Matthieu 5, 47

Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?

Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Saint Hilaire de Poitiers
On peut dire aussi que c'est dans le baptême et dans le sacrement qui confère l'esprit, qu'il fait luire ce soleil, et qu'il donne cette pluie.
Saint Jean Chrysostome
De même que les enfants des hommes portent toujours dans leur corps quelque trait de ressemblance avec leur père ; de même aussi on reconnaît à leur sainteté les enfants spirituels de Dieu.

Ces paroles : « Vous ne convoiterez pas » n'étaient pas adressées à la chair, mais à l'âme ; il en est de même de ce passage. La chair en effet ne peut aimer son ennemi, l'âme le peut, parce que la chair place le principe de l'amour ou de la haine dans les sens ; l'âme, au contraire, dans l'intelligence. Si donc nous avons reçu quelque injure, et que nous en ressentions de la haine, sans vouloir cependant en suivre les inspirations, c'est notre chair qui hait notre ennemi, tandis que notre âme ne laisse pas de l'aimer.

Voyez par combien de degrés le Sauveur nous fait monter et comme il nous établit sur le sommet le plus élevé de la vertu. Le premier degré c'est de ne pas prendre l'initiative de l'injure, le second de ne pas la venger par une injure égale, le troisième de ne pas faire endurer à notre ennemi ce qu'il nous a fait souffrir ; le quatrième de s'exposer soi-même à la souffrance ; le cinquième de donner plus ou de se montrer disposé à faire de plus grands sacrifices que ne le veut notre ennemi ; le sixième de ne pas avoir de haine pour celui qui se conduit de la sorte ; le septième de l'aimer ; le huitième de lui faire du bien ; le neuvième de prier pour lui, et comme c'est là un grand commandement il lui donne pour sanction cette magnifique récompense de devenir semblable à Dieu : « Afin que vous soyez, dit-il, les enfants de votre Père céleste qui est dans les cieux. »

C'est avec dessein que Notre-Seigneur dit : « Sur les justes, » et non pas « sur les justes comme sur les injustes, » car ce n'est pas à cause des hommes, mais à cause des Saints que Dieu distribue tous ses biens, de même que c'est à cause des pécheurs qu'il inflige ses châtiments sur la terre. Mais dans la distribution des biens, il ne fait pas distinction des pécheurs d'avec les justes, pour ne pas les jeter dans le désespoir ; de même que dans les bâtiments qu'il envoie, il ne sépare pas les justes des pécheurs. Cette conduite est d'autant plus équitable que les biens ne sont pas d'une grande utilité aux méchants, qui par leur mauvaise vie, les font tourner à leur perte ; et que les maux loin de causer aucun dommage aux bons servent bien plutôt à leur progrès dans la vertu.
Saint Jérôme
Il en est plusieurs qui mesurent les préceptes de Dieu à leur faiblesse et non pas à la force qui fait les saints et qui regardent ces préceptes comme impossibles. Ils disent qu'il suffit, pour pratiquer la vertu, de ne pas avoir de haine pour ses ennemis, mais que de les aimer c'est commander plus que ne peut la nature humaine. Qu'ils sachent donc que Notre-Seigneur ne commande pas des choses impossibles, mais parfaites. Et n'est-ce pas ce que fit David à l'égard de Saul et d'Absalon ? Le saint martyre Etienne n'a-t-il pas prié pour ceux qui le lapidaient ? Saint Paul n'a-t-il pas voulu être anathème à la place de ses persécuteurs ? N'est-ce pas ce que Jésus enseigne et ce qu'il fit lui-même lorsqu'il dit : « Mon Père, pardonnez-leur ? »

Si celui qui garde les commandements de Dieu devient le fils de Dieu, il ne l'est donc point par nature, mais il le devient par l'effet de sa libre volonté.
Saint Augustin
Le précepte d'aimer le prochain n'admet aucune exception ; c'est ce que nous apprend le Seigneur lui-même dans la parabole de cet homme laissé à demi-mort, Il nous dit que le prochain fut celui qui exerça la miséricorde à son égard, pour nous faire comprendre que notre prochain c'est tout homme à qui nous devons en témoigner dans le besoin. Et qui ne voit que nous ne devons en excepter personne, devant ces paroles : « Faites du bien à ceux qui vous haïssent ? »

Il y avait un certain degré dans la justice pharisaïque, qui relevait de l'ancienne loi ; la preuve c'est qu'il en est qui détestent même ceux qui les aiment. C'est donc s'élever d'un degré que d'aimer son prochain, tout en haïssant son ennemi, suivant Ces paroles : « Et vous haïrez votre ennemi, » paroles qu'il ne faut pas regarder comme un commandement pour le juste, mais comme une condescendance pour le faible.

Je demanderai aux Manichéens pourquoi ils s'obstinent à regarder comme particulier à la loi de Moise ce qui a été dit aux anciens : « Vous haïrez votre ennemi. » Et saint Paul lui-même n'a-t-il pas dit qu'il en est qui sont un objet de haine pour Dieu (Rm 1, 30) ? Il faut donc chercher à comprendre comment nous pouvons haïr nos ennemis à l'exemple de Dieu pour qui certains hommes sont haïssables, et comment nous devons aimer nos ennemis à l'exemple de ce même Dieu qui fait lever son soleil sur les bons et sur les mauvais. La règle que nous devons suivre, c'est de haïr dans un ennemi ce qu'il y a de mal en lui, c'est-à-dire l'iniquité, et d'aimer dans notre ami ce qu'il y a de bon, c'est-à-dire la créature douée de raison. C'est pour avoir entendu sans la comprendre cette parole qui avait été dite aux anciens : « Vous haïrez votre ennemi, » que les hommes étaient portés à se haïr mutuellement les uns les autres, alors qu'ils n'auraient dû haïr que le vice. C'est donc cette erreur que le Seigneur veut corriger lorsqu'il dit : « Pour moi, je vous dis : Aimez vos ennemis. » Il avait dit précédemment : « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l'accomplir ; » en nous ordonnant ici d'aimer nos ennemis, il nous force de comprendre comment nous pouvons, dans un seul et même homme, haïr le mal qu'il commet et aimer la nature dont il est revêtu.

Mais ce sont là les vertus des enfants de Dieu qui ont atteint la perfection ; c'est vers ce but que tout fidèle doit tendre ; c'est à cette générosité de sentiments qu'il doit élever son âme en priant Dieu, en luttant contre lui-même. Cependant une perfection aussi sublime n'est point le partage d'un aussi grand nombre de personnes que celui dont Dieu, nous le croyons, exauce cette prière : « Remettez-nous nos dettes comme nous les remettons à ceux qui nous doivent. »

Une difficulté se présente, c'est qu'un très grand nombre de passages de l'Écriture paraissent contredire ce précepte de prier pour nos ennemis. En effet, on trouve dans les prophéties une multitude d'imprécations contre les ennemis, comme celle-ci : « Que ses enfants deviennent orphelins. »(Ps 118, 9). La raison en est que les prophètes prédisent ordinairement l'avenir sous forme d'imprécations. Mais ces paroles de saint Jean offrent encore plus de difficulté : « Il y a un péché qui va à la mort, et ce n'est pas pour ce péché là que je dis qu'il faut prier. » (1 Jn 5, 16.) Par ce qui précède : « Si quelqu'un sait que son frère a péché, etc., » le même apôtre nous enseigne clairement qu'il en est pour lesquels nous ne devons pas prier. Le Seigneur, au contraire, nous ordonne de prier pour nos persécuteurs. Cette difficulté ne peut se résoudre qu'en reconnaissant que nos frères peuvent se rendre coupables de péchés plus graves que le crime de la persécution. Ainsi saint Etienne prie pour ceux qui le lapidaient, parce qu'ils ne croyaient pas encore en Jésus-Christ (Ac 7), tandis que saint Paul ne prie pas pour Alexandre parce qu'il était du nombre des fidèles et qu'il avait péché en attaquant par un sentiment d'envie l'union fraternelle (1 Tm 15). Toutefois ce n'est pas prier contre quelqu'un que de ne pas prier pour lui. Mais que dirons-nous de ceux contre lesquels nous savons que des saints ont prié non pas pour leur conversion, c'eût été bien plutôt prier pour eux, mais pour qu'ils fussent livrés à l'éternelle damnation ? Je ne parle pas de la prière que le prophète adressait à Dieu contre celui qui a trahi le Seigneur, c'était une prédiction de l'avenir et non un souhait de condamnation, mais de la prière que nous lisons dans l'Apocalypse (Ap 6) et où les saints martyrs prient Dieu de venger leur sang répandu. Or, cette prière n'a rien qui doive nous étonner ; car qui oserait affirmer qu'elle est dirigée contre les persécuteurs eux-mêmes et non contre le règne du péché ? Quelle est en effet la vengeance pure des martyrs, vengeance pleine de justice et de miséricorde, c'est de voir détruire l'empire du péché sous lequel ils ont tant souffert ; et ce qui renverse cet empire, c'est tout à la fois la conversion des uns et la damnation des autres qui persévèrent dans le péché. Est-ce que saint Paul, à votre avis, n'a pas suffisamment vengé dans sa personne le martyr saint Etienne, lorsqu'il dit : « Je châtie mon corps et je le réduis en servitude. »

Ou bien les âmes de ces victimes crient et demandent vengeance comme le sang d'Abel du sein de la terre, non pas d'une voix matérielle et sensible, mais par la force même des choses. C'est dans ce sens qu'on dit d'une oeuvre, qu'elle loue celui qui l'a faite par cela même qu'elle le réjouit de son seul aspect. Pourquoi d'ailleurs les saints seraient-ils impatients de presser l'exécution d'une vengeance qu'ils savent devoir arriver au temps marqué ?

Mais tout en louant sa libéralité, pensons aux châtiments dont il frappe ceux qu'il aime, et concluons qu'on n'est pas ami parce qu'on épargne la correction ; et qu'on n'est pas ennemi parce qu'on châtie, car il vaut mieux aimer avec sévérité que de tromper avec douceur (Pv 27, 26).

Ces paroles doivent s'entendre dans le même sens que ces autres de saint Jean : « Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » Il n'y a qu'un seul Fils de Dieu par nature ; quant à nous, nous recevons le pouvoir de devenir les enfants de Dieu, lorsque nous accomplissons ses commandements. Aussi ne dit-il pas « Faites cela, parce que vous êtes les enfants, » mais « faites-le pour devenir les enfants de Dieu, » En nous appelant à cette sublime dignité, il nous appelle à lui devenir semblables, c'est pour cela qu'il ajoute « Qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et qui fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. » Par le soleil, on peut entendre non pas celui qui brille à nos yeux, mais celui dont le prophète a dit : (Ml 4) « Le soleil de justice se lèvera sur vous qui craignez le nom du Seigneur ; » et par la pluie, la rosée que répand dans les âmes la doctrine de la vérité ; parce qu'en effet le Christ s'est manifesté et a été évangélisé aux bons et aux mauvais.

Ou bien encore on peut entendre ces paroles et de ce soleil visible, et de la pluie qui fait croître les fruits ; en effet les méchants dans le livre de la Sagesse font entendre cette plainte : « Le soleil ne s'est pas levé pour nous, » et il est dit de la pluie spirituelle : « Je commanderai à mes nuées de ne pas répandre leur rosée sur elle. » Qu'on admette l'un ou l'autre sens, c'est toujours un effet de la grande bonté de Dieu qu'on nous ordonne d'imiter. Or il ne dit pas simplement : « Il fait lever le soleil » mais, « son soleil, » nous apprenant ainsi avec quelle largesse nous devons donner d'après ce précepte ce que nous n'avons pas créé, mais ce que nous recevons de sa munificence.

En effet, l'homme de bien ne se laisse ni enfler par la prospérité, ni abattre par le malheur, tandis que l'adversité devient un châtiment pour le méchant, parce qu'il se laisse corrompre par la bonne fortune. Ou bien encore, Dieu a voulu que les biens et les maux de cette vie fussent communs aux uns et aux autres pour nous ôter le désir trop vif de ces biens que nous voyons les méchants partager avec nous, et la crainte qui nous fait fuir honteusement des maux que les justes eux-mêmes ne peuvent éviter.
Saint Rémi
Comme la perfection de la charité fraternelle ne peut aller plus loin que l'amour des ennemis, le Seigneur après en avoir imposé le précepte ajoute : « Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Il est parfait comme tout puissant, l'homme devient parfait par le secours du Tout-Puissant. L'expression comme signifie quelquefois dans l'Écriture l'égalité et la vérité, par exemple dans ce passage : « Je serai avec vous, comme j'ai été avec Moïse. » Quelquefois, cette particule n'exprime qu'une simple ressemblance comme dans cet endroit.
Saint Grégoire le Grand
Voulons-nous une marque certaine que nous aimons réellement notre ennemi, ne nous attristons pas de sa prospérité, ne nous réjouissons pas de ses malheurs ; ce n'est pas aimer quelqu'un que de ne pas le vouloir dans un état plus prospère, et on fait certainement des voeux contre sa fortune quand on applaudit à sa ruine. Toutefois, il arrive souvent que sans nous faire perdre la charité, la chute d'un ennemi nous cause de la joie, et que sa gloire nous contriste sans que nous lui portions envie, c'est lorsque nous croyons que sa chute sera la cause de l'élévation de plus dignes que lui et que sa prospérité nous fait craindre l'injuste oppression d'un grand nombre. Mais il faut ici une attention extrême pour ne point satisfaire, notre haine sous le fallacieux prétexte de l'utilité du prochain. Nous devons également savoir faire la distinction de ce qu'exige de nous la ruine du pécheur et la justice de celui qui le frappe. Lorsque Dieu frappe un homme couvert de crimes, nous devons applaudir à la justice du juge, mais compatir en même temps au malheur de celui qui périt.
Rabanus Maurus
Les païens sont les Gentils (le mot grec ''''' correspond au mot latin gens,)ainsi appelés parce qu ils ont été comme engendrés sous la loi du péché.

Si donc les pécheurs sous la seule inspiration de la nature cherchent à se montrer bienfaisants pour ceux qui les aiment, à combien plus forte raison devez-vous embrasser dans le sein d'un amour plus étendu, ceux mêmes qui ne vous aiment pas. C'est pour cela qu'il vous dit : « Les Publicains ne le font-ils pas ? » c'est-à-dire ceux qui perçoivent les deniers publics ou qui poursuivent les honneurs et les richesses de la terre dans le commerce et dans les affaires du siècle.
La Glose
Le Seigneur nous a enseigné, dans ce qui précède, à ne pas résister à celui qui nous fait tort, mais à nous montrer disposé à en supporter davantage. Il va plus loin, et veut nous apprendre que nous devons aimer même ceux qui nous font du mal et leur prouver notre charité par des effets. Les commandements précédents étaient le complément de la justice légale, ce dernier précepte est l'accomplissement de la charité qui, selon l'Apôtre, est la plénitude de la loi. Voilà la raison de ces paroles du Sauveur : « Vous savez qu'il a été dit : Vous aimerez votre prochain. »
La Glose
Remarquons toutefois que dans nul endroit de la loi on ne trouve ces paroles : « Vous haïrez votre ennemi. » Elles sont donc citées comme faisant partie de la tradition des Scribes qui ont cru pouvoir les ajouter, parce que le Seigneur avait commandé aux enfants d'israel de poursuivre leurs ennemis (Lv26), et de détruire Amalec de dessous le ciel (Ex 17).

Les ennemis de l'Église lui font la guerre de trois manières : par la haine, par leurs discours, par les supplices. L'Église, au contraire, leur oppose premièrement l'amour : Aimez vos ennemis ; » secondement, les bienfaits : « Faites du bien à ceux qui vous haïssent ; » troisièmement, la prière : « Priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient. »

Si vous priez pour ceux-là seulement qui vous sont unis par les liens du sang ou de l'amitié, en quoi votre charité est-elle supérieure à celle des infidèles ? Il ajoute : « Si vous ne saluez que vos frères ; » (le salut est une espèce de prière), que faites-vous en cela de plus ? Les païens ne le font-ils pas aussi ?

Aimer celui qui nous aime, c'est un sentiment que la nature inspire ; aimer notre ennemi c'est un acte de pure charité, et c'est ce que le Sauveur exprime par les paroles suivantes : « Si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? » (c'est-à-dire au ciel) ; comme s'il disait : Vous n'en aurez aucune, car c'est de vous qu'il est dit : « Vous avez reçu votre récompense. » Cependant il faut accomplir ce premier devoir et ne pas omettre le second.
Saint Thomas d'Aquin
854. ET SI VOUS SALUEZ SEULEMENT VOS FRÈRES, c’est-à-dire si vous priez seulement pour ceux qui vous sont unis par quelque parenté ou par l’amitié, car «la salutation, comme dit la Glose, est une forme de prière», QUE FAITES-VOUS DE PLUS ? Que ferez-vous de plus que les païens ou les barbares, qui agissent ainsi par une affection humaine ? Sous-entendu : en cela vous ne serez pas plus parfaits que les païens.

CAR MÊME LES PAÏENS (ou GENTILS, ethnici, «c’est-à-dire les nations ou ceux qui sont dévoués à ceux de leur peuple, ethnos en grec, gens en latin», dit Raban) FONT CELA, c’est-à-dire ont compassion des leurs par affection humaine, et prient pour eux. «S’il est honteux qu’un homme du même rang que toi te méprise, combien il est plus honteux que Dieu soit méprisé par toi !», dit Chrysostome.
Louis-Claude Fillion
Autre motif pressant : la fidélité à cette injonction du Sauveur sera grandement récompensée, mais ceux qui n’aiment que leurs amis n’ont rien à espérer de Dieu. Au lieu d’exprimer sèchement cette idée, Jésus-Christ la rend frappante par le tour rapide qu’il lui communique et par la double comparaison qu’il y mêle. - Si vous aimez ceux qui vous aiment... Aimer seulement ceux qui nous aiment, est-ce de la charité chrétienne ? Non, c’est plutôt de l’égoïsme, de l’amour-propre dissimulé. « L’amour, dit Dante en son magnifique langage, qui ne pardonne l’amour à aucun aimé ». Aussi, quelle récompense aurez-vous ? une récompense humaine peut-être, une part plus grande à l’affection de vos amis, mais rien du ciel pour lequel vous n’avez rien fait. - Les publicains... ? Même les publicains font cela ! Quelle force dans ce « Les publicains » ! Quelques détails historiques sont nécessaires pour bien saisir l’argumentation de Jésus. On nommait publicains les employés chargés de prélever les impôts dans les pays annexés à l’empire romain. C’étaient tout d’abord des nobles ou chevaliers qui, moyennant une annuité considérable qu’ils payaient à l’État, se chargeaient à leurs risques et périls de recouvrer la somme avancée par eux, grossie bien entendu d’intérêts considérables, car toute liberté ou peu s’en faut leur était laissée à cet égard. Toutefois cette dénomination servait plus communément à désigner non pas ces percepteurs en grand dont la principale fonction consistait à encaisser l’excédant toujours certain des recettes, mais leurs nombreux agents qui traitaient directement avec les contribuables. Ces employés inférieurs, désireux de s’enrichir comme leurs chefs, réclamaient plus encore que ceux-ci n’avaient exigé, Cf. Luc. 3, 12 et 13, et se conduisaient en général avec une brutalité révoltante. C’était, on le voit, la concussion pratiquée sur toute la ligne, avec les abus les plus criants tolérés par les proconsuls. On comprend la haine que les pauvres provinciaux avaient dû concevoir pour les tyrans qui les dépouillaient avec une telle injustice. La classe des publicains, honnie chez les Grecs, l’était doublement chez les Juifs, aux yeux desquels elle avait en outre le tort impardonnable de servir les Romains, ces puissants ennemis de la cause théocratique. Aussi le Talmud affecte-t-il de la ranger parmi celles des voleurs et des assassins ; il prétend même que le repentir, et par suite le salut des publicains, sont des choses impossibles. Le bon Jésus lui-même parlant d’eux, soit selon leur malice réelle, soit en conformité avec les idées de ses compatriotes, les associe plus d’une fois à ce qu’il y a de pire dans la société, Cf. 18, 17 ; 21, 31, 32, etc. Il mentionne donc ici leurs noms pour montrer qu’il y a bien peu de mérite à faire une chose qu’eux-mêmes, hommes violents, brutaux, savent faire. - Et si vous ne saluez que vos frères... La salutation avait lieu chez les Arabes, au moyen du mot « paix », adressé à ceux que l’on rencontre. Les Israélites ne saluaient jamais les Gentils, de même que les Mahométans évitent actuellement de témoigner cet acte de déférence aux chrétiens. - Que faites-vous d'extraordinaire ? En quoi excellez-vous ? quelle est votre supériorité sur le reste des hommes, puisque les païens le font aussi ? Les païens sont signalés ici au point de vue israélite, comme les publicains un peu plus haut. Ces deux exemples concrétisés contenaient pour les auditeurs de Jésus un « a fortiori » très énergique.