Matthieu 5, 13

« Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.

« Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
Saint Hilaire de Poitiers
Il nous faut ici chercher le sens propre des mots, et nous le trouverons dans la mission des apôtres, et dans la nature du sel. Le sel qui est d'un usage universel chez tous les peuples, communique l'incorruptibilité à tous les corps sur lesquels on le répand, et il est très propre à faire ressortir dans toutes choses leur saveur cachée. Or les apôtres sont les prédicateurs des choses célestes, et ils répandent sur toutes choses le sel de l'éternité. C'est à juste titre qu'ils sont appelés le sel de la terre, parce que la vertu de leur doctrine, comme un sel divin conserve les corps pour l'éternité.

Cependant comme l'homme est sujet au changement, après avoir appelé les Apôtres le sel de la terre, il leur apprend qu'ils doivent conserver la vertu de la puissance qui leur a été confiée, en ajoutant : « Si le sel perd sa force, avec quoi pourra-t-on le saler ? »

Or si les docteurs devenus insensés cessent d'avoir la vertu du sel, et si ne possédant plus le sens du goût qu'ils avaient reçu, ils ne peuvent rendre la vie à ce qui est corrompu, ils deviennent inutiles comme l'ajoute le Sauveur : « Il ne vaut plus rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes. »

Il ne suffit pas même qu'ils soient chassés de l'office de l'Église, il faut qu'ils soient foulés aux pieds des passants.
Saint Jean Chrysostome
Après avoir donné à ses disciples d'aussi sublimes préceptes ; le Sauveur prévient cette difficulté : comment pourrons-nous les observer, en les attirant par ses louanges et en leur disant : « Vous êtes le sel de la terre. » Par là il leur apprend que c'est une nécessité pour eux de garder ces préceptes, car ce n'est pas, leur dit-il, pour vous, ce n'est pas pour une seule nation, c'est pour le monde entier que je vous envoie. Si donc en le touchant au vif, vous en recevez des injures, réjouissez-vous, car c'est une des propriétés du sel de piquer tout ce qui est d'une nature tendre et molle ; la malédiction des hommes ne peut vous nuire en rien, elle atteste au contraire la vertu qui est en vous.

Dès qu'un docteur est orné de toutes les vertus dont nous avons parlé, il est comme un sel excellent, et son exemple comme sa parole sont pour tout le peuple un céleste assaisonnement.
Saint Jérôme
C'est-à-dire si un docteur tombe dans l'erreur, par quel autre docteur pourra-t-il être repris ?

Cet exemple est emprunté à l'agriculture. Le sel ne sert absolument qu'à dessécher les viandes et à assaisonner les aliments. Aussi nous voyons dans l'Écriture le sel semé par la colère des vainqueurs sur des villes détruites, afin qu'aucune semence ne pût y fructifier.
Saint Augustin
Et si vous, qui devez être comme l'assaisonnement des peuples, vous perdez le royaume des cieux par la crainte des persécutions temporelles, quels seront les hommes qui pourront vous guérir de vos erreurs ? Une autre version porte : « Si le sel est devenu insipide et comme insensé », et elle signifie qu'il faut regarder comme des insensés, ceux qui par la recherche trop vive des biens temporels, ou par la crainte d'en être dépouillés, perdent les biens éternels que les hommes ne peuvent ni donner ni enlever.

Ce n'est pas celui qui souffre persécution qui est foulé aux pieds par les hommes, mais celui à qui la crainte de la persécution fait perdre le sens. On ne peut être foulé aux pieds que lorsqu'on est placé au-dessous. Or on n'est jamais au-dessous de personne, bien que le corps soit en butte sur la terre à de mauvais traitements, lorsque par le coeur on habite dans le ciel.
Saint Rémi
Le contact de l'eau, la chaleur du soleil, le souffle du vent, donnent au sel une autre nature ; ainsi les hommes apostoliques ont reçu une naissance toute spirituelle et ont été changés en d'autres hommes par l'eau du baptême, par le souffle de l'Esprit saint et par le feu de la charité. On peut dire encore que la sagesse céleste prêchée par les Apôtres, absorbe les humeurs des oeuvres charnelles, fait disparaître l'odeur infecte et la corruption d'une mauvaise vie et le ver des pensées impures dont le prophète a dit : « Leur ver ne meurt pas. » (Is66, 24)

Les Apôtres sont le sel de la terre, c'est-à-dire des hommes terrestres qui sont appelés terre, parce que toute leur affection est pour la terre. ».Jér. Ou bien encore les Apôtres sont appelés le sel de la terre, parce que c'est par eux que le genre humain est conservé.

Sous l'ancienne loi, on ne pouvait offrir aucun sacrifice sans l'avoir assaisonné de sel, ce qui signifiait que personne ne peut offrit un sacrifice agréable à Dieu sans avoir en lui la saveur de la sagesse divine. 
La Glose
Lorsque ceux qui sont placés à la tête des autres viennent à faillir, ils ne sont bons qu'à être jetés dehors et privés du pouvoir d'enseigner.
Saint Thomas d'Aquin
605. VOUS ÊTES LE SEL. Plus haut, le Seigneur a montré la dignité des apôtres quant au fait que, dans les épreuves, ils devaient non seulement supporter mais encore se réjouir. Maintenant il dit leur excellence quant au fait qu’ils doivent maintenir autrui éloigné du mal, et c’est pourquoi il les compare au sel : VOUS ÊTES [LE SEL DE LA TERRE]. À ce propos, il fait deux choses. D’abord il détermine leur rôle pour écarter autrui du mal. Deuxièmement, il montre comment ils doivent s’écarter eux-mêmes du mal, en cet endroit : SI LE SEL S’ÉVANOUIT.

606. Il dit donc : VOUS ÊTES LE SEL. Il les compare au sel pour quatre raisons. Premièrement, à cause de la génération du sel qui se fait à partir de l’eau, grâce au vent et à la chaleur du soleil, car la génération spirituelle se fait à partir de l’eau du baptême et par la puissance du Saint-Esprit, Jn 3, 5 : Si quelqu’un ne renaît [d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu], et grâce à la chaleur du soleil, c’est-à-dire à la chaleur de l’amour qui vient du Saint-Esprit, Rm 5, 5 : L’amour de Dieu [a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit].

607. Deuxièmement, à cause des utilisations du sel, dont la première est que tout est assaisonné avec du sel. C’est pourquoi il représente la sagesse que doivent avoir les apôtres, Si 6, 23 : La sagesse de l’enseignement ; Col 4, 5 : [Conduisez-vous] avec sagesse envers ceux du dehors.

608. La deuxième raison était [Lv 2, 13] que dans tout sacrifice on ajoutait du sel, car l’enseignement apostolique doit briller en toute notre œuvre.

609. La troisième raison est qu’il absorbe l’excès de liquide et préserve ainsi de la putréfaction. Ainsi les apôtres par leur enseignement dominaient sur les concupiscences charnelles, 1 P 4, 3 : Il suffit bien d’avoir accompli dans le passé [la volonté des païens en se prêtant aux débauches, etc.] ; Rm 13, 13 : Pas de ripailles [ni d’orgies, etc.].

610. Enfin, le quatrième effet [du sel] est qu’il rend la terre stérile. C’est pourquoi, dit-on, certains vainqueurs semaient du sel autour de la ville qu’ils avaient prise, pour que plus rien ne pousse ; de même aussi l’enseignement évangélique rend la terre stérile pour que les œuvres terrestres ne poussent pas en nous, Ep 5, 11 : Ne prenez aucune part [aux œuvres stériles des ténèbres]. Les apôtres sont donc appelés SEL parce qu’ils ont quelque chose de piquant en éloignant [autrui] du péché, Mc 9, 50 : Ayez du sel en vous-mêmes.

611. Mais on pourrait dire : «Il suffit que j’aie du sel.» Non ! Il faut que les vertus du sel te préservent du péché, et à cela il y a quatre raisons.

612. La première vient de l’incorrigibilité, d’où : SI LE SEL S’ÉVANOUIT. Au sens propre, s’évanouir, c’est perdre sa force, comme le vin fort quand il perd de la force, de même le sel quand il perd son mordant. Mc 9, 49 : Si le sel n’est pas salé, avec quoi l’assaisonnerez-vous ? On s’évanouit donc quand on est soumis au péché, Rm 1, 21 : Ils se sont évanouis dans leurs cogitations. Si, à cause des épreuves ou autre, tu t’éloignes de la vertu qui te rend salé, avec quoi donc te salera-t-on, c’est-à-dire avec quel autre sel [te] salera-t-on ? En effet, si le peuple pèche, il peut être corrigé, mais si c’est un supérieur, personne ne peut l’amender. Os 8, 5 : Jusqu’à quand ne pourront-ils [recouvrer l’innocence ?]. Et il faut noter qu’en Lc 14, 34, il est dit : Si le sel devient insensé, car il y a une grande stupidité à perdre les choses éternelles au profit des temporelles.

613. La deuxième raison vient de l’utilité, d’où : [IL NE SERT PLUS] À RIEN, et Lc 14, 35 explique cela : Ni sur la terre ni sur le fumier, parce qu’il rend la terre stérile et ne fertilise pas le fumier. De même les spirituels, quand ils pèchent, ne sont plus bons à rien, car [ils ne sont pas aptes] aux affaires du monde, comme [le sont] les soldats et autres, Ez 15, 2 : Fils d’homme, pourquoi le bois de vigne vaudrait-il [mieux que le bois de toute branche sur les arbres de la forêt ?]. Ps 13, 3 : Tous ils sont dévoyés.

614. La troisième raison vient du danger qui menace, et elle se ramifie en deux selon les deux dangers. Le premier est l’expulsion, d’où : QU’À ÊTRE JETÉ DEHORS, c’est-à-dire hors de l’Église, Ap 22, 15 : Dehors les chiens. En outre, à ce qu’on lui enlève la dignité du magistère sacerdotal, Os 4, 6 : Parce que tu as repoussé la science [je te rejetterai de mon sacerdoce] ; Mt 21, 43 : [Le royaume de Dieu] vous sera ôté, et ici : A ÊTRE JETÉ DEHORS. Le deuxième danger est de devenir sans valeur, parce que ceux qui commencent à vivre de la vie surnaturelle puis l’abandonnent, deviennent méprisables. Ainsi, À ÊTRE PIÉTINÉ. Lc 14, 30 : [Se moquer de lui en disant :] Voilà un homme qui a commencé à construire, [et il ne peut achever !] ; Ml 2, 8 : Vous vous êtes écartés du chemin et vous en avez fait trébucher beaucoup par l’enseignement. Et il faut noter que selon Augustin, si des saints sont méprisés comme il est dit plus haut, 5, 11 : ET QU’ON DIRA TOUTE SORTE DE MAL, etc., jamais pourtant ils ne peuvent être piétinés, car ils ont toujours le cœur dans le ciel et, au sens propre, ceux qu’on piétine sont couchés par terre.

715. Il dit donc : VOUS ÊTES (c’est-à-dire vous devez être) LE SEL DE LA TERRE. La Glose [dit] : «Le meilleur sel assaisonne les habitants de la terre par son exemple de vie.» Jérôme [écrit] : «Les apôtres sont appelés SEL parce que par eux tout le genre humain est assaisonné.»

716. Trois choses sont notées ici. Premièrement, leur devoir et celui de tous les apôtres, quand il dit : VOUS ÊTES LE SEL DE LA TERRE ; deuxièmement leur péril, quand il dit : SI LE SEL S’ÉVANOUIT ; troisièmement leur supplice, quand il dit : IL NE SERT PLUS À RIEN.

717. Ils sont comparés au sel en raison de sa force, en raison de son origine, et en raison de l’habitude. En raison de sa force, car il a d’abord la vertu de donner du goût en assaisonnant les aliments. De même, la conversation des apôtres donnait du goût aux esprits insipides, Col 4, 6 : Que votre langage soit toujours plein de grâce et de sel [de sorte que vous sachiez comment il faut répondre à chacun]. Deuxièmement, [le sel] a la vertu de dessécher. Augustin [dit] ainsi : «Le sel rend la terre stérile.» De même les apôtres, ayant détruit le royaume du péché, réprimaient le germe des vices, Sg 3, 13 : Heureuse la stérile qui est sans souillure, qui n’a pas connu de lit coupable : elle aura du fruit à l’examen des âmes saintes.

718. Troisièmement, il a une vertu astringente. Augustin [dit] ainsi : «Le sel dessèche les chairs.» De même, les hommes charnels eux-mêmes restreignaient leurs désirs, 1 P 2, 11 : Je vous en conjure, abstenez-vous de désirs charnels. Quatrièmement, [le sel] a une vertu purifiante. Augustin [écrit] : «Le sel préserve des vers et de la putréfaction.» De même la prédication de la parole divine détourne de la putréfaction des vices, Rm 6, 12 : Que le péché ne règne pas dans votre corps mortel de sorte que vous obéissiez à ses désirs. Cinquièmement, il a une vertu guérissante. Par exemple, on voit en 2 R 2, 19 22 qu’Élisée, ayant mis du sel dans un vase neuf, assainit les eaux de Jéricho. De même le sel de la sagesse céleste ayant été répandu dans le cœur des apôtres, les eaux – c’est-à-dire les peuples – ont été assainies. Ps 106, 20 : Il a envoyé sa parole, et il vous a guéris.

719. Ils sont comparés au sel en raison de son origine, car le sel est fait à partir de l’eau de mer et avec la chaleur du feu ou du soleil, et les apôtres ont été faits à partir de l’eau de la tribulation, et avec la chaleur de l’amour, Ps 5, 12 : Nous sommes passés par le feu et par l’eau ; Lm 1, 13 : Du ciel il a envoyé le feu dans mes os. [Ils sont comparés au sel aussi] en raison de l’habitude, car on l’utilisait dans tous les sacrifices. Lv 2, 13 : Tu saleras toute oblation que tu offriras. Ainsi c’était un usage honorable, en secret ou ouvertement, devant Dieu et devant le prochain. Rm 12, 17 : Veillant au bien non seulement devant Dieu mais aussi devant les hommes.

720. SI LE SEL S’ÉVANOUIT, DANS QUOI LE SALERA-T-ON ? Ici est montré leur péril. Il dit : SI LE SEL (c’est-à-dire le prédicateur, ou le supérieur, ou le docteur) S’ÉVANOUIT. On dit que LE SEL S’ÉVANOUIT de trois façons : [premièrement] par la liquéfaction, qui arrive par l’humide et le froid ; deuxièmement, par l’affadissement ; troisièmement, il s’évanouit quand il est totalement absent.

721. Expose donc les trois façons ainsi. S’IL S’ÉVANOUIT, c’est-à-dire s’il se dissout dans le froid, dans la peur de l’adversité, ou dans l’humidité de la prospérité, DANS QUOI LE SALERA-T-ON ? C’est-à-dire, avec quoi le peuple sera-t-il informé sur les bonnes mœurs ? Ou bien, S’IL S’ÉVANOUIT, c’est-à-dire s’il devient fade, en déviant de la vérité, DANS QUOI, c’est-à-dire par qui le peuple sera-t-il instruit, selon Bède ? Lm 4, 4 : Les petits enfants ont demandé du pain et il n’y avait personne pour leur en rompre. Ou bien, S’IL S’ÉVANOUIT, c’est-à-dire s’il est complètement absent, DANS QUOI LE SALERA-T-ON ? C’est-à-dire, de quelle sorte de pénitence le peuple sera-t-il assaisonné ? Jr 30, 12 : Incurable ta fracture, très grave ta plaie !

722. Sur tout cela, Jérôme [dit] : «Le sel s’évanouit en s’écoulant dans la cupidité, en succombant à la timidité, en détruisant par l’erreur, exalté par la prospérité, déprimé par l’adversité.»

723. IL NE SERT PLUS À RIEN. Ici est noté leur supplice. Trois choses sont abordées. Premièrement, l’annihilation de leur valeur par la soustraction de la grâce, 1 Co 15, 10 : C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, [et sa grâce à mon égard n’a pas été stérile]. Et à ce propos il dit : IL NE SERT PLUS À RIEN, parce que, comme dit Bède, «par son onction, il empêche la germination et ne permet pas la fertilité.» Lc 14, 35 : Il n’est utile ni sur la terre, ni sur le fumier. Deuxièmement, la perte de leur gloire par la défaillance et la négligence ; c’est pourquoi est ajouté : QU’À ÊTRE JETÉ DEHORS, c’est-à-dire hors de l’Église, ou hors du paradis, ou privé de la fonction d’enseigner. Ap 22, 15 : Dehors les chiens, les sorciers, les impudiques, les homicides, les idolâtres, et tous ceux qui aiment et pratiquent le mensonge ; Jn 15, 6 : Il sera jeté dehors comme le sarment et il se dessèchera, [on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent]. Troisièmement, la condamnation à la géhenne à cause de l’accumulation de mauvaises actions. C’est pourquoi il ajoute : ET À ÊTRE PIÉTINÉ PAR LES HOMMES, c’est-à-dire par les démons, car le démon est parfois appelé «homme», comme en Ps 117[118], 6 : [Dieu est pour moi], plus de crainte. Que me fait l’homme, à moi ? La Glose [dit] : «C’est-à-dire le diable.» Ou bien À ÊTRE PIÉTINÉ PAR LES HOMMES, c’est-à-dire à être piétiné en même temps que les autres, ou projeté par-dessous les autres dans le profond de l’enfer. Ml 3, 21 : Vous piétinerez les méchants, car ils seront de la cendre sous la plante de vos pieds. Jb 20, 25 : Ils vont et viennent sur lui, horribles. Ou bien À ÊTRE PIÉTINÉ PAR LES HOMMES, c’est-à-dire à être moqué par les hommes charnels, Os 4, 9 : Il en sera du prêtre comme du peuple. La Glose [dit] : «À être moqué par les hommes.» Or, celui qui souffre persécution est moqué par les hommes ; il est donc piétiné.

724. À l’encontre, Augustin et Raban [disent] : «Celui qui souffre persécution n’est pas piétiné.» Réponse : être piétiné ne se dit que pour celui qui est inférieur, et c’est pourquoi celui qui souffre persécution, bien que sur terre il subisse beaucoup d’épreuves en son corps et soit moqué par les méchants, cependant comme il est établi au ciel par le cœur, on ne dit pas qu’il est piétiné. Ainsi parlent Augustin et Raban.
Louis-Claude Fillion
Le sel a deux propriétés bien connues : il empêche la corruption, il assaisonne les mets et les rend agréables à manger. Les apôtres de Jésus sont tenus de reproduire ces deux précieuses qualités. Il faut qu’ils s’opposent à la corruption spirituelle que le péché produit dans les âmes ; il faut qu’ils communiquent aux hommes la sagesse, cette saveur morale, qui plaît tant à Dieu. La terre habitée était alors, comme nous l’apprend l’histoire de ces temps, une masse en putréfaction : Jésus daigne jeter ses disciples au milieu d’elle comme un sel qui pourra la sauver encore en arrêtant la marche du mal. Tite-Live disait aussi de la Grèce qu’elle était le « sel des nations » ; mais la parole du Seigneur a un sens bien différent ! - Si le sel s'affadit. Le verbe qu’on lit dans le texte grec d’après la leçon la plus accréditée, se dit des hommes, il signifie à la forme passive « être insensé » ; appliqué aux choses, il désigne la fadeur, le manque de goût. On a nié parfois que le sel pût devenir insipide ; c’est pourtant un fait parfaitement constaté et qu’attestent tour à tour les anciens et les modernes. Pline l’Ancien parle du « sel insipide, fondu » qui a perdu sa saveur sous l’influence de l’air, de l’humidité, etc. Plusieurs voyageurs, entre autres Maundrel et Thomson, ont vu de leurs propres yeux en Orient de grandes quantités de sel complètement affadi. Peu importe d’ailleurs ; car là n’est pas la question, Jésus parlant d’une manière purement hypothétique. Il s’agit avant tout de savoir à quoi pourra servir le « sel insipide », comme l’appelle S. Marc, 9, 50. - Avec quoi le salera-t-on. Avec quoi pourra-t-on saler le sel gâté ? (car c’est « sel » sous-entendu qui est le sujet du verbe « salera »). Le mal est sans remède ; rien ne saurait restituer au sel sa saveur une fois disparue. L’application aux disciples de Jésus est aisée : Si par la peur des persécutions temporelles, vous, par qui les peuples doivent être salés, perdez le royaume des cieux, quels seront les hommes que vous libérerez de leur erreur, puisque c’est vous que Dieu a choisis pour libérer les autres de leur erreur », Saint Augustin de Serm. Dom. « Si un docteur erre, par quel autre docteur sera-t-il instruit ? » Saint Jérôme. A coup sûr, dans l’application il n’est question que d’une grande difficulté, non d’une impossibilité réelle. - Jeté dehors et foulé aux pieds ; conformément à l’usage oriental - de jeter pêle-mêle au milieu de la rue les immondices ou rebuts du ménage dont on veut se débarrasser ; les pieds des passant triturent ce mélange. Le châtiment terrible des apôtres infidèles à leur mission est indiqué par là-même ; en les réprouvant, Dieu se vengera de leur inutilité. La conclusion est claire : s’ils veulent éviter ce malheur, il faut qu’ils emploient avec un saint zèle toutes leurs forces spirituelles pour gagner le monde à Dieu.
Catéchisme de l'Église catholique
– Sa mission, c’est d’être le sel de la terre et la lumière du monde (cf. Mt 5, 13-16). " Il constitue pour tout le genre humain le germe le plus fort d’unité, d’espérance et de salut ".

Cette demande est portée et exaucée dans la prière de Jésus (cf. Jn 17, 17-20), présente et efficace dans l’Eucharistie ; elle porte son fruit dans la vie nouvelle selon les Béatitudes (cf. Mt 5, 13-16 ; 6, 24 ; 7, 12-13).