Matthieu 5, 6
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
A ceux qui ont faim et soif de la justice, il promet le bonheur, et nous apprend ainsi que la pieuse avidité des Saints pour la doctrine divine sera complètement rassasiée dans les cieux ; c'est le sens de ces paroles : « Parce qu'ils seront rassasiés. »
Après que j'ai pleuré mes péchés, je commence à ressentir la faim et la soif de la justice, car ce n'est point au milieu d'une maladie grave qu'on éprouve cette faim. Notre-Seigneur ajoute donc : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice. »
Peut-être même s'agit-il ici de récompense terrestre. Comme on pense communément que c'est l'avarice qui satisfait abondamment nos désirs, Notre-Seigneur attribue au contraire cet effet à la justice, car celui qui la désire possède tous les biens sans crainte de les perdre.
Tout bien que les hommes ne font point par l'amour du bien lui-même n'a point de valeur aux yeux de Dieu. Or on a faim de la justice lorsqu'on désire vivre selon les règles de la justice divine ; on a soif de la justice lorsqu'on désire acquérir la science de Dieu.
Ils seront rassasiés de l'abondance des libéralités de Dieu, car les récompenses qu'il accorde aux Saints dépassent de beaucoup leurs désirs.
La justice dont il est ici question est, ou la justice universelle, ou la justice particulière opposée à l'avarice. Le Sauveur va parler de la miséricorde, il nous enseigne par avance comment nous devons l'exercer ; ce ne doit pas être avec les produits de l'avarice ou du vol. C'est pour cela qu'il donne à la justice les caractères de l'avarice, la faim et la soif.
Il ne nous suffit pas de vouloir la justice, mais il nous faut souffrir la faim de la justice, expression figurée qui doit nous faire comprendre que nous ne serons jamais assez justes, et que nous devons désirer toujours plus ardemment les oeuvres de la justice.
Ou bien peut-être ils seront rassasiés dans la vie présente de cette nourriture dont le Seigneur a dit : « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père, » (qui est la justice), et de cette eau dont il est dit qu'elle deviendra en celui qui l'aura bue une source d'eau qui rejaillit jusque dans la vie éternelle.
562. Ensuite, après les béatitudes qui concernent l’éloignement du mal, est présentée ici la béatitude qui concerne l’action de faire le bien.
563. Notre bien est double : [celui] de la justice et [celui] de la miséricorde. Et c’est pourquoi [le Seigneur] aborde deux choses. Pour la première, il dit : HEUREUX CEUX QUI ONT FAIM ET SOIF DE JUSTICE. JUSTICE se prend dans trois sens, selon Chrysostome et le Philosophe. Quelquefois en effet [on l’emploie] à la place de n’importe quelle vertu, et toute vertu est dite justice légale, qui donne des prescriptions sur les actes de vertus. C’est pourquoi en tant qu’on obéit à la loi, on accomplit l’œuvre de toutes les vertus. Autre sens : en tant qu’elle est une vertu particulière, [la justice est] celle des quatre vertus cardinales qui s’oppose à la cupidité ou à l’injustice, et elle concerne les achats, ventes, locations…
564. Ce qu’il dit ici, CEUX QUI ONT FAIM DE JUSTICE, peut donc être compris en général ou en particulier. Si on le comprend en général, [le Seigneur] dit cela pour deux raisons. La première [vient] de Jérôme, qui dit qu’il ne suffit pas de réaliser une œuvre de justice si on ne la réalise avec désir. Ps 53, 8 : Volontairement je t’offrirai un sacrifice etc. Et ailleurs, Ps 41, 3 : Mon âme a eu soif de Dieu, la source vive, etc. Am 8, 11 : J’enverrai la faim sur cette terre, non la faim de pain ni la soif d’eau, mais d’entendre la parole de Dieu. Quand on agit avec désir, c’est donc une faim.
565. Autre raison : la justice est double, une parfaite et une imparfaite. La parfaite, nous ne pouvons l’avoir en ce monde, car si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous, 1 Jn 1, 8 ; et Is 64, 5 : Toutes nos justices sont comme des linges souillés. Celle-ci, nous l’avons au ciel, Is 60, 21 : Ton peuple, tous les justes, hériteront la terre pour l’éternité. Mais le désir de justice, nous pouvons l’avoir ici, et c’est pourquoi il dit : HEUREUX CEUX QUI ONT FAIM ET SOIF DE JUSTICE etc. Pythagore a fait la même chose. Au temps de Pythagore, ceux qui étudiaient étaient appelés sophoi, «sages». Pythagore, lui, ne voulut pas être appelé sophos mais «philosophe», «celui qui aime la sagesse». C’est ainsi que le Seigneur veut que soient les siens, et qu’ils soient appelés «ceux qui aiment la justice».
566. D’autre part, si on comprend [qu’il s’agit] de justice particulière, qui consiste à rendre à chacun ce qui lui appartient, l’expression HEUREUX CEUX QUI ONT FAIM etc convient bien, car la faim et la soif sont le propre des avides, car ceux qui désirent posséder injustement les biens d’autrui ne sont jamais rassasiés. Cette faim dont le Seigneur parle s’oppose donc à celle-ci, celle des avides. Et le Seigneur veut que nous aspirions tellement à cette justice, que jamais, pour ainsi dire, nous n’en soyons rassasiés dans cette vie, de même que l’avide n’est jamais rassasié.
567. HEUREUX, donc, CEUX QUI ONT FAIM ET SOIF DE JUSTICE, CAR ILS SERONT RASSASIÉS. La récompense adéquate est présentée : ILS SERONT RASSASIÉS, et premièrement dans la vision éternelle, car ils verront Dieu par essence, Ps 16, 15 : Je serai rassasié quand ta gloire apparaîtra, car là il ne restera rien à désirer. Ps 102, 5 : Celui qui remplit de biens ton désir ; Pr 10, 24 : Ce que désirent les justes leur sera donné. Deuxièmement, dans le présent, et [cette récompense] est double : l’une est dans les biens spirituels, c’est-à-dire dans l’accomplissement des commandements de Dieu, Jn 4, 34 : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, pour que j’achève son œuvre, et c’est l’explication d’Augustin. L’autre façon de comprendre est à propos du rassasiement de choses temporelles. Les hommes injustes ne sont jamais rassasiés, mais ceux dont le but est la justice elle-même ne dépassent pas les limites. Pr 13, 25 : Le juste mange et se rassasie.
568. Cette béatitude, selon Augustin, se ramène au don de force, parce que ce qu’on réalise avec justice a à voir avec la force. De plus, elle ajoute quelque chose à la récompense citée précédemment, car être rassasié, c’est assouvir totalement son désir.
563. Notre bien est double : [celui] de la justice et [celui] de la miséricorde. Et c’est pourquoi [le Seigneur] aborde deux choses. Pour la première, il dit : HEUREUX CEUX QUI ONT FAIM ET SOIF DE JUSTICE. JUSTICE se prend dans trois sens, selon Chrysostome et le Philosophe. Quelquefois en effet [on l’emploie] à la place de n’importe quelle vertu, et toute vertu est dite justice légale, qui donne des prescriptions sur les actes de vertus. C’est pourquoi en tant qu’on obéit à la loi, on accomplit l’œuvre de toutes les vertus. Autre sens : en tant qu’elle est une vertu particulière, [la justice est] celle des quatre vertus cardinales qui s’oppose à la cupidité ou à l’injustice, et elle concerne les achats, ventes, locations…
564. Ce qu’il dit ici, CEUX QUI ONT FAIM DE JUSTICE, peut donc être compris en général ou en particulier. Si on le comprend en général, [le Seigneur] dit cela pour deux raisons. La première [vient] de Jérôme, qui dit qu’il ne suffit pas de réaliser une œuvre de justice si on ne la réalise avec désir. Ps 53, 8 : Volontairement je t’offrirai un sacrifice etc. Et ailleurs, Ps 41, 3 : Mon âme a eu soif de Dieu, la source vive, etc. Am 8, 11 : J’enverrai la faim sur cette terre, non la faim de pain ni la soif d’eau, mais d’entendre la parole de Dieu. Quand on agit avec désir, c’est donc une faim.
565. Autre raison : la justice est double, une parfaite et une imparfaite. La parfaite, nous ne pouvons l’avoir en ce monde, car si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous, 1 Jn 1, 8 ; et Is 64, 5 : Toutes nos justices sont comme des linges souillés. Celle-ci, nous l’avons au ciel, Is 60, 21 : Ton peuple, tous les justes, hériteront la terre pour l’éternité. Mais le désir de justice, nous pouvons l’avoir ici, et c’est pourquoi il dit : HEUREUX CEUX QUI ONT FAIM ET SOIF DE JUSTICE etc. Pythagore a fait la même chose. Au temps de Pythagore, ceux qui étudiaient étaient appelés sophoi, «sages». Pythagore, lui, ne voulut pas être appelé sophos mais «philosophe», «celui qui aime la sagesse». C’est ainsi que le Seigneur veut que soient les siens, et qu’ils soient appelés «ceux qui aiment la justice».
566. D’autre part, si on comprend [qu’il s’agit] de justice particulière, qui consiste à rendre à chacun ce qui lui appartient, l’expression HEUREUX CEUX QUI ONT FAIM etc convient bien, car la faim et la soif sont le propre des avides, car ceux qui désirent posséder injustement les biens d’autrui ne sont jamais rassasiés. Cette faim dont le Seigneur parle s’oppose donc à celle-ci, celle des avides. Et le Seigneur veut que nous aspirions tellement à cette justice, que jamais, pour ainsi dire, nous n’en soyons rassasiés dans cette vie, de même que l’avide n’est jamais rassasié.
567. HEUREUX, donc, CEUX QUI ONT FAIM ET SOIF DE JUSTICE, CAR ILS SERONT RASSASIÉS. La récompense adéquate est présentée : ILS SERONT RASSASIÉS, et premièrement dans la vision éternelle, car ils verront Dieu par essence, Ps 16, 15 : Je serai rassasié quand ta gloire apparaîtra, car là il ne restera rien à désirer. Ps 102, 5 : Celui qui remplit de biens ton désir ; Pr 10, 24 : Ce que désirent les justes leur sera donné. Deuxièmement, dans le présent, et [cette récompense] est double : l’une est dans les biens spirituels, c’est-à-dire dans l’accomplissement des commandements de Dieu, Jn 4, 34 : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, pour que j’achève son œuvre, et c’est l’explication d’Augustin. L’autre façon de comprendre est à propos du rassasiement de choses temporelles. Les hommes injustes ne sont jamais rassasiés, mais ceux dont le but est la justice elle-même ne dépassent pas les limites. Pr 13, 25 : Le juste mange et se rassasie.
568. Cette béatitude, selon Augustin, se ramène au don de force, parce que ce qu’on réalise avec justice a à voir avec la force. De plus, elle ajoute quelque chose à la récompense citée précédemment, car être rassasié, c’est assouvir totalement son désir.
Faim et soif ; belle métaphore pour marquer un désir pressant, un besoin extrême. - Justice, c’est-à-dire la
perfection, la sainteté dans toute son étendue, qui consiste à se conformer exactement à l’adorable volonté de
Dieu. Pour plaire au Christ, il ne suffit donc pas, observent S. Jean Chrysostôme et S. Jérôme, de vouloir
simplement la justice, il faut la souhaiter ardemment, de manière à souffrir tant que notre souhait n’aura pas
été satisfait, de même qu’on est empressé de manger et de boire quand on est travaillé de la faim ou de la soif
et qu’on souffre jusqu’à ce qu’on ait été rassasié. Maldonat, qui est ici à peu près seul de son avis, prend
« faim et soif » à la lettre et sous-entend « à cause de » devant « justice » ; il détruit ainsi une des Béatitudes,
car alors la quatrième se confond avec la huitième. - Ils seront rassasiés. La faim qui rassasie ! la soif qui
rafraîchit ! Mais il n’en est pas du royaume de Dieu comme de ce monde où l’abondance et la satiété
suscitent au contraire de nouveaux désirs plus impérieux que les premiers. « De quoi sera-t-on rassasié, se
demande Bossuet, si ce n’est de la justice ? On le sera dès cette vie ; car le juste se rendra plus juste, et le
saint se rendra plus saint, pour contenter son avidité. Mais le parfait rassasiement sera dans le ciel où la
justice éternelle nous sera donnée avec la plénitude de l’amour de Dieu ». Je serai rassasié, s’écriait en effet
le Psalmiste, 16, 15, lorsque votre gloire m’apparaîtra. Cette justice était la nourriture de Jésus, Cf. Joan. 4,
34 ; elle sera celle de ses disciples dans les nouveaux cieux, sur la nouvelle terre « où résidera la justice », 2
Petr. 3, 13.
« Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Faim et soif, c’est une ardeur vive, un désir avide et pressant qui vient d’un besoin extrême. Cherchez le royaume de Dieu et sa justice. La justice règne dans les cieux ; elle doit aussi régner dans l’Eglise qui est souvent appelée le royaume des cieux. Elle règne lorsqu’on rend à Dieu ce qu’on lui doit, car alors on rend aussi pour l’amour de Dieu tout ce qu’on doit à la créature qu’on regarde en lui. On se rend ce qu’on se doit à soi-même, car on s’est donné tout le bien dont on est capable, quand on s’est rempli de Dieu. L’âme alors n’a plus de faim, n’a plus de soif ; elle a sa véritable nourriture. » (BOSSUET.)