - Jésus était donc tenté d’user pour lui-même, dans un but charnel et sans attendre la Providence,
de la puissance supérieure qu’il possédait. Le Fils de Dieu doit-il souffrir comme un simple mortel ? ne
peut-il pas s’aider lui-même par un prodige pour satisfaire ses nécessités personnelles, et pour écarter la
douloureuse sensation de la faim ? Si le Sauveur eût prêté l’oreille à cette suggestion perfide, « il aurait, au
moins momentanément, subordonné sa nature divine aux besoins de son humanité, placé l’humain au-dessus
du divin, transformé le divin en moyen, l’humain en terme ; il aurait par conséquent renversé l’ordre établi
par Dieu », Bisping, Comm. in h. 1.