Matthieu 5, 1

Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.

Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Saint Thomas d'Aquin
514. [Matthieu] dit donc, après qu’il a été dit qu’ils l’ont suivi, etc. : JÉSUS VOYANT LES FOULES [MONTA SUR UNE MONTAGNE]. Cette expression peut avoir deux sens. D’abord celui-ci : IL MONTA pour enseigner les foules, pas pour [les] fuir. C’est pourquoi Chrysostome dit que « de même que l’artisan, quand il voit le matériau préparé, se réjouit de travailler, de même le prêtre se réjouit de prêcher, quand il voit le peuple rassemblé », et c’est pourquoi IL MONTA. Ps 34, 18 : Je te proclamerai dans la grande assemblée. Ou bien : IL MONTA, fuyant les foules, pour enseigner ses disciples plus tranquillement. Qo 9, 17 : Les paroles des sages sont entendues dans le silence.

515. Et il faut noter qu’il est dit que le Christ avait trois refuges : quand il s’enfuyait en montagne, comme il est dit ici et en Jn 8, 1 : Quant à Jésus, il alla au mont des Oliviers ; parfois sur un bateau, Lc 5, 1s : Comme des foules nombreuses se précipitaient vers eux, (…) montant sur un bateau qui était à Simon, assis il enseignait ; le troisième dans le désert, Mc 6, 31 : Allons dans le désert à part. Et c’est assez approprié, car en trois choses on peut avoir refuge auprès de Dieu : dans la protection de l’élévation de Dieu, qui est représentée par la montagne, Ps 124, 1 : Ceux qui se fient au Seigneur sont comme le mont Sion ; dans la société de l’Église, qui est représentée par le bateau, Ps 121, 3 : Jérusalem, bâtie comme une ville où tout ensemble fait corps ; dans la solitude de la vie religieuse, qui est considérée comme un désert, grâce au mépris des choses temporelles, Os 2, 14 : Je la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur ; Ps 54, 8 : Voici, j’ai fui, je me suis éloigné, et j’ai demeuré dans la solitude.

516. IL MONTA SUR UNE MONTAGNE pour cinq raisons. Premièrement, pour montrer son excellence, car il est lui-même la montagne dont parle le Ps 67, 16 : Montagne de Dieu, montagne grasse. Deuxièmement, pour montrer que le docteur de cet enseignement doit mener sa vie vers les hauteurs, Is 40, 9 : Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Chrysostome [dit] : «Personne ne peut s’arrêter dans la vallée et parler du ciel, etc. » Troisièmement, pour montrer la hauteur de l’Église à qui l’enseignement est exposé, Is 2, 2 : La demeure du Seigneur sera une montagne au sommet des montagnes, et sera élevée au-dessus des collines. Quatrièmement, pour montrer la perfection de cet enseignement, car il est très parfait, Ps 35, 7 : Ta justice [est] comme les montagnes de Dieu. Cinquièmement, pour que cet [enseignement] concorde avec l’ancienne loi, qui fut donnée sur une montagne, Ex 19 et 24.

517. Ensuite sont présentés les auditeurs : ET QUAND IL SE FUT ASSIS, SES DISCIPLES VINRENT À LUI. Dans le fait qu’il s’asseye, on peut noter deux choses : d’abord l’humilité, Ps 138, 2 : Quand je m’assieds, tu le sais. Quand il était sur les hauteurs de la majesté divine, son enseignement ne pouvait être capté ; les hommes commencèrent à [le] capter quand il s’abaissa. On peut noter aussi la dignité de l’enseignant, Mt 23, 2 : Sur le trône de Moïse se sont assis les scribes et les pharisiens.

518. Pour l’étude de la sagesse, le calme est requis. LES DISCIPLES VINRENT À LUI, etc., non seulement de corps mais d’esprit, Ps 33, 6 : Venez à moi et vous serez illuminés ; Dt 33, 3 : Ceux qui approchaient de ses pieds recevront de son enseignement. Et note que quand le Seigneur a prêché aux foules, il est resté debout. Lc 6, 17 : Jésus, descendant de la montagne, se tint dans un lieu champêtre. Mais ici quand [il a parlé] aux disciples, il s’est assis. De là s’est implantée l’habitude de prêcher debout aux foules, assis aux religieux.
Louis-Claude Fillion
Voyant les foules ; les foules qui ont été mentionnées à la fin du chap.4, v. 25. Le discours sur la montagne se trouve rattaché par là-même au ministère général du Sauveur en Galilée, tel qu’il vient d’être décrit par S. Matthieu, 4, 23-25. Cette circonstance nous fournit un point d’appui pour déterminer, au moins d’une manière approximative, l’époque vers laquelle il fut prononcé. Vraisemblablement, d’après le sentiment commun des exégètes, il remonte aux débuts du ministère public de Notre-Seigneur et à la première des trois missions dont nous avons parlé. En effet, 1° c’est la position que lui assignent très ouvertement le premier et le troisième des synoptiques, Cf. Luc, 6, 12 ; 2° il convenait qu’un des premiers actes du Messie fût de faire connaître la nature et les lois de son royaume, de même que le premier acte de Jéhova, après la délivrance des Hébreux, avait été de proclamer la législation théocratique qui devait désormais les régir. La réunion de foules nombreuses autour de Jésus suppose néanmoins qu’un certain temps s’était écoulé depuis qu’il avait commencé son rôle de missionnaire. Nous ne croyons pas nous tromper beaucoup en attribuant pour date au Discours sur la montagne la fin de l’année 781 U. C., ou les premiers mois de 782. - Monta sur une montagne. Après la question de temps, se présente la question de lieu. Cette fois, l’écrivain sacré est un peu plus explicite : il nous dit que Jésus prononça son grand discours sur une montagne, et c’est précisément de là que dérive la dénomination très ancienne de « Discours sur la montagne ». Il serait assurément agréable à notre piété de connaître d’une manière exacte la localité où retentit la voix de notre divin Législateur. Or, une tradition capable de satisfaire les exigences de la plus rigoureuse critique existe depuis longtemps sur ce point. De même qu’on nous a montré au Sud, dans la Judée, la montagne de la Quarantaine, témoin de la tentation du Sauveur, de même on nous fait voir au Nord, dans la Galilée, la « montagne des Béatitudes », qui servit pour ainsi dire de chaire à Jésus en ce jour solennel. Elle se nomme en arabe « Kouroûn-Hattin », les cornes d’Hattin. Elle est située à mi-chemin entre le Thabor et Capharnaüm, à peu près en face de Tibériade et seulement à trois heures du lac de Gennésareth. Sa position s’accorde fort bien avec l’ensemble du récit évangélique, car elle est facilement abordable de toutes parts et se trouve justement dans la région où prêchait alors Notre-Seigneur. De plus, elle mérite seule, entre toutes les hauteurs qui l’avoisinent à l’Ouest du lac, le nom de montagne par excellence, qu’elle porte dans le texte grec, tant elle se distingue des autres par sa forme particulière et par son élévation plus considérable. Supposons à l’extrémité orientale du plateau de Galilée, une grande plaine ondulée, interrompue tout-à-coup par une longue arête ; supposons encore, au bout de cette arête, une colline carrée, en forme de selle, terminée de deux côtés par des pointes ou cornes aigües : nous avons le Kouroûn-Hattin. Vue de l’Ouest, cette hauteur ne dépasse guère que de trente à quarante pieds le plateau qui lui sert de base ; mais, au N. -E., elle s’élève à 400 pieds environ au-dessus du niveau du lac : chaque corne a en outre à peu près trente pieds de haut. Il existe entre ces deux pointes singulières une belle plate-forme, capable de contenir un nombreux auditoire et du haut de laquelle on jouit d’une magnifique perspective ; Cf. Stanley, Sinaï and Palestine, p. 368. - Les cornes d’Hattin n’ont pas toujours retenti de bruits aussi doux, aussi pacifiques que la voix du Sauveur. C’est à leurs pieds que Saladin battit les croisés, fit prisonnier le roi Guy de Jérusalem et s’empara de la vraie croix qu’avait apportée l’évêque de Bethléem (1187) ; c’est encore à leurs pieds, mais plus à l’Ouest, que Bonaparte, à la tête de 3000 Français, triomphait de 25 000 Turcs. - D’après S. Jérôme, c’est au sommet du Thabor qu’aurait été prononcé le sermon sur la montagne. - Lorsqu'il se fut assis..., détails pittoresques qui rendent cette scène toute vivante pour nous. - Ses disciples. Ce nom, dont il ne faut pas trop restreindre ici la signification, représente le cercle plus ou moins considérable d’amis que Jésus s’était alors attachés, et parmi lesquels furent choisis les douze apôtres. Ils se groupent auprès de l’orateur ; la foule se masse derrière eux quand elle voit que le Maître va parler.
Fulcran Vigouroux
Sur la montagne voisine du lieu où il se trouvait. ― « Si le sermon sur la montagne est l’abrégé de toute la doctrine chrétienne, les huit béatitudes sont l’abrégé de tout le sermon sur la montagne. » (BOSSUET.) ― Cette montagne est, d’après la tradition, celle à laquelle on a donné, en mémoire des huit béatitudes par lesquelles le Sauveur commence son discours, le nom de Mont des Béatitudes, situé au nord-ouest de la ville de Tibériade, à environ deux heures de marche. « Le Mont des Béatitudes ou Kurn-Hattin (Koroun-Hattîn), ainsi que l’appellent les indigènes, ne s’élève à guère plus de 50 mètres au-dessus de la plaine. Son plateau peut avoir une centaine de mètres de long. Les deux extrémités se terminent chacune par une petite éminence, et c’est ce qui lui a fait donner le nom de Kurn-Hattin (les cornes d’Hattîn). Par un temps clair, du haut du Mont des Béatitudes, on voit au sud-ouest le mont Thabor ; à l’est le pays de Galaad et le lac de Tibériade ; au nord-est, à l’horizon, le grand Hermon. » (LIEVIN DE HAMME.)