Matthieu 4, 5

Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple

Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple
Saint Thomas d'Aquin
406. ALORS LE DIABLE L’EMPORTA DANS LA VILLE SAINTE. Après la première tentation, où le diable fut vaincu, vient maintenant la deuxième, celle de la vaine gloire. Et l’ordre convient, car après que le diable s’est vu vaincu sur le vice charnel, il a essayé avec la vaine gloire ou l’orgueil, car «l’orgueil s’insinue dans les bonnes œuvres, de sorte qu’elles périssent», [dit] Augustin dans sa Règle.

407. À propos de cette tentation il fait trois choses : d’abord est présenté le lieu de la tentation ; deuxièmement, l’attaque ou la tentative de tentation, en cet endroit : SI TU ES FILS DE DIEU, JETTE-TOI D’EN HAUT ; troisièmement, la résistance du Christ, en cet endroit : JÉSUS LUI DIT.

408. Il faut savoir que Luc a mis comme troisième tentation celle qui est ici en deuxième. Mais d’après Augustin, cela n’a pas de signification, car tout ce qui est raconté ici est raconté aussi chez Luc, et il n’est dit ni chez Luc ni ici quelle fut la première ni la deuxième.

409. Raban dit que Luc fait attention à l’ordre historique, et c’est pourquoi il a suivi cet ordre, selon les faits. Matthieu, lui, a suivi la nature de la tentation, car après la tentation de gourmandise et celle de vaine gloire, suit la tentation d’ambition. Ainsi fut tenté Adam, d’abord de gourmandise, Gn 2, 17 : Le jour où tu en mangeras, tu mourras de mort ; deuxièmement, d’orgueil : Vous serez comme des dieux ; troisièmement, d’avidité ou d’ambition : Connaissant le bien et le mal [Gn 3, 5].

410. Mais pourquoi [Matthieu] dit-il : ALORS IL L’EMPORTA (assumpsit) ? Ce mot «assomption» a un sens important. Et Jérôme répond que l’évangéliste dit cela selon l’opinion du diable, parce que le diable s’est approprié, comme s’il l’avait fait par son propre pouvoir, le fait que le Christ a tenu en l’air par sa puissance.

411. Il dit [MONTAGNE] SAINTE, soit parce que des activités sacrées y avaient lieu, c’est-à-dire des sacrifices aux dates fixées, et choses de cette sorte ; soit il le dit à cause de leurs ancêtres qui vécurent là. Ainsi c’est par une ancienne habitude qu’il l’appelle SAINTE, bien qu’elle ait cessé [de l’être]. Is 1, 21 : Comment est-elle devenue prostituée, la cité fidèle, pleine de justice ? Mais, plus loin [Is 1, 26], il dit : Tu seras appelée cité de justice, ville fidèle etc.

412. Il faut savoir qu’en Mc 1, 13, il est dit qu’ il fut au désert quarante jours et quarante nuits, et il était tenté par Satan, ce qui montre que toutes les tentations eurent lieu au désert. Ce qui est dit : ALORS LE DIABLE L’EMPORTA, ne paraît donc pas être vrai. Ici il y a deux réponses. Certains disent que toutes les tentations eurent lieu au désert, et qu’elles se produisirent selon une vision imaginaire, c’est-à-dire que le Christ s’imaginait cela, avec sa propre permission. D’autres disent qu’elles se produisirent selon une vision corporelle, et que le diable lui apparut sous une apparence corporelle. Cela paraît être indiqué parce qu’il dit qu’IL L’EMPORTA DANS LA CITÉ SAINTE. Certains disent que, s’il est question de désert, c’est parce que Jérusalem était désertée par Dieu. Mais il est mieux de dire que, dans le texte de Mc 1, 13, il ne faut pas comprendre que toutes les tentations eurent lieu au désert, et lui-même ne le dit pas, mais qu’il était tenté par Satan. Et c’est pourquoi il faut savoir que la première tentation eut lieu dans le désert, et les deux autres hors du désert.

413. On se demande comment [Satan] l’emporta. [Certains] disent qu’il le transporta au-dessus de lui. D’autres c’est mieux – que, par la persuasion, il l’amena à venir avec lui, et le Christ par une disposition de sa sagesse alla à Jérusalem.

414. ET IL L’INSTALLA SUR LE FAÎTE DU TEMPLE. Il faut savoir qu’il est dit en 1 R 6 que Salomon fit trois étages au Temple avec un toit plat, et juste à côté du Temple, des faîtes par où les gens pouvaient monter, et c’est de cela qu’il est question dans : ET IL L’INSTALLA SUR LE FAÎTE DU TEMPLE. Il n’est pas dit ici s’il est monté au premier, au deuxième ou au troisième [étage], mais il est certain qu’il a gravi quelque chose.

415. Est-ce que les gens ne voyaient pas quand le diable portait le Christ ? Il faut dire, selon ceux qui disent qu’il le portait, que le Christ faisait en sorte, par sa puissance, de ne pas être vu. Ou bien il faut dire que le diable avait pris figure humaine, et il était habituel que des gens montent ainsi.
Louis-Claude Fillion
Le tentateur vient d’être une première fois battu, cependant il ne se décourage point ; il se sent au contraire stimulé à une nouvelle attaque. Mais, auparavant, s’opère un changement de lieux que l’évangéliste décrit en peu de mots. Quel est ici la véritable signification du verbe « transporter » ? Faut-il le prendre au propre, ou bien se contenter de l’interpréter d’une manière figurée, en disant avec Fritzsche : « C’est le diable qui est responsable de ce que Jésus se soit rendu là » ; ou avec Berlepsch : « Satan a amené Jésus sur le toit du temple de Jérusalem comme un compagnon docile » ? Nous croyons plus conforme au texte de dire avec S. Jérôme et avec la plupart des exégètes catholiques que Notre-Seigneur Jésus-Christ permit à Satan de le porter à travers les airs, d’une manière rapide, invisible, de même que l’Ange avait autrefois transporté Habacuc ; Cf. Dan. 45, 35 et ss. - Dans la cité sainte. Jérusalem, la ville sainte par excellence, parce qu’elle était le centre de la théocratie et qu’elle servait de résidence à Jéhova. Ce nom glorieux avait été attribué de longue date à la capitale juive ; nous le lisons dans Isaïe, 48, 2, dans Néhémie, 11, 1, etc, tout aussi bien que sur les monnaies des Macchabées parvenues jusqu’à nous. Bien plus, les Arabes, aujourd’hui même, se plaisent à appeler Jérusalem « El Kuds », la sainte, ou « Beit-el-Mukaddis », « maison du sanctuaire ». - Sur le haut du temple. Il y a controverse entre les exégètes pour savoir quelle est la partie du temple désignée par cette expression. Était-ce le rebord du toit ou parapet ? le faîte extrême de la toiture ? le fronton en forme d’aile ? Le mot du texte grec semble favoriser ce dernier sentiment. Observons, du reste, que Jésus ne fut point déposé par le démon sur le pinacle du temple proprement dit, mais au sommet d’un des édifices secondaires qui l’entouraient, car le grec le dit expressément. Peut-être était-ce le portique de Salomon, ou bien le portique royal, qui se dressaient l’un et l’autre, d’après l’historien Josèphe, Ant. 20, 9, 7 ; 15, 11, 5, au bord d’un précipice vertigineux, le premier à l’E., le second au S. du temple.
Fulcran Vigouroux
Sur le haut du temple. Littéralement sur le pinacle du temple. Le sens est incertain. D’après les uns, c’est le faîte du temple proprement dit ; d’après les autres, comme le texte grec emploie un mot qui désigne ordinairement l’ensemble des constructions du temple, hiéron, c’est le faîte du portique de Salomon à l’est ou bien le faîte de la porte royale qui se dressait au sud au-dessus d’un précipice profond, d’après le témoignage de Josèphe.