Matthieu 5, 19
Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux.
Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux.
En s'exprimant de la sorte : « Jusqu'à ce que le ciel et la terre pussent, »il déclare que le ciel et la terre, qui sont les principaux éléments de la création, seront dissous comme nous le croyons nous-mêmes.
Ou bien, par ces moindres choses, le Seigneur fait allusion à sa passion et à sa croix ; celui qui par une fausse honte ne les confessera pas hautement, sera le plus petit, c'est-à-dire le dernier, et presque rien. Le Sauveur promet au contraire la gloire magnifique des cieux à celui qui ne rougira pas de les confesser ; c'est pour cela qu'il ajoute : « Mais celui qui fera et enseignera sera appelé grand dans le royaume des cieux. »
Il s'exprime ainsi pour deux raisons : premièrement, pour engager ses disciples à imiter son exemple, en s'efforçant d'accomplir toute la loi, ainsi qu'il le faisait lui-même ; secondement, les Juifs devaient l'accuser plus tard de violer la loi (Mt 12 ; Mc 2 ; Lc 6 ; 13 ; Jn 5 ; 7 ; 9, etc.) ; il fait donc raison de cette calomnie avant même qu'elle se produise.
Jésus-Christ a donc accompli les prophéties en réalisant tout ce qu'elles avaient prédit de lui, et il a également accompli la loi en n'omettant aucune des prescriptions légales et en justifiant les hommes par la foi, ce que la lettre de la loi ne pouvait faire.
Ou bien dans ces paroles : « Il sera appelé le dernier dans le royaume des cieux, il ne faut voir autre chose que le supplice de la damnation éternelle. En effet, dans le langage ordinaire du Sauveur, le royaume des cieux ne signifie pas seulement la jouissance du bonheur éternel, mais le temps de la résurrection, et l'avènement terrible du Christ.
Comme tous les événements qui devaient se passer depuis le commencement jusqu'à la fin du monde, étaient allégoriquement prophétisés dans la loi, Notre-Seigneur pour éloigner cette pensée que Dieu aurait pu ignorer par avance quelques-uns de ces événements, ajoute : « Il ne peut se faire que le ciel et la terre passent avant que tout ce qui a été prédit dans la loi ne soit accompli et réalisé ; c'est le sens de ces paroles : « Je vous le dis en vérité ; le ciel et la terre ne passeront point que tout ce qui est dans la loi, jusqu'à un seul iota et à un seul point, ne soit accompli parfaitement. »
Si un homme ami de la vérité ne peut s'empêcher de rougir lorsqu'on surprend un mensonge sur ses lèvres, et si l'homme sage ne promet jamais rien qu'il ne l'exécute, comment les paroles divines pourront-elles demeurer sans effet ? Et c'est pour cela qu'il conclut en disant : « Quiconque violera un de ces commandements les plus petits de tous et enseignera aux hommes à les violer, sera regardé comme le dernier dans le royaume de Dieu. » Le Seigneur nous fait entendre clairement, ce me semble, quels sont ces commandements les moindre de tous, en disant : « Celui qui violera l'un de ces moindres commandements, » c'est-à-dire, ceux dont je vais parler.
Ce n'est point des lois anciennes qu'il veut parler ici, mais des préceptes qu'il devait lui-même imposer ; il les appelle les plus petits quoique de la plus grande importance, par ce même sentiment d'humilité avec lequel il s'est si souvent exprimé sur son propre compte.
Ou bien autrement, les commandements de Moïse, « Vous ne tuerez pas, vous ne commettrez pas d'adultère, » sont d'un accomplissement facile, car l'énormité du crime effraie et arrête la volonté ; aussi la récompense qu'ils promettent est minime, bien que le crime qu'ils défendent soit grand. Les commandements du Christ au contraire : « Vous ne vous mettrez pas en colère, vous ne convoiterez pas, » sont difficiles à observer, et par la même raison, la récompense qui les sanctionne est grande, bien que ce qu'ils défendent soit léger. Il s'agit donc ici de ces préceptes du Christ : « Vous ne vous mettrez pas en colère, vous ne convoiterez pas. » Ceux qui commettent ces fautes légères seront les derniers dans le royaume de Dieu ; c'est-à-dire celui qui se sera mis en colère sans commettre un grand péché, n'aura pas à craindre la peine de la damnation éternelle, mais il ne partagera pas la gloire de ceux qui auront observé ces commandements de moindre importance.
Le Seigneur flétrit ici la conduite des Pharisiens qui, n'ayant que du mépris pour les commandements de Dieu, leur substituaient leurs propres traditions, et il leur apprend que l'enseignement qu'ils donnent au peuple perd tout son prix, s'ils détruisent le plus petit commandement de la loi. Voici encore une autre explication : c'est que la science du maître, ne fût-il esclave que d'une faute légère, le fait descendre de la place élevée qu'il occupait ; c'est qu'il ne sert de rien d'enseigner la justice si on la détruit en même temps par la moindre faute ; c'est qu'on n'est souverainement heureux qu'en traduisant dans sa conduite les enseignements que l'on donne aux autres.
Cette maxime présente deux sens, car accomplir une loi c'est ou bien ajouter ce qui lui manque, ou faire ce qu'elle prescrit.
Ou bien, au contraire, ces moindres commandements sont ceux de la loi ancienne, et ce sont les préceptes que le Christ va promulguer qui sont de la plus haute importance. Ces préceptes moindres que les autres sont indiqués ici par l'iota et par le point, celui-là donc qui les viole et qui enseigne aux autres à les violer de même sera appelé le dernier dans le royaume de Dieu. Et peut-être même n'entrera-t-il pas dans ce royaume des cieux, ou Dieu n'admet que ceux qui sont vraiment grands.
Enfin, comme il était difficile, même à ceux qui vivent sous l'empire de la grâce, dans cette vie mortelle d'accomplir ce commandement de la loi : « Vous n'aurez pas de désirs coupables (Ex 20, 17 ; Dt 5, 21 ; Rm 7, 8 ; 13, 9), » le Sauveur, devenu notre Pontife par le sacrifice de sa chair, nous obtient miséricorde, et il accomplit encore ici la loi, car notre faiblesse et notre impuissance se trouvent guéries par la vertu de ce divin chef dont nous sommes devenus les membres. Je pense que ces paroles : « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l'accomplir, »peuvent s'entendre aussi de ces additions qui expliquent le sens des anciens préceptes ou la manière de les mettre en pratique. C'est ainsi que le Seigneur nous a fait connaître qu'un simple mouvement de haine qui nous porte à nuire à notre frère doit être rangé parmi les péchés d'homicide. Il nous dit encore plus loin qu'il aime mieux que nous restions dans la vérité suis recourir au serment que de nous exposer à tomber dans le parjure en jurant même selon la vérité. Pourquoi donc, ô Manichéens, rejetez-vous la loi et les prophètes, alors que le Christ affirme qu'il est venu non pour les détruire, mais pour les accomplir ? L'hérétique Fauste répond : Mais qui atteste que Jésus a tenu ce langage ? Matthieu. Et comment donc Matthieu peut-il raconter ce que Jésus a dit sur la montagne, lui qui n'a suivi le Sauveur que lorsqu'il en fut descendu, tandis que Jean, qui était sur la montagne, n'en dit pas un mot ? Saint Augustin répond : S'il n'y a pour dire la vérité sur le Christ que celui qui l'a vu ou entendu, personne aujourd'hui n'est en état de le faire. Pourquoi donc saint Matthieu n'aurait-il pu apprendre de la bouche de saint Jean la vérité sur le Christ, alors que nous, qui sommes nés si longtemps après, nous pouvons enseigner sur Jésus-Christ la vérité que nous puisons dans les écrits de saint Jean ? C'est ce qui fait que non seulement l'évangile de saint Matthieu, mais encore celui de saint Luc et de saint Marc jouissent d'une égale autorité. D'ailleurs, est-ce que le Seigneur n'a pu raconter à saint Matthieu les faits qui avaient précédé sa vocation ? Avouez donc franchement que vous ne croyez pas à l'Évangile, car en ne croyant dans l'Évangile qu'à ce qui vous convient, c'est plutôt à vous-mêmes qu'à l'Évangile que vous croyez.
Fauste dit encore : Nous pouvons prouver qu'un autre que saint Matthieu (et je ne sais qui) a écrit cette maxime sous le nom de cet apôtre : « Lorsque Jésus passait, il vit un homme assis au comptoir, Matthieu était son nom. » Et quel est donc l'écrivain qui, pour parler de lui-même, s'exprime de la sorte : « Il vit un homme, » et non pas : « Il me vit ? » »aint Augustin répond, saint Matthieu parle de lui commue d'une personne étrangère, de même que saint Jean l'a fait dans ce passage : « Pierre, se retournant, vit cet autre disciple que Jésus aimait, » ce qui prouve que telle était la manière de s'exprimer des évangélistes dans leurs narrations.
Il y a plus, réplique Fauste, cette défense que Jésus-Christ nous fait de croire qu'il soit venu détruire la loi est bien plutôt de nature à nous faire soupçonner qu'il la détruisait réellement, car, puisqu'il ne violait aucun article de la loi, pourquoi les Juifs l'en auraient-ils soupçonné ? C'est là, répond saint Augustin, une bien faible difficulté, car nous ne nions pas qu'aux yeux des Juifs inintelligents, le Christ n'ait passé pour un destructeur de la loi et des prophètes.
Fauste ajoute : D'ailleurs, ni la loi ni les prophètes n'ont besoin de cet accomplissement, puisqu'il est écrit : « Vous observerez les commandements que je vous donne, sans y rien ajouter, ni sans rien ôter. » Fauste, répond saint Augustin, ne comprend pas ce que c'est que l'accomplissement de la loi, lorsqu'il l'entend de l'addition de nouveaux préceptes. La plénitude de la loi c'est la charité (Rm 13, 18) que le Seigneur a répandue sur les fidèles en leur envoyant l'Esprit saint. La loi est donc accomplie lorsqu'on obéit à ses préceptes ou lorsque les événements réalisent les prédictions qu'elle a faites.
Fauste continue : Reconnaître que Jésus est l'auteur du Nouveau Testament, qu'est-ce autre chose que déclarer qu'il a détruit l'Ancien ? Non, répond saint Augustin, car l'Ancien Testament renferme les figures de l'avenir, qui devaient disparaître devant les réalités apportées par Jésus-Christ, et dans ce fait même les prophètes trouvaient leur accomplissement, puisqu'ils annonçaient que Dieu devait donner aux hommes un nouveau Testament.
Fauste poursuit : Si le Christ a prononcé ces paroles, c'est évidemment dans un autre sens ou (ce qu'on ne peut admettre) c'est un mensonge, ou il n'a rien dit de semblable. Or, personne n'osera dire que le Christ a menti ; ces paroles ont donc une autre signification, ou elles n'ont jamais été dites. Quant à moi, la foi des Manichéens me met en garde contre l'admission de ce chapitre, car elle m'a tout d'abord appris qu'il ne faut pas regarder comme venant du Sauveur tout ce que les Évangélistes lui attribuent, et qu'il y a beaucoup d'ivraie que le glaneur qui rôde pendant la nuit a répandue dans presque toutes les Écritures pour corrompre le bon grain. Saint Augustin répond : Le Manichéen t'a enseigné une opinion impie et perverse en vertu de laquelle tu acceptes dans l'Évangile tout ce qui favorise ton hérésie, et tu rejettes tout ce qui la condamne.
Pour nous, l'Apôtre nous a enseigné cette divine méthode de regarder comme anathème quiconque annoncerait un Évangile différent de celui que nous avons reçu. Et quant à l'ivraie, le Seigneur lui-même nous a expliqué ce que c'était. Ce ne sont point les erreurs qui seraient mêlées à la vérité des Écritures, comme il vous plaît de le dire, mais ce sont les hommes enfants du démon.
Fauste ajoute : Lorsqu'un Juif viendra vous demander pourquoi vous n'observez pas ce que prescrivent la loi et les prophètes, puisque le Christ n'est pas venu les détruire, mus les accomplir, vous serez forcé ou de devenir l'esclave d'une vaine superstition, ou de reconnaître que ce chapitre n'est pas authentique, ou de nier que vous soyiez le disciple du Christ. Les catholiques, répond saint Augustin, ne sont nullement embarrassés par ce chapitre, comme s'il leur reprochait de ne pas garder la loi et les prophètes, car ils ont dans le coeur l'amour de Dieu et l'amour du prochain, deux préceptes qui résument la loi et les prophètes, et ils savent que tout ce qui, dans l'Ancien Testament, a été prophétisé allégoriquement par les événements, par la célébration des fêtes légales, par les expressions figurées se trouve accompli en Jésus-Christ et en son Église. Donc nous ne devenons pas tributaires d'une vaine superstition, nous ne nions pas la véracité de ce chapitre, et nous ne renonçons pas à être les disciples du Christ. Celui donc qui vient dire : Si le Christ n'avait pas détruit la loi et les prophètes, les anciens rites se seraient perpétués dans les cérémonies chrétiennes, peut ajouter : Si le Christ n'avait pas détruit la loi et les prophètes, sa naissance, sa passion, sa résurrection seraient encore l'objet des promesses. Au contraire, une preuve qu'il n'a pas détruit, mais accompli la loi et les prophètes, c'est justement qu'il ne nous est plus prédit comme devant naître, souffrir et ressusciter, ce que proclamaient toutes les figures de l'ancienne loi ; mais qu'on nous annonce sa naissance, sa mort, sa résurrection comme autant de faits accomplis que nous rappellent à l'envi toutes les solennités chrétiennes. Combien donc est grossière l'erreur de ceux qui pensent que le changement des signes et des rites a dû changer la nature des choses signifiées dont le rite prophétique promettait l'existence, et dont le rite évangélique démontre l'accomplissement.
Fauste ajoute encore : Si le Christ est l'auteur de ces paroles, examinons pourquoi il les a dites. Est-ce pour adoucir la fureur des Juifs qui en le voyant fouler aux pieds ce qu'ils regardaient comme saint ne croyaient pas devoir l'entendre davantage ? Ou bien est-ce pour nous engager à nous soumettre au joug de la loi, nous qui devions croire parmi les Gentils ? Si ce n'est pas l'une de ces raisons, ce doit être l'autre, et en cela le Christ ne nous a pas induit en erreur. Il y a en effet trois sortes de loi, la première est celle des Hébreux, que saint Paul appelle loi de péché et de mort ; la seconde, la loi des Gentils, qu'il appelle naturelle, en disant :« Les nations font naturellement ce que la loi leur commande ; » la troisième, la loi de vérité appelée par saint Paul : « La loi de l'esprit de vie. » Il en est de même des prophètes : il y a les prophètes des Juifs, qui sont connus ; les prophètes des Gentils, dont saint Paul écrivait : « Un de leurs compatriotes et leur prophète a dit. » Enfin les prophètes de la vérité, dont le Christ a dit : « Je vous envoie des sages et des prophètes. » Or, s'il avait parlé des observances judaïques dans le dessein de nous les faire accomplir, nul doute qu'il ne fût ici question de la loi des prophètes des Juifs. Mais il ne rappelle ici que des préceptes plus anciens : « Vous lie tuerez pas, vous ne commettrez pas d'adultère, » qui furent autrefois promulgués par Enoch, par Seth et par d'autres justes ; il est donc évident qu'il veut parler ici de la loi et des prophètes de la vérité. Paraît-il au contraire vouloir parler des préceptes judaïques ; c'est pour les déraciner complètement, comme celui-ci : « 'il pour 'il, dent pour dent. » »aint Augustin répond : On voit clairement quelle est cette loi, quels sont ces prophètes que Jésus-Christ n'est pas venu détruire, mais accomplir : c'est la loi qui a été donnée par Moïse. C'est une erreur de dire, comme Fauste, que le Seigneur est venu accomplir certains préceptes, ceux qui avaient été transmis par les anciens justes avant la loi, comme celui-ci : « Vous ne tuerez pas ; » tandis qu'il en a détruit certains autres qui étaient propres à la loi mosaïque (comme celui-là : « 'il pour 'il, dent pour dent »), car nous tenons pour vrai que ces derniers préceptes ont été parfaitement conformes au temps où ils furent établis, et que le Christ ne les a pas détruits, mais accomplis, comme nous le prouverons pour chacun d'eux. C'est ce que ne comprenaient pas non plus ces hérétiques appelés Nazaréens, qui, persévérant dans cette croyance perverse, voulaient forcer les Gentils convertis à judaïser.
Par ces paroles : « Un seul iota ou un seul point de la loi ne passera » le Sauveur exprime avec énergie la perfection qui est renfermée dans chacune des lettres de la sainte Écriture. Parmi ces lettres la plus petite est l'iota,qui s'écrit d'un seul trait. Le point est un petit signe qui surmonte l'iota à son sommet. En s'exprimant ainsi, le Seigneur nous apprend que dans la loi les petites choses doivent être accomplies avec soin.
On bien encore, celui qui violera les plus petits des commandements de la loi, et qui enseignera à les violer, sera appelé le dernier ; celui au contraire qui accomplira ces moindres commandements, et qui enseignera à les accomplir, ne devra pas être regardé comme grand, mais il sera toutefois au-dessus de celui qui les viole. Celui-là seul sera vraiment grand qui pratiquera et enseignera ce que le Christ enseigne.
Mais il ne veut pas qu'on s'imagine qu'il n'est venu que pour annoncer la loi, comme les prophètes ; il nie donc d'abord qu'il soit venu pour détruire la loi, et il affirme ensuite qu'il est venu pour l'accomplir : « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l'accomplir. »
Le mot amen est un mot hébreu qui signifie en latin, vraiment, exactement,ou ainsi soit-il. Le Seigneur emploie cette expression pour deux raisons, ou à cause de la dureté de coeur de ceux qui étaient lents à croire, ou pour avertir ceux qui croyaient de prêter une attention plus profonde à ce qui allait suivre.
Ils demeureront quant à leur substance, mais ils passeront en ce sens qu'ils seront renouvelés.
Ou bien par le Royaume des cieux il faut entendre l'Église où tout docteur qui viole un commandement de la loi est regardé comme le dernier, car celui dont la conduite est méprisable, comment peut-il empêcher que son enseignement ne soit méprisé ?
C'est avec un dessein marqué qu'il emploie l'iota grec, et non l'iota des Hébreux, car l'iota exprime le nombre dix et par là même le nombre des préceptes du Décalogue dont l'Évangile est le point extrême et le plus haut degré de perfection.
La Glose
Après avoir exhorté ses disciples à se préparer à tout souffrir pour la justice, et à ne pas tenir cachée la doctrine salutaire qu'ils allaient entendre, mais à la recevoir dans l'intention de la communiquer aux autres, il leur fait connaître ce qu'ils devront enseigner. Il suppose qu'ils lui font cette question : Quelle est donc cette doctrine qui ne doit pas rester cachée et pour laquelle vous nous ordonnez de tout nous offrir ? Et il leur répond : « Ne pensez pas que je sois venu détruire la loi ou les prophètes. »
Violer la loi, c'est ne pas faire ce qu'ordonne la loi bien comprise, ou ne pas comprendre la fausse interprétation qu'on lui donne, ou détruire dans quelqu'une de ses parties l'ensemble des commandements ajoutés par le Christ.
650. QUI VIOLERA. Ici est abordée la deuxième raison, elle est prise du châtiment de ceux qui violent la loi, comme [s’il disait] : «Quiconque la violera sera passible de châtiment comme transgresseur de l’observance divine.» Or, ce sont de très petits commandements, selon Chrysostome, que les commandements du Christ. Ainsi, QUI VIOLERA UN DE CES TRÈS PETITS PRÉCEPTES que je vais dire. Et il continue ainsi : «La loi ne peut être abolie, donc puisque je ne l’abolis pas, quiconque l’abolira sera passible de châtiment.»
651. Et on les appelle TRÈS PETITS d’abord à cause de leur humilité, de même qu’il s’appelle lui-même très petit, Mt 18, 3 : Si vous ne devenez [comme les tout petits, vous n’entrerez pas, etc.]. Ou bien on les appelle TRÈS PETITS par rapport à la transgression, car celui qui les viole pèche moins, mais les préceptes du Christ sont plus grands que la loi en ce qui concerne l’observance, car la loi prescrit : Tu ne tueras pas, et le Christ de ne pas se mettre en colère.
652. Augustin et Jérôme parlent autrement : c’est littéralement qu’il parle des TRÈS PETITS PRÉCEPTES qui sont dans la loi, parce qu’il dit : UN IOTA et UN PETIT TRAIT, et on les appelle TRÈS PETITS parce que les principaux sont : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ton prochain. Certaines observances sont donc appelées TRÈS PETITS PRÉCEPTES, comme beaucoup [de ceux du chapitre] 19 du Lévitique. Et il dit cela pour se moquer des pharisiens, car les pharisiens à cause de leurs observances en transgressaient beaucoup, Mt 15, 6 : Vous avez annulé [la parole de Dieu au nom de votre tradition].
653. La loi est violée de trois façons : premièrement, en entier, lorsqu’on la refuse ; deuxièmement, en l’interprétant mal ; troisièmement, en n’en accomplissant pas les prescriptions.
654. ET ENSEIGNERA. Celui qui agit mal est en tort, mais encore plus en tort celui qui enseigne aux autres à mal agir, Ap 2, 14 : Tu en as qui tiennent la doctrine de Balaam. C’est pourquoi il dit : QUI VIOLERA ET ENSEIGNERA, à savoir, à violer les commandements. Et d’après cela, il semble que celui qui les viole sera AU ROYAUME DES CIEUX. Mais il faut savoir que, selon Augustin, le ROYAUME DES CIEUX signifie ici la vie éternelle, et le Seigneur a voulu donner à comprendre que nul n’y sera QUI VIOLERA ET ENSEIGNERA, etc., car il n’y aura là que du grand, Rm 8, 30 : Ceux qu’il a rendus justes, [il les a aussi glorifiés]. C’est pourquoi celui qui est trop petit n’entrera jamais.
655. Deuxièmement, selon Raban, c’est ainsi : les hommes cherchent la renommée auprès des hommes parce que c’est une gloire d’être réputé grand au royaume des hommes ; mais QUI VIOLERA (…) SERA APPELÉ LE PLUS PETIT AU ROYAUME DES CIEUX…en n’y étant pas ! Car y est considéré comme petit celui qui transgresse les commandements, et comme LE PLUS PETIT celui qui enseigne à les transgresser. Cette [explication] est assez bonne.
656. Chrysostome [explique] autrement : parfois l’Écriture appelle ROYAUME DES CIEUX le jugement final, comme dit le psaume, Ps 96, 1 : Le Seigneur a régné, etc., et là il y aura des classes diverses, et, dans la plus petite, celui qui enseigne à transgresser les commandements, parce que dans cette optique, même ceux qui sont en enfer sont concernés par le royaume des cieux.
657. Grégoire [dit] que [le royaume des cieux signifie] l’Église, d’où : IL SERA APPELÉ LE PLUS PETIT dans l’Église, parce que celui dont la vie est méprisée, ce qui l’attend, c’est que sa prédication soit dédaignée.
658. QUI FERA ET ENSEIGNERA. Grand celui qui agit bien, plus grand celui qui fait et enseigne. Il aura donc une plus grande gloire, Mt 10, 32 : Qui se déclarera pour moi [devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père]. Sg 19, 22 : De toutes les manières, Seigneur, tu as magnifié ton peuple [et tu l’as glorifié].
651. Et on les appelle TRÈS PETITS d’abord à cause de leur humilité, de même qu’il s’appelle lui-même très petit, Mt 18, 3 : Si vous ne devenez [comme les tout petits, vous n’entrerez pas, etc.]. Ou bien on les appelle TRÈS PETITS par rapport à la transgression, car celui qui les viole pèche moins, mais les préceptes du Christ sont plus grands que la loi en ce qui concerne l’observance, car la loi prescrit : Tu ne tueras pas, et le Christ de ne pas se mettre en colère.
652. Augustin et Jérôme parlent autrement : c’est littéralement qu’il parle des TRÈS PETITS PRÉCEPTES qui sont dans la loi, parce qu’il dit : UN IOTA et UN PETIT TRAIT, et on les appelle TRÈS PETITS parce que les principaux sont : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ton prochain. Certaines observances sont donc appelées TRÈS PETITS PRÉCEPTES, comme beaucoup [de ceux du chapitre] 19 du Lévitique. Et il dit cela pour se moquer des pharisiens, car les pharisiens à cause de leurs observances en transgressaient beaucoup, Mt 15, 6 : Vous avez annulé [la parole de Dieu au nom de votre tradition].
653. La loi est violée de trois façons : premièrement, en entier, lorsqu’on la refuse ; deuxièmement, en l’interprétant mal ; troisièmement, en n’en accomplissant pas les prescriptions.
654. ET ENSEIGNERA. Celui qui agit mal est en tort, mais encore plus en tort celui qui enseigne aux autres à mal agir, Ap 2, 14 : Tu en as qui tiennent la doctrine de Balaam. C’est pourquoi il dit : QUI VIOLERA ET ENSEIGNERA, à savoir, à violer les commandements. Et d’après cela, il semble que celui qui les viole sera AU ROYAUME DES CIEUX. Mais il faut savoir que, selon Augustin, le ROYAUME DES CIEUX signifie ici la vie éternelle, et le Seigneur a voulu donner à comprendre que nul n’y sera QUI VIOLERA ET ENSEIGNERA, etc., car il n’y aura là que du grand, Rm 8, 30 : Ceux qu’il a rendus justes, [il les a aussi glorifiés]. C’est pourquoi celui qui est trop petit n’entrera jamais.
655. Deuxièmement, selon Raban, c’est ainsi : les hommes cherchent la renommée auprès des hommes parce que c’est une gloire d’être réputé grand au royaume des hommes ; mais QUI VIOLERA (…) SERA APPELÉ LE PLUS PETIT AU ROYAUME DES CIEUX…en n’y étant pas ! Car y est considéré comme petit celui qui transgresse les commandements, et comme LE PLUS PETIT celui qui enseigne à les transgresser. Cette [explication] est assez bonne.
656. Chrysostome [explique] autrement : parfois l’Écriture appelle ROYAUME DES CIEUX le jugement final, comme dit le psaume, Ps 96, 1 : Le Seigneur a régné, etc., et là il y aura des classes diverses, et, dans la plus petite, celui qui enseigne à transgresser les commandements, parce que dans cette optique, même ceux qui sont en enfer sont concernés par le royaume des cieux.
657. Grégoire [dit] que [le royaume des cieux signifie] l’Église, d’où : IL SERA APPELÉ LE PLUS PETIT dans l’Église, parce que celui dont la vie est méprisée, ce qui l’attend, c’est que sa prédication soit dédaignée.
658. QUI FERA ET ENSEIGNERA. Grand celui qui agit bien, plus grand celui qui fait et enseigne. Il aura donc une plus grande gloire, Mt 10, 32 : Qui se déclarera pour moi [devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père]. Sg 19, 22 : De toutes les manières, Seigneur, tu as magnifié ton peuple [et tu l’as glorifié].
748. DONC QUI VIOLERA, etc. Ici, [Le Seigneur] appelle à accomplir [la loi] en disant : DONC QUI VIOLERA (ou ABOLIRA) UN SEUL DE CES TRÈS PETITS COMMANDEMENTS. À l’encontre de cela, [on lit] en Jn 10, 35 : L’Écriture ne peut être abolie. Réponse : il ne s’agit pas d’abolition pure et simple, mais partielle. Raban [écrit] : «Il abolit les commandements en lui-même, et non en eux-mêmes.» Ils sont abolis de trois façons : en ne [les] observant pas, en n’y croyant pas, en induisant autrui en erreur.
749. Les TRÈS PETITS COMMANDEMENTS sont les prescriptions morales, ou certaines prescriptions légales qui ont une signification peu importante. Ou bien TRÈS PETITS en ce qui concerne la récompense, en comparaison avec les [commandements] que le Christ a donnés. Chrysostome [écrit] : «Les commandements de Moïse sont faciles en acte (exemple : ne pas tuer) ; et ils sont donc petits en récompense et grands en péché. Mais les commandements du Christ (exemple : ne pas se mettre en colère) sont difficiles en acte ; c’est pourquoi ils sont grands en récompense et très petits en péché.»
750. SERA APPELÉ LE PLUS PETIT DANS LE ROYAUME DES CIEUX. À l’encontre de cela, Cassiodore [dit] : «Celui qui aura la présomption d’enseigner en négligeant les choses plus importantes, il est logique qu’il ne soit plus considéré comme LE PLUS PETIT DANS LE CIEL, mais comme le plus grand dans le supplice de la géhenne.» Réponse : il ne sera pas «considéré» (comme dit Cassiodore), mais il SERA APPELÉ, parce qu’il en sera indigne, comme dit Augustin. D’où SERA APPELÉ LE PLUS PETIT DANS LE ROYAUME DES CIEUX, c’est-à-dire égal à zéro, car il n’y sera pas ! Ou bien n’étant pas dans le royaume, il SERA APPELÉ LE PLUS PETIT, le plus méprisé, le plus vil, par ceux qui sont dans le royaume. Ou bien, selon la Glose, LE PLUS PETIT, c’est le plus méprisé dans l’Église.
751. Objection : non, LE PLUS PETIT est celui qui fait le mal et enseigne le mal. Réponse : qui fait le mal et enseigne le mal n’est pas dans l’Église, en raison de cette œuvre, et c’est pourquoi, dans le royaume des cieux, il n’est appelé ni grand ni petit. Mais qui fait le mal et enseigne le bien est dans l’Église en raison d’une œuvre, mais il y [est] le plus petit.
752. QUI FERA (c’est-à-dire observera) ET ENSEIGNERA qu’il faut agir ainsi, SERA APPELÉ GRAND, grand par le mérite dans l’Église militante, et grand par la récompense DANS LE ROYAUME DES CIEUX, c’est-à-dire dans l’Église triomphante. Augustin [écrit] : «Il ne dit pas d’une manière déterminée “qui fera les plus petites choses”, mais [il parle] d’une manière indéterminée, pour montrer que celui qui veut être grand dans le royaume des cieux doit faire les grandes et les petites choses.»
749. Les TRÈS PETITS COMMANDEMENTS sont les prescriptions morales, ou certaines prescriptions légales qui ont une signification peu importante. Ou bien TRÈS PETITS en ce qui concerne la récompense, en comparaison avec les [commandements] que le Christ a donnés. Chrysostome [écrit] : «Les commandements de Moïse sont faciles en acte (exemple : ne pas tuer) ; et ils sont donc petits en récompense et grands en péché. Mais les commandements du Christ (exemple : ne pas se mettre en colère) sont difficiles en acte ; c’est pourquoi ils sont grands en récompense et très petits en péché.»
750. SERA APPELÉ LE PLUS PETIT DANS LE ROYAUME DES CIEUX. À l’encontre de cela, Cassiodore [dit] : «Celui qui aura la présomption d’enseigner en négligeant les choses plus importantes, il est logique qu’il ne soit plus considéré comme LE PLUS PETIT DANS LE CIEL, mais comme le plus grand dans le supplice de la géhenne.» Réponse : il ne sera pas «considéré» (comme dit Cassiodore), mais il SERA APPELÉ, parce qu’il en sera indigne, comme dit Augustin. D’où SERA APPELÉ LE PLUS PETIT DANS LE ROYAUME DES CIEUX, c’est-à-dire égal à zéro, car il n’y sera pas ! Ou bien n’étant pas dans le royaume, il SERA APPELÉ LE PLUS PETIT, le plus méprisé, le plus vil, par ceux qui sont dans le royaume. Ou bien, selon la Glose, LE PLUS PETIT, c’est le plus méprisé dans l’Église.
751. Objection : non, LE PLUS PETIT est celui qui fait le mal et enseigne le mal. Réponse : qui fait le mal et enseigne le mal n’est pas dans l’Église, en raison de cette œuvre, et c’est pourquoi, dans le royaume des cieux, il n’est appelé ni grand ni petit. Mais qui fait le mal et enseigne le bien est dans l’Église en raison d’une œuvre, mais il y [est] le plus petit.
752. QUI FERA (c’est-à-dire observera) ET ENSEIGNERA qu’il faut agir ainsi, SERA APPELÉ GRAND, grand par le mérite dans l’Église militante, et grand par la récompense DANS LE ROYAUME DES CIEUX, c’est-à-dire dans l’Église triomphante. Augustin [écrit] : «Il ne dit pas d’une manière déterminée “qui fera les plus petites choses”, mais [il parle] d’une manière indéterminée, pour montrer que celui qui veut être grand dans le royaume des cieux doit faire les grandes et les petites choses.»
Celui donc. Ce « donc » est
parfaitement à sa place, car ce qui suit est une conséquence très-naturelle des vv. 17 et 18. Jésus impose à ses
disciples sa propre manière d’agir à l’égard de la Loi : il n’a pas abrogé, ils n’abrogeront pas non plus. Une
grave sanction accompagne et confirme ses ordres. - Violera ; équivaut au « futur exactum » pour exprimer
une possibilité. C’est à tort que Fritzsche et divers auteurs le traduisent par « transgressus fuerit », comme
s’il était opposé à « fecerit ». La Vulgate lui a donné son véritable sens. - Un de ces plus petits
commandements ; ceux qui ont été désignés plus haut par les noms d’iota et d’apex, par conséquent les
prescriptions les plus insignifiantes en apparence. Quelque petites qu’elles soient par elles-mêmes, elles
jouent un rôle important dans l’ensemble de la législation qu’elles complètent et embellissent : en les
renversant, on attaquerait donc toute l’institution dont elles font partie. Aussi, quiconque se permettrait une
telle liberté, soit en action, soit en paroles, et qui enseignera..., n’obtiendrait qu’un rang infime dans le
royaume du Messie. - Sera appelé le plus petit... Jésus dit « petit » et point « sans valeur », selon la
traduction de S. Jean Chrysostôme et de Théophylacte ; car n’ayant en vue dans ce passage que les
adversaires de quelques préceptes particuliers et secondaires, et non les ennemis de toute la Thora, son
intention n’est pas de les exclure totalement de son royaume. C’est assez qu’ils recueillent pour eux-mêmes
le déshonneur qu’ils auront infligé à la Loi. - Mais celui qui... Au contraire, ceux qui maintiendront par leur
exemple et par leur enseignement la vitalité de ces ordonnances auxquelles tient le Sauveur, seront traités par
la justice rétributive de Dieu avec une distinction semblable à celle qu’ils auront manifestée à l’égard de la
Loi, sera appelé grand... Notre-Seigneur répète ainsi pour la troisième fois qu’il n’y a rien d’obsolète dans
l’Ancien Testament. Notons encore, dans ce verset, l’indication si précise des divers rangs accordés aux
bienheureux dans le ciel, « grand, petit », conformément au degré de sainteté qu’ils auront acquis sur la terre.
Sera appelé ; sera regardé, considéré, ou simplement sera, en vertu d’un hébraïsme.