Matthieu 5, 12
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
Un jour où notre Seigneur et Sauveur parcourait de nombreuses villes et régions en prêchant et en guérissant toute maladie et toute infirmité dans le peuple, voyant, dit la lecture de ce jour, les foules qui l'entouraient, il gravit la montagne (Mt 5,1). Comme il convient, le Dieu très haut monte sur une hauteur afin de proclamer de sublimes paroles à l'adresse de ceux qui aspirent à s'élever aux plus hautes vertus. Et, comme la Loi a été donnée à Moïse sur une montagne, il sied que la loi nouvelle soit promulguée sur une montagne. Celle-là comportait les dix commandements, en vue de parvenir à la connaissance et à la sagesse dans la vie présente; celle-ci comprend les huit béatitudes, car elle conduit ceux qui l'observent à la vie éternelle et à la patrie céleste.
Heureux les doux: ils hériteront de la terre (Mt 5,4). Il faut donc que les doux aient une âme pacifique et un coeur sincère. Le Seigneur montre clairement que leur mérite est considérable, quand il dit qu'ils hériteront de la terre. Il s'agit, sans aucun doute, de cette terre dont il est écrit: J'en suis sûr, je verrai la bonté du Seigneur sur la terre des vivants (Ps 26,13), si bien que l'héritage de cette terre-là, c'est l'immortalité du corps et la gloire de la résurrection éternelle.
Car la douceur ignore l'orgueil, elle ignore la vantardise, elle ignore l'ambition. Aussi le Seigneur exhorte-t-il ailleurs avec juste raison ses disciples en ces termes: Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez du repos pour vos âmes (Mt 11,29).
Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés (Mt 5,5). Non ceux qui pleurent la perte d'êtres chers, mais ceux qui pleurent leurs péchés et lavent leurs fautes de leurs larmes; et sans doute ceux qui s'affligent de l'iniquité de ce monde ou gémissent sur les péchés d'autrui.
Heureux les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9). Voyez comme le mérite des artisans de paix est grand, puisqu'on ne les appelle plus serviteurs mais fils de Dieu. A juste raison, car celui qui aime la paix, aime le Christ, auteur de la paix, lui que l'Apôtre Paul a nommé paix, quand il a dit: C'est lui, en effet, qui est notre paix (Ep 2,14). Celui qui, au contraire, n'aime pas la paix, s'attache à la discorde, parce qu'il aime le diable, auteur de la discorde. Celui-ci, en effet, a fomenté au commencement la discorde entre Dieu et l'homme, puisqu'il a fait de l'homme un transgresseur du commandement divin.
Mais le Fils de Dieu est descendu du ciel pour condamner le diable, auteur de la discorde; pour établir la paix entre Dieu et l'homme en réconciliant l'homme avec Dieu, et en amenant Dieu à rendre sa grâce à l'homme. Et il nous faut devenir des artisans de paix afin de mériter le nom de fils de Dieu. Car, sans la paix, non seulement nous perdons le nom de fils de Dieu, mais même celui de serviteurs, selon ce que dit l'Apôtre: Aimez la paix (cf. He 12,14), sans laquelle aucun de nous ne peut plaire à Dieu (cf. He 11,6).
Heureux les doux: ils hériteront de la terre (Mt 5,4). Il faut donc que les doux aient une âme pacifique et un coeur sincère. Le Seigneur montre clairement que leur mérite est considérable, quand il dit qu'ils hériteront de la terre. Il s'agit, sans aucun doute, de cette terre dont il est écrit: J'en suis sûr, je verrai la bonté du Seigneur sur la terre des vivants (Ps 26,13), si bien que l'héritage de cette terre-là, c'est l'immortalité du corps et la gloire de la résurrection éternelle.
Car la douceur ignore l'orgueil, elle ignore la vantardise, elle ignore l'ambition. Aussi le Seigneur exhorte-t-il ailleurs avec juste raison ses disciples en ces termes: Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez du repos pour vos âmes (Mt 11,29).
Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés (Mt 5,5). Non ceux qui pleurent la perte d'êtres chers, mais ceux qui pleurent leurs péchés et lavent leurs fautes de leurs larmes; et sans doute ceux qui s'affligent de l'iniquité de ce monde ou gémissent sur les péchés d'autrui.
Heureux les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9). Voyez comme le mérite des artisans de paix est grand, puisqu'on ne les appelle plus serviteurs mais fils de Dieu. A juste raison, car celui qui aime la paix, aime le Christ, auteur de la paix, lui que l'Apôtre Paul a nommé paix, quand il a dit: C'est lui, en effet, qui est notre paix (Ep 2,14). Celui qui, au contraire, n'aime pas la paix, s'attache à la discorde, parce qu'il aime le diable, auteur de la discorde. Celui-ci, en effet, a fomenté au commencement la discorde entre Dieu et l'homme, puisqu'il a fait de l'homme un transgresseur du commandement divin.
Mais le Fils de Dieu est descendu du ciel pour condamner le diable, auteur de la discorde; pour établir la paix entre Dieu et l'homme en réconciliant l'homme avec Dieu, et en amenant Dieu à rendre sa grâce à l'homme. Et il nous faut devenir des artisans de paix afin de mériter le nom de fils de Dieu. Car, sans la paix, non seulement nous perdons le nom de fils de Dieu, mais même celui de serviteurs, selon ce que dit l'Apôtre: Aimez la paix (cf. He 12,14), sans laquelle aucun de nous ne peut plaire à Dieu (cf. He 11,6).
S'il est vrai que celui qui donne à son frère un verre d'eau ne perd pas sa récompense, par la même raison celui qui aura supporté la plus légère parole outrageante, ne peut manquer d'être récompensé. Mais pour que les imputations injurieuses lui donnent droit à ce bonheur, il faut deux choses, qu'elles soient fausses, et qu'il les souffre pour la cause de Dieu ; si l'une des deux conditions manque, il ne peut espérer la récompense de cette béatitude, aussi le Sauveur ajoute-t-il : « Mentant à cause de moi. »
En effet, autant on met sa joie dans les louanges des hommes, autant on s'attriste de leurs mépris ; mais celui qui ne désire que la gloire des cieux, ne craint nullement les opprobres de la terre.
Il déclare aussi par ces paroles qu'il est égal en honneur à son Père, car il semble dire : « De même qu'ils ont souffert pour mon Père, ainsi vous souffrirez pour moi. » En leur disant : « Les prophètes qui furent avant vous, » il leur apprend qu'ils sont devenus prophètes eux-mêmes.
Jér. Si nous voulons que notre récompense se prépare dans les cieux, nous devons donc nous réjouir et tressaillir d'allégresse, ce que ne pourra jamais faire celui qui est esclave de la vaine gloire.
On peut demander quelle différence existe entre maudire et dire toute espèce de mal, parce que maudire c'est justement dire du mal ; nous répondrons qu'il y a une différence entre maudire et outrager quelqu'un en face, et déchirer sa réputation en son absence. Quant au mot persécuter, il signifie user de violence contre quelqu'un, ou lui tendre des embûches.
Je présume que ces mots ont été ajoutés pour ceux qui veulent se glorifier des persécutions qu'ils souffrent et du déshonneur qui s'attache justement à leur réputation, et qui prétendent faire partie des disciples de Jésus-Christ, parce qu'ils sont en butte à mille discours injurieux. Mais c'est a tort, car ces discours ne sont que l'expression de la vérité quand ils ont pour objet leurs erreurs, et si parfois on les accuse à faux, ce n'est nullement pour Jésus-Christ qu'ils le souffrent.
Je ne pense pas que les cieux désignent ici les parties supérieures de ce monde visible, car ce n'est pas dans les choses extérieures que nous devons placer notre récompense ; par les cieux il faut donc entendre ici le firmament spirituel qu'habite l'éternelle justice. On peut déjà pressentir cette récompense quand on place sa joie dans les biens spirituels, mais cette jouissance ne sera parfaite, que lorsque ce corps mortel aura revêtu l'immortalité. (1 Co 15, 54)
La persécution est prise ici dans un sens général, et signifie tous les discours outrageants, et toutes les atteintes à la réputation.
Heureux les coeurs purs: ils verront Dieu (Mt 5,8)! Voilà le but de notre amour, la fin qui nous rend parfaits, sans nous détruire. Il y a la fin de la nourriture et la fin du vêtement. La fin de la nourriture, c'est d'être détruite par la manducation; la fin du vêtement, c'est d'être achevé par le tissage. Celui-ci comme celle-là arrivent à leur fin, mais la fin de l'une est sa destruction, tandis que celle de l'autre est son achèvement.
Tout ce que nous faisons, tout ce que nous faisons de bon, tout ce que nous nous efforçons d'obtenir, toutes les causes dignes d'éloges pour lesquelles nous nous dépensons, tout ce que nous désirons d'honnête, nous ne le rechercherons plus quand nous serons parvenus à la vision de Dieu. Que pourrait bien chercher celui qui possède Dieu? Qu'est-ce qui pourrait satisfaire celui qui ne se satisfait pas de Dieu?
Nous voulons voir Dieu, nous cherchons à le voir, nous désirons ardemment le voir. Qui n'a pas ce désir? Mais remarque ce que dit l'évangile: Heureux les coeurs purs: ils verront Dieu! Fais en sorte de le voir. Pour prendre une comparaison parmi les réalités matérielles, comment voudrais-tu contempler le soleil levant avec des yeux chassieux? Si tes yeux sont sains, cette lumière sera pour toi un plaisir; s'ils sont malades, elle sera pour toi un supplice. Assurément, il ne te sera pas permis de voir avec un coeur impur ce que l'on ne peut voir qu'avec un coeur pur. Tu en seras écarté, éloigné, tu ne verras pas. Heureux, en effet, les coeurs purs: ils verront Dieu!
Combien de fois le Seigneur a-t-il proclamé des hommes "bienheureux"? Quels motifs du bonheur éternel a-t-il cités, quelles bonnes oeuvres, quels dons, quels mérites et quelles récompenses? Aucune autre béatitude n'affirme: Ils verront Dieu. Voici comment les autres s'énoncent: Heureux les pauvres de coeur: le Royaume des cieux est à eux! Heureux les doux: ils obtiendront la terre promise! Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés! Heureux les miséricordieux: ils obtiendront miséricorde! Aucune, donc, n'affirme: Ils verront Dieu.
La vision de Dieu est promise quand il s'agit d'hommes au coeur pur. Cela n'est pas sans raison, puisque les yeux qui permettent de voir Dieu sont dans le coeur. Ce sont les yeux dont parle l'Apôtre Paul quand il dit: Puisse-t-il illuminer les yeux de votre coeur (Ep 1,18)! Dans le temps présent, ces yeux, en raison de leur faiblesse, sont donc illuminés par la foi; plus tard, en raison de leur vigueur, ils seront illuminés par la vision. Car nous sommes en exil loin du Seigneur tant que nous habitons dans ce corps; en effet, nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision (2Co 5,6-7). Et aussi longtemps que nous cheminons dans cette foi, que dit de nous l'Écriture? Nous voyons actuellement une image obscure dans un miroir; ce jour-là, nous verrons face à face (1Co 13,12).
Tout ce que nous faisons, tout ce que nous faisons de bon, tout ce que nous nous efforçons d'obtenir, toutes les causes dignes d'éloges pour lesquelles nous nous dépensons, tout ce que nous désirons d'honnête, nous ne le rechercherons plus quand nous serons parvenus à la vision de Dieu. Que pourrait bien chercher celui qui possède Dieu? Qu'est-ce qui pourrait satisfaire celui qui ne se satisfait pas de Dieu?
Nous voulons voir Dieu, nous cherchons à le voir, nous désirons ardemment le voir. Qui n'a pas ce désir? Mais remarque ce que dit l'évangile: Heureux les coeurs purs: ils verront Dieu! Fais en sorte de le voir. Pour prendre une comparaison parmi les réalités matérielles, comment voudrais-tu contempler le soleil levant avec des yeux chassieux? Si tes yeux sont sains, cette lumière sera pour toi un plaisir; s'ils sont malades, elle sera pour toi un supplice. Assurément, il ne te sera pas permis de voir avec un coeur impur ce que l'on ne peut voir qu'avec un coeur pur. Tu en seras écarté, éloigné, tu ne verras pas. Heureux, en effet, les coeurs purs: ils verront Dieu!
Combien de fois le Seigneur a-t-il proclamé des hommes "bienheureux"? Quels motifs du bonheur éternel a-t-il cités, quelles bonnes oeuvres, quels dons, quels mérites et quelles récompenses? Aucune autre béatitude n'affirme: Ils verront Dieu. Voici comment les autres s'énoncent: Heureux les pauvres de coeur: le Royaume des cieux est à eux! Heureux les doux: ils obtiendront la terre promise! Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés! Heureux les miséricordieux: ils obtiendront miséricorde! Aucune, donc, n'affirme: Ils verront Dieu.
La vision de Dieu est promise quand il s'agit d'hommes au coeur pur. Cela n'est pas sans raison, puisque les yeux qui permettent de voir Dieu sont dans le coeur. Ce sont les yeux dont parle l'Apôtre Paul quand il dit: Puisse-t-il illuminer les yeux de votre coeur (Ep 1,18)! Dans le temps présent, ces yeux, en raison de leur faiblesse, sont donc illuminés par la foi; plus tard, en raison de leur vigueur, ils seront illuminés par la vision. Car nous sommes en exil loin du Seigneur tant que nous habitons dans ce corps; en effet, nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision (2Co 5,6-7). Et aussi longtemps que nous cheminons dans cette foi, que dit de nous l'Écriture? Nous voyons actuellement une image obscure dans un miroir; ce jour-là, nous verrons face à face (1Co 13,12).
C'est une grande consolation en effet pour celui qui se trouve dans la tribulation, de se rappeler les souffrances de ceux qu'on lui domine comme un exemple de patience, c'est comme si le Sauveur disait : « Souvenez-vous que vous êtes les apôtres de celui dont ils furent les prophètes. »
Qui pourra donc nous nuire, si les hommes nous discréditent, et que nous n'ayons pour nous défendre que le témoignage de notre conscience ? Cependant si nous ne devons pas, de dessein prémédité, exciter contre nous la langue de ceux qui veulent entamer notre réputation, pour ne pas les pousser eux-mêmes à leur perte ; une fois que leur méchanceté les arme contre nous, il faut le supporter patiemment pour augmenter notre mérite, et c'est ce que le Sauveur nous recommande en ajoutant : « Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que votre récompense est abondante dans les cieux. »
Nous devons cependant mettre un frein quelquefois aux langues des calomniateurs, de peur qu'en répandant leur venin contre nous, ils ne viennent à corrompre les âmes innocentes que nous aurions pu porter au bien par nos discours.
Les maximes précédentes avaient une application générale, Jésus-Christ s'adresse ici personnellement à ceux qui l'écoutent, et il leur prédit les persécutions qu'ils auraient à supporter pour son nom. « Vous serez heureux » leur dit-il, « lorsque les hommes vous maudiront et vous persécuteront et diront toute espèce de mal contre vous. »
Il est vraiment nécessaire de méditer les divines Écritures. Pendant qu'on en donne lecture, tout homme a le devoir de se regarder, de réfléchir et d'observer, comme dans un miroir, son âme et l'état où elle se trouve.
Que veux-je dire? L'homme entend la parole du Seigneur : Heureux les pauvres de coeur: le Royaume des cieux est à eux (Mt 5,3)! Il doit donc s'examiner et s'éprouver continuellement, en toute situation humiliante - je veux dire outrages, déshonneur, mépris -, et regarder en lui-même pour voir si la vertu d'humilité est en lui ou non.
Car celui qui la possède supporte tout sans chagrin ni accablement. Rien de ce qui arrive ne blesse son coeur. Et même s'il en est un peu blessé, il n'est pas complètement bouleversé; ou plutôt, à cause de cette blessure au corps, simplement parce qu'il s'est un peu chagriné au lieu d'avoir accepté avec joie ce qui arrivait, il se flagelle et se regarde comme méprisable, il s'attriste et pleure; il se retire dans le secret de son âme ou de sa cellule, et, persuadé qu'il a complètement perdu sa vie, il se prosterne devant Dieu et se confesse à lui.
Puis il entend encore: Heureux ceux qui s'affligent (Mt 5,5). Observe aussi que le Christ ne dit pas: ceux qui se sont affligés, mais: ceux qui s'affligent continuellement. Il faut donc que nous examinions également ce point, à savoir si nous nous affligeons chaque jour. Car si nous sommes devenus humbles par la pénitence, il est évident que nous ne passerons pas un jour ni une nuit sans larmes, sans affliction et sans componction.
Et encore: Heureux les doux (Mt 5,4). Celui qui s'afflige chaque jour peut-il continuer à vivre dans la colère et non dans la douceur? De même, en effet, que l'eau éteint la flamme d'un foyer, de même l'affliction et les larmes éteignent la fureur de l'âme au point que celui qui s'est maintenu dans la colère voit la fureur de son âme se transformer et parvenir à un calme immuable.
Ensuite il doit examiner s'il a faim et soif de la justice (Mt 5,6) de Dieu. En effet, il peut se trouver quelqu'un qui recherche la justice sans en avoir faim et s oif, car Dieu est la justice; ainsi l'entends-tu appeler soleil de justice (Ml 4,2). Celui qui a faim et soif de lui considère, en tout cas, le monde et ce qui est dans le monde comme des balayures. Quant aux honneurs des princes, il les regarde comme honteux, ou même il n'a pas la moindre idée des honneurs des hommes.
Et encore: Heureux les miséricordieux (Mt 5,7). Qui sont donc les miséricordieux? Ceux qui sont devenus pauvres pour Celui qui s'est appauvri pour nous. Alors qu'ils n'ont rien à donner, ils se soucient constamment d'une manière spirituelle, des pauvres, des veuves, des orphelins et des malades. Ils les entourent de nombreuses attentions et de leur compassion, et versent sur eux des larmes brûlantes, à l'instar de Job qui disait: N'ai-je point pleuré sur tous les infirmes? (Jb 30,25). Et lorsqu'ils ont de quoi, ils leur font l'aumône avec joie et à tous ils rappellent de bon coeur les moyens de sauver leurs âmes, pour obéir à Celui qui a dit: Ce que j'ai appris avec simplicité, j'en fais part sans réserve (Sg 7,13).
C'est eux que le Seigneur déclare bienheureux, eux les vrais miséricordieux: aussi est-ce à partir d'une telle miséricorde, comme par un degré, qu'ils s'élèvent et parviennent à la parfaite pureté de l'âme.
C'est donc à ce titre que Dieu a également proclamé bienheureux ceux qui ont le coeur pur, quand il déclare: Heureux les coeurs purs: ils verront Dieu (Mt 5,8)! <> L'âme ainsi purifiée voit Dieu en tout et se réconcilie avec lui. La paix s'établit entre Dieu, notre Créateur, et l'âme qui était naguère son ennemie, et elle est alors déclarée bienheureuse par Dieu pour avoir fait oeuvre de paix. Heureux, dit-il, les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9)!
Que veux-je dire? L'homme entend la parole du Seigneur : Heureux les pauvres de coeur: le Royaume des cieux est à eux (Mt 5,3)! Il doit donc s'examiner et s'éprouver continuellement, en toute situation humiliante - je veux dire outrages, déshonneur, mépris -, et regarder en lui-même pour voir si la vertu d'humilité est en lui ou non.
Car celui qui la possède supporte tout sans chagrin ni accablement. Rien de ce qui arrive ne blesse son coeur. Et même s'il en est un peu blessé, il n'est pas complètement bouleversé; ou plutôt, à cause de cette blessure au corps, simplement parce qu'il s'est un peu chagriné au lieu d'avoir accepté avec joie ce qui arrivait, il se flagelle et se regarde comme méprisable, il s'attriste et pleure; il se retire dans le secret de son âme ou de sa cellule, et, persuadé qu'il a complètement perdu sa vie, il se prosterne devant Dieu et se confesse à lui.
Puis il entend encore: Heureux ceux qui s'affligent (Mt 5,5). Observe aussi que le Christ ne dit pas: ceux qui se sont affligés, mais: ceux qui s'affligent continuellement. Il faut donc que nous examinions également ce point, à savoir si nous nous affligeons chaque jour. Car si nous sommes devenus humbles par la pénitence, il est évident que nous ne passerons pas un jour ni une nuit sans larmes, sans affliction et sans componction.
Et encore: Heureux les doux (Mt 5,4). Celui qui s'afflige chaque jour peut-il continuer à vivre dans la colère et non dans la douceur? De même, en effet, que l'eau éteint la flamme d'un foyer, de même l'affliction et les larmes éteignent la fureur de l'âme au point que celui qui s'est maintenu dans la colère voit la fureur de son âme se transformer et parvenir à un calme immuable.
Ensuite il doit examiner s'il a faim et soif de la justice (Mt 5,6) de Dieu. En effet, il peut se trouver quelqu'un qui recherche la justice sans en avoir faim et s oif, car Dieu est la justice; ainsi l'entends-tu appeler soleil de justice (Ml 4,2). Celui qui a faim et soif de lui considère, en tout cas, le monde et ce qui est dans le monde comme des balayures. Quant aux honneurs des princes, il les regarde comme honteux, ou même il n'a pas la moindre idée des honneurs des hommes.
Et encore: Heureux les miséricordieux (Mt 5,7). Qui sont donc les miséricordieux? Ceux qui sont devenus pauvres pour Celui qui s'est appauvri pour nous. Alors qu'ils n'ont rien à donner, ils se soucient constamment d'une manière spirituelle, des pauvres, des veuves, des orphelins et des malades. Ils les entourent de nombreuses attentions et de leur compassion, et versent sur eux des larmes brûlantes, à l'instar de Job qui disait: N'ai-je point pleuré sur tous les infirmes? (Jb 30,25). Et lorsqu'ils ont de quoi, ils leur font l'aumône avec joie et à tous ils rappellent de bon coeur les moyens de sauver leurs âmes, pour obéir à Celui qui a dit: Ce que j'ai appris avec simplicité, j'en fais part sans réserve (Sg 7,13).
C'est eux que le Seigneur déclare bienheureux, eux les vrais miséricordieux: aussi est-ce à partir d'une telle miséricorde, comme par un degré, qu'ils s'élèvent et parviennent à la parfaite pureté de l'âme.
C'est donc à ce titre que Dieu a également proclamé bienheureux ceux qui ont le coeur pur, quand il déclare: Heureux les coeurs purs: ils verront Dieu (Mt 5,8)! <> L'âme ainsi purifiée voit Dieu en tout et se réconcilie avec lui. La paix s'établit entre Dieu, notre Créateur, et l'âme qui était naguère son ennemie, et elle est alors déclarée bienheureuse par Dieu pour avoir fait oeuvre de paix. Heureux, dit-il, les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9)!
La Glose
Que votre âme se réjouisse, que votre corps lui-même tressaille d'allégresse. parce que votre récompense non seulement est grande comme celle des autres, mais parce qu'elle est abondante dans les cieux.
Ce n'est pas seulement par la perspective de la récompense, mais par la puissance de l'exemple qu'il les invite à la patience. « C'est ainsi ajoute-t-il qu'ils ont persécuté les prophètes qui étaient avant vous. »
601. RÉJOUISSEZ-VOUS. Ici, [le Seigneur] enseigne la façon de supporter les maux. Plus haut, quand il parlait de tout, il a dit : HEUREUX CEUX QUI SUBISSENT, c’est-à-dire ceux qui ne se révoltent pas. Mais, pour les apôtres, ce n’est pas suffisant : il faut en plus qu’ils sautent de joie, Jc 1, 2 : [Tenez pour] une joie suprême, [mes frères, d’être en butte à toutes sortes d’épreuves] ; Ac 5, 41 : Les apôtres s’en allaient tout joyeux [d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom]. Augustin [dit] au contraire : «Tu ordonnes de supporter cela, pas de l’aimer.» Il faut dire qu’ils ne doivent pas se réjouir des épreuves, mais de l’espérance qu’ils ont en les supportant, de même que celui qui prend un médicament ne se réjouit pas de l’amertume du médicament, mais de son espoir de guérir.
602. Et il dit : RÉJOUISSEZ-VOUS ET SAUTEZ DE JOIE, et il faut savoir qu’avoir du plaisir, sauter de joie, se réjouir et être dans l’allégresse sont une même chose en fait, avec une différence de degré. Le plaisir, au sens propre, vient de la conjonction de la chose qu’on désire et de celle qui convient. La joie est non seulement dans cette conjonction mais aussi dans la perception qu’on en a. L’allégresse intérieure et l’enthousiasme sont des effets qui suivent la joie et le plaisir, car, par ces derniers, d’abord le cœur se dilate, donc l’allégresse [laetitia] est pour ainsi dire un élargissement [latitia] ; en outre, non seulement le cœur se dilate intérieurement, mais quand [l’allégresse] se manifeste, elle se voit à l’extérieur, et alors on l’appelle exultation [ex-ultation], pour dire qu’elle apparaît à l’extérieur. Il faut se réjouir parce que ce sera pour la confusion des infidèles et la joie des fidèles. Ainsi se réjouissait le bienheureux Laurent sur le gril, d’après ce qu’on lit de lui.
603. Il y a deux causes de joie. Premièrement, la récompense, d’où : CAR VOTRE RÉCOMPENSE [EST] ABONDANTE DANS LE CIEL, c’est-à-dire l’empyrée, d’où 1 Th 4, 16 : Ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. Augustin [dit] : «Par ce qu’il dit sur le ciel, il nomme l’objet du bonheur et sa substance, qui ne sera pas dans les choses corporelles mais dans les [réalités] spirituelles», c’est-à-dire dans la jouissance de Dieu. Et ces biens spirituels sont symbolisés par les cieux à cause de leur solidité, de leur consistance. Il dit : ABONDANTE, à cause de la récompense débordante des apôtres, Lc 6, 38 : [C’est] une bonne mesure […qu’on versera dans votre sein] ; Gn 15, 1 : Moi Dieu, ta récompense.
604. Deuxième cause [de joie] : parce qu’il faut se réjouir de l’exemple, d’où : CAR C’EST AINSI. C’est un grand réconfort lorsque certains sont rendus semblables aux grands ancêtres qui nous ont précédés, Ac 7, 52 : Lequel des prophètes [vos pères n’ont-ils pas persécuté] ? ; Jc 5, 10 : Prenez, frères, pour modèles [de souffrance et de patience les prophètes, etc.]. Note que cela représente la dignité du Christ, parce qu’il a ses prophètes souffrant pour lui comme dans l’Ancien Testament, et aussi la dignité des apôtres qui sont assimilés aux prophètes.
602. Et il dit : RÉJOUISSEZ-VOUS ET SAUTEZ DE JOIE, et il faut savoir qu’avoir du plaisir, sauter de joie, se réjouir et être dans l’allégresse sont une même chose en fait, avec une différence de degré. Le plaisir, au sens propre, vient de la conjonction de la chose qu’on désire et de celle qui convient. La joie est non seulement dans cette conjonction mais aussi dans la perception qu’on en a. L’allégresse intérieure et l’enthousiasme sont des effets qui suivent la joie et le plaisir, car, par ces derniers, d’abord le cœur se dilate, donc l’allégresse [laetitia] est pour ainsi dire un élargissement [latitia] ; en outre, non seulement le cœur se dilate intérieurement, mais quand [l’allégresse] se manifeste, elle se voit à l’extérieur, et alors on l’appelle exultation [ex-ultation], pour dire qu’elle apparaît à l’extérieur. Il faut se réjouir parce que ce sera pour la confusion des infidèles et la joie des fidèles. Ainsi se réjouissait le bienheureux Laurent sur le gril, d’après ce qu’on lit de lui.
603. Il y a deux causes de joie. Premièrement, la récompense, d’où : CAR VOTRE RÉCOMPENSE [EST] ABONDANTE DANS LE CIEL, c’est-à-dire l’empyrée, d’où 1 Th 4, 16 : Ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. Augustin [dit] : «Par ce qu’il dit sur le ciel, il nomme l’objet du bonheur et sa substance, qui ne sera pas dans les choses corporelles mais dans les [réalités] spirituelles», c’est-à-dire dans la jouissance de Dieu. Et ces biens spirituels sont symbolisés par les cieux à cause de leur solidité, de leur consistance. Il dit : ABONDANTE, à cause de la récompense débordante des apôtres, Lc 6, 38 : [C’est] une bonne mesure […qu’on versera dans votre sein] ; Gn 15, 1 : Moi Dieu, ta récompense.
604. Deuxième cause [de joie] : parce qu’il faut se réjouir de l’exemple, d’où : CAR C’EST AINSI. C’est un grand réconfort lorsque certains sont rendus semblables aux grands ancêtres qui nous ont précédés, Ac 7, 52 : Lequel des prophètes [vos pères n’ont-ils pas persécuté] ? ; Jc 5, 10 : Prenez, frères, pour modèles [de souffrance et de patience les prophètes, etc.]. Note que cela représente la dignité du Christ, parce qu’il a ses prophètes souffrant pour lui comme dans l’Ancien Testament, et aussi la dignité des apôtres qui sont assimilés aux prophètes.
703. RÉJOUISSEZ-VOUS ET SAUTEZ DE JOIE, CAR VOTRE RÉCOMPENSE EST ABONDANTE DANS LES CIEUX. Voici le deuxième point, à savoir la considération de la récompense qu’ils obtiennent. C’est pourquoi il dit : RÉJOUISSEZ-VOUS (Glose : mentalement) ET SAUTEZ DE JOIE (dans votre cœur), CE JOUR-LÀ, c’est-à-dire quand vous aurez supporté cela.
704. Raban [dit] : «Je ne sais qui de nous pourrait accomplir cela, de voir notre réputation lacérée d’outrages et de sauter de joie dans le Seigneur. Cela, celui qui poursuit la vaine gloire ne peut l’accomplir, car dans un livre distingué nous lisons : Si tu ne cherches pas la gloire, tu ne souffriras pas quand tu seras sans gloire.»
705. Chrysostome [dit] : «Autant on se réjouit de la louange des hommes, autant on s’attriste de l’outrage.» Et plus loin : «Qui a cherché la gloire seulement auprès de Dieu ne craint pas d’être confondu dans le mépris des hommes.»
706. Mais il y a ici une question : pourquoi ce conseil est-il ajouté de cette façon, quand il dit : RÉJOUISSEZ-VOUS ET SAUTEZ DE JOIE, etc., et pas dans les béatitudes précédentes ? Réponse : cette béatitude concerne le fait de supporter les souffrances, ce qui est très difficile en comparaison d’autres choses citées plus haut. C’est pourquoi le conseil est absent [de celles-là]. Ou bien il ajoute cela pour ne pas épouvanter tout de suite les apôtres, qui sont en somme des novices, et à qui il parle quand il dit : HEUREUX ÊTES-VOUS, etc.
707. CAR VOTRE RÉCOMPENSE (à savoir, Dieu en lui-même) EST ABONDANTE DANS LES CIEUX. Gn 15, 1 : Moi (…) ta récompense très grande. De plus, [elle est] ABONDANTE par comparaison, Rm 8, 18 : Les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous ; 2 Co 4, 17 : La légère tribulation d’un instant nous prépare, jusqu’à l’excès, une masse éternelle de gloire. EST ABONDANTE, car la quantité de consolations sera proportionnée à la quantité de tribulations, Ps 93[94], 19 : Dans la foule de mes douleurs, tes consolations ont réjoui mon âme ; 2 Co 1, 5 : De même que les souffrances du Christ abondent pour vous, ainsi par le Christ abonde aussi votre consolation.
708. Luc dit : Est nombreuse dans le ciel, mais [Matthieu] dit : DANS LES CIEUX, au pluriel, à cause de la multitude de joies. La Glose [dit] : «Dans les parties supérieures du monde.» Bède dit au contraire : «Je pense que LES CIEUX ne désignent pas ici les parties supérieures de l’air.» Réponse : on appelle ici «monde» le ciel empyrée avec toute la machine du monde, et pas seulement ce qui est inclus dans le moteur premier, comme le voulaient les philosophes. C’est pourquoi on appelle [le ciel] « parties supérieures du monde », parce qu’il est au-dessus de ce monde.
709. CAR C’EST AINSI QU’ILS ONT PERSÉCUTÉ LES PROPHÈTES. Ici [est abordé] le troisième point : ils doivent supporter les souffrances à l’exemple des prophètes, d’où : C’EST AINSI (par outrages, injures et paroles méchantes) QU’ILS ONT PERSÉCUTÉ LES PROPHÈTES, Jc 5, 10 : Frères, prenez pour modèles de souffrance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur.
QUI FURENT AVANT VOUS : c’est pourquoi leurs exemples vous invitent. Grégoire [dit] : «Si nous passons en revue les actions de nos prédécesseurs, les [maux] que nous supportons ne sont pas graves.» He 12, 1 : C’est pourquoi, ayant une si grande nuée de témoins, déposons tout fardeau et le péché qui nous assiège, et courons avec constance vers le combat qui nous est proposé.
710. VOUS ÊTES LE SEL DE LA TERRE, etc. Voici la deuxième partie, où il [les] exhorte à mettre leurs soins à exécuter leur devoir. Premièrement, dans la forme de cette poursuite, forme qui leur est montrée sous la méthode d’un exemple descriptif ; deuxièmement, dans le mode d’enseignement qui leur est prescrit, en cet endroit : QU’AINSI BRILLE VOTRE LUMIÈRE.
711. L’exemple descriptif est représenté dans la variété des comparaisons dont deux sont [exprimées] sous une forme affirmative, là où est montré à quoi ils doivent servir : à assaisonner par l’exemple de leur vie, en cet endroit : VOUS ÊTES LE SEL DE LA TERRE ; deuxièmement, à briller ou éclairer par leur parole d’enseignement, en cet endroit : VOUS ÊTES LA LUMIÈRE DU MONDE. Parmi les assaisonnements, aucun n’est plus utile que le sel. Parmi les choses visibles, aucune n’est plus claire que la lumière.
712. Deux autres [comparaisons] sont exprimées négativement, dans lesquelles est montré à quoi ils ne doivent pas servir : à cacher leur vie ou leur personne, et c’est pourquoi il dit : UNE VILLE SITUÉE SUR UNE MONTAGNE NE PEUT SE CACHER ; à cacher la doctrine ou la grâce, et c’est pourquoi il dit : ON N’ALLUME PAS UNE LAMPE POUR LA METTRE SOUS LE BOISSEAU. Parmi les moyens de protection, aucun n’est plus manifeste qu’une ville. Parmi les ustensiles, aucun n’est plus utile qu’une lampe.
713. Ils doivent donc être SEL par [leurs] vie et mœurs, LUMIÈRE par [leurs] enseignements et prédications, VILLE par [leurs effets]de protection et de défense, LAMPE par leurs éclairages.
714. Bède enseigne qu’avec le sel on assaisonne les âmes pour une santé incorruptible ; qu’on fait la lumière pour l’intelligence de la vérité ; qu’on défend ses gens contre l’ennemi ; qu’on embrase de l’amour de Dieu les personnes qu’on a défendues.
704. Raban [dit] : «Je ne sais qui de nous pourrait accomplir cela, de voir notre réputation lacérée d’outrages et de sauter de joie dans le Seigneur. Cela, celui qui poursuit la vaine gloire ne peut l’accomplir, car dans un livre distingué nous lisons : Si tu ne cherches pas la gloire, tu ne souffriras pas quand tu seras sans gloire.»
705. Chrysostome [dit] : «Autant on se réjouit de la louange des hommes, autant on s’attriste de l’outrage.» Et plus loin : «Qui a cherché la gloire seulement auprès de Dieu ne craint pas d’être confondu dans le mépris des hommes.»
706. Mais il y a ici une question : pourquoi ce conseil est-il ajouté de cette façon, quand il dit : RÉJOUISSEZ-VOUS ET SAUTEZ DE JOIE, etc., et pas dans les béatitudes précédentes ? Réponse : cette béatitude concerne le fait de supporter les souffrances, ce qui est très difficile en comparaison d’autres choses citées plus haut. C’est pourquoi le conseil est absent [de celles-là]. Ou bien il ajoute cela pour ne pas épouvanter tout de suite les apôtres, qui sont en somme des novices, et à qui il parle quand il dit : HEUREUX ÊTES-VOUS, etc.
707. CAR VOTRE RÉCOMPENSE (à savoir, Dieu en lui-même) EST ABONDANTE DANS LES CIEUX. Gn 15, 1 : Moi (…) ta récompense très grande. De plus, [elle est] ABONDANTE par comparaison, Rm 8, 18 : Les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous ; 2 Co 4, 17 : La légère tribulation d’un instant nous prépare, jusqu’à l’excès, une masse éternelle de gloire. EST ABONDANTE, car la quantité de consolations sera proportionnée à la quantité de tribulations, Ps 93[94], 19 : Dans la foule de mes douleurs, tes consolations ont réjoui mon âme ; 2 Co 1, 5 : De même que les souffrances du Christ abondent pour vous, ainsi par le Christ abonde aussi votre consolation.
708. Luc dit : Est nombreuse dans le ciel, mais [Matthieu] dit : DANS LES CIEUX, au pluriel, à cause de la multitude de joies. La Glose [dit] : «Dans les parties supérieures du monde.» Bède dit au contraire : «Je pense que LES CIEUX ne désignent pas ici les parties supérieures de l’air.» Réponse : on appelle ici «monde» le ciel empyrée avec toute la machine du monde, et pas seulement ce qui est inclus dans le moteur premier, comme le voulaient les philosophes. C’est pourquoi on appelle [le ciel] « parties supérieures du monde », parce qu’il est au-dessus de ce monde.
709. CAR C’EST AINSI QU’ILS ONT PERSÉCUTÉ LES PROPHÈTES. Ici [est abordé] le troisième point : ils doivent supporter les souffrances à l’exemple des prophètes, d’où : C’EST AINSI (par outrages, injures et paroles méchantes) QU’ILS ONT PERSÉCUTÉ LES PROPHÈTES, Jc 5, 10 : Frères, prenez pour modèles de souffrance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur.
QUI FURENT AVANT VOUS : c’est pourquoi leurs exemples vous invitent. Grégoire [dit] : «Si nous passons en revue les actions de nos prédécesseurs, les [maux] que nous supportons ne sont pas graves.» He 12, 1 : C’est pourquoi, ayant une si grande nuée de témoins, déposons tout fardeau et le péché qui nous assiège, et courons avec constance vers le combat qui nous est proposé.
710. VOUS ÊTES LE SEL DE LA TERRE, etc. Voici la deuxième partie, où il [les] exhorte à mettre leurs soins à exécuter leur devoir. Premièrement, dans la forme de cette poursuite, forme qui leur est montrée sous la méthode d’un exemple descriptif ; deuxièmement, dans le mode d’enseignement qui leur est prescrit, en cet endroit : QU’AINSI BRILLE VOTRE LUMIÈRE.
711. L’exemple descriptif est représenté dans la variété des comparaisons dont deux sont [exprimées] sous une forme affirmative, là où est montré à quoi ils doivent servir : à assaisonner par l’exemple de leur vie, en cet endroit : VOUS ÊTES LE SEL DE LA TERRE ; deuxièmement, à briller ou éclairer par leur parole d’enseignement, en cet endroit : VOUS ÊTES LA LUMIÈRE DU MONDE. Parmi les assaisonnements, aucun n’est plus utile que le sel. Parmi les choses visibles, aucune n’est plus claire que la lumière.
712. Deux autres [comparaisons] sont exprimées négativement, dans lesquelles est montré à quoi ils ne doivent pas servir : à cacher leur vie ou leur personne, et c’est pourquoi il dit : UNE VILLE SITUÉE SUR UNE MONTAGNE NE PEUT SE CACHER ; à cacher la doctrine ou la grâce, et c’est pourquoi il dit : ON N’ALLUME PAS UNE LAMPE POUR LA METTRE SOUS LE BOISSEAU. Parmi les moyens de protection, aucun n’est plus manifeste qu’une ville. Parmi les ustensiles, aucun n’est plus utile qu’une lampe.
713. Ils doivent donc être SEL par [leurs] vie et mœurs, LUMIÈRE par [leurs] enseignements et prédications, VILLE par [leurs effets]de protection et de défense, LAMPE par leurs éclairages.
714. Bède enseigne qu’avec le sel on assaisonne les âmes pour une santé incorruptible ; qu’on fait la lumière pour l’intelligence de la vérité ; qu’on défend ses gens contre l’ennemi ; qu’on embrase de l’amour de Dieu les personnes qu’on a défendues.
Dieu est admirable dans ses saints. C'est lui qui donne à son peuple force et puissance (Ps 67,36). Considérez et comprenez bien le sens de ces paroles prophétiques. Le Seigneur donne force et puissance à tout son peuple - car Dieu ne fait pas de différence entre les personnes -, mais il est admirable uniquement dans ses saints.
Le soleil répand d'en haut ses rayons à profusion et sur tous de manière égale, mais seuls le voient ceux qui ont des yeux et ne les tiennent pas fermés. Avec des yeux sains et une vue puissante, ils jouissent de la pure lumière, tandis que ceux qui voient mal et ont les yeux malades, opaques ou atteints d'une autre affection, n'en sont pas capables. De la même manière, du ciel, Dieu fait descendre sur tous les richesses de sa grâce, car il est la source du salut et de la lumière d'où jaillissent sans cesse la miséricorde et la bonté. Cependant, ce ne sont pas purement et simplement tous les hommes qui tirent profit de sa grâce et de sa puissance pour pratiquer la vertu, parvenir à la perfection et accomplir aussi des miracles. Mais c'est le fait de ceux qui ont orienté leur volonté vers le bien et manifestent par leurs oeuvres leur amour de Dieu et leur foi en lui, ceux qui se détournent franchement du mal, s'attachent fermement aux commandements de Dieu et lèvent les yeux de leur âme vers le Christ, soleil de justice. Lui, du haut du ciel, dans l'invisible, nous tend une main secourable au milieu du combat. En outre, il nous fait entendre dans l'évangile ces paroles d'encouragement: Celui qui se prononcera pour moi devant let> hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux, cieux. (Mt 10,32).
L'Église du Christ honore, même après leur mort, ceux qui ont vraiment vécu une vie conforme au désir de Dieu. Chaque jour de l'année, elle fait mémoire des saints qui, à la même date, s'en sont allés d'ici et ont quitté cette vie périssable. Elle nous présente, pour notre profit, la vie de chacun d'eux et nous offre leur mort en exemple, qu'ils se soient endormis dans la paix ou qu'ils aient terminé leur existence en martyrs.
Or, aujourd'hui, elle leur adresse une hymne commune, <> car ils sont tous unis les uns aux autres et, selon la prière du Maître, ils sont un. Dans l'évangile, en effet, le Seigneur dit à son Père: Accorde-leur d'être un, comme moi, Père, je suis en toi, et toi en moi, et qu'ils soient un en nous dans la vérité (cf. Jn 17,21). <> Aujourd'hui, pour que sa louange soit complète, l'Église de Dieu nous propose et nous montre, tous rassemblés, les fruits si nombreux et si bons que le Seigneur Jésus Christ, Dieu, notre Sauveur, est venu récolter pour la vie éternelle, avec la puissance de l'Esprit très saint. Elle fait mémoire, en une fois, de tous les saints et leur rend hommage à tous aujourd'hui par une hymne.
Nous aussi, en ces jours de fête, présentons nos corps et nos âmes en offrande agréable à Dieu, afin que, par les prières des saints, nous ayons part à leur allégresse et à leur joie éternelles. Puissions-nous tous y parvenir par la grâce et l'amour de Jésus Christ notre Seigneur. A lui la gloire, à son Père éternel et à l'Esprit très saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.
Le soleil répand d'en haut ses rayons à profusion et sur tous de manière égale, mais seuls le voient ceux qui ont des yeux et ne les tiennent pas fermés. Avec des yeux sains et une vue puissante, ils jouissent de la pure lumière, tandis que ceux qui voient mal et ont les yeux malades, opaques ou atteints d'une autre affection, n'en sont pas capables. De la même manière, du ciel, Dieu fait descendre sur tous les richesses de sa grâce, car il est la source du salut et de la lumière d'où jaillissent sans cesse la miséricorde et la bonté. Cependant, ce ne sont pas purement et simplement tous les hommes qui tirent profit de sa grâce et de sa puissance pour pratiquer la vertu, parvenir à la perfection et accomplir aussi des miracles. Mais c'est le fait de ceux qui ont orienté leur volonté vers le bien et manifestent par leurs oeuvres leur amour de Dieu et leur foi en lui, ceux qui se détournent franchement du mal, s'attachent fermement aux commandements de Dieu et lèvent les yeux de leur âme vers le Christ, soleil de justice. Lui, du haut du ciel, dans l'invisible, nous tend une main secourable au milieu du combat. En outre, il nous fait entendre dans l'évangile ces paroles d'encouragement: Celui qui se prononcera pour moi devant let> hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux, cieux. (Mt 10,32).
L'Église du Christ honore, même après leur mort, ceux qui ont vraiment vécu une vie conforme au désir de Dieu. Chaque jour de l'année, elle fait mémoire des saints qui, à la même date, s'en sont allés d'ici et ont quitté cette vie périssable. Elle nous présente, pour notre profit, la vie de chacun d'eux et nous offre leur mort en exemple, qu'ils se soient endormis dans la paix ou qu'ils aient terminé leur existence en martyrs.
Or, aujourd'hui, elle leur adresse une hymne commune, <> car ils sont tous unis les uns aux autres et, selon la prière du Maître, ils sont un. Dans l'évangile, en effet, le Seigneur dit à son Père: Accorde-leur d'être un, comme moi, Père, je suis en toi, et toi en moi, et qu'ils soient un en nous dans la vérité (cf. Jn 17,21). <> Aujourd'hui, pour que sa louange soit complète, l'Église de Dieu nous propose et nous montre, tous rassemblés, les fruits si nombreux et si bons que le Seigneur Jésus Christ, Dieu, notre Sauveur, est venu récolter pour la vie éternelle, avec la puissance de l'Esprit très saint. Elle fait mémoire, en une fois, de tous les saints et leur rend hommage à tous aujourd'hui par une hymne.
Nous aussi, en ces jours de fête, présentons nos corps et nos âmes en offrande agréable à Dieu, afin que, par les prières des saints, nous ayons part à leur allégresse et à leur joie éternelles. Puissions-nous tous y parvenir par la grâce et l'amour de Jésus Christ notre Seigneur. A lui la gloire, à son Père éternel et à l'Esprit très saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.
Ce
verset est composé de trois propositions arrangées de telle sorte que la première s’appuie sur la seconde, et
celle-ci sur la troisième, qui est un vrai « postulatum ». - Première proposition : Réjouissez-vous... Comme si
la joie simple ne suffisait pas, Jésus recommande même l’allégresse, bien plus, il aurait dit, dansez de
bonheur, d’après la rédaction de S. Luc, 6, 23 ; Cf. 2 Cor. 12, 10. - Seconde proposition : Parce que… dans
les cieux. Motif de cette joie surnaturelle. On peut bien se réjouir, en effet, même au milieu des souffrances,
quand on est sûr d’obtenir une récompense prochaine, abondante, éternelle. C’est ce qu’exprime
admirablement S. Paul, 2 Cor. 4, 17 : « notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids
vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous ». - Votre récompense, pour mieux
marquer le droit que nous avons à cette récompense. Ce passage suppose en effet, comme l’enseignent les
théologiens, le mérite réel et la récompense à hauteur des bonnes œuvres. La proposition dogmatique « Les
justes, par leurs bonnes œuvres provenant de la grâce, méritent vraiment la gloire éternelle » n’a pas pas de
preuve plus rigoureuse , « car une récompense n’est donnée qu’à de vrais mérites ». Voir Perrone, De gratia
Christi, p. 3, cap. 2. - Car c'est ainsi... Troisième proposition, dans laquelle Jésus-Christ propose à ses
disciples, afin de les fortifier dans les peines endurées pour son nom, le constant exemple des Prophètes. Elle
est elliptique, car pour être complète elle devrait se terminer ainsi : « et ceux qui ont reçu leur récompense » ;
mais Jésus laisse à ses auditeurs le soin de tirer cette conclusion évidente. Les Prophètes, après avoir souffert
courageusement toute sorte d’injures, avaient donc reçu dans le ciel une grande récompense : des chrétiens,
imitateurs de leur constance, seraient-ils moins bien traités que les fils de la Loi ? - Les Prophètes. Le divin
Maître n’en nomme aucun ; mais le souvenir des Isaïe, des Jérémie, 20, 2, des Zacharie, 2 Par. 24, 21 et de
tant d’autres était vivant dans l’esprit de ceux auxquels il s’adressait.
Comme on l'a fait pour la partie précédente de la réponse de Jésus, celle-ci doit être lue et interprétée dans le cadre de tout le message moral de l'Evangile et, spécialement, dans le cadre du Discours sur la Montagne, des Béatitudes (cf. Mt 5, 3-12), dont la première est précisément la béatitude des pauvres, des « pauvres en esprit », comme le précise saint Matthieu (Mt 5, 3), ou encore des humbles. Dans ce sens, on peut dire que les Béatitudes font aussi partie de l'espace ouvert par la réponse que Jésus donne à la question du jeune homme : « Que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ? ». En effet, chaque béatitude promet précisément, selon une perspective particulière, ce « bien » qui ouvre l'homme à la vie éternelle, et plus encore qui est la vie éternelle elle-même.
Le missionnaire est l'homme des Béatitudes. Avant de les envoyer évangéliser, Jésus instruit les Douze en leur montrant les voies de la mission: pauvreté, douceur, acceptation des souffrances et des persécutions , désir de justice et de paix, charité, c'est-à-dire précisément les Béatitudes, réalisées dans la vie apostolique (cf. Mt 5, 1-12). En vivant les Béatitudes, le missionnaire expérimente et montre concrètement que le Règne de Dieu est déjà venu et qu'il l'a déjà accueilli. La caractéristique de toute vie missionnaire authentique est la joie intérieure qui vient de la foi. Dans un monde angoissé et oppressé par tant de problèmes, qui est porté au pessimisme, celui qui annonce la Bonne Nouvelle doit être un homme qui a trouvé dans le Christ la véritable espérance.