Matthieu 5, 26

Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou.

Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou.
Saint Thomas d'Aquin
764. AMEN, JE TE DIS, c’est-à-dire sache avec certitude, que TU NE SORTIRAS PAS DE LÀ JUSQU’À CE QUE (Glose : «C’est-à-dire jamais»). Augustin [écrit] : «JUSQU’À CE QUE ne signifie pas ici la fin de la peine mais la continuation du malheur.» Comme s’il disait : «Toujours tu paieras et jamais tu n’auras fini de payer», comme dans Ps 109[110], 1 : Siège à ma droite, jusqu’à ce que je mette tes ennemis comme un petit banc pour tes pieds, c’est-à-dire tu siégeras toujours.

TU RENDES LE DERNIER QUART D’AS, c’est-à-dire les plus petits péchés, selon Bède et Raban, car rien ne restera impuni. Le quart d’as est une monnaie qui vaut deux petites pièces. Ou bien, selon Augustin et Jérôme, par le QUART D’AS, il faut comprendre les péchés terrestres, car LE DERNIER QUART D’AS est la terre, qui est l’un des quatre éléments de ce monde, et ce dernier [quart] vient du feu, comme s’il disait : «Puisque tu n’as pas voulu être feu par la charité, aérien par l’empressement aux bonnes œuvres, aquatique par la sanctification du baptême, mais que tu as été terrestre en t’attachant aux choses terrestres, TU NE SORTIRAS PAS DE LÀ, parce que jamais tu n’auras fini de payer les péchés que tu as tirés de la terre.»
Louis-Claude Fillion
Second cas. S. Luc le mentionne aussi, mais dans une autre circonstance ; Luc. 12, 58. Accorde-toi ; en grec le sens ordinaire est « bienveillant », mais il signifie dans ce passage « prêt à satisfaire ». - Ton adversaire ; l’adversaire en des matières soutenables devant les tribunaux ; car en général tout homme qui a sur un autre des droits légaux : par exemple un créancier, comme dans le cas présent. - Au plus tôt, le plus promptement possible ; au plus tard du moins pendant que tu es en chemin avec lui, pour aller trouver le juge. D’après le droit romain qui était alors en vigueur dans toute la Palestine, le plaignant pouvait, de sa propre autorité, contraindre la partie adverse à le suivre à l’audience, le livrer au juge. C’est ce qu’on appelait ordinairement « entraîner en jugement ». Chemin faisant, les plaideurs pouvaient faire un arrangement à l’amiable «(« une transaction ») ; mais l’affaire une fois remise entre les mains du juge, il n’était plus temps, la justice suivait rigoureusement son cours. - Au garde, l’appariteur chargé d’exécuter la sentence ; c’était le plus souvent un licteur. L’homme à qui Jésus est censé s’adresser directement est donc supposé dans son tort. - Et que tu ne sois mis en prison... : conclusion tragique du cas de conscience ; mais la suite l’est davantage encore : tu ne sortiras pas de là... c’est-à-dire jamais, du moins d’après l’opinion la plus probable. « Quand Jésus dit qu’ils ne sortiront pas (de prison) tant qu’ils n’auront pas payé le dernier centime, il ne veut pas laisser entendre par là, comme le dit saint Augustin, qu’ils sortiront plus tard, mais qu’ils ne sortiront jamais » , Maldonat ; de même Schegg, Bisping, Van Steenkiste et un grand nombre d'autres commentateurs. Ces paroles de Notre-Seigneur semblent en effet exprimer l’impossibilité pour le malheureux débiteur de parvenir à se libérer. Comment y réussirait-il puisqu’il est prisonnier ? « Jusqu'à ce que », il est vrai, paraît bien indiquer que la prison aura un terme ; mais nous avons vu, 1, 25, que cette particule laisse souvent l’avenir incertain. - La dernière obole. Le « quadrans » ou quart d’as, était la plus petite monnaie de cuivre des Romains. On peut déduire sa valeur de celle de l’as qui était d’environ six centimes ; voir Antony Rich, Dictionnaire des antiquités romaines, art. as et quadrans. - Il nous reste à faire en quelques mots l’application de ce discours figuré de Jésus. Les deux adversaires représentent deux hommes dont l’un a gravement offensé l’autre et qui est par suite devenu son débiteur ; « le chemin », c’est la vie présente qui est en quelque sorte une chemin par lequel ils se dirigent vers Dieu, le souverain Juge. Satan ou les anges servent de ministres pour exécuter la divine sentence. Enfin la prison sera le purgatoire ou l’enfer, selon la manière dont on interprétera le verset 26. On voit maintenant comment le second cas de conscience se rattache à l’interprétation chrétienne du cinquième précepte de la Loi.
Fulcran Vigouroux
L’as valait à peu près un sou de notre monnaie.