Matthieu 6, 18

ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra.

ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra.
Saint Jean Chrysostome
Pourquoi d'ailleurs après nous avoir défendu d'affecter un extérieur triste pour ne pas découvrir aux hommes que nous jeûnons, le Seigneur nous ordonne-t-il de nous laver la figure et de nous parfumer la tête ? Car si ceux qui jeûnent observent ces pratiques, elles deviendront des indices de leur jeûne.

Ces paroles, comme les précédentes doivent être entendues dans un sens tant soit peu hyperbolique. Notre-Seigneur veut donc nous dire : vous devez fuir avec tant de soin toute ostentation lorsque vous jeûnez, que s'il était possible et permis (ce qui ne l'est pas), vous devriez au contraire affecter les dehors du plaisir et de la bonne chère. « Et pourquoi ? » Pour que les hommes ne voient pas que vous jeûnez.

Pour l'aumône, il ne s'est pas exprimé de la sorte ; il nous a dit qu'il ne fallait pas la faire devant les hommes, en ajoutant : « Pour en être remarqué. » Il n'ajoute rien de semblable pour le jeûne et pour la prière, parce qu'il est impossible que l'aumône demeure entièrement secrète, tandis que le jeûne et la prière peuvent très bien rester inconnus. Or, ce n'est pas un médiocre avantage que de mépriser la gloire humaine, car alors on est affranchi de l'esclavage accablant des hommes et c'est dans un sens véritable qu'on pratique la vertu, en l'aimant non pas pour les autres, mais pour elle-même. Nous regardons comme un outrage d'être aimés par rapport à d'autres et non pour nous-mêmes ; d'après cette règle, nous ne devons point pratiquer la vertu pour les autres, nous ne devons pas obéir à Dieu à cause des hommes, mais pour Dieu seul ; c'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : « Mais à votre Père qui est dans le secret. »

Dans le sens spirituel, la face de l'âme c'est la conscience ; car, de même qu'un beau visage plaît aux regards des hommes, ainsi une conscience pure est un spectacle agréable aux yeux de Dieu. Les hypocrites, qui jeûnent pour plaire aux hommes, exténuent ces deux faces, voulant tromper à la fois Dieu et les hommes. En effet, la conscience de celui qui pèche est toujours couverte de blessures. Si donc vous avez fait disparaître le mal de votre âme, vous avez purifié votre conscience et votre jeûne est louable.

Dans le sens spirituel, le Christ est votre tête ; donnez à boire à celui qui a soif, à manger à celui qui a faim et vous aurez ainsi répandu sur votre tête le parfum de la miséricorde, c'est-à-dire sur Jésus-Christ qui vous dit dans l'Évangile (Mt 25) : « Ce que vous avez fait aux plus petits d'entre les miens, c'est à moi-même que vous l'avez fait. »

C'est dans un sens très juste qu'on nous commande de laver notre visage et de parfumer seulement notre tête sans la laver, car tant que nous habitons ce corps mortel, notre conscience est souillée par le péché, tandis que notre chef qui est le Christ n'a pu se rendre coupable d'aucun péché.
Saint Jérôme
Notre-Seigneur parle donc ici en se conformant aux usages de la Palestine où on a l'habitude de se parfumer la tête aux jours de fête, et ce qu'il nous ordonne, c'est tout simplement de nous montrer nous-mêmes pleins de joie et avec un certain air de fête aux jours de jeûne.
Saint Augustin
J'entends souvent demander quel est le sens de ces paroles. Bien que nous ayons l'habitude de nous laver tous les jours le visage, il serait hors de raison de nous commander de parfumer aussi notre tête lorsque nous jeûnons, ce qui, de l'aveu de tous, est souverainement indigne d'un chrétien.

Par la tête, nous pouvons encore entendre la raison, parce qu'elle est la reine de notre âme et qu'elle dirige toutes les autres facultés de l'âme et les autres membres du corps. Or, parfumer sa tête est un signe de joie. Réjouissez-vous donc intérieurement de votre jeûne, vous qui, en jeûnant, avez rompu avec les désirs du monde pour vous soumettre à Jésus-Christ.
Saint Rémi
Il vous suffit que celui qui voit ce qui se passe dans la conscience vous en récompense lui-même.
Saint Léon le Grand
Il faut accomplir la loi du jeûne non-seulement par le retranchement des aliments, mais en s'abstenant du vice. Car, quel est le but de cette mortification ? c'est d'éteindre en nous le foyer des désirs charnels ; le genre de tempérance auquel nous devons nous livrer de préférence, c'est d'être sobres de toute volonté coupable, c'est de pratiquer le jeûne à l'égard de toute action criminelle. Cette manière d'accomplir la loi du jeûne convient également à ceux qui sont malades, car un corps languissant peut renfermer une âme saine et robuste.
Saint Grégoire le Grand
Dieu approuve le jeûne, qui lève en sa présence des mains riches d'aumônes. Ce que vous vous retranchez, donnez-le à un autre, afin que le corps de votre frère qui est dans l'indigence soit soulagé par cette nourriture dont vous imposez la privation à votre propre corps.
La Glose
Le Seigneur vient de nous apprendre ce qu'il fallait éviter, il nous enseigne maintenant ce qu'il faut faire : « Pour vous, lorsque vous jeûnez, parfumez votre tête, etc. »

C'est-à-dire à votre Père céleste qui est invisible ou qui habite dans votre coeur par la foi. Or c'est jeûner pour Dieu que de se mortifier par amour pour lui, et on donne ainsi à un autre ce qu'on se retranche à soi même.

Voici une preuve que dans l'Évangile il ne faut pas tout prendre à la lettre, car il serait ridicule de se parfumer la tête lorsqu'on jeûne. Mais nous devons parfumer notre âme de l'esprit d'amour du Sauveur aux souffrances duquel la mortification nous fait participer.
Louis-Claude Fillion
Vraie manière de pratiquer le jeûne. - Lorsque tu jeûnes. Le chrétien en effet peut et même doit jeûner ; mais quand il exerce cet acte de mortification, il prend autant de soin pour le cacher aux regards des hommes, que d’autres en prennent pour le faire paraître. - Parfume ta tête : ces sortes d’onctions ont toujours été en Orient d’un fréquent usage, surtout lorsqu’on assiste à des repas somptueux ; Cf. Luc. 7, 46. - Lave ton visage, en signe de joie, comme l’on faisait au sortir d’un long deuil. Sous cette double métaphore, qui rappelle celles des v. 3 et 6, il est aisé de lire la pensée du Sauveur. Même quand vous jeûnez, veut-il dire, ayez au dehors l’air de personnes qui mènent leur train de vie accoutumée, ou même qui se disposent à prendre un bon repas. Sainte dissimulation opposée à une honteuse hypocrisie et autant récompensée que ce vice avait été puni. Votre Père vous le rendra !