Matthieu 5, 11

Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.

Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Saint Thomas d'Aquin
597. HEUREUX ÊTES-VOUS [QUAND ON VOUS INSULTERA…]. Ici, [le Seigneur] touche à la dignité de ceux qui doivent enseigner cette doctrine des apôtres. Et il faut savoir que toutes les béatitudes se rapportent à trois choses : les trois premières – HEUREUX LES PAUVRES, HEUREUX LES DOUX, HEUREUX CEUX QUI PLEURENT – visent à éloigner le mal ; les quatre suivantes à faire le bien ; la dernière à supporter patiemment le mal. Ces trois choses doivent être supérieurement présentes chez le docteur en Écriture sainte, car en supportant les maux, non seulement il devrait les soutenir avec patience mais il devrait s’en réjouir ; en outre, il devrait éloigner d’autrui le mal ; et troisièmement, il devrait aussi être une lumière vers le bien. Dans ces trois choses, [le Seigneur] fait valoir la dignité apostolique, dans l’ordre : il commence par la persécution parce qu’elle représente la perfection de toutes les autres et signifie que nul ne doit assumer le rôle de prédicateur s’il n’est parfait. Pr 19, 11 : La science de l’homme par la patience ; Ps 91, 15 : Ils feront bien d’être patients.

598. A cet égard, [le Seigneur] fait trois choses : d’abord, il énumère les malheurs qu’ils allaient subir ; deuxièmement, il enseigne la façon de subir : RÉJOUISSEZ-VOUS ET SAUTEZ DE JOIE. Troisièmement, il donne la raison : CAR VOTRE RÉCOMPENSE. Les malheurs sont ou présents ou absents. En outre, ils deviennent présents en parole et en acte. [Le Seigneur] expose donc tout. Il dit donc : HEUREUX ÊTES-VOUS.

599. Mais ici Augustin soulève une question. D’abord il dit : QUAND ON VOUS INSULTERA, et ensuite : ET [QUAND] ON DIRA TOUTE SORTE DE MAL, ce qui semble être la même chose. Mais il faut savoir qu’insulter, c’est offenser quelqu’un qu’on voit, tandis que dire toute sorte de mal, c’est dénigrer un absent. Insulter, c’est faire beaucoup d’affronts, Jr 15, 10 : Tout le monde me maudit. 1 P 2, 23 : Lui, quand il était insulté [il ne rendait pas l’insulte]. Ainsi, HEUREUX [SEREZ-VOUS] QUAND ON VOUS INSULTERA, c’est-à-dire quand on vous offensera en parole et en acte. Chrysostome [dit] : «Le mérite de la vie éternelle consiste en deux choses : faire le bien et supporter le mal. Et de même qu’aucun acte bon, même minime, n’est dépourvu de mérite, de même toute injure a sa récompense.»

600. ET [QUAND] ON VOUS PERSÉCUTERA, c’est-à-dire qu’on vous chassera de ville en ville, 1 Co 4, 12 : On nous maudit et nous bénissons, et Mt 23, 34 : Voici, j’envoie vers vous des prophètes et des scribes, et parmi eux vous en pourchasserez de ville [en ville]. ET QU’ON DIRA [MENSONGÈREMENT TOUTE SORTE DE MAL CONTRE VOUS], c’est-à-dire qu’on vous accablera, qu’on vous accusera de tous les maux, 2 Co 6, 8 : Tenus pour imposteurs [et pourtant véridiques] ; 1 P 4, 14 : [Heureux] si vous êtes outragés pour le nom du Christ, [car l’Esprit de gloire…repose sur vous]. Mais il faut savoir que ceux dont on dit du mal ne sont pas tous bienheureux : il faut premièrement que l’accusation soit mensongère et, deuxièmement, que ce soit à cause du Christ. C’est pourquoi il dit : MENSONGÈREMENT …À CAUSE DE MOI, et cet À CAUSE DE MOI se rapporte à tout ce qui a été dit avant. Note aussi que c’est la même chose qu’il dit [ici] : À CAUSE DE MOI, et plus haut : À cause du Christ.

698. HEUREUX ÊTES-VOUS QUAND ON VOUS INSULTERA, etc. Plus haut, à partir de cet endroit : HEUREUX LES PAUVRES EN ESPRIT, etc., [le Seigneur] a donné des instructions générales sur la perfection. Ici, il adresse la parole aux disciples. Il les exhorte premièrement à supporter les souffrances, car [la constance] s’accompagne d’une oeuvre parfaite [Jc 1, 4) ; deuxièmement, à exécuter consciencieusement leur devoir, en cet endroit : VOUS ÊTES LE SEL DE LA TERRE.

699. De plus, le premier point se divise en trois : d’abord, il exhorte à supporter les persécutions en considérant la cause pour laquelle ils souffrent ; puis il en considère la récompense qu’ils obtiennent par leurs souffrances, en cet endroit : RÉJOUISSEZ-VOUS ET SAUTEZ DE JOIE, CAR VOTRE RÉCOMPENSE EST ABONDANTE DANS LES CIEUX. Enfin, ils l’obtiennent à l’exemple des prophètes qu’ils imitent en souffrant ainsi, en cet endroit : CAR C’EST AINSI QU’ILS ONT PERSÉCUTÉ LES PROPHÈTES.

700. Il exhorte à supporter trois choses : deux en leur présence – injures verbales, actes injurieux –, une en leur absence – diffamations, morsures faites par des cœurs pleins de haine.

701. Il dit donc : HEUREUX ÊTES-VOUS, c’est-à-dire que la cause de la réception du bonheur est avec vous ; QUAND ON (c’est-à-dire les pécheurs) VOUS INSULTERA. La Glose [dit] : «À partir de la haine de leur cœur, ils diront des injures en pleine figure.» Jérôme [dit] : «Là où le Christ est en cause, l’insulte est à souhaiter.» 1 P 4, 14 : Heureux si vous êtes outragés pour le nom du Christ.

702. QU’ON VOUS PERSÉCUTERA par la violence et les insultes, selon la Glose. ET QU’ON DIRA MENSONGÈREMENT TOUTE SORTE DE MAL CONTRE VOUS, en blessant votre réputation en votre absence par toutes sortes de mauvais propos. Et ainsi il y a une triple persécution : sentiments, actes, paroles. MENSONGÈREMENT : il dit cela parce que ce n’est pas une gloire si le mal qui est dit est vrai ! À CAUSE DE MOI, c’est-à-dire à propos de moi à qui vous adhérez. Chrysostome [écrit] : «Celui qui est faussement calomnié, et à cause de Dieu, est bienheureux ; mais si une de ces deux choses manque, il n’y a pas la récompense de la béatitude.»
Louis-Claude Fillion
Bienheureux. Ces mots ne sont point l’annonce d’une neuvième Béatitude, comme on pourrait le croire tout d’abord ; un simple regard jeté sur le contexte montre en effet que les vv. 11 et 12 ne font que développer le 10è, Jésus-Christ ayant jugé bon de revenir sur une parole inouïe jusqu’alors et, comme nous le disions plus haut, incompréhensible à première vue. On remarquera qu’après s’être exprimé précédemment en des termes généraux qui convenaient à tous les hommes, il s’adresse d’une manière spéciale à ses disciples, « vous ». On dirait qu’il veut les encourager et les consoler directement, en vue des souffrances sans nombre qui les attendent. Son explication fait allusion à trois genres particuliers de persécutions : maudire, c’est la persécution en paroles ; persécuter, ce sont les violences extérieures, les voies de fait ; dire faussement du mal, ce sont les basses et odieuses calomnies qui souillent la réputation d’un homme honnête, et l’attaquent ainsi dans ce qu’il a de plus cher humainement parlant, son honneur. Il y a donc une gradation réelle dans les outrages prédits par Jésus. On sait par l’histoire que rien de tout cela n’a manqué aux chrétiens. - Le grec porte « mauvaise parole » : ce substantif n’ajoutant rien à l’idée, on comprend que la Vulgate, de même que l’ancienne Itala, ait négligé de le traduire. - Faussement ; cela est bien évident. Si l’injure n’était pas mensongère, c’est-à-dire injuste, si nous la méritions par une conduite indigne du nom de chrétien, quel motif aurions-nous de nous en féliciter ? - À cause de moi : tout à l’heure, v. 10, le Sauveur avait dit « pour la justice » ; actuellement il identifie sa propre cause avec celle de la justice. N’est-il pas la justice incréée, la sainteté incarnée ?
Catéchisme de l'Église catholique
En toute sa vie, Jésus se montre comme notre modèle (cf. Rm 15, 5 ; Ph 2, 5) : il est " l’homme parfait " (GS 38) qui nous invite à devenir ses disciples et à le suivre : par son abaissement, il nous a donné un exemple à imiter (cf. Jn 13, 15), par sa prière, il attire à la prière (cf. Lc 11, 1), par sa pauvreté, il appelle à accepter librement le dénuement et les persécutions (cf. Mt 5, 11-12).