Matthieu 5, 29

Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier jeté dans la géhenne.

Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier jeté dans la géhenne.
Saint Hilaire de Poitiers
C'est donc ici un degré d'innocence plus parfait ; nous devons non-seulement nous abstenir de tout péché personnel, mais encore nous garantir de ceux qui peuvent se commettre autour de nous.
Saint Jean Chrysostome
Si d'après le roi-prophète, il n'y a aucune partie de notre chair qui soit saine, nous devons retrancher tous les membres de notre corps pour égaler leur châtiment à leur malice. Mais voyons si nous devons entendre ce passage de l'oeil ou de la main du corps. Lorsqu'un homme se convertit à Dieu, il est entièrement mort au péché ; de même l'oeil lorsqu'il renonce aux mauvais regards est affranchi du péché. Mais ce n'est pas la seule difficulté, car que fait l'oeil gauche pendant que l'oeil droit vous scandalise ? Tient-il une conduite différente pour être conservé comme innocent.

On peut dire aussi que Notre-Seigneur Jésus-Christ veut que nous prenions garde non-seulement de nous exposer au danger personnel de pécher, mais encore de laisser commettre des actions coupables par ceux dont la conduite nous est confiée. Vous avez par exemple un ami qui voit et connaît parfaitement vos affaires, comme votre oeil, ou qui les traite comme votre propre main ; vous apprenez qu'il s'est rendu coupable d'une action honteuse, chassez-le loin de vous, parce qu'il vous scandalise, car nous aurons à rendre compte non-seulement de nos propres fautes, mais encore des fautes du prochain que nous aurions pu empêcher.

Cet oeil du corps est le miroir de l'oeil intérieur ; le corps a aussi un sens qui lui est propre, c'est l'oeil gauche, et son appétit est figuré par la main gauche. Les facultés de l'âme sont désignées par la droite, parce que l'âme a été créée avec le libre arbitre et sous la loi de justice, pour juger et se conduire avec droiture. Le corps qui n'a pas la liberté en partage, et qui est sous la loi du péché, nous est représenté par la main gauche. Or on ne nous commande pas de retrancher les sensations ou les appétits de la chair, car nous pouvons réprimer ses désirs et ne pas les satisfaire, tandis que nous ne pouvons empêcher la chair de manifester ces désirs. Lorsque de propos délibéré nous pensons, nous voulons le mal, c'est notre sens droit, c'est notre volonté droite qui nous scandalise, et il nous est commandé de les retrancher, ce que nous pouvons faire à l'aide du libre arbitre. Ou bien encore dans un autre sens nous devons nous abstenir de toute bonne action qui devient un scandale pour nous ou pour les autres. Ainsi je fais visite à une femme pour un motif de religion, mon intention est bonne, c'est l'oeil droit. Mais si mes visites trop assidues me font tomber dans le piége du désir, ou deviennent un scandale pour ceux qui en sont témoins, c'est l'oeil droit qui scandalise, c'est le bien qui scandalise, car l'oeil droit c'est le bon regard, c'est la bonne intention, comme la main droite est la bonne volonté.

Nous sommes les membres les uns des autres, il vaut donc mieux pour nous que nous soyons sauvés sans telle bonne intention, ou sans telle bonne oeuvre que de nous perdre avec toutes ces bonnes oeuvres pour avoir voulu les accomplir toutes sans exception.
Saint Jérôme
Ou bien encore, comme le Sauveur parle plus haut du désir coupable que peut exciter la vue d'une femme, il prend ici l'oeil pour la pensée et le sentiment qui s'égarent sur divers objets ; la main droite et les autres parties du corps expriment les premiers mouvements de la volonté et de la passion.

Cet oeil droit, cette main droite, signifient donc l'affection que nous avons pour des frères, pour une épouse, pour des parents, pour des proches ; si elle devient pour nous un obstacle à la contemplation de la vraie lumière, nous devons retrancher ces parties si chères de nous-mêmes.
Saint Augustin
De même que l'oeil est la figure de la contemplation, la main est la figure de l'action. L'oeil est encore pour nous l'image d'un de nos amis les plus chers ; aussi ceux qui veulent exprimer vivement leur affection disent-ils : Je l'aime comme l'un de mes yeux. Cet ami dont l'oeil est la figure, est un ami de bon conseil, de même que l'oeil sert à nous indiquer le chemin. C'est l'oeil droit probablement, pour faire ressortir la force de l'amitié, car on craint bien davantage de perdre l'oeil droit. Peut-être aussi par l'oeil droit, faut-il entendre l'ami qui nous conseille dans l'ordre des choses divines, et par l'oeil gauche celui qui donne des conseils sur les choses de la terre. Le sens serait donc : Quel que soit celui que vous aimez à l'égal de votre oeil droit, s'il vous scandalise, c'est-à-dire s'il est pour vous un empêchement au véritable bonheur, arrachez-le et jetez-le loin de vous. Or il n'était pas nécessaire de parler de l'oeil gauche qui scandalise, après avoir dit qu'il ne faut pas épargner l'oeil droit. La main droite représente l'ami qui nous aide dans les oeuvres spirituelles, la main gauche celui qui nous prête son concours dans les choses de la vie présente.
Saint Rémi
Mais pourquoi faut-il arracher l'oeil droit ; pourquoi faut-il couper la main droite ? Le Sauveur nous en donne la raison. « Car il vaut mieux pour vous qu'un de vos membres périsse. »
La Glose
Il ne suffit pas seulement d'éviter le péché, il faut encore en faire disparaître l'occasion ; aussi, après nous avoir enseigné à fuir non-seulement l'adultère consommé, mais encore l'adultère intérieur, le Seigneur nous enseigne à retrancher les occasions de péché, en ajoutant : « Si votre oeil droit vous scandalise. »

On peut dire encore que l'oeil droit c'est la vie contemplative qui peut devenir un objet de scandale soit en nous jetant dans la paresse ou dans l'orgueil, soit parce que notre faiblesse nous empêche de nous élever jusqu'à la pure vérité. La main droite figure les bonnes oeuvres ou la vie active qui peut nous scandaliser en nous faisant tomber dans le piége que nous tendent la fréquentation du monde et l'ennui des occupations. Que celui donc qui ne peut goûter le bienfait de la vie contemplative ne se laisse pas gagner par la langueur au milieu de la vie active, dans la crainte qu'en se livrant aux occupations extérieures, il laisse se dessécher la douceur intérieure de son âme.
Saint Thomas d'Aquin
777. SI TON ŒIL, etc. [Le Seigneur] écarte ici ce qui incite à ce mouvement lui-même, et ce sont principalement deux choses : la vue et le toucher.

778. Il écarte la première quand il dit : SI TON ŒIL DROIT EST POUR TOI UNE OCCASION DE CHUTE ; puis le second, en cet endroit : ET SI TA MAIN DROITE EST POUR TOI UNE OCCASION DE CHUTE.

779. Il dit donc : SI TON ŒIL DROIT EST POUR TOI UNE OCCASION DE CHUTE, comme s’il disait : «Plus haut, je vous ai interdit l’adultère en acte et en volonté ; mais j’interdis aussi davantage, à savoir toute occasion incitant à l’adultère. C’est pourquoi je dis : SI TON ŒIL DROIT, etc.» Cela est expliqué de plusieurs façons par les saints. Selon Jérôme, Bède et Hilaire, il appelle ŒIL la vue et l’affect mental, d’où [ce qu’écrit] Jérôme : «Parce que plus haut il avait parlé du désir de femme, à bon droit maintenant il appelle ŒIL la pensée qui tourne aussi sa perception dans tous les sens.» Hilaire [dit] : «Par l’ŒIL (et le DROIT) on entend un affect de n’importe quels sentiments.» Selon Augustin, Raban et Chrysostome, l’ŒIL DROIT peut ici être compris comme les amis et conseillers, qui, en quelque sorte, nous montrent le chemin dans les choses à faire. Chrysostome [écrit] : «Il a ajouté DROIT pour que tu apprennes que ce propos ne concerne pas les membres mais les personnes que nous rencontrons dans la vie ordinaire.» De plus, selon Augustin, Bède et Jérôme, l’ŒIL DROIT peut être interprété comme les parents et les proches. Ou bien, selon la Glose, comme la vie contemplative.

780. Il faut donc comprendre ainsi : SI TON ŒIL, c’est-à-dire tes sens et ta pensée, DROIT, c’est-à-dire sous l’apparence d’une bonne intention, EST POUR TOI UNE OCCASION DE CHUTE en désirant des choses illicites, ARRACHE-LE, à savoir en brisant son mauvais usage, ET JETTE-LE LOIN DE TOI, en l’anéantissant entièrement.

781. Chrysostome [écrit] : «Il y avait une religieuse, je l’ai regardée et j’ai dit : “Je dois lui faire des visites régulières pour l’instruire et la confirmer dans le bien.” C’est un bon regard, un œil droit. Mais, au cours de mes visites assidues, je suis tombé dans le piège du désir d’elle. Voici que le bon regard, l’œil droit, est devenu pour moi une occasion de chute. J’arracherai donc ce bon regard qui est sur le point d’engendrer le mal.» Et plus loin, il conclut : «Donc tout bien qui est occasion de chute pour nous ou pour autrui, nous devons le séparer de nous.»

782. De plus, SI TON ŒIL DROIT, c’est-à-dire ton ami, ton conseiller spirituel, EST UNE OCCASION DE CHUTE, en t’entraînant à l’hérésie, un tel [œil] doit être arraché en le réprouvant, jeté en le contredisant ouvertement. De plus, si les parents sont occasion de chute, empêchant la sainteté de vie, un tel œil doit être arraché en résistant, jeté en le séparant de soi. Et encore, si la vie contemplative est occasion de chute, menant à l’ennui ou à l’arrogance, il faut quelquefois l’arracher en la diminuant, la jeter en passant à la vie active.

783. CAR IL VAUT MIEUX POUR TOI, c’est-à-dire il est plus nécessaire et plus utile pour toi de PERDRE UN DE TES MEMBRES, tel sens, tel conseiller, tel proche, ou la contemplation. Ainsi la Glose [dit] : «Celui que tu considères comme un membre.» PLUTÔT QUE TON CORPS ENTIER AILLE DANS LA GÉHENNE, c’est-à-dire que tu sois envoyé en enfer en totalité, âme et corps. La Glose [dit] : «Il vaut mieux être amputé de celui-ci et sauvé, que damné avec lui.»

784. Objection : selon les canons, quiconque en une telle occasion se sera coupé un membre est irrégulier. En outre, une autre glose de Chrysostome et Augustin : «Il n’est pas recommandé d’arracher un membre littéralement.» Mais, à l’encontre, dans les Vies des Pères, on lit que cela a été fait. Réponse à la première objection : l’intention [du Seigneur] n’est pas qu’un membre doive être coupé à cause de cela, mais il appelle à couper ou arracher, à éloigner de soi cette sorte d’usage ou d’acte par le zèle d’un pieux labeur, comme il a été dit plus haut. Réponse à la deuxième objection sur les Vies des Pères : cela est excusé par l’Esprit Saint, sous l’inspiration de qui on croit que ce fut fait, comme dit Augustin à propos de Samson, dans son livre La cité de Dieu : «Ce qui ne s’excuse que par le fait que l’ordre en a été donné en secret par l’Esprit Saint, qui faisait des miracles par son intermédiaire.»
Catéchisme de l'Église catholique
C’est bien user des choses créées : la foi en Dieu l’Unique nous amène à user de tout ce qui n’est pas Lui dans la mesure où cela nous rapproche de Lui, et à nous en détacher dans la mesure où cela nous détourne de Lui (cf. Mt 5, 29-30 ; 16, 24 ; 19, 23-24) :