Matthieu 5, 31

Il a été dit également : Si quelqu’un renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation.

Il a été dit également : Si quelqu’un renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation.
Saint Hilaire de Poitiers
Mais le Seigneur voulant assurer à tous les bienfaits de l'équité, veut qu'elle règne surtout dans l'union conjugale pour la paix des époux ; il ajoute donc : « Et moi, je vous dis que quiconque aura renvoyé son épouse, » etc.
Saint Jean Chrysostome
Lorsque Moïse délivra les Israélites de l'Egypte, ils étaient enfants d'Israël par leur naissance, mais Égyptiens par leurs moeurs. Or par suite de ces moeurs idolâtres il arrivait souvent qu'un homme concevait de la haine pour sa femme, et comme il ne lui était pas permis de la renvoyer, il était porté ou à la mettre à mort, ou à la fatiguer de mauvais traitements. Il fit donc une obligation au mari de donner un certificat de répudiation, non comme d'une chose bonne en soi, mais comme d'un remède à un mal plus grand.

Si nous sommes obligés de supporter les défauts de ceux qui nous sont étrangers, d'après ces paroles de saint Paul : « Portez les fardeaux les uns des autres, » à combien plus forte raison les défauts de nos épouses ? Or un chrétien doit non-seulement éviter ce qui peut souiller son âme, mais encore ce qui serait pour les autres une occasion de se souiller eux-mêmes, car alors le crime d'autrui viendrait s'ajouter à son propre péché, parce qu'il en a été la cause directe. Celui donc qui en renvoyant son épouse devient une cause d'adultère, en exposant sa femme et celui qui la prend à commettre un double adultère, sera condamné lui-même pour ces mêmes fautes : et c'est pour cela qu'il est dit : « Celui qui renvoie son épouse la fait devenir adultère. »

Ne dites donc pas que son mari l'a renvoyée, car même après ce renvoi, elle ne cesse pas d'être son épouse.
Saint Jérôme
Plus tard le Sauveur expliquera plus à fond ce passage, en faisant voir que si Moïse a commandé aux maris à cause de la dureté de leur coeur de donner un acte de répudiation, ce n'est pas pour légitimer le divorce, mais pour prévenir l'homicide.
Saint Augustin
Le commandement que fait ici le Seigneur de ne pas renvoyer son épouse, n'est pas contraire aux prescriptions de la loi, comme le prétendent les Manichéens, car la loi ne disait pas : Que celui qui le voudra renvoie son épouse (le contraire alors serait de ne pas la renvoyer). Loin de vouloir le renvoi de la femme par le mari, la loi apportait tous les retards possibles à cette mesure afin que les esprits trop prompts à vouloir le divorce fussent arrêtés par la nécessité de l'acte de répudiation, difficulté d'autant plus grande que chez les Juifs, il n'était permis de faire les actes en langue hébraïque, qu'aux seuls Scribes qui faisaient profession d'une sagesse plus parfaite (cf. Esd 7, 6.21). C'est donc aux Scribes que la loi renvoyait celui qui voulait se séparer de sa femme, en leur ordonnant de donner l'écrit de répudiation, dans l'espérance que leur entremise pacifique ramènerait la concorde entre les deux époux, et que l'acte de répudiation serait inutile, à moins que leurs mauvaises dispositions ne rendissent impossible tout moyen de réconciliation. Notre-Seigneur n'accomplit donc pas ici, en y ajoutant, la loi donnée aux premiers hommes ; il ne détruit pas davantage la loi donnée par Moïse, en lui opposant une loi contraire, comme le disent les Manichéens ; mais il confirme toutes les prescriptions de la loi hébraïque, et tout ce qu'il paraît y ajouter personnellement ne tend qu'à en expliquer les obscurités, ou bien à garantir plus sûrement l'observation de ses prescriptions.

En cherchant à entraver le renvoi de la femme, Notre-Seigneur a fait comprendre autant qu'il a pu aux hommes les plus durs, qu'il réprouvait le divorce. Pour confirmer ce principe que le renvoi lui-même ne doit pas avoir lieu facilement, il ne lui reconnaît qu'un seul motif, la seule cause de fornication : « Si ce n'est pour cause de fornication. » Quant aux autres peines du mariage, quelque multipliées qu'elles soient, il veut qu'on les supporte avec courage dans l'intérêt de la foi conjugale.

Plus loin Notre-Seigneur déclare également adultère l'homme qui prend la femme renvoyée par son mari, eût-elle un écrit de répudiation ; « celui : ajoute-t-il, qui prend la femme qui aura été renvoyée, devient adultère. »

Je ne veux pas cependant que, dans une matière aussi difficile, le lecteur croie que l'examen que nous venons de faire de cette question doive lui suffire. En effet, tout péché n'est pas une fornication spirituelle, et Dieu ne perd pas tout homme qui l'offense, lui qui exauce tous les jours cette prière de ses Saints : « Pardonnez-nous nos offenses, » tandis qu'il perd celui qui se rend coupable de fornication à son égard (Ps 62, 27). Or est-il permis de renvoyer son épouse pour une fornication de ce genre ? C'est une question fort obscure : Quant à la fornication qui déshonore le corps il ne peut y avoir de difficulté.

Si l'on soutient que le Seigneur n'admet d'autre cause de répudiation que la fornication qui consiste dans l'union coupable des corps, on peut dire que cette défense s'applique aux deux époux, de sorte qu'il n'est permis à aucun des deux de se séparer de l'autre, si ce n'est pour cause d'adultère.

L'Apôtre a déterminé les limites de ce précepte en déclarant qu'il a force de loi pendant toute la vie du mari (1 Co 7, 39) ; mais après sa mort, la femme recouvre le droit de se marier. S'il n'est pas permis à une femme de s'unir à un autre du vivant du mari qu'elle a quitté, combien plus lui est-il défendu d'entretenir avec n'importe qui un commerce criminel ? Ce n'est pas d'ailleurs enfreindre le précepte qui défend de renvoyer son épouse que de la garder chez soi en n'ayant avec elle que des relations toutes spirituelles ; car les mariages où la continence est gardée d'un mutuel accord sont les plus heureux. (chap. 16 ou 26.) Ici se présente une question : le Seigneur permet au mari de renvoyer son épouse pour cause de fornication ; que faut-il entendre par là ? Est-ce simplement la fornication dont on se rend coupable en se livrant à un commerce infâme ? Ou bien est-ce cette fornication plus générale que les Écritures appliquent à toute corruption criminelle de l'âme, comme l'avarice, l'idolâtrie, et toute transgression de la loi produite par la concupiscence qu'elle condamne ? Or si l'apôtre permet de renvoyer l'épouse infidèle, quoiqu'il soit mieux de ne pas le faire (1 Co 7), et que d'un autre côté le Seigneur n'admette d'autre cause de renvoi que la fornication, l'infidélité est donc une véritable fornication. Mais puisque l'infidélité est une fornication, l'idolâtrie une infidélité, et l'avarice une idolâtrie, nul doute que l'avarice elle-même ne soit une véritable fornication. Et si l'avarice est une fornication, qui pourra ôter à une concupiscence coupable, quelle qu'elle soit, le caractère de fornication ?

La permission que donne ici le Seigneur de renvoyer une épouse coupable d'adultère s'étend encore au renvoi qu'un mari fait de son épouse, au moment où il va être forcé de commettre un adultère : car alors il la renvoie pour cause de double fornication ; pour cause de fornication du côté de son épouse, parce qu'elle s'y est livrée ; pour cause de fornication de son côté, afin de s'en préserver lui-même.

Un mari peut renvoyer aussi légitimement une femme qui lui dirait : Je ne serai votre épouse qu'à la condition que vous m'enrichirez par le vol, ou qui exigerait des jouissances qui feraient le crime et le déshonneur de son mari. L'homme à qui sa femme tiendra un pareil langage n'hésitera pas, s'il est vraiment chrétien, à retrancher ce membre qui le scandalise.

Mais c'est une souveraine injustice pour un mari que de renvoyer sa femme pour cause de fornication s'il peut-être convaincu d'être lui-même un fornicateur ; car alors il est sous le coup de ces paroles : « En condamnant les autres, vous vous condamnez vous-même. » Quant à ces autres paroles du Sauveur : « Et celui qui épouse celle que son mari aura quittée commet un adultère, » on peut demander si cette femme est coupable d'adultère au même degré que celui qui l'épouse ; car l'Apôtre lui ordonne de rester sans se marier, ou de se réconcilier avec son mari ; si elle en reste séparée, elle doit demeurer libre de nouveaux liens. Or, il importe beaucoup de savoir si elle a quitté d'elle-même son mari, ou si elle en a été renvoyée. Si c'est elle-même qui s'est séparée de son mari et qu'elle en ait épousé un autre, elle paraît n'avoir agi que par le désir de contracter un second mariage, désir qui est un véritable adultère. Au contraire, a-t-elle été renvoyée par son mari, l'homme et la femme s'unissant d'un commun consentement, on ne voit pas même dans ce cas pourquoi l'un serait adultère, à l'exclusion de l'autre. Ajoutez que s'il y a péché d'adultère pour celui qui s'unit à la femme renvoyée par son mari, c'est elle-même qui le rend adultère, ce qui est formellement défendu par le Seigneur.
La Glose
Le Sauveur venait d'enseigner que l'on ne devait pas désirer la femme de son prochain ; il défend ici de renvoyer sa propre épouse : « Il a été dit : Quiconque renvoie son épouse doit lui délivrer un acte de répudiation, » etc.
Saint Thomas d'Aquin
789. IL A ÉTÉ DIT, etc. Ici est abordé le deuxième point, la confirmation du mariage donné comme remède à la concupiscence. Alors que plus haut il a écarté l’union illégitime contraire à la loi du mariage, ici il écarte la séparation illicite de ceux qui sont unis, et par cela c’est une confirmation du mariage contre les hérétiques.

790. Deux choses sont dites ici : d’abord la permission [accordée] par la loi de Moïse ; ensuite la justice et l’interdiction de la nouvelle loi, en cet endroit : MAIS MOI JE VOUS DIS.

791. [Le Seigneur] dit donc : IL A ÉTÉ DIT. Il ne précise pas l’auteur ou les auteurs de cette parole, signifiant par là qu’ils sont en quelque sorte étrangers à Dieu, ceux-là même par qui cela a été dit, Dt 24, 1, où Moïse a écrit que si l’épouse déplaisait au mari à cause d’une laideur repoussante, il pourrait la renvoyer.

QUI RENVERRA SON ÉPOUSE, c’est-à-dire voudra la renvoyer. De la part de Moïse, c’était une permission, non un commandement, d’où Mc 10, 4 : Moïse a permis d’écrire un acte de divorce, et de répudier.

QU’IL LUI DONNE UN ACTE DE DIVORCE. Ce fut un commandement sous cette condition s’il la renvoyait. Et dans l’acte de divorce, comme on l’appelle, étaient écrites la cause du divorce, la dot qu’il lui donnait, et la permission qu’elle avait de se marier avec un autre. Ainsi, selon Chrysostome, il renonçait à elle, de sorte qu’il n’était plus en son pouvoir de retourner à elle.

792. Question : pourquoi Moïse a-t-il permis cela, qui ne lui avait pas été indiqué par le Seigneur ? Réponse, selon Ambroise et Chrysostome : il l’a permis pour éviter que, par haine ou autre motif que [le mari] pouvait avoir contre l’épouse, il n’arrive un mal plus grand, à savoir qu’il la tue. Ambroise [dit] : «En effet, mieux vaut une séparation qu’une effusion de sang causée par la haine.»

793. Mais il faut noter qu’il y a plusieurs sortes de permissions. Premièrement, la concession licite, quand le prieur t’accorde d’aller voir tes parents. Deuxièmement, la dispense, quand il te permet de manger ce qui ne t’est pas autorisé, par exemple, manger de la viande. Troisièmement, la tolérance, comme lorsque, entre deux maux, on permet le moindre mal, pour éviter qu’il n’en arrive un plus grand, et telle fut la permission donnée par Moïse. Car on dit qu’il a permis, parce qu’il a toléré afin qu’ils ne fassent un mal plus grand comme l’homicide, comme il a été dit plus haut. Et c’est pourquoi le Seigneur dit que Moïse a prescrit cela en raison de la dureté de leur cœur, Mt 19, 8. Et une telle permission n’est pas pour autoriser le péché, car elle agit ainsi pour éviter un plus grand mal. Quatrièmement, l’indulgence, quand quelque chose est permis, dont le contraire serait meilleur : ainsi les apôtres ont permis le remariage, 1 Co 7, 39, alors que pourtant la continence des veuves aurait été meilleure. Cinquièmement, la patience à supporter, ainsi Dieu permet le mal pour en faire sortir le bien.
Louis-Claude Fillion
Quiconque renverra... au sixième commandement, Jésus-Christ rattache d’une manière toute naturelle une ordonnance civile qui avait avec lui la connexion la plus étroite ; nous voulons parler de la loi relative au divorce. En l’expliquant à son tour, Jésus complète ce qu’il venait de dire touchant la sainteté des mœurs, car rien ne pouvait contribuer autant à l’immoralité que le sens exagéré qu’on avait donné peu à peu à cette loi. Le Sauveur n’en cite pas le texte complet. La formule abrégée qu’il nous livre est probablement celle que les Pharisiens eux-mêmes avaient édictée et mise en circulation ; il est du moins facile de remarquer qu’elle élargit notablement la permission accordée par le Législateur. « Si un homme a pris femme et a consommé son mariage, mais si cette femme n’a pas trouvé grâce à ses yeux à cause d’une tare, il rédige pour elle un acte de répudiation, le lui donne, et la renvoie de sa maison. Si après avoir quitté son mari elle épouse un autre homme, et si lui aussi la prend en grippe et lui donne un acte de répudiation… ou est vraiment mort, le premier mari ne pourra pas la reprendre pour femme, car elle est polluée », Deut. 24, 1-4. Il y a là, on le voit, plusieurs restrictions importantes. La principale consiste dans les mots « en raison d'une chose honteuse », qui exigeaient un motif grave pour le divorce, par exemple l’adultère, d’après la solution donnée par l’école de Schammaï. Mais Hillel et ses disciples avaient su débarrasser leurs coreligionnaires de cette entrave, en soutenant que les manquements de tout genre, tels que seraient l’action de sortir sans voile dans la rue, un mets mal apprêté, etc., donnaient au mari le droit de renvoyer sa femme et d’en prendre une autre. Bien plus, comme si cette décision n'eût pas encore été assez relâchée, Rabbi Akiba en vint jusqu'à émettre la règle suivante :« Si quelqu’un voit une femme plus belle que la sienne, il lui est permis de renvoyer sa femme, parce qu’il est dit dans le Deutéronome, 24, 1 : « si elle n’a pas trouvé grâce à ses yeux ». Cf Rosenmüller, Scholia in Deut. ; Lightfoot, Horae talmud. in h.l. La doctrine d’Hillel était trop conforme à la dépravation générale du cœur humain et à l’immoralité qui régnait alors particulièrement en Judée pour n’avoir pas trouvé de nombreux adhérents, qui ne craignaient pas de la mettre en pratique. Ainsi donc, tandis que cette loi sur le divorce était, dans l’intention de Dieu, un moyen de refréner les passions en empêchant les séparations arbitraires ou tyranniques, on en avait fait un manteau sous lequel se dissimulaient les appétits sensuels. « Est-il permis, demanderont plus tard au Sauveur ces Juifs corrompus, de congédier sa femme pour n’importe quelle raison ? » Matth. 19, 9. On dit qu’aujourd’hui encore, dans les pays où la loi civile leur donne cette latitude, les Israélites autorisent le divorce sous les prétextes les plus frivoles. - Un acte de répudiation. Voici la copie de cette pièce dans ses points les plus importants : « Acte de répudiation. Tel jour de tel mois, en telle année à partir de la création du monde..., moi N..., fils de N..., habitant de la ville de N..., en toute liberté et sans la moindre coaction, j’ai répudié, j’ai renvoyé, j’ai chassé toi N..., fille de N..., de la ville de N..., qui avait été mon épouse jusqu’alors. Mais maintenant je t’ai renvoyée, toi, dis-je, N..., fille de N..., de la ville de N... ; de telle sorte que tu t’appartiens et que tu es libre de te marier à qui il te plaira, sans qu’on puisse t’en empêcher, à partir de ce jour et à tout jamais » ; Cf. Lightfoot, l. cit.; Buxtorf, Synag. jud. c. 29. Le droit de divorce n’appartenait chez les Juifs qu’au mari ; la femme n’en pouvait pas user directement, mais elle était libre de recourir, le cas échéant, au jugement des tribunaux pour obtenir la séparation. Cette séparation effectuée, les deux anciens conjoints pouvaient contracter à leur gré une nouvelle union qui était valide aux yeux de la loi.
Catéchisme de l'Église catholique
Le Seigneur Jésus a insisté sur l’intention originelle du Créateur qui voulait un mariage indissoluble (cf. Mt 5, 31-32 ; 19, 3-9 ; Mc 10, 9 ; Lc 16, 18 ; 1 Co 7, 10-11). Il abroge les tolérances qui s’étaient glissées dans la loi ancienne (cf. Mt 19, 7-9).