Matthieu 5, 18

Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise.

Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise.
Saint Thomas d'Aquin
645. AMEN, JE VOUS DIS, [AVANT QUE PASSENT CIEL ET TERRE, PAS UN IOTA, PAS UN PETIT TRAIT NE DISPARAÎTRA DE LA LOI, QUE TOUT NE SE RÉALISE.] Ici est abordée la raison de l’accomplissement, et elle paraît donner trois justifications : la première, à cause de l’immuabilité de la loi ; la deuxième, à cause de la peine encourue par ceux qui la violent ; la troisième, à cause de la récompense de ceux qui l’accomplissent. Le second point [se trouve] en cet endroit : QUI VIOLERA. Le troisième, en cet endroit : QUI FERA ET ENSEIGNERA.

646. [Le Seigneur] dit donc : AMEN, et il faut savoir que dans l’ancienne loi furent préfigurés tous les mystères du Christ, mais, comme dit Am 3, 7 : Le Seigneur ne fait rien dont il n’ait révélé [le secret à ses serviteurs les prophètes]. Les mystères du Christ dureront donc jusqu’à la fin ultime, Mt 28, 20 : Voici, je suis avec vous [pour toujours jusqu’à la fin du monde]. Les mystères des prophètes n’ont donc pas été tous accomplis par la première venue du Christ ; non, ils s’accompliront jusqu’à la fin du monde. Et ce qu’il a dit ne peut être changé, Nb 23, 19 : Est-ce le Seigneur qui a dit et ne fait pas ? Si la loi a prédit ce qui va arriver, il faut aussi que cela arrive nécessairement. C’est pourquoi il dit : AMEN, JE VOUS DIS, c’est-à-dire tout s’accomplira successivement jusqu’à la fin du monde. Il faut savoir qu’AMEN est de l’hébreu, et aucun traducteur, par respect pour ce mot que le Seigneur employait souvent, n’a osé le changer. Tantôt il est pris comme nom, AMEN, « en vérité » ; tantôt, comme ici, il est un adverbe, «vraiment» ; tantôt il signifie «ainsi soit-il», comme dans le psaume, Ps 40, 14, où, au lieu de «ainsi soit-il», nous [disons] en hébreu amen. C’est pourquoi on dit ce vers : Pour « vrai, vraiment, ainsi soit-il », on dit : Amen.

Ici, le Seigneur éveille donc l’attention de l’auditoire.

647. JUSQU’À CE QUE PASSENT, non selon la substance mais selon la disposition, 1 Co 7, 31 : Car elle passe, la figure [de ce monde] ; 2 P 3, 12 : [L’avènement du jour de Dieu où] les cieux enflammés [se dissoudront et où les éléments embrasés se fondront].

JUSQU’ À CE QUE : jusqu’à la fin du monde.

648. IOTA. Iota en grec est la lettre que nous appelons i. En hébreu, on l’appelle yod. Iota en grec représente le i, et c’est la neuvième lettre (car chaque lettre représente quelque nombre). Elle tend donc à la perfection du décalogue, et c’est peut-être pour cela qu’il a mis IOTA plutôt que yod, de l’avis des saints.

649. On met de petits signes au-dessus des lettres, tant en hébreu qu’en grec, mais pour des raisons différentes, car en hébreu, aleph se prononce tantôt a tantôt é, et on s’y reconnaît grâce à des points, et c’est eux qu’on appelle [en latin] apex [« petit trait »]. En grec, les signes qu’on met au-dessus des lettres servent à distinguer les aspirations et les accents [toniques], et ces signes s’appellent aussi apex pour les Grecs. Le Seigneur veut donc dire qu’il n’y a rien, même minime, qui ne doive être accompli.

746. AMEN, JE VOUS DIS, etc. Voici le deuxième point, où il montre que [la loi] doit être accomplie en partie par lui ; c’est pourquoi il dit : AMEN, qui est une affirmation de la vérité. Selon Augustin, c’est un mot hébreu, qui se traduit par «c’est vrai» ou «vraiment». Selon Jérôme, «vraiment», ou «c’est sûr», ou «ainsi soit-il». JE VOUS DIS : JUSQU’À CE QUE (c’est-à-dire avant que) PASSENT CIEL ET TERRE. À l’encontre de cela, Qo 1, 4 : La terre tient pour toujours. Réponse : on ne dit pas que le ciel et la terre passent selon la substance, mais selon la forme, 2 P 3, 10 : Le jour du Seigneur viendra comme un voleur : en ce jour les cieux se dissiperont avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront. Ainsi, JUSQU’À CE QUE PASSENT CIEL ET TERRE, c’est-à-dire jusqu’à ce que les éléments de cette forme sujette au changement accèdent à l’immuabilité, selon la Glose.

747. UN SEUL IOTA. Un iota, c’est la dixième [en fait, la neuvième] lettre grecque. «C’est la plus petite de toutes les lettres, comme dit Augustin, car on la trace avec un seul trait.» UN PETIT TRAIT est un signe, distinct de la lettre elle-même, une espèce de virgule qu’on met au-dessus. Les Hébreux représentent diverses lettres par le même signe, mais ils les distinguent par des points placés au-dessus ou au-dessous. Ces points sont appelés [en latin] apex. Selon Raban, IOTA représente le décalogue. Selon Jérôme, il représente ce qu’on peut imaginer de plus petit dans la loi, comme peut-être l’étaient certaines figures. L’ apex représente la plus petite particule de commandement, ou le plus petit signe de la loi, selon Raban. Il veut donc dire que PAS UN IOTA, c’est-à-dire un des dix commandements, PAS UN PETIT TRAIT, c’est-à-dire le plus petit signe dans la loi, NE DISPARAÎTRA DE LA LOI, QUE TOUT NE SE RÉALISE, c’est-à-dire ne subsistera sans être accompli et parachevé. La Glose [dit] : «Dans la tête ou dans le corps.» Is 28, 22 : Je l’ai entendu : c’est irrévocablement décidé par le Seigneur.
Louis-Claude Fillion
Jésus-Christ corrobore dans les versets 18-20 la protestation qu’il vient de faire. Pour cela, il énonce trois pensées qui sont au fond parallèles à celle du v. 17, mais qui lui servent néanmoins de preuves en la montrant sous différentes faces. - En vérité... L’adverbe « amen », conservé dans la liturgie chrétienne, est un legs que nous a transmis la langue hébraïque. Dérivé du verbe aman, « Il est étayé », puis au figuré, « il est ferme, sûr », Cf. Gesenius, Thesaurus linguæ hebr. s. h. v., il signifie « en vérité, conformément à la vérité », Luc. 9, 27. C’était chez les Juifs une formule imposante par laquelle on attestait la vérité d’une affirmation : elle équivalait, ou peu s’en faut, à un serment. Jésus jure donc en quelque sorte par la vérité incréée, éternelle, de conserver toute la Loi. Nous retrouverons souvent ce mot sur ses lèvres. - Jusqu'à ce que passent ; hébraïsme, pour dire « disparaissent, soient anéantis ». Tandis que tout va et vient et se transforme en ce monde, le ciel et la terre demeurent immobiles dans leur stabilité : de là l’expression populaire de l’Orient « jusqu'à ce que passent le ciel et la terre » pour signifier « toujours » ou « jamais » suivant les circonstances ; Cf. Ps. 71, 5, 7 ; 88, 38 ; Jérem. 33, 20 et 21, etc. Le Sauveur affirme donc que la Loi mosaïque ne cessera jamais d’exister. Les Rabbins l’avaient dit avant Lui, mais ils ne pensaient qu’à la lettre qui tue, tandis que Jésus pense à l’esprit qui vivifie. « Chaque chose a sa fin, même le ciel et la terre. Il n’y a qu’une seule chose qui n’aura pas de fin, la loi », Bereschit. - Un seul iota : c’est plutôt l’Iod, la plus petite des lettres hébraïques avant l’invention des points-voyelles. - Trait, sorte de projection très-tenue et semblable à une corne, qui servait à distinguer les uns des autres, dans l’intérêt du sens, certains caractères analogues. L’iota et l’apex sont ici des expressions figurées, destinées à représenter d’une manière frappante les plus minutieux détails, les prescriptions les moins importantes de la Loi. - Que tout ne soit accompli : tout ce qu’ordonne la Loi mosaïque continuera d’obliger sous le régime chrétien, quoique souvent d’une autre manière. Car si nous avons cessé d’observer plusieurs décrets du Sinaï, si les Apôtres abrogeaient déjà certaines ordonnances purement cérémonielles, il n’en est pas moins vrai que rien n’est tombé ou ne tombera de la Loi ancienne. Le Vieux Testament a été absorbé par le Nouveau, mais de manière à subsister éminemment dans l’Église chrétienne : c’est un autre Testament et pourtant c’est le même, comme notre corps ressuscité sera distinct de notre corps actuel sans cesser de lui être identique. - Remarquons la vigueur avec laquelle Jésus-Christ prend la défense de l’ancienne Alliance : on dirait qu’il veut la protéger d’avance contre les futures attaques des rationalistes qui, après avoir dénigré les institutions théocratiques au profit, disent-ils, du christianisme, s’en prennent ensuite directement à l’œuvre du Messie sachant bien que, la base une fois sapée, l’édifice ne tardera pas à tomber.