Matthieu 5, 22

Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu.

Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu.
Saint Hilaire de Poitiers
Dans ce magnifique début le Sauveur s'élève bien au-dessus de la loi ancienne ; il déclare aux apôtres que l'entrée du ciel leur est fermée, si leur justice n'est supérieure à celle des Pharisiens ; c'est le sens de ces paroles : « Je vous le dis en vérité, à moins que votre justice ne soit plus abondante, etc. »

Ou bien celui qui traite d'esprit vide son frère qui est rempli de l'Esprit saint, méritera d'être traduit devant le conseil des saints, qui, devenus ses juges, lui feront expier par une sentence sévère l'outrage qu'il a fait à l'Esprit saint.
Saint Jean Chrysostome
La justice dont il parle ici est la réunion de toutes les vertus, pour la pratique desquelles il faut ajouter le secours de la grâce : car le Sauveur veut que ses disciples, tout grossiers qu'ils sont encore, se montrent plus vertueux que les docteurs de la loi ancienne. Il ne dit pas que les Scribes et les Pharisiens sont des hommes d'iniquité, puisqu'il parle de leur justice. Remarquez aussi qu'il confirme la vérité de l'Ancien Testament, par la comparaison qu'il en fait avec le Nouveau ; ils ne différent que du plus du moins, et sont du même genre.

Les justices des Scribes et des Pharisiens sont les commandements donnés par Moïse, et les commandements de Jésus-Christ sont le parfait accomplissement des premiers. Voici donc le sens des paroles du Sauveur : « Celui qui indépendamment des commandements de la loi n'accomplira pas ceux que je donne moi-même, quelque peu importants qu'ils lui paraissent, celui-là n'entrera pas dans le royaume des cieux ; » car les commandements de Moïse délivrent bien de la peine portée contre les transgresseurs de la loi, mais ils ne peuvent introduire dans le royaume des cieux, tandis que mes commandements délivrent du châtiment et tout à la fois donnent entrée dans le royaume des cieux. Mais puisqu'il est certain que violer ces moindres commandements et ne pas les observer est une seule et même chose, pourquoi est-il dit plus haut que celui qui les viole sera appelé le dernier dans le royaume de Dieu, tandis que nous voyons ici que celui qui ne les garde pas n'entrera point dans le royaume des cieux ? Je réponds à cela qu'être le dernier dans le royaume, ou n'y pas entrer reviennent au même, et qu'être simplement du royaume, ce n'est pas régner avec le Christ, mais faire seulement partie de son peuple. Il veut donc dire que celui qui viole ces commandements sera du nombre des chrétiens, mais relégué au dernier rang ; celui au contraire qui entre dans le royaume devient participant de la royauté du Christ : par conséquent, celui qui n'y entre pas n'a point de part à cette gloire, mais il est cependant de son royaume, en ce sens qu'il est du nombre de ceux sur lesquels règne le Christ, le roi des cieux.

Le Christ voulant montrer qu'il est le même Dieu qui avait promulgué les préceptes de la loi ancienne, et qui donne ceux de la loi de grâce, pose en tête de ses préceptes ceux qui dans l'ancienne loi se trouvaient avant tous les autres, c'est-à-dire les préceptes prohibitifs qui ont pour objet le prochain.

Cependant la colère qui a une cause légitime n'est pas colère, mais jugement, car la colère proprement dite est une émotion produite par la passion. Or, lorsque la colère a une cause raisonnable, elle n'est plus le fruit de la passion, et alors ce n'est plus de la colère, mais du jugement.

Par cette formule : « Il a été dit aux anciens, » le Sauveur nous apprend qu'il y avait bien longtemps que ce commandement avait été donné aux Juifs. Il s'exprime ainsi pour entraîner vers des préceptes plus élevés, les esprits lents qui l'écoutaient, comme un maître qui voulant stimuler un enfant paresseux par le désir d'une instruction supérieure lui dirait : Vous avez perdu beaucoup de temps à épeler. Or le Seigneur ajoute : « Mais moi je vous dis que quiconque se mettra en colère contre son frère, méritera d'être condamné par le jugement. » Remarquez dans ces paroles la puissance du législateur ; aucun des anciens n'avait parlé de la sorte, mais ils s'exprimaient ainsi : « Le Seigneur a dit. » Ils parlaient comme des serviteurs qui portent les ordres de leur maître ; Jésus-Christ parle comme le fils qui commande au nom de son père et en son propre nom. Ils annonçaient les ordres de Dieu à ceux qui étaient comme eux les serviteurs de Dieu ; Jésus-Christ imposait ses lois à ses propres serviteurs.

Celui qui se met en colère sans raison est coupable ; si sa colère est motivée, il cesse de l'être, car sans cette irritation légitime, la doctrine ne fait aucun progrès ; la justice n'a point de stabilité ; les crimes ne sont point réprimés. Celui donc qui ne se met pas en colère lorsqu'il le doit, commet une faute, car la patience qui est déraisonnable devient la source de tous les vices, nourrit la négligence, et porte directement au mal, non-seulement les mauvais, mais les bons eux-mêmes.

D'ailleurs je pense que Notre-Seigneur Jésus-Christ ne parle pas ici de l'irritation qui vient du sang, mais de la colère qui a sa source dans l'âme, car on ne peut commander au sang de ne pas se troubler. Lorsque donc un homme irrité ne cède pas aux inspirations de la colère, ce n'est pas l'âme, c'est l'homme extérieur et sensible qui est irrité.

Ou bien raca est un terme de mépris et de dédain ; cette locution correspond à celle dont nous nous servons en parlant à nos serviteurs ou à des personnes plus jeunes que nous : « Va-t'en toi, va le lui dire, toi. » C'est ainsi que le Seigneur veut déraciner jusqu'aux moindres effets de la colère, et qu'il nous ordonne d'avoir les uns pour les autres les plus grands égards.

C'est une indignité de dire à un homme qu'il n'a rien en lui, alors que son âme est le temple de l'Esprit saint.

De même qu'on ne peut appeler esprit vide celui qui possède l'Esprit saint, on ne peut appelerinsensé celui qui connaît Jésus-Christ. Mais si le mot raca a le même sens quevide, c'est donc une même chose de dire, insensé et raca. Oui, mais ces deux mots diffèrent dans l'intention de celui qui les profère : le mot raca chez les Juifs était une expression en usage qu'ils employaient non pas sous l'impression de la colère ou de la haine, mais par un vain mouvement de présomption plutôt que par un sentiment de colère. Mais si la colère n'y a aucune part, pourquoi est-ce un péché ? Parce que c'est une expression qui favorise la dispute plutôt que l'édification, car si nous ne devons pas prononcer même une bonne parole, à moins qu'elle ne soit utile, combien plus devons-nous nous interdire ce qui est tout à fait mal en soi ?

C'est pour la première fois que le Sauveur prononce le mot d'enfer, et il ne le fait qu'après avoir parlé de son royaume, pour nous apprendre que l'un est un don de son amour, tandis que l'autre n'est que la punition de notre négligence et de notre lâcheté. Il en est beaucoup qui regardent comme trop sévère cette peine infligée pour une seule parole ; aussi quelques-uns voudraient-ils ne voir ici qu'une hyperbole. Mais je crains qu'en nous abusant ici-bas sur le sens des paroles, nous ne nous réservions en réalité le dernier supplice dans l'autre vie. Ne regardez donc pas ce châtiment comme excessif, car les paroles sont pour la plupart des hommes le principe de leurs crimes et de leurs châtiments. Que de fois, en effet, des paroles légères ont conduit à l'homicide ou à la destruction de villes entières ! Et d'ailleurs estimez-vous donc une faute légère que de traiter son frère de fou, et de le dépouiller ainsi de la prudence, de l'intelligence, qui nous font ce que nous sommes, et nous distinguent des animaux sans raison.

Ou bien il sera passible du conseil, c'est-à-dire qu'il fera partie de ce conseil qui s'est déclaré contre le Christ, interprétation qui est celle des Apôtres dans leurs canons.

Ou bien le jugement et le conseil sont des peines de la vie présente, et l'enfer le châtiment de la vie future. Jésus donne le jugement pour châtiment à la colère, pour montrer que s'il n'est pas possible à l'homme d'être tout à fait sans passions, il est en son pouvoir de leur mettre un frein ; et la raison pour laquelle il n'assigne pas à la colère de châtiment déterminé, c'est qu'il ne veut point paraître l'interdire entièrement. Il met ici le conseil par allusion au grand conseil des Juifs, pour ne point passer toujours pour un novateur.
Saint Jérôme
Dans quelques exemplaires, on lit ces mots : sans cause, mais dans les plus exacts, la pensée est claire, et la colère est tout à fait défendue, car s'il nous est ordonné de prier pour nos persécuteurs, quelle occasion nous reste-t-il de nous mettre en colère ? Il faut donc supprimer cette addition : « Sans cause, » car « la colère de l'homme n'opère pas la justice de Dieu. »

Ou bienraca est un mot hébreu qui signifie sans valeur, esprit vide et qui équivaut à cette expression injurieuse : sans cervelle que nous n'oserions employer. C'est avec intention qu'il ajoute : « Celui qui dira à son frère. » Car nul ne peut être notre frère sans avoir le même père que nous.
Saint Augustin
On peut encore donner cette explication : « Si votre justice n'est plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens qui n'observent pas ce qu'ils enseignent, et dont il est dit ailleurs : « Ils disent et ne font pas ; » c'est-à-dire si votre justice n'atteint ce degré de perfection non-seulement de ne pas violer, mais de pratiquer ce que vous enseignez, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. Il faut donc entendre dans un sens différent le royaume des cieux, là où nous rencontrons ces deux sortes de personnes, celui qui transgresse ce qu'il enseigne, et celui qui le pratique, l'un appelé le plus petit, et l'autre grand ; ce royaume c'est l'Église actuelle. Au contraire le royaume des cieux dans lequel n'entre que celui qui observe les commandements c'est l'Église telle qu'elle existera dans le siècle à venir.

Je ne sais si on pourrait trouver nommé une seule fois dans l'Ancien Testament ce royaume de Dieu dont il est si souvent question dans les discours du Seigneur. C'est une des révélations propres au Nouveau Testament, et cette révélation était réservée aux lèvres de ce roi dont l'Ancien Testament figurait l'empire sur ses serviteurs. Cette fin à laquelle doivent se rapporter les commandements demeurait voilée sous l'ancienne loi, bien que les Saints qui la voyaient révélée dans l'avenir, en faisaient dès lors la règle de toute leur vie.

Presque tous les préceptes que le Sauveur fait précéder de ces mots : « Mais moi, je vous dis, » se trouvent dans les livres de l'Ancien Testament ; mais comme les Pharisiens ne comprenaient sous la défense de l'homicide que le seul fait de la mort donnée au prochain, le Seigneur leur découvre que tout mouvement de haine qui tend à nuire à notre frère fait partie du péché d'homicide. C'est pourquoi il ajoute : « Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Vous ne tuerez pas. »

Il y a parmi les philosophes deux opinions sur les passions de l'âme. Les Stoïciens ne veulent pas qu'un sage puisse y être accessible ; les Péripatéciens admettent que le sage peut les éprouver, mais modérées toutefois et soumises à la raison, comme lorsque le sentiment de la compassion est tellement tempéré qu'il sauvegarde les droits de la justice.

D'après les principes de la doctrine chrétienne, il est moins question de savoir si une âme pieuse peut se livrer au sentiment de la colère ou de la tristesse, que de connaître la source de ces impressions.

De ce qu'il est écrit : Vous ne tuerez pas, nous ne concluons pas que c'est un crime d'arracher un arbrisseau, erreur grossière des Manichéens ; nous n'appliquons pas non plus ce précepte aux animaux sans raison ; car en vertu de l'ordre plein de sagesse établi par le Créateur, leur vie comme leur mort sont soumises à nos besoins. C'est donc de l'homme qu'il faut entendre ces paroles : « Vous ne tuerez pas ; » vous ne tuerez pas un autre, vous ne vous tuerez pas vous-même ; car celui qui se donne la mort, que fait-il d'autre chose que de donner la mort à un homme ? N'allons pas voir non plus une violation de ce précepte dans la conduite de ceux qui ont fait la guerre par l'ordre de Dieu, ou qui dépositaires du pouvoir public ont usé de leur autorité pour prononcer contre des scélérats la juste sentence qui les condamnait à mort. Abraham lui-même qui voulut mettre à mort son fils pour obéir à Dieu, non-seulement n'est pas accusé de cruauté ; mais l'Écriture fait le plus grand éloge de sa foi et de sa religion. Il ne faut donc pas comprendre dans ce précepte ceux que Dieu commande de mettre à mort, ou par une loi générale, ou dans un cas particulier, par un ordre exprès et transitoire. On ne peut non plus considérer comme homicide celui qui prête son concours à l'exécution d'un ordre légitime, pas plus que celui qui donne son appui au magistrat qui porte le glaive ; et on ne peut excuser autrement Samson de s'être enseveli avec ses ennemis sous les ruines de la maison où il se trouvait, qu'en disant qu'il obéit en cela à l'inspiration secrète de l'Esprit qui avait opéré par lui tant de prodiges.

Nous disons encore qu'il faut considérer attentivement ce que c'est que la colère contre son frère, car ce n'est pas se mettre en colère contre son frère que de s'irriter du mal qu'il a commis. Celui-là donc se met en colère sans raison, qui s'emporte contre son frère et non contre le péché dont il s'est rendu coupable.

Aucun homme raisonnable ne blâmera qu'on se mette en colère contre son frère pour le ramener au bien. Ces mouvements qui sont produits par l'amour de la vertu et par la sainte charité ne doivent pas être considérés comme des vices, puisqu'ils sont conformes à la droite raison.

Dans cette première partie, il n'est question que d'une seule chose, de la colère ; dans la seconde, le Sauveur condamne à la fois la colère et les paroles qui en sont l'expression : « Celui, » continue-t-il, « qui dira à son frère : Raca, méritera d'être condamné par le conseil. » Il en est qui veulent tirer du grec l'étymologie de ce mot raca, et comme racos (''''') en grec signifie haillons, ils en concluent que ce mot veut dire : couvert de haillons. Mais il est plus probable que ce mot n'a aucune signification déterminée, et qu'il exprime simplement le mouvement d'une âme pleine d'indignation. Les grammairiens appellent ces sortes de mots interjections, comme lorsqu'un homme dans la douleur s'écrie : hélas !

La troisième partie de ce précepte comprend trois choses, la colère, les paroles qui la manifestent, l'outrage qu'elles expriment : « Celui qui dira à son frère vous êtes un fou, sera passible du feu de l'enfer. »

Il y a donc divers degrés dans ces péchés que la colère nous fait commettre : le premier est de se mettre en colère, tout en comprimant le mouvement de la colère dans son coeur ; si l'agitation intérieure se trahit par une parole qui ne signifie rien, mais dont l'éclat seul atteste l'irritation de l'âme, il y a un degré de plus que dans la colère dont le mouvement est réprimé par le silence. Mais on est bien plus coupable encore si l'on s'emporte à des paroles évidemment outrageantes.

Voici donc trois degrés de culpabilité qui nous rendent passibles du jugement, du conseil, du feu de l'enfer, et par lesquels le Sauveur nous fait monter de ce qui est léger à ce qui est plus grave. Dans le jugement, en effet, on peut encore se défendre ; mais au conseil, il appartient de prononcer la sentence définitive, après que les juges ont conféré entre eux sur le châtiment qu'ils doivent infliger au coupable ; dans la géhenne du feu, la condamnation est certaine aussi bien que le châtiment de celui qui est condamné. On voit donc la différence qui existe entre la justice des pharisiens et celle de Jésus-Christ : d'un côté l'homicide seul rend passible du jugement, de l'autre il suffit d'un simple mouvement de colère qui est le plus faible des trois degrés dont nous avons parlé.

On me demandera peut-être quel supplice plus grave est réservé à l'homicide, si le simple outrage est puni par le feu de l'enfer ; je répondrai qu'il faut admettre divers degrés dans les supplices de l'enfer.

Dans ces trois sentences, il faut faire attention aux mots qui sont sous-entendus. La première est complète et ne laisse rien à désirer : « Celui qui se met en colère » (sans cause selon quelques-uns) ; dans la seconde : « Celui qui dit à son frère : raca. » il faut sous-entendre sans cause ; et dans la troisième : « Celui qui dira : Vous êtes un insensé, » il faut sous-entendre : « à son frère et sans cause ? » C'est ainsi qu'on justifie l'Apôtre d'avoir appelé insensés (Ga 3, 3) les Galates qu'il nomme ses frères, parce qu'il ne l'a pas fait sans raison.
Rabanus Maurus
Par le mot de géhenne, le Sauveur veut exprimer ici les tourments de l'enfer. On croit que ce nom vient d'une vallée consacrée aux idoles, près de Jérusalem, qui était remplie de cadavres, et que Josias livra à la profanation, comme nous le lisons au livre des Rois (4 R 23, 10).
La Glose
Ou bien encore ces paroles : « Si votre justice n'est plus abondante, » ne se rapportent pas à ce que prescrivait l'ancienne loi, mais à la manière dont les Scribes et les Pharisiens l'interprétaient.
Saint Thomas d'Aquin
680. MAIS MOI JE DIS, etc. Une fois présenté le commandement de l’ancienne loi, ici le Seigneur l’accomplit, et cet accomplissement n’évacue pas la loi mais au contraire la complète, car celui qui se met en colère est enclin à l’homicide, mais quand il se met en colère, il ne commet pas d’homicide. D’une certaine façon, cet [accomplissement] est contenu dans ce commandement, car cette loi a été donnée par Dieu, et il y a une différence entre la loi humaine et la loi divine, car l’homme est juge des actes extérieurs, et Dieu des actes intérieurs, 1 R [1 S] 6, 7 : L’homme regarde à l’apparence mais Dieu regarde au cœur. TU NE TUERAS PAS inclut donc aussi le mouvement qui pousse à tuer.

681. Mais il y a deux mouvements qui poussent à nuire au prochain : la colère et la haine. En effet, la haine n’est pas la même chose qu’une colère enracinée, mais à partir de la cause on peut prévoir [l’effet], car la haine naît d’une colère enracinée. Il y a donc une différence, car la colère ne désire pas de mal au prochain, sauf dans la mesure où elle veut se venger ; puis quand la vengeance a eu lieu, la colère se calme. Mais dans la haine, le préjudice est voulu pour lui-même, et jamais ce désir ne se calme. Il est donc plus grave d’être mû par la haine que par la colère. Or, Dieu interdit d’être mû, non seulement par la haine, mais aussi par la colère, qui est pourtant moins grave. 1 Jn 2, 11 : Celui qui hait son frère [est dans les ténèbres].

682. [Le Seigneur] indique trois degrés de la colère. Premier degré : la colère latente dans le cœur ; deuxième degré : la colère qui paraît à l’extérieur ; troisième degré : [la colère] sort avec violence et cause préjudice. Le premier [se trouve] en cet endroit : MAIS MOI JE VOUS DIS : [QUI SE MET EN COLÈRE CONTRE SON FRÈRE], et Augustin dit qu’on doit lire «sans cause» : que QUI SE MET EN COLÈRE sans cause SERA PASSIBLE DU TRIBUNAL. Jérôme dit que «sans cause» n’est pas dans le texte, parce qu’alors une place serait laissée à la colère, mais que le Seigneur ne laisse aucune place à la colère.

683. Mais toute colère est-elle contraire à la vertu ? Il faut savoir que, comme dit Augustin, sur ce sujet les philosophes ont eu deux opinions. Les stoïciens ont dit que nulle passion de l’âme ne convient au sage ; au contraire ils voulaient qu’[il ait] la vertu véritable. Les péripatéticiens, eux, ont dit que la colère convient au sage, mais modérée. Et cette opinion est plus vraie, cela est clair selon l’autorité de l’Écriture, car dans les Evangiles, nous trouvons ces passions attribuées dans une certaine mesure au Christ, en qui fut la plénitude de la sagesse ; et selon la raison, car si toutes les passions étaient contraires à la vertu, il y aurait certaines puissances de l’âme qui seraient consacrées à nuire, parce qu’elles n’auraient pas d’actes qui leur soient conformes, et alors l’irascible et le concupiscible auraient été donnés pour rien aux hommes. Et c’est pourquoi il faut dire que la colère est quelquefois une vertu, et quelquefois non.

684. La colère s’entend de trois façons. Premièrement, dans la mesure où elle est dans le seul jugement de la raison en l’absence d’émotion de l’âme ; alors, on ne l’appelle pas colère mais jugement. Ainsi le Seigneur, quand il punit les méchants, paraît en colère, Mi 7, 9 : Je dois porter la colère du Seigneur.

685. Deuxièmement, dans la mesure où [la colère] est une passion, elle est dans l’appétit sensitif et elle est double, car parfois elle est ordonnée à la raison, contenue dans les limites de la raison, du moins quand on se met en colère autant qu’on doit, contre qui on doit, etc. C’est alors un acte de vertu, et on l’appelle colère par zèle. C’est pourquoi le Philosophe dit aussi que la douceur ne consiste pas à ne se mettre en colère en aucune circonstance. Et c’est pourquoi Chrysostome dit que si toute colère était supprimée, on supprimerait aussi l’éducation, etc. [La colère] n’est donc pas un péché.

686. La troisième colère est celle qui échappe au jugement de la raison et celle-ci est toujours péché, mais tantôt véniel tantôt mortel, et on dira qu’il vient du mouvement le plus mauvais. En effet, quelque chose est péché mortel ou véniel de deux façons : d’après l’espèce ou les circonstances, ou par l’acte et avec le consentement. Par exemple, l’homicide est un acte de péché mortel à cause de son espèce, car il s’oppose directement au commandement divin, et c’est pourquoi le consentement à l’homicide est un péché mortel, parce que si l’acte [est péché] mortel, le consentement aussi, et les choses de ce genre. Or, parfois le péché est mortel par son espèce, mais pourtant le mouvement n’est pas péché mortel, car il n’y a pas consentement, de même que s’il s’élève un mouvement de concupiscence qui pousse à la fornication, mais qu’on n’y consent pas, ce n’est pas mortel. De même la colère est un mouvement qui pousse à venger une injure subie : cela, c’est la colère au sens propre. Si ce mouvement, par exemple dans l’homicide, est seulement dans la passion, de sorte que même la raison soit séduite, c’est donc alors un péché mortel ; mais si la raison n’est pas pervertie, alors il est véniel. Mais si le mouvement n’est pas péché mortel par son genre, alors [même] s’il y a consentement, ce n’est pas [un péché] mortel.

687. Donc ce que dit le Seigneur, QUI SE MET EN COLÈRE CONTRE SON FRÈRE SERA PASSIBLE DU TRIBUNAL, est à comprendre du mouvement qui tend à nuire, lequel mouvement est péché mortel lorsque c’est avec consentement, Qo 12, 14 : [Dieu] amènera [en jugement] toutes les actions [de l’homme, tout ce qui est caché, que ce soit bien ou mal].

688. Ainsi, MAIS MOI JE VOUS DIS. Et note que nul prophète parlant de la loi de Moïse n’a parlé ainsi : MAIS MOI JE VOUS DIS, etc. Ils ne faisaient qu’inciter les gens à observer la loi de Moïse. D’où il est visible que le Seigneur montre qu’il a autorité, montre qu’il est législateur quand il dit : MAIS MOI, etc.

689. Ensuite est abordé le deuxième degré de colère, quand elle paraît extérieurement, sans acte préjudiciable. RACA, selon certains, n’est pas un mot ayant un sens précis, c’est une exclamation de colère.

690. Selon Augustin, c’est comme l’exclamation de douleur «aïe», et cela exprime un sentiment. C’est pourquoi quand enfin la colère éclate extérieurement, ce n’est pas dans l’intention de nuire. Selon Chrysostome, c’est une exclamation de mépris, elle a un accent de mépris. L’un et l’autre de ces comportements est interdit, à savoir manifester de l’amertume envers son frère, comme dit l’Apôtre, Ep 4, 31 : Aigreur, [emportement, colère, clameurs, outrages, tout cela doit être extirpé de chez vous], et le mépriser, Ml 2, 10 : Pourquoi donc sommes-nous méprisants [l’un envers l’autre] ?

691. Selon d’autres, c’est un mot ayant un sens précis, et là-dessus il y a deux opinions, car, selon Augustin, ce mot signifie «déguenillé» et vient de rakos [«manteau grossier»], et cette opinion concorde avec celle de Chrysostome.

692. Selon Jérôme, RACA signifie «vide». Un RACA serait donc un homme sans cervelle, et c’est une grande injure, bien plus, c’est une injure au Saint-Esprit quand on traite de «vide» un sage frère rempli du Saint-Esprit. Ac 2, 4 : Nous sommes tous remplis du Saint-Esprit. Mais Chrysostome demande : si «vide» [vacuus] est la même chose que «idiot» [fatuus], pourquoi le Seigneur a-t-il dit ensuite : QUI DIRA : «IDIOT» ? Et il a dit que dans toutes les langues il y a des termes qui ont un sens injurieux, mais que l’injure, à l’usage, devient une façon de parler. RACA, bien qu’il signifie «fou», n’a pourtant pas le même usage, car RACA se dit familièrement, et il est péché quand il est dit avec colère.

693. PASSIBLE DE L’ASSEMBLÉE. Augustin [dit] : «Pour Dieu, c’est plus d’être accusé à l’assemblée qu’au tribunal, parce que le tribunal, [c’est] quand le procès de l’accusé est en cours et qu’on ne sait pas encore s’il est coupable », 1 Tm 5, 21[Observe ces règles avec impartialité sans rien faire par favoritisme], mais une fois qu’il est convaincu de crime, on ne débat plus avec l’accusé ; les juges se réunissent en assemblée pour fixer la peine.

694. Hilaire [dit] : «Il est PASSIBLE DE L’ASSEMBLÉE des saints parce que qui a fait injure à l’Esprit Saint mérite d’être condamné par les saints.» Chrysostome dit que les apôtres ont donné cette explication : PASSIBLE DE L’ASSEMBLÉE, c’est-à-dire qu’il est connu pour être de ceux qui se sont assemblés contre le Christ.

695. QUI DIRA : «IDIOT». Ici [est présenté] le troisième degré [de la colère] : lorsqu’on nuit en paroles. Et de même que celui qui traite de RACA profère une injure contre l’Esprit Saint, de même IDIOT injurie le Fils de Dieu, qui est devenu pour nous sagesse [1 Co 1, 30].

696. SERA PASSIBLE DE LA GÉHENNE DE FEU. C’est le premier endroit où il est fait mention de la géhenne, de sorte que personne avant n’a jamais utilisé ce mot. Jr 19 : aux environs de Jérusalem, il y avait une vallée de délices appelée vallée de Topheth ou des fils d’Ennon. Dans cette vallée, les fils d’Israël pratiquèrent le culte des idoles et Dieu leur fit la menace, par l’intermédiaire de Jérémie, que dans cette vallée leurs cadavres devaient être couchés, d’où Jr 19, 6 : Ce lieu ne sera plus appelé [Tophèt ni vallée de Ben Hinnom, mais bien vallée du carnage]. «Géhenne», en hébreu, veut dire «vallée de Hinnom». En effet, c’est dans cette vallée que beaucoup furent couchés et tués par Nabuchodonosor alors qu’ils descendaient de Jérusalem. C’est pourquoi le Seigneur appelle le lieu infernal GÉHENNE. Car de même qu’il a changé en biens célestes et éternels les promesses terrestres qui étaient dans l’ancienne loi, de même il a commué en peines éternelles les peines temporelles que l’ancienne loi infligeait.

697. Or, de même qu’il en va pour les fautes, car montrer sa colère extérieurement est plus que la garder à l’intérieur, et porter préjudice est encore beaucoup plus, de même il y a d’abord le tribunal, deuxièmement l’assemblée, troisièmement la peine fixée. Et tout cela – tribunal, assemblée, géhenne – signifie la peine de l’enfer. Il cite plusieurs [noms de lieux] pour montrer la diversité des peines, car ceux qui font du tort seront punis davantage.
Louis-Claude Fillion
Mais moi je vous dis. « Moi » par opposition aux Docteurs, « vous » par opposition à « anciens ». A cette interprétation mesquine et tout extérieure du cinquième commandement, Jésus oppose la sienne qui est la seule vraie, la seule conforme à la pensée du législateur. Quelle force dans ce « moi je vous dis » ! C’est une parole d’autorité, et de légitime autorité, qui laisse bien loin derrière elle le vague « il est dit » employé sans cesse par le Talmud pour désigner la tradition. On croirait entendre le « ainsi dit Jéhova », de la Loi et des Prophètes ! - Quiconque... Quelle sera donc la portée du cinquième précepte dans le royaume messianique ? Notre-Seigneur l’indique par trois fautes spéciales que l’on peut commettre contre cette ordonnance ramenée à sa véritable signification, et par trois degrés de châtiments qui leur correspondent. - Première faute : se met en colère. « Irasci » désigne la simple colère et, par extension, tout mouvement de haine que l’on peut concevoir contre son prochain. Jésus remonte ainsi jusqu’à la racine même du meurtre, qui gît au fond du cœur. Cf. Joan. 3, 15. - Contre son frère ; le prochain en général, tous les hommes étant frères puisqu’ils sont tous, les enfants d’un même père qui est Dieu. Il peut y avoir, comme le dit ailleurs la Sainte Écriture, des colères saintes et légitimes que Jésus ne veut pas condamner ici. - Méritera d'être condamné. Même sens qu’au v. précédent. Jésus châtie un simple mouvement de colère autant que les Juifs châtiaient l’homicide consommé, montrant ainsi que la colère contre un frère est par elle-même un péché digne de mort devant Dieu. - Seconde faute : Celui qui dira... Raca. Maldonat écrit au sujet de ce mot : « L'ignorance de la langue engendre en ce lieu des interprétations diverses » ; il aurait pu ajouter que la plupart des interprétations sont fausses chez les anciens commentateurs. « Raca » ne diffère probablement pas du chaldéen « vide », au figuré : tête vide, homme de peu de valeur. « La voix de celui qui méprise d’un souverain mépris est très fréquente chez les auteurs hébreux, mais est tout à fait déplorable dans la bouche d’un gentil », dit Lithfoot, Hor. Talm. in h.l. Cette expression est associée par les Rabbins à de nombreuses historiettes du genre de la suivante. Un païen dit à un Israélite : Je t’ai préparé chez moi un plat tout à fait succulent. Quel est ce plat ? demande l’autre. Le païen reprend : C’est de la chair de porc. Raca, s’écria le Juif, il n’est pas même permis de manger chez vous des viandes pures ! - Dans l’explication de Jésus, évidemment « on désigne par le mot idiot n’importe lequel convive », Rosenmüller. La colère qui, tout à l’heure, demeurait concentrée au dedans, éclate maintenant au dehors et ses manifeste par des injures outrageantes pour la dignité humaine. Aussi y aura-t-il une aggravation notable dans le châtiment. - Par le conseil ; c’est donc devant le tribunal suprême et sans appel du Sanhédrin que le coupable sera cette fois conduit pour y recevoir sa sentence. Ce Grand Conseil, dont nous avons déterminé ailleurs les droits et la composition (voir la note de 2, 4), ne jugeait que les crimes les plus graves, ceux qui lésaient la majesté divine ou humaine ; les peines qu’il infligeait étaient en conséquence plus sévères, plus infamantes que celles auxquelles condamnait le tribunal. - Troisième faute : Celui qui dira... Fou. Il faut se reporter à l’hébreu pour bien comprendre le sens et tout l’odieux de cette injure. D’après le stylé biblique, nabal, ne désigne pas seulement la simple aliénation mentale ; ce nom est appliqué très souvent à la folie morale ou religieuse dans ce qu’elle a de plus révoltant, par exemple à l’impiété, à l’athéisme : il représente ainsi le dernier degré de corruption auquel il soit possible à l’homme de descendre ; Cf. Deut. 32, 21 ; Reg. 25, 25 ; Ps. 14, 1 ; 53, 2, etc. Et telle est la signification qu’il faut lui attribuer ici. C’était donc une injure tout à fait atroce : le châtiment qui lui correspond sera naturellement le plus considérable des trois. Jésus avait pris, pour exprimer les deux autres, des points de comparaison dans le code judiciaire de son temps et de son pays : pour celui-ci tout rapprochement humain fait défaut, il l’indiquera donc en propres termes, le feu de la géhenne. Il nous faut retracer rapidement ici l’histoire du mot « géhenne », car elle nous est indispensable si nous voulons saisir toute la pensée de Jésus. « Gehenna », vient de l’hébreu, Ghé-Hinnom, vallée d’Hinnom, ou plus complètement, Ghé-Ben-Hinnom, vallée du fils d’Hinnom. On appelait ainsi, du nom de son ancien propriétaire ou de quelque héros inconnu, un ravin étroit et profond, situé au Sud de Jérusalem (Atlas biblique de V. Ancessi, 17), et célèbre au temps des Prophètes par toutes sortes d’abominations, en particulier par l’affreux culte de Moloch ; 2 Par. 28, 3 ; 33, 6 ; Jerem. 7, 31 ; 19, 2-6. Pour protester contre tant d’horreurs, le pieux roi Josias déclara ce lieu impur et le profana en effet au point de vue légal en y faisant porter des ossements humains et des immondices de tout genre ; 4 Reg. 23, 10. Depuis ce moment la vallée d’Hinnom devint la sentine et l’égout de Jérusalem. Ces diverses circonstances, ajoutées à l’aspect sauvage du ravin, le firent regarder de bonne heure par les Juifs comme la figure de l’enfer. Cette idée, qu’on trouve déjà dans les prophéties d’Isaïe, 30, 33 ; 66, 24, réussit à merveille ; l’imagination populaire ne tarda pas à s’emparer, et à placer dans la Géhenne (le mot apparaît sous cette forme dans le Talmud, Ghéhinnâm) les portes mêmes du lieu des tourments éternels. « Il y a, disait-on, dans la vallée d’Hinnom deux palmiers entre lesquels on voit s’élever de la fumée, c’est là que se trouve la porte de la Géhenne », Babylon. Erubin. fol. 19, 1. Quant au mot « feu » habituellement associé à « Géhenne » dans les Évangiles, il tire son origine, suivant les uns, des feux perpétuels qu’on entretenait dans la vallée pour consumer les détritus de tout genre qu’on y jetait depuis l’époque de Josias ; plus probablement, selon les autres, des feux sacrés qu’on y avait allumés autrefois en l’honneur de Moloch. Cette association s’opéra d’autant plus facilement que les Juifs croyaient, de même que nous, à la réalité des flammes éternelles de l’enfer. Notre-Seigneur se conforme donc au langage de ses compatriotes et, comme eux, c’est l’enfer qu’il désigne par la locution « feu de la Géhenne ». Tout auteur d’une injure atroce à l’égard du prochain méritera en conséquence d’être damné éternellement. Sans doute les deux premières sentences édictaient déjà d’une manière figurée le supplice sans fin des coupables, mais à des degrés inférieurs, parce que les crimes n’avaient pas la même gravité. - Jésus-Christ ne mentionne pas l’homicide, non plus que les autres voies de fait, parce qu’il suppose qu’on n’en viendra jamais là dans son royaume ; du reste il donne assez à entendre combien les actions violentes seraient punies, dès là que les sentiments et les paroles le sont avec une telle sévérité.
Fulcran Vigouroux
Le jugement est probablement le tribunal qui était établi dans chaque ville et qui se composait de vingt-trois juges ; comme le conseil signifie le tribunal souverain composé de soixante-douze membres, et qui jugeait en dernier ressort les crimes contre la religion et l’Etat. ― Jésus-Christ veut donc dire ici que la haine, la colère, le désir de la vengeance sont aussi criminels aux yeux de Dieu que l’homicide, qui est puni de mort, parce que quiconque conserve de la haine contre son semblable est censé désirer sa mort, et que s’il ne se porte contre lui aux dernières extrémités, c’est uniquement la crainte qui le retient : que dire à son frère des paroles telles que Raca, vil, abject, c’est se rendre coupable devant Dieu des mêmes peines dont le conseil punit les plus grands crimes : qu’enfin, joindre à la haine, aux paroles de mépris, les outrages et les discours infamants, c’est mériter l’enfer, la terre n’ayant point de supplice capable d’expier un tel crime.

La géhenne du feu ; c’est-à-dire l’enfer. Le nom de géhenne vient de deux mots hébreux désignant une vallée où l’on a autrefois brûlé des victimes humaines, et qui était devenue depuis la voirie de Jérusalem.
Catéchisme de l'Église catholique
Jésus parle souvent de la " géhenne " du " feu qui ne s’éteint pas " (cf. Mt 5, 22. 29 ; 13, 42. 50 ; Mc 9, 43-48), réservé à ceux qui refusent jusqu’à la fin de leur vie de croire et de se convertir , et où peuvent être perdus à la fois l’âme et le corps (cf. Mt 10, 28). Jésus annonce en termes graves qu’il " enverra ses anges, qui ramasseront tous les fauteurs d’iniquité (...), et les jetteront dans la fournaise ardente " (Mt 13, 41-42), et qu’il prononcera la condamnation : " Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel ! " (Mt 25, 41).

La colère est un désir de vengeance. " Désirer la vengeance pour le mal de celui qu’il faut punir est illicite " ; mais il et louable d’imposer une réparation " pour la correction des vices et le maintien de la justice " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 158, 1, ad 3). Si la colère va jusqu’au désir délibéré de tuer le prochain ou de le blesser grièvement, elle va gravement contre la charité ; elle est péché mortel. Le Seigneur dit : " Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement " (Mt 5, 22).
Pape Saint Jean-Paul II
Le commandement « tu ne tueras pas », inclus et approfondi dans le commandement positif de l'amour du prochain, est réaffirmé dans toute sa force par le Seigneur Jésus. Au jeune homme riche qui lui demande: « Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle? », Jésus répond: « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements » (Mt 19, 16.17). Et il cite, comme le premier d'entre eux, le commandement: « Tu ne tueras pas » (v. 18). Dans le Discours sur la Montagne, Jésus demande aux disciples une justice supérieure à celle des scribes et des pharisiens dans tous les domaines, y compris celui du respect de la vie: « Vous avez entendu qu'il a été dit aux ancêtres: Tu ne tueras pas; et si quelqu'un tue, il en répondra au tribunal. Eh bien! moi je vous dis: Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal » (Mt 5, 21-22).

Jésus porte à leur accomplissement les commandements de Dieu, en particulier le commandement de l'amour du prochain, en intériorisant et en radicalisant ses exigences ; l'amour du prochain jaillit d'un cœur qui aime, et qui, précisément parce qu'il aime, est disposé à en vivre les exigences les plus hautes. Jésus montre que les commandements ne doivent pas être entendus comme une limite minimale à ne pas dépasser, mais plutôt comme une route ouverte pour un cheminement moral et spirituel vers la perfection, dont le centre est l'amour (cf. Col 3, 14). Ainsi, le commandement « tu ne tueras pas » devient l'appel à un amour prompt à soutenir et à promouvoir la vie du prochain ; le précepte qui interdit l'adultère devient une invitation à un regard pur, capable de respecter le sens sponsal du corps : « Vous avez entendu qu'il a été dit aux ancêtres : " Tu ne tueras point " ; et si quelqu'un tue, il en répondra au tribunal. Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal ; 2 Vous avez entendu qu'il a été dit : " Tu ne commettras pas l'adultère ". Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l'adultère avec elle » (Mt 5, 21- 27-28). Jésus est « l'accomplissement » vivant de la Loi en tant qu'il en réalise la signification authentique par le don total de lui-même : il devient lui-même la Loi vivante personnifiée, qui invite à sa suite, qui, par son Esprit, donne la grâce de partager sa vie et son amour même, et qui donne la force nécessaire pour en témoigner par les choix et par les actes (cf. Jn 13, 34-35).