Matthieu 5, 8
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Celui qui fait miséricorde perd ses droits à la miséricorde divine, s'il n'a point agi avec un coeur pur, car s'il a cherché la vaine gloire dans les oeuvres de miséricorde, il ne lui en revient aucun fruit ; aussi Notre-Seigneur ajoute : « Bienheureux ceux qui ont le coeur pur. »
Les coeurs purs dont parle ici le Sauveur sont ceux qui ont toutes les vertus et n'ont à se reprocher aucun mal, ou bien ceux dont la tempérance réprime les désirs sensuels, vertu absolument nécessaire pour voir Dieu, selon ces paroles de saint Paul (He 12) : « Efforcez-vous d'avoir la paix avec tout le monde, et de vivre dans la sainteté, sans laquelle personne ne peut voir Dieu. » Il en est beaucoup, en effet, qui sont miséricordieux, mais qui se livrent à l'impureté, et le Sauveur, pour leur montrer que la miséricorde ne suffit pas, exige de plus cette pureté du coeur.
Celui qui veut et accomplit toute justice, voit Dieu des yeux de son âme, car la justice est l'image de Dieu, Dieu étant la justice par essence. Rappelons-nous donc que celui qui se sépare du mal et fait le bien, en vertu même de cet effort, voit Dieu plus ou moins, toujours ou par intervalles, autant qu'il est possible à la nature humaine. Mais dans l'autre vie, ceux qui ont le coeur pur verront Dieu face à face, et non pas comme ici-bas dans un miroir et sous des images obscures (cf. 1 Co 13, 12).
Dieu qui est pur, ne peut-être vu que par un coeur pur, car le temple de Dieu doit être sans souillure, c'est pour cela qu'il ajoute : Parce qu'ils verront Dieu. »
Il faut être insensé pour chercher à voir des yeux du corps Dieu qu'on ne peut voir que des yeux du coeur, ainsi qu'il est écrit ailleurs : « Cherchez-le dans la simplicité du coeur, » car le coeur simple, c'est le coeur pur.
Il est évident que si les yeux spiritualisés de notre corps n'ont pas plus de vertu que ceux que nous avons maintenant, ils ne pourront nous servir à voir Dieu.
Cette vue de Dieu est la récompense de la foi, et c'est par la foi que Dieu nous y prépare en purifiant nos coeurs ainsi qu'il est écrit : « Purifiant leurs coeurs par la foi. » La preuve de cette vérité se trouve surtout dans cette maxime : « Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu. »
Aucun de ceux qui aspirent à voir Dieu ne doit vivre ici-bas de la vie périssable des sens ; s'il ne meurt radicalement à cette vie, soit en quittant tout-à-fait son corps, soit en devenant tellement étranger aux mouvements de la chair qu'il ne sache plus ainsi que l'apôtre, s'il est encore ou non avec son corps, il ne pourra jamais s'élever jusqu'à cette vision.
La Glose
La pureté du coeur est placée convenablement en sixième lieu, car c'est le sixième jour que l'homme a été créé à l'image de Dieu, image qui avait été obscurcie en lui par le péché, et qui a été réparée par la grâce dans ceux qui ont le coeur pur. Cette béatitude vient parfaitement après les cinq premières, car sans les vertus qui précèdent, Dieu ne peut créer dans l'homme un coeur pur.
La récompense est ici plus magnifique que dans les béatitudes précédentes ; c'est celle de l'homme qui non seulement est nourri dans la maison du roi, mais encore peut jouir de sa présence.
577. Il dit donc : HEUREUX LES CŒURS PURS CAR ILS VERRONT DIEU.
578. Il y a tout d’abord ici une question sur le texte, car nous savons que Dieu ne peut être vu, 1 Jn 4, 12 : Dieu, personne ne l’a jamais vu. Et pour que personne ne dise que, bien qu’on ne le voie pas dans le présent, on le verra dans le futur, l’Apôtre écarte cette [affirmation] en 1 Tm 6, 16 : Il habite la lumière inaccessible, qu’aucun humain ne voit ni ne peut voir.
579. Mais il faut savoir qu’à ce sujet les opinions varient. Certains ont affirmé que Dieu n’est jamais vu par essence, mais dans un reflet de sa clarté. Mais cette opinion est réprouvée par la Glose sur Ex 33, 20 (Aucun humain ne me verra et ne vivra), pour deux raisons. D’abord parce que cela répugne à l’autorité de la Sainte Écriture, 1 Jn 3, 2 : Nous le verrons comme il est. En outre 1 Co 13, 12 : Nous voyons maintenant dans un miroir, en énigme, mais alors [nous verrons] face à face. En outre, pour la raison que le bonheur de l’homme est le bien ultime de l’homme, dans lequel son désir cesse. Or, c’est un désir naturel, que l’homme, voyant les effets, recherche la cause. C’est pourquoi l’étonnement des philosophes fut l’origine de la philosophie, car voyant les effets, ils s’étonnaient et cherchaient la cause. Donc ce désir ne cessera pas, jusqu’à ce qu’il parvienne à la cause première qui est Dieu, c’est-à-dire à l’essence divine elle-même. Il sera donc vu par essence.
580. D’autres se sont trompés encore davantage en supposant le contraire, car ils ont dit que nous verrons l’essence de Dieu, non seulement avec l’œil de l’esprit, mais aussi avec celui du corps, et que le Christ voit l’essence divine avec l’œil corporel. Mais cela ne convient pas, c’est évident, d’abord en raison de l’autorité qui est présentée ici, parce qu’il ne dirait pas HEUREUX LES CŒURS PURS, mais «Heureux les yeux purs». Donc il donne à comprendre que [Dieu] n’est vu qu’avec le cœur, c’est-à-dire l’intelligence, car CŒUR a ici la même acception que dans Ep 1, 18 : Illuminer les yeux de votre cœur. Deuxièmement, parce qu’un sens corporel ne peut percevoir que son objet. Mais si on dit qu’il aura alors une plus grande puissance, il faut dire qu’alors ce ne serait pas une vision corporelle, car « l’œil corporel ne voit que des couleurs, mais [voit] l’essence par accident », comme dit Augustin dans le dernier livre de La cité de Dieu, chapitre 19. De même que quand je vois une chose vivante, nous pouvons dire que je vois la vie, en tant que je vois des indices par lesquels sa vie m’est indiquée, de même en sera-t-il dans la vision divine, parce que si grand sera l’éclat dans le ciel nouveau, la terre nouvelle et les corps glorifiés, que par ceux-ci nous serons dits voir Dieu pour ainsi dire avec les yeux du corps. Donc HEUREUX LES CŒURS PURS, etc.
581. Quant à la solution de Dieu, personne ne l’a jamais vu, elle est triple : premièrement parce qu’[on ne le verra] pas par une vision totale ; deuxièmement, pas avec les yeux corporels ; troisièmement, pas dans cette vie, car s’il a été donné à quelqu’un de voir Dieu dans cette vie, ce fut parce qu’il a été totalement sorti de lui-même et élevé au-dessus des sens corporels. Et c’est pourquoi il est dit : HEUREUX LES CŒURS PURS, parce que de même que l’œil qui voit la couleur doit être purifié, de même l’esprit qui voit Dieu. Sg 1, 1 : Dans la simplicité de cœur cherchez-le, car il est trouvé par ceux qui ne le tentent pas, il apparaît à ceux qui ont foi en lui, car le cœur est purifié par la foi, Ac 15, 9 : Purifiant leurs cœurs par la foi. Et c’est parce que la vision viendra après la foi qu’il est dit : CAR ILS VERRONT DIEU.
582. HEUREUX LES CŒURS PURS, c’est-à-dire ceux qui ont cette absence générale de pensées étrangères grâce à laquelle leur cœur est le temple sacré de Dieu, dans lequel ils voient Dieu pour le contempler, car «temple» semble venir de «contempler» [en fait c’est l’inverse]. Mais, en particulier, HEUREUX LES CŒURS PURS, ce sont ceux qui ont la pureté de la chair, car rien n’empêche autant la contemplation spirituelle que l’impureté de la chair. Poursuivez la paix, et la sanctification sans laquelle personne ne verra Dieu, He 12, 14. Et c’est pourquoi certains disent que les vertus morales, surtout la chasteté, profitent à la vie contemplative. Conformément à cela, HEUREUX LES CŒURS PURS peut être entendu de la vision du chemin, car les saints qui ont le cœur plein de justice voient plus excellemment que d’autres, qui voient par des effets corporels. En effet, plus les effets sont proches, plus Dieu est connu par leur intermédiaire. Les saints qui ont la justice, la charité et effets de ce genre qui sont très semblables à Dieu, le connaissent donc mieux que d’autres. Ps 33, 9 : Goûtez et voyez comme le Seigneur est délicieux.
578. Il y a tout d’abord ici une question sur le texte, car nous savons que Dieu ne peut être vu, 1 Jn 4, 12 : Dieu, personne ne l’a jamais vu. Et pour que personne ne dise que, bien qu’on ne le voie pas dans le présent, on le verra dans le futur, l’Apôtre écarte cette [affirmation] en 1 Tm 6, 16 : Il habite la lumière inaccessible, qu’aucun humain ne voit ni ne peut voir.
579. Mais il faut savoir qu’à ce sujet les opinions varient. Certains ont affirmé que Dieu n’est jamais vu par essence, mais dans un reflet de sa clarté. Mais cette opinion est réprouvée par la Glose sur Ex 33, 20 (Aucun humain ne me verra et ne vivra), pour deux raisons. D’abord parce que cela répugne à l’autorité de la Sainte Écriture, 1 Jn 3, 2 : Nous le verrons comme il est. En outre 1 Co 13, 12 : Nous voyons maintenant dans un miroir, en énigme, mais alors [nous verrons] face à face. En outre, pour la raison que le bonheur de l’homme est le bien ultime de l’homme, dans lequel son désir cesse. Or, c’est un désir naturel, que l’homme, voyant les effets, recherche la cause. C’est pourquoi l’étonnement des philosophes fut l’origine de la philosophie, car voyant les effets, ils s’étonnaient et cherchaient la cause. Donc ce désir ne cessera pas, jusqu’à ce qu’il parvienne à la cause première qui est Dieu, c’est-à-dire à l’essence divine elle-même. Il sera donc vu par essence.
580. D’autres se sont trompés encore davantage en supposant le contraire, car ils ont dit que nous verrons l’essence de Dieu, non seulement avec l’œil de l’esprit, mais aussi avec celui du corps, et que le Christ voit l’essence divine avec l’œil corporel. Mais cela ne convient pas, c’est évident, d’abord en raison de l’autorité qui est présentée ici, parce qu’il ne dirait pas HEUREUX LES CŒURS PURS, mais «Heureux les yeux purs». Donc il donne à comprendre que [Dieu] n’est vu qu’avec le cœur, c’est-à-dire l’intelligence, car CŒUR a ici la même acception que dans Ep 1, 18 : Illuminer les yeux de votre cœur. Deuxièmement, parce qu’un sens corporel ne peut percevoir que son objet. Mais si on dit qu’il aura alors une plus grande puissance, il faut dire qu’alors ce ne serait pas une vision corporelle, car « l’œil corporel ne voit que des couleurs, mais [voit] l’essence par accident », comme dit Augustin dans le dernier livre de La cité de Dieu, chapitre 19. De même que quand je vois une chose vivante, nous pouvons dire que je vois la vie, en tant que je vois des indices par lesquels sa vie m’est indiquée, de même en sera-t-il dans la vision divine, parce que si grand sera l’éclat dans le ciel nouveau, la terre nouvelle et les corps glorifiés, que par ceux-ci nous serons dits voir Dieu pour ainsi dire avec les yeux du corps. Donc HEUREUX LES CŒURS PURS, etc.
581. Quant à la solution de Dieu, personne ne l’a jamais vu, elle est triple : premièrement parce qu’[on ne le verra] pas par une vision totale ; deuxièmement, pas avec les yeux corporels ; troisièmement, pas dans cette vie, car s’il a été donné à quelqu’un de voir Dieu dans cette vie, ce fut parce qu’il a été totalement sorti de lui-même et élevé au-dessus des sens corporels. Et c’est pourquoi il est dit : HEUREUX LES CŒURS PURS, parce que de même que l’œil qui voit la couleur doit être purifié, de même l’esprit qui voit Dieu. Sg 1, 1 : Dans la simplicité de cœur cherchez-le, car il est trouvé par ceux qui ne le tentent pas, il apparaît à ceux qui ont foi en lui, car le cœur est purifié par la foi, Ac 15, 9 : Purifiant leurs cœurs par la foi. Et c’est parce que la vision viendra après la foi qu’il est dit : CAR ILS VERRONT DIEU.
582. HEUREUX LES CŒURS PURS, c’est-à-dire ceux qui ont cette absence générale de pensées étrangères grâce à laquelle leur cœur est le temple sacré de Dieu, dans lequel ils voient Dieu pour le contempler, car «temple» semble venir de «contempler» [en fait c’est l’inverse]. Mais, en particulier, HEUREUX LES CŒURS PURS, ce sont ceux qui ont la pureté de la chair, car rien n’empêche autant la contemplation spirituelle que l’impureté de la chair. Poursuivez la paix, et la sanctification sans laquelle personne ne verra Dieu, He 12, 14. Et c’est pourquoi certains disent que les vertus morales, surtout la chasteté, profitent à la vie contemplative. Conformément à cela, HEUREUX LES CŒURS PURS peut être entendu de la vision du chemin, car les saints qui ont le cœur plein de justice voient plus excellemment que d’autres, qui voient par des effets corporels. En effet, plus les effets sont proches, plus Dieu est connu par leur intermédiaire. Les saints qui ont la justice, la charité et effets de ce genre qui sont très semblables à Dieu, le connaissent donc mieux que d’autres. Ps 33, 9 : Goûtez et voyez comme le Seigneur est délicieux.
Salomon avait
dit presque dans les mêmes termes « Qui s’attache à purifier son cœur a des paroles aimables, le roi est son
ami. », Prov. 22, 11 ; Cf. Ps. 23, 4. - Le cœur pur. Cette expression correspond, suivant les uns (S. Augustin,
Maldonat), à l’hébreu qui désigne la droiture, la simplicité de cœur ; selon d’autres, plus communément et
très probablement, à ce qui représente une conscience pure, un cœur innocent, éloigné de tout péché. Ce n’est
donc pas seulement la virginité, la chasteté, que Jésus proclame bienheureuses, quoique ces vertus soient tout
naturellement comprises dans la sixième Béatitude. - Ils verront Dieu. « C’est avec raison que cette béatitude
est promise à la pureté du cœur, car l’esprit brillant de l’impur ne pourra pas voir la splendeur de la vraie
lumière », S. Léon, Serm. In festo Omn. Sanct. Il existe ainsi une parfaite harmonie entre le mérite et la
récompense. L’âme pure ressemble à un miroir sans tache qui reflète aussi bien que possible l’image de
Dieu. Au contraire, le cœur souillé est incapable de contempler l’être divin ; Cf. Hebr. 12, 14 ; 1 Joan, 3, 6.
« Voir Dieu », c’est l’idée du plus grand bonheur dont nous puissions jouir. « Je vais passer devant toi avec
toute ma splendeur », disait le Seigneur à Moïse lorsqu’il daigna se montrer lui-même à son serviteur, Ex. 33,
19. Et cette vision, qu’on a si justement nommée béatifique, sera réelle, comme l’affirmait Job en termes
solennels, 19, 27, et aussi complète que le permet notre nature. Nous n’apercevrons plus seulement comme
ici-bas des « vestiges de Dieu », nous contemplerons son essence même sans intermédiaire, « face à face », 1
Cor. 13, 12. En face d’une telle promesse, qui ne s’écriera pas, à la suite de David : « Crée en moi un cœur
pur, ô mon Dieu », Ps. 50, 12 ?
« Bienheureux ceux qui ont le cœur pur. Qui pourrait dire la beauté d’un cœur pur ? Une grâce parfaitement nette, un or parfaitement affiné, un diamant sans aucune tache, une fontaine parfaitement claire, n’égalent pas la beauté et la netteté d’un cœur pur. Il faut en ôter toute ordure, et celles principalement qui viennent des plaisirs des sens, car un goutte de ces plaisirs trouble cette belle fontaine. Qu’elle est belle, qu’elle est ravissante cette fontaine incorruptible d’un cœur pur ! Dieu se plaît à s’y voir lui-même comme dans un beau miroir ; il s’y imprime lui-même dans toute sa beauté. Ce beau miroir devient un soleil par les rayons qui le pénètrent ; il est tout resplendissant. La pureté de Dieu se joint à la nôtre qu’il a lui-même opérée en nous, et nos regards épurés le verront briller en nous-mêmes, et y luire d’une éternelle lumière : Bienheureux donc ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. » (BOSSUET.)
La sixième béatitude proclame : " Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu " (Mt 5, 8). Les " cœurs purs " désignent ceux qui ont accordé leur intelligence et leur volonté aux exigences de la sainteté de Dieu, principalement en trois domaines : la charité (cf. 1 Tm 4, 3-9 ; 2 Tm 2, 22), la chasteté ou rectitude sexuelle (cf. 1 Th 4, 7 ; Col 3, 5 ; Ep 4, 19), l’amour de la vérité et l’orthodoxie de la foi (cf. Tt 1, 15 ; 1 Tm 1, 3-4 ; 2 Tm 2, 23-26). Il existe un lien entre la pureté du cœur, du corps et de la foi :