Matthieu 5, 43

Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.

Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.
Saint Thomas d'Aquin
845. VOUS AVEZ ENTENDU QU’IL A ÉTÉ DIT : «TU AIMERAS TON PROCHAIN, etc.» Ici [le Seigneur] présente les conseils concernant la morale. Et parce que les conseils moraux s’accomplissent dans l’amour du prochain, Rm 13, 8 : Qui aime son prochain a accompli la loi, il exhorte à aimer n’importe quelle personne proche de toi et de semblable nature, comme sont même les ennemis. Ici trois choses sont dites : premièrement, la désapprobation de l’ancienne loi ; deuxièmement, la tradition établie par les Juifs, en cet endroit : ET TU HAÏRAS TON ENNEMI [5, 43] ; troisièmement, la perfection de la loi évangélique, en cet endroit : MAIS MOI JE VOUS DIS : «AIMEZ VOS ENNEMIS» [5, 44].

846. Il touche à quatre points : premièrement, l’amour des ennemis ; deuxièmement, le motif de son exhortation, en cet endroit : POUR QUE VOUS SOYEZ ENFANTS DE VOTRE PÈRE [5, 45] ; troisièmement, la preuve de son motif, en cet endroit : CAR SI VOUS AIMEZ CEUX QUI VOUS AIMENT, QUELLE RÉCOMPENSE AUREZ-VOUS ? [5, 46] ; quatrièmement, en conclusion, la perfection, en cet endroit : DONC VOUS, SOYEZ PARFAITS [5, 48].

847. Il dit donc : VOUS AVEZ ENTENDU QU’IL A ÉTÉ DIT : «TU AIMERAS TON PROCHAIN», affectivement et effectivement, ET TU HAÏRAS TON ENNEMI. Cette phrase ne se trouve nulle part dans la loi ; elle a été ajoutée par une partie des Juifs, car ils pensaient que peut-être il fallait l’ajouter à cause de nombreuses paroles dites dans la loi. Ainsi Dieu a ordonné de détruire les Amalécites, et en Ex 23, 22 il est dit : Je serai l’ennemi de tes ennemis, et il y a d’autres exemples. C’est pourquoi, à l’opposé de cette opinion, il y a la perfection évangélique qui consiste en trois choses : en actes du cœur, en œuvres et en paroles.
Louis-Claude Fillion
Tu aimeras ton prochain. Cette première partie de la citation est empruntée à la lettre même de la Loi ; Cf. Lév. 19, 18. L’expression que la Vulgate a traduite d’une manière un peu servile par « ton ami », désigne plutôt en cet endroit le prochain en général, soit qu’il appartînt à la nation juive, soit même qu’il fût étranger, Cf. Lév. 19, 34. - Quant aux paroles suivantes, et tu haïras ton ennemi..., elles ne se rencontrent nulle part dans la Thora : les Pharisiens s’étaient permis de les ajouter au texte qui précède comme un corollaire très naturel, croyaient-ils, tandis que ce n’était, selon la réflexion justement indignée de Bengel, Gnomon in h. l., qu’une détestable glose. Ce n’est pas tout, ils en étaient venus jusqu’à ranger tous les non-juifs, c’est-à-dire les païens sans exception, dans la catégorie des ennemis. « Ne témoigne au païen ni bienveillance ni pitié, » dit R. Isaac, Midr. Tehill. f. 26, 4. « Nous n’avons pas le droit, enseigne Maimonides résumant la tradition sur ce point, de tuer les païens avec lesquels nous ne sommes point en guerre ; mais il est défendu de les secourir quand ils sont en danger de mort », etc. Ainsi se forma peu à peu, chez la nation choisie, une « haine du genre humain » parfaitement avouée et que ses adversaires lui reprochent aussi bien que ses amis. On connaît le mot de Tacite, Hist. 5, 4 : « Entre eux, une foi à toute épreuve, le cœur sur la main, mais envers tous les autres une haine qui ne désarme pas ». Et S. Paul, si dévoué à ses coreligionnaires, ne dit-il pas d’eux très ouvertement que « Ils déplaisent à Dieu ; ils sont les adversaires de tous les hommes »? 1. Thess. 2, 15.
Catéchisme de l'Église catholique
Ce même devoir s’étend à ceux qui pensent ou agissent différemment de nous. L’enseignement du Christ va jusqu’à requérir le pardon des offenses. Il étend le commandement de l’amour, qui est celui de la loi nouvelle, à tous les ennemis (cf. Mt 5, 43-44). La libération dans l’esprit de l’Evangile est incompatible avec la haine de l’ennemi en tant que personne mais non avec la haine du mal qu’il fait en tant qu’ennemi.

La prière chrétienne va jusqu’au pardon des ennemis (cf. Mt 5, 43-44). Elle transfigure le disciple en le configurant à son Maître. Le pardon est un sommet de la prière chrétienne ; le don de la prière ne peut être reçu que dans un cœur accordé à la compassion divine. Le pardon témoigne aussi que, dans notre monde, l’amour est plus fort que le péché. Les martyrs, d’hier et d’aujourd’hui, portent ce témoignage de Jésus. Le pardon est la condition fondamentale de la Réconciliation (cf. 2 Co 5, 18-21), des enfants de Dieu avec leur Père et des hommes entre eux (cf. Jean-Paul II, DM 14).