Matthieu 5, 17
« Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir.
« Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir.
632. NE PENSEZ PAS [QUE JE SUIS VENU ABOLIR LA LOI OU LES PROPHÈTES]. Note ici que le Seigneur a accompli la loi de cinq façons : premièrement, parce qu’il a accompli lui-même ce qui était préfiguré, Lc 22, 37 : Il faut que s’accomplisse [en moi ceci qui est écrit] ; deuxièmement, en observant les prescriptions légales, Ga 4, 4 : Quand fut venue la plénitude [du temps, Dieu envoya son Fils] ; troisièmement, en opérant par la grâce, c’est-à-dire en sanctifiant par l’Esprit Saint, ce que la loi ne pouvait faire, Rm 8, 3 : Car ce qui était impossible [à la loi, Dieu en envoyant son Fils, etc.] ; quatrièmement, en satisfaisant pour les péchés par lesquels nous étions devenus transgresseurs de la loi : la transgression enlevée, il accomplit la loi, Rm 3, 25 : Lui que Dieu a exposé comme propitiation ; cinquièmement, en ajoutant à la loi des parachèvements qui portaient soit sur le sens de la loi, soit pour une plus grande perfection de la justice.
633. Note que la loi est abolie de trois façons : en la niant totalement, en l’expliquant mal, ou en n’accomplissant pas la morale.
634. NE PENSEZ PAS…Une fois exposé le bonheur à quoi tend son enseignement, le Christ commence ici à faire connaître son enseignement. Premièrement, il découvre son intention ; deuxièmement, il propose la règle et les préceptes de son enseignement, en cet endroit : CAR JE VOUS DIS, [JUSQU’À CE QUE PASSENT CIEL ET TERRE, etc.].
635. À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, il rejette l’opinion reçue ; deuxièmement, il établit parallèlement la vérité, en cet endroit : JE NE SUIS PAS VENU [ABOLIR MAIS ACCOMPLIR].
636. Le Seigneur avait dit aux apôtres [5, 11] : HEUREUX SEREZ-VOUS QUAND ON VOUS INSULTERA, etc. Les apôtres pouvaient donc se douter que l’enseignement qu’ils auraient à transmettre serait tel qu’ils devraient se cacher. Comme si le Christ disait quelque chose contre la loi ! C’est pourquoi le Seigneur exclut cette [hypothèse] en disant : NE PENSEZ PAS QUE, etc. En outre, c’est parce qu’on pourrait dire que nul autre prophète, après Moïse qui l’a donnée, n’a aboli la loi, que le Seigneur a dit que lui allait l’amplifier, d’où : MAIS L’ACCOMPLIR. Car nul ne l’a accomplie.
637. Note que cette parole est très efficace contre ceux qui condamnent la loi comme si elle venait du diable, 1 Jn 3, 8 : [C’est pour détruire les œuvres du diable] que le Fils de Dieu est apparu. Mais lui-même confesse : JE NE SUIS PAS VENU ABOLIR LA LOI. Elle n’est donc pas l’œuvre du diable. C’est par cet argument que quelqu’un fut converti à la foi et devint frère prêcheur.
638. C’est pourquoi les manichéens détestent beaucoup ce chapitre, et Faustus a fait beaucoup d’objections, selon Augustin, et toutes les objections se ramènent à trois. D’abord à partir de l’autorité de la loi, car il est dit en Dt 4, 2 : On n’ajoutera rien à la parole que je vous dis, et on ne retranchera rien. Or, le Christ a ajouté. Donc il a agi contre la loi. Deuxièmement, aussi en He 8, 13 : En disant «alliance nouvelle» il a rendu caduque la première, etc. Or, le Christ a dit qu’il instituait une nouvelle loi, Mt 26, 28 : Ceci est mon sang, [le sang de l’alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés]. Donc il a détruit l’ancienne. Troisièmement, Jn 13, 15 : Je vous ai donné l’exemple [pour que vous fassiez vous aussi comme j’ai fait pour vous]. Donc toute action du Christ est un véritable enseignement. S’il accomplit, nous devons donc nous aussi accomplir : en conséquence, nous devons être circoncis et observer toutes les prescriptions légales. Cette [objection] est commune aux nazaréens et aux manichéens. Faustus disait que soit ces paroles n’ont pas été dites par Jésus mais par Matthieu qui n’a pas assisté au sermon, et que Jean qui y était n’en a pas parlé ; soit si le Christ [les] a dites et Matthieu écrites, l’évangile s’explique autrement. Car dans l’Écriture sainte, la loi s’entend de trois façons : la loi de Moïse, Rm 7, 6 : Nous sommes libérés de la loi de mort [dans laquelle nous étions détenus, afin de servir dans la nouveauté de l’Esprit, et non dans la vétusté de la lettre] ; la loi naturelle, Rm 2, 14 : Quand des païens qui n’ont pas de loi [font naturellement ce que dit la loi, bien que n’ayant pas de loi ils sont à eux-mêmes une loi] ; la loi de vérité, Rm 8, 2 : La loi de l’Esprit [de la vie en Jésus Christ m’a libéré de la loi de péché et de mort].
639. Ainsi il y a donc trois preuves [tirées] de l’ancienne loi, de la loi naturelle, Tt 1, 12 : L’un d’eux, leur propre prophète, a dit : «Crétois, [perpétuels menteurs»], etc., [et de la loi] de vérité, Mt 23, 24 : Voici, j’envoie vers vous [des prophètes, des sages et des scribes].
640. Ce qu’il dit ici, JE NE SUIS PAS VENU, etc., doit donc être compris de la loi naturelle ou de vérité, qui se trouve aussi chez certains anciens pères. Un signe de cela, c’est que le Seigneur, quand il parlait des préceptes, paraissait en approuver certains, et d’autres non, en tout cas ceux qui sont propres à la loi de Moïse, comme celui-ci : Oeil pour œil, et d’autres du même genre.
641. Mais voici les objections d’Augustin à ces [arguments]. Premièrement, quiconque nie quelque chose de l’Evangile, pourra, avec une raison égale, nier n’importe quoi d’autre et ainsi annuler l’Écriture ; mais un homme de foi doit croire tout ce qui est dans l’Écriture. Deuxièmement, ce que dit [Faustus] : «Il parle d’une autre loi et [d’autres] prophètes», est faux car, dans tout le Nouveau Testament, il est question partout de la loi, comprise comme la loi de Moïse, Rm 9, 4 : À qui appartiennent [l’adoption filiale, la gloire, les alliances], la législation, [le culte, les promesses] ? Le Seigneur, lui aussi, parle donc d’elle. Par conséquent, il faut voir d’abord comment le Christ est venu accomplir la loi et ensuite nous résoudrons les arguments.
642. Il faut donc savoir que le Christ a accompli la loi et les prophètes de cinq façons. Premièrement, parce que ce qui était préfiguré dans la loi et les prophètes à propos du Christ, il l’a accompli en acte, Lc 24, 44 : Il faut que s’accomplisse [tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes] ; deuxièmement, en observant les prescriptions légales à la lettre, Ga 4, 4 : Quand vint la plénitude [du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la loi] ; troisièmement, en faisant grâce, ce que la loi naturelle ne pouvait faire, car toute loi est faite pour que nous soyons rendus justes, mais le Christ a fait cela par l’Esprit Saint, Rm 8, 3 : Car ce qui était impossible à la loi, [impuissante du fait de la chair, Dieu en envoyant son Fils avec une chair semblable à celle du péché, etc.] ; quatrièmement, selon Augustin, en satisfaisant pour les péchés par lesquels nous étions devenus transgresseurs de la loi, et par conséquent, en enlevant la transgression, on dit qu’il a accompli la loi, Rm 3, 25 : Lui que Dieu a exposé comme propitiation, etc. ; cinquièmement, en ajoutant à la loi des parachèvements, soit sur le sens de la loi, soit pour une plus grande perfection de la justice, He 7, 19 : [Car la loi] n’a [amené] personne à la perfection.
643. Et telle paraît être l’intention du Christ, car après avoir mentionné toutes les prescriptions légales, il a ajouté : SOYEZ PARFAITS COMME VOTRE PÈRE CÉLESTE EST PARFAIT (5, 48).
644. Donnons donc aux arguments de Faustus la même solution qu’Augustin. À [l’argument] : On n’ajoutera pas de parole (Dt 4, 2), il faut dire que le Christ n’a pas ajouté mais expliqué. En effet, eux comprenaient [que Dieu parlait] de l’acte d’homicide quand il a dit : Tu ne tueras pas, mais le Christ a expliqué qu’il a interdit aussi la haine et la colère. Et à [cet argument] : En disant «alliance nouvelle», il rend caduque la première (He 8, 13), il faut dire que cette «nouvelle» [alliance] est la même, car celle-là était la figure et celle-ci [est] l’accomplissement des figures. À [l’argument] que nous devons respecter les observances, il faut dire qu’on peut signifier quelque chose par des façons de parler et des figures, mais que, quel que soit le mode d’expression, le sens n’est pas différent. Avant que le Christ naisse, on a pu dire : « Le Christ va naître et mourir», et maintenant on dit : «Le Christ est né», et des choses de ce genre, et pourtant cela est exprimé sous forme de figure, parce que le fait passé et le fait futur sont énoncés avec des mots différents. C’est pourquoi ce qui est signifié en images comme devant avoir lieu, une fois que cela a eu lieu, on l’exprime en tant que fait présent par des images nouvelles, c’est-à-dire les sacrements de la nouvelle loi. C’est pourquoi le Christ, bien qu’il ait accompli [la loi], cependant, parce que la vérité est déjà venue, quiconque [l’observerait] ferait injure à la vérité. C’est donc ainsi que se comprend : JE NE SUIS PAS VENU ABOLIR.
633. Note que la loi est abolie de trois façons : en la niant totalement, en l’expliquant mal, ou en n’accomplissant pas la morale.
634. NE PENSEZ PAS…Une fois exposé le bonheur à quoi tend son enseignement, le Christ commence ici à faire connaître son enseignement. Premièrement, il découvre son intention ; deuxièmement, il propose la règle et les préceptes de son enseignement, en cet endroit : CAR JE VOUS DIS, [JUSQU’À CE QUE PASSENT CIEL ET TERRE, etc.].
635. À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, il rejette l’opinion reçue ; deuxièmement, il établit parallèlement la vérité, en cet endroit : JE NE SUIS PAS VENU [ABOLIR MAIS ACCOMPLIR].
636. Le Seigneur avait dit aux apôtres [5, 11] : HEUREUX SEREZ-VOUS QUAND ON VOUS INSULTERA, etc. Les apôtres pouvaient donc se douter que l’enseignement qu’ils auraient à transmettre serait tel qu’ils devraient se cacher. Comme si le Christ disait quelque chose contre la loi ! C’est pourquoi le Seigneur exclut cette [hypothèse] en disant : NE PENSEZ PAS QUE, etc. En outre, c’est parce qu’on pourrait dire que nul autre prophète, après Moïse qui l’a donnée, n’a aboli la loi, que le Seigneur a dit que lui allait l’amplifier, d’où : MAIS L’ACCOMPLIR. Car nul ne l’a accomplie.
637. Note que cette parole est très efficace contre ceux qui condamnent la loi comme si elle venait du diable, 1 Jn 3, 8 : [C’est pour détruire les œuvres du diable] que le Fils de Dieu est apparu. Mais lui-même confesse : JE NE SUIS PAS VENU ABOLIR LA LOI. Elle n’est donc pas l’œuvre du diable. C’est par cet argument que quelqu’un fut converti à la foi et devint frère prêcheur.
638. C’est pourquoi les manichéens détestent beaucoup ce chapitre, et Faustus a fait beaucoup d’objections, selon Augustin, et toutes les objections se ramènent à trois. D’abord à partir de l’autorité de la loi, car il est dit en Dt 4, 2 : On n’ajoutera rien à la parole que je vous dis, et on ne retranchera rien. Or, le Christ a ajouté. Donc il a agi contre la loi. Deuxièmement, aussi en He 8, 13 : En disant «alliance nouvelle» il a rendu caduque la première, etc. Or, le Christ a dit qu’il instituait une nouvelle loi, Mt 26, 28 : Ceci est mon sang, [le sang de l’alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés]. Donc il a détruit l’ancienne. Troisièmement, Jn 13, 15 : Je vous ai donné l’exemple [pour que vous fassiez vous aussi comme j’ai fait pour vous]. Donc toute action du Christ est un véritable enseignement. S’il accomplit, nous devons donc nous aussi accomplir : en conséquence, nous devons être circoncis et observer toutes les prescriptions légales. Cette [objection] est commune aux nazaréens et aux manichéens. Faustus disait que soit ces paroles n’ont pas été dites par Jésus mais par Matthieu qui n’a pas assisté au sermon, et que Jean qui y était n’en a pas parlé ; soit si le Christ [les] a dites et Matthieu écrites, l’évangile s’explique autrement. Car dans l’Écriture sainte, la loi s’entend de trois façons : la loi de Moïse, Rm 7, 6 : Nous sommes libérés de la loi de mort [dans laquelle nous étions détenus, afin de servir dans la nouveauté de l’Esprit, et non dans la vétusté de la lettre] ; la loi naturelle, Rm 2, 14 : Quand des païens qui n’ont pas de loi [font naturellement ce que dit la loi, bien que n’ayant pas de loi ils sont à eux-mêmes une loi] ; la loi de vérité, Rm 8, 2 : La loi de l’Esprit [de la vie en Jésus Christ m’a libéré de la loi de péché et de mort].
639. Ainsi il y a donc trois preuves [tirées] de l’ancienne loi, de la loi naturelle, Tt 1, 12 : L’un d’eux, leur propre prophète, a dit : «Crétois, [perpétuels menteurs»], etc., [et de la loi] de vérité, Mt 23, 24 : Voici, j’envoie vers vous [des prophètes, des sages et des scribes].
640. Ce qu’il dit ici, JE NE SUIS PAS VENU, etc., doit donc être compris de la loi naturelle ou de vérité, qui se trouve aussi chez certains anciens pères. Un signe de cela, c’est que le Seigneur, quand il parlait des préceptes, paraissait en approuver certains, et d’autres non, en tout cas ceux qui sont propres à la loi de Moïse, comme celui-ci : Oeil pour œil, et d’autres du même genre.
641. Mais voici les objections d’Augustin à ces [arguments]. Premièrement, quiconque nie quelque chose de l’Evangile, pourra, avec une raison égale, nier n’importe quoi d’autre et ainsi annuler l’Écriture ; mais un homme de foi doit croire tout ce qui est dans l’Écriture. Deuxièmement, ce que dit [Faustus] : «Il parle d’une autre loi et [d’autres] prophètes», est faux car, dans tout le Nouveau Testament, il est question partout de la loi, comprise comme la loi de Moïse, Rm 9, 4 : À qui appartiennent [l’adoption filiale, la gloire, les alliances], la législation, [le culte, les promesses] ? Le Seigneur, lui aussi, parle donc d’elle. Par conséquent, il faut voir d’abord comment le Christ est venu accomplir la loi et ensuite nous résoudrons les arguments.
642. Il faut donc savoir que le Christ a accompli la loi et les prophètes de cinq façons. Premièrement, parce que ce qui était préfiguré dans la loi et les prophètes à propos du Christ, il l’a accompli en acte, Lc 24, 44 : Il faut que s’accomplisse [tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes] ; deuxièmement, en observant les prescriptions légales à la lettre, Ga 4, 4 : Quand vint la plénitude [du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la loi] ; troisièmement, en faisant grâce, ce que la loi naturelle ne pouvait faire, car toute loi est faite pour que nous soyons rendus justes, mais le Christ a fait cela par l’Esprit Saint, Rm 8, 3 : Car ce qui était impossible à la loi, [impuissante du fait de la chair, Dieu en envoyant son Fils avec une chair semblable à celle du péché, etc.] ; quatrièmement, selon Augustin, en satisfaisant pour les péchés par lesquels nous étions devenus transgresseurs de la loi, et par conséquent, en enlevant la transgression, on dit qu’il a accompli la loi, Rm 3, 25 : Lui que Dieu a exposé comme propitiation, etc. ; cinquièmement, en ajoutant à la loi des parachèvements, soit sur le sens de la loi, soit pour une plus grande perfection de la justice, He 7, 19 : [Car la loi] n’a [amené] personne à la perfection.
643. Et telle paraît être l’intention du Christ, car après avoir mentionné toutes les prescriptions légales, il a ajouté : SOYEZ PARFAITS COMME VOTRE PÈRE CÉLESTE EST PARFAIT (5, 48).
644. Donnons donc aux arguments de Faustus la même solution qu’Augustin. À [l’argument] : On n’ajoutera pas de parole (Dt 4, 2), il faut dire que le Christ n’a pas ajouté mais expliqué. En effet, eux comprenaient [que Dieu parlait] de l’acte d’homicide quand il a dit : Tu ne tueras pas, mais le Christ a expliqué qu’il a interdit aussi la haine et la colère. Et à [cet argument] : En disant «alliance nouvelle», il rend caduque la première (He 8, 13), il faut dire que cette «nouvelle» [alliance] est la même, car celle-là était la figure et celle-ci [est] l’accomplissement des figures. À [l’argument] que nous devons respecter les observances, il faut dire qu’on peut signifier quelque chose par des façons de parler et des figures, mais que, quel que soit le mode d’expression, le sens n’est pas différent. Avant que le Christ naisse, on a pu dire : « Le Christ va naître et mourir», et maintenant on dit : «Le Christ est né», et des choses de ce genre, et pourtant cela est exprimé sous forme de figure, parce que le fait passé et le fait futur sont énoncés avec des mots différents. C’est pourquoi ce qui est signifié en images comme devant avoir lieu, une fois que cela a eu lieu, on l’exprime en tant que fait présent par des images nouvelles, c’est-à-dire les sacrements de la nouvelle loi. C’est pourquoi le Christ, bien qu’il ait accompli [la loi], cependant, parce que la vérité est déjà venue, quiconque [l’observerait] ferait injure à la vérité. C’est donc ainsi que se comprend : JE NE SUIS PAS VENU ABOLIR.
Le Sauveur s’adresse de nouveau à tout son auditoire, pour
contredire deux fausses attentes qui régnaient alors en Palestine touchant l’œuvre du Messie. Il y avait les
fausses espérances du libéralisme sadducéen, qui souhaitait ardemment la destruction totale des institutions
mosaïques ; il y avait les fausses craintes du Pharisaïsme étroit et rigoureux, qui redoutait au contraire ce
bouleversement et qui aurait même voulu que le Christ resserrât encore les liens primitifs du Judaïsme. Au
commencement de son ministère, il importe à Jésus d’éviter toute mésintelligence, et d’éclairer les esprits sur
la nature des réformes qu’il apporte. Il déclare donc solennellement que s’il prépare du nouveau, ce nouveau,
bien loin de détruire l’ancien, s’établira au contraire sur lui comme une base naturelle. - Abolir, expression toute classique, synonyme d’abroger, d’annuler, - La Loi, la Thora des Juifs prise dans son entier : c’est à tort
en effet qu’on a distingué quelquefois ici les parties cérémoniales ou judiciaires de la Loi de ses parties
morales. Jésus ne fait aucune distinction, aucune exception. Prenant la Loi de Moïse telle qu’elle existait, il
assure qu’il n’en détruira pas un iota ; et nous verrons bientôt que, selon l’ingénieuse comparaison de
Théophylacte, il n’a pas plus effacé les prescriptions secondaires, exclusivement juives, de la Loi, qu’un
peintre n’efface un croquis fait au charbon quand il y passe des couleurs. - Ou les Prophètes. Cette locution,
« les Prophètes », était souvent employée pour indiquer tous les autres livres de l’Ancien Testament ; Cf. 7,
12 ; 22, 40 ; Luc. 16, 16 ; Act. 28, 23. La Loi, c’était l’Ancien Testament en tant qu’il commande ; les
Prophètes, l’Ancien Testament en tant qu’il prédit. De la sorte on déterminait très bien toute la Bible et par
là-même la religion nationale des Juifs dont elle était le code. - Accomplir. Dans le texte grec, le verbe ne
signifie pas précisément « accomplir » (Bretschneider et Fritzsche : « réaliser ce qui a été écrit du Messie » ;
Kaeuffer : « satisfaire à la loi ») ni « consolider » (Kuinoel : stabiliser par l'enseignement et la vie »). Son
véritable sens est « perfectionner, développer », comme le prouvent les exemples cités plus loin par Jésus.
Le Christ affirme donc que, bien loin de vouloir se mettre en opposition directe avec l’ancienne Alliance, il
ne vient au contraire (remarquez l’insistance avec laquelle il appuie sur cette idée, « venu... pas venu ») que
pour l’embellir et la ramener à son idéal. Les Pharisiens, ces amis outrés de la Loi, auront beau l’accuser lui
ou ses disciples d’être des révolutionnaires, Cf. Matth. 26, 61 ; Act. 6, 14 ; 21, 21 ; les Gnostiques, ces
ennemis acharnés de la religion juive, auront beau changer sa parole d’une manière sacrilège, afin de lui faire
dire qu’il était venu non pas pour accomplir mais pour anéantir ; l’histoire de sa vie, l’histoire de son Église
sont là pour montrer que son assertion n’était pas un vain mot. Il réalisera ce qui n’était que figure, il mettra
une substance à la place des ombres, il transfigurera ce qui avait vieilli ; mais aucune de ces évolutions ne
doit être confondue avec la destruction proprement dite ; ou bien, c’est la destruction de la fleur par le fruit,
du germe rudimentaire par la plante parvenue à sa pleine croissance. En retenant ce principe, il est facile
d’harmoniser notre passage avec d’autres paroles de Jésus ou des apôtres, qui semblent à première vue le
contredire ; Cf. 11, 13 ; Gal. v. 2 ; Hebr. 7, 12.
Inspirateur et auteur des livres de l’un et l’autre Testament, Dieu les a en effet sagement disposés de telle sorte que le Nouveau soit caché dans l’Ancien et que, dans le Nouveau, l’Ancien soit dévoilé. Car, même si le Christ a fondé dans son sang la Nouvelle Alliance (cf. Lc 22, 20 ; 1 Co 11, 25) , néanmoins les livres de l’Ancien Testament, intégralement repris dans le message évangélique, acquièrent et manifestent leur complète signification dans le Nouveau Testament (cf. Mt 5, 17 ; Lc 24, 27 ; Rm 16, 25-26 ; 2 Co 3, 14-16) , auquel ils apportent en retour lumière et explication.
N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir. Car je vous le dis en vérité, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui donc qui violera l’un de ces moindres préceptes, sera tenu pour moindre dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume de cieux " (Mt 5, 17-19).
Jésus n’a pas aboli la Loi du Sinaï, mais Il l’a accomplie (cf. Mt 5, 17-19) avec une telle perfection (cf. Jn 8, 46) qu’Il en révèle le sens ultime (cf. Mt 5, 33) et qu’Il rachète les transgressions contre elle (cf. He 9, 15).
La Loi évangélique " accomplit " (cf. Mt 5, 17-19), affine, dépasse et mène à sa perfection la Loi ancienne. Dans les " Béatitudes ", elle accomplit les promesses divines en les élevant et les ordonnant au " Royaume des cieux ". Elle s’adresse à ceux qui sont disposés à accueillir avec foi cette espérance nouvelle : les pauvres, les humbles, les affligés, les cœurs purs, les persécutés à cause du Christ, traçant ainsi les voies surprenantes du Royaume.
La Loi s'accomplit dans l'histoire de Jésus de Nazareth, et le cœur nouveau est donné par son Esprit. En effet, Jésus ne renie pas la Loi mais il l'accomplit (cf. Mt 5, 17): la Loi et les Prophètes se résument dans la règle d'or de l'amour mutuel (cf. Mt 7, 12). En Jésus, la Loi devient définitivement « évangile », bonne nouvelle de la seigneurie de Dieu sur le monde, qui rapporte toute l'existence à ses racines et à ses perspectives originelles. C'est la Loi nouvelle, « la loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus » (Rm 8, 2), dont l'expression fondamentale, à l'imitation du Seigneur qui donne sa vie pour ses amis (cf. Jn 15, 13), est le don de soi dans l'amour pour les frères: « Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères » (1 Jn 3, 14). C'est une loi de liberté, de joie et de béatitude.
Dans le « Discours sur la Montagne », qui constitue lamagna carta de la morale évangélique, Jésus dit : « N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi et les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5, 17). Le Christ est la clé des Ecritures : « Vous scrutez les Ecritures, 1 ce sont elles qui me rendent témoignage » (Jn 5, 39) ; il est le centre de l'économie du salut, la récapitulation de l'Ancien et du Nouveau Testament, des promesses de la Loi et de leur accomplissement dans l'Evangile ; il est le lien vivant et éternel entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance. Commentant l'affirmation de Paul « la fin de la loi, c'est le Christ » (Rm 10, 4), saint Ambroise écrit : « Fin, non en tant qu'absence, mais en tant que plénitude de la Loi : elle s'accomplit dans le Christ (plenitudo legis in Christo est), du fait qu'il est venu non pour supprimer la Loi, mais pour la porter à son accomplissement. De la même manière qu'il y a un Ancien Testament, et que toute vérité cependant se trouve dans le Nouveau Testament, ainsi en est-il de la Loi : celle qui a été donnée par l'intermédiaire de Moïse est la figure de la vraie Loi. Donc, la Loi mosaïque est le prototype de la vérité »