Matthieu 6, 23
mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, comme elles seront grandes, les ténèbres !
mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, comme elles seront grandes, les ténèbres !
Ou bien le Sauveur a emprunté à la lumière que l'oeil répand sur le corps l'expression de la lumière de l'âme. Si cette lumière spirituelle reste pure et brillante, elle communiquera à notre corps la clarté de la lumière éternelle, et au jour de la résurrection, elle répandra sur la corruption du tombeau la splendeur de son origine. Si au contraire elle se laisse obscurcir par les péchés et qu'elle devienne mauvaise par la dépravation de la volonté, notre corps lui-même subira la peine de ses vices.
Le Sauveur vient de parler de l'intelligence réduite en captivité et soumise à l'esclavage ; mais cette doctrine n'était pas facile à comprendre pour un grand nombre ; il prend donc les choses extérieures comme terme de comparaison : « La lampe de votre corps c'est votre oeil, » etc., c'est-à-dire : Si vous ne comprenez ce que c'est que de perdre son intelligence, apprenez le par cette comparaison. Ce que votre oeil est à votre corps, votre intelligence l'est à votre âme. Or, de même que la privation de la vue enlève aux autres membres une grande partie de leur action, parce qu'ils ont perdu la lumière qui les éclairait, ainsi la corruption de votre intelligence plonge votre vie tout entière dans un abîme de maux.
Il est évident que le Sauveur ne veut point parler ici de l'oeil matériel ni de ce corps qui se voit au dehors, autrement il se serait exprimé de la sorte : « Si votre oeil est sain ou malade, » tandis qu'il dit au contraire : « Si votre oeil est simple ou mauvais. » Qu'on ait un oeil bienveillant, mais malade, le corps en verra-t-il plus clair ? Qu'on ait, au contraire, un oeil mauvais, mais sain, le corps en sera-t-il pour cela dans les ténèbres ?
Ou bien il s'agit ici exclusivement de l'oeil intérieur. Cette lampe, c'est l'intelligence à l'aide de laquelle notre âme voit Dieu. Donc celui dont le coeur est en Dieu a un oeil lumineux, c'est-à-dire que son âme est pure, et n'est point ternie par les désirs de la terre. Les ténèbres qui sont en nous, ce sont les sens de la chair qui se portent toujours vers les oeuvres de ténèbres. Celui dont l'oeil est pur, c'est-à-dire dont l'âme est toute spirituelle, conserve son corps lumineux, c'est-à-dire sans péché, car bien que la chair désire le mal, il réprime ces désirs par la force que lui donne la crainte de Dieu. Celui, au contraire, qui a l'oeil mauvais, c'est-à-dire dont l'âme est obscurcie par la malice ou troublée par la concupiscence, a nécessairement son corps dans les ténèbres. Il ne sait pas résister à la chair lorsqu'elle convoite le mal, car il ne nourrit pas dans son coeur cette espérance des cieux qui nous revêt d'une force invincible pour résister à nos passions.
Ceux dont les yeux sont malades voient des lumières multiples ; l'oeil simple et pur, au contraire, voit tous les objets dans leur pureté et leur simplicité.
Toute cette comparaison a pour objet de rendre le sens plus clair ; de même en effet que le corps tout entier sera dans les ténèbres, si l'oeil a cessé de voir droit, ainsi que l'âme vienne à perdre sa principale lumière, tous les sens (ou si l'on veut la partie sensible de l'âme) demeureront dans l'obscurité. Ce qui fait ajouter à Notre-Seigneur : « Si la lumière qui est en vous n'est que ténèbres, combien seront grandes les ténèbres elles-mêmes ? C'est-à-dire si l'intelligence et le sentiment, qui sont la lumière de votre âme, sont obscurcis par le vice, combien ce qui est obscur sera lui-même enveloppé de ténèbres ?
Ou bien encore, cet oeil c'est notre intention. Si elle est pure et droite, toutes les oeuvres qu'elle dirige seront bonnes. En effet l'Apôtre appelle certaines oeuvres nos membres dans ce passage : « Mortifiez les membres de l'homme terrestre qui est en vous, la fornication, l'impureté, » etc. (Col 3, 5)Ce qu'il faut considérer dans la vie d'un homme, ce ne sont donc pas ses actions, mais ses intentions ; car c'est l'intention qui est la lumière de notre âme, puisque nous pouvons savoir clairement si nous agissons avec une bonne intention, et que « tout ce qui est évident est lumière. » (Ep 5) Quant aux actions qui sont une conséquence de nos rapports avec les autres hommes, leur résultat est pour nous incertain, et c'est pour cela que Notre-Seigneur les appelle ténèbres. Par exemple, lorsque je donne de l'argent à un pauvre, puis-je savoir l'usage qu'il en va faire ? Si donc votre intention qui vous est connue, vient à être ternie par des désirs terrestres, à plus forte raison cette action dont vous ignorez le résultat. Je veux que ce que vous avez fait avec une mauvaise intention soit utile à un autre, vous serez jugé sur le motif qui vous a fait agir et non sur le résultat de votre action. Si au contraire nos actions sont faites dans une intention simple, c'est-à-dire par un motif de charité, alors elles sont pures et agréables à Dieu.
Il y a des actions qui sont évidemment péchés, on ne doit jamais les faire quelque bonne intention qu'on s'y propose ; il en est qui ne sont point par elles-mêmes péchés, qui sont indifférentes et deviennent bonnes ou mauvaises, selon le motif bon ou mauvais qui les détermine ; ainsi nourrir les pauvres, c'est une bonne action si on la fait par un principe de miséricorde, c'est une mauvaise action si on la fait pour satisfaire sa vanité. Quand des actions sont évidemment péchés en elles-mêmes, comme le vol, les crimes contre la pudeur et autres de ce genre, qui oserait dire qu'on peut les faire pour un bon motif, sans qu'il y ait aucune faute ? Qui oserait dire : « Volons les riches, pour avoir de quoi donner aux pauvres. »
Ou bien c'est la foi qui est ici comparée à une lampe ; car c'est elle qui éclaire les pas de l'homme intérieur (c'est-à-dire ses actions), pour les préserver de tout danger selon cette parole du Psalmiste (Ps118) : « Votre parole, Seigneur, est la lumière de mon âme. » Si donc notre foi est pure et simple, tout notre corps sera lumineux ; si elle est obscure, il sera tout entier dans les ténèbres. Ou bien enfin, par la lumière il faut entendre celui qui est chargé de diriger les fidèles, et c'est avec raison qu'il est appelé l'oeil du corps, car il est chargé de veiller à ce que le peuple qui lui est soumis et qui est ici figuré par le corps ne manque d'aucune des choses qui peuvent être utiles à son salut. Si donc celui qui gouverne l'Église vient à s'égarer, combien plus le peuple qui est sous sa conduite sera exposé à une perte certaine.
Ou bien encore : « Si la lumière qui est en vous n'est que ténèbres, etc., » c'est-à-dire, si une intention droite et bonne au commencement de notre action vient à l'obscurcir en devenant elle-même mauvaise, combien seront ténébreuses les actions dont nous ne pouvons nous dissimuler le mal lorsque nous les faisons ?
940. SI [TON ŒIL] NE L’EST PAS, c’est-à-dire s’il est chassieux et voilé, TON CORPS TOUT ENTIER SERA DANS LES TÉNÈBRES, c’est-à-dire que toutes tes oeuvres se feront dans les ténèbres. SI DONC LA LUMIÈRE QUI EST EN TOI EST TÉNÈBRES, QUELLES SERONT LES TÉNÈBRES ! La lumière qui est en toi, ce sont le cœur et l’esprit. Si donc ils sont tournés vers la terre, tous les sens de l’homme seront aussi tournés vers la terre.
941. Une autre interprétation y voit l’œil spirituel. En effet, on fait appel à la lumière pour vérifier, comme c’est le cas pour la raison de l’homme. Pr 20, 27 : La lampe du Seigneur, c’est l’esprit de l’homme. Ainsi, SI TON ŒIL EST SAIN, de sorte que ta raison est orientée vers Dieu, TOUT TON CORPS SERA SAIN, c’est-à-dire que tous tes membres seront protégés du péché ; si tel n’est pas le cas, ils seront impliqués dans les œuvres des ténèbres. Ou bien : [TON CORPS SERA] LUMINEUX, lors de la résurrection des morts, plus loin, 13, 43 : Alors, les justes resplendiront comme le soleil. De même, par l’œil, est signifiée l’intention. Ainsi, celui qui veut agir a l’intention de quelque chose. De sorte que si ton intention est éclairée, c’est-à-dire tournée vers Dieu, tout ton corps, c’est-à-dire toutes tes actions seront éclairées. Et ceci s’entend de ce qui est bon tout simplement. De même, par l’œil, on entend la foi. Ainsi, si elle est saine, de sorte qu’elle s’oriente vers Dieu, à savoir qu’elle ne vacille pas, etc., Rm 14, 23 : Ce qui ne vient pas de la foi est péché. De même, par l’œil est signifié le prélat, qui est l’œil des sujets. Ainsi, lorsque de bons prélats dirigent les peuples, tout l’ensemble du peuple resplendit de vertus, etc. Si 10, 2 : Tel est le juge du peuple, tels sont ses ministres.
941. Une autre interprétation y voit l’œil spirituel. En effet, on fait appel à la lumière pour vérifier, comme c’est le cas pour la raison de l’homme. Pr 20, 27 : La lampe du Seigneur, c’est l’esprit de l’homme. Ainsi, SI TON ŒIL EST SAIN, de sorte que ta raison est orientée vers Dieu, TOUT TON CORPS SERA SAIN, c’est-à-dire que tous tes membres seront protégés du péché ; si tel n’est pas le cas, ils seront impliqués dans les œuvres des ténèbres. Ou bien : [TON CORPS SERA] LUMINEUX, lors de la résurrection des morts, plus loin, 13, 43 : Alors, les justes resplendiront comme le soleil. De même, par l’œil, est signifiée l’intention. Ainsi, celui qui veut agir a l’intention de quelque chose. De sorte que si ton intention est éclairée, c’est-à-dire tournée vers Dieu, tout ton corps, c’est-à-dire toutes tes actions seront éclairées. Et ceci s’entend de ce qui est bon tout simplement. De même, par l’œil, on entend la foi. Ainsi, si elle est saine, de sorte qu’elle s’oriente vers Dieu, à savoir qu’elle ne vacille pas, etc., Rm 14, 23 : Ce qui ne vient pas de la foi est péché. De même, par l’œil est signifié le prélat, qui est l’œil des sujets. Ainsi, lorsque de bons prélats dirigent les peuples, tout l’ensemble du peuple resplendit de vertus, etc. Si 10, 2 : Tel est le juge du peuple, tels sont ses ministres.
On a souvent accusé ces deux
versets de rompre l’enchaînement des pensées de Jésus ; mais, en les examinant de près, il est facile de
reconnaître qu’ils s’harmonisent très bien avec les antécédents et les conséquents. Seuls, les lecteurs
superficiels peuvent ne pas comprendre leur présence en cet endroit. Le Sauveur parle des richesses, qu’il
dépeint comme un des principaux obstacles à l’établissement de son royaume dans les âmes. Prenez garde,
a-t-il dit, de vous attacher aux biens de ce monde, car leur amour aurait promptement corrompu votre cœur. Il
ajoute maintenant que, si notre cœur était dépravé, toutes nos œuvres deviendraient mauvaises par là-même ;
tandis qu’un cœur spirituel et céleste dans ses affections, rendra nos actes excellents devant Dieu, l’extérieur
tirant sa forme et sa moralité du dedans. Ce phénomène de la vie morale est décrit dans un langage figuré
dont les couleurs sont empruntées à la vie physique. - La lampe de ton corps, c'est ton œil. En tête de son
raisonnement, Jésus place, en guise de base indiscutable, cette locution proverbiale. Notre œil n’est-il pas en
effet comme une lampe qui, allumée aux rayons du soleil, éclaire et dirige notre corps ? - Cela posé, ou notre
œil est simple, si ton œil est pur, c’est-à-dire bon et sain, bien constitué, et alors notre corps est lumineux ; les
divers membres dont il se compose remplissent harmonieusement leurs fonctions, sans crainte de se heurter,
de se briser contre des obstacles cachés dans l’ombre : ou notre œil est mauvais, vicié d’une manière
quelconque, si ton œil est mauvais, et dans ce cas notre corps entier est ténèbres, attendu qu’il a perdu son
unique source de lumière, l’organe de la vue. - Après ces prémisses évidentes, le divin Maître conclut en
disant : Si donc la lumière... ; si les yeux, ces fenêtres du corps, sont obscurs comme des chambres noires,
combien seront grandes les ténèbres, à plus forte raison les autres organes, qui n’ont pas de lumière par
eux-mêmes et qui reçoivent d’ailleurs toute leur clarté ! - L’application se fait maintenant d’elle-même. Votre
œil, la lumière de votre âme ; si ce cœur est simple et pur, et il le sera s’il ne se partage pas entre Dieu et le
monde, s’il ne se souille pas au contact des biens terrestres, toute votre vie morale sera dans la splendeur ; si
au contraire ce cœur se laisse corrompre par des attaches profanes, vos œuvres morales seront elles-même
complètement gâtées. Jésus-Christ raisonne d’après la psychologie orientale, qui attribuait au cœur un rôle
prépondérant dans la conduite pratique de l’homme ; Cf. Delitzch, System der biblisch. Psychologie,
Leipzig, 1855, p. 203 et ss. Pour les Grecs, c’était l’intelligence qui était le principe illuminateur : Aristote,
Galène, le Juif Philon.
C'est au plus intime de la conscience morale que s'accomplit l'éclipse du sens de Dieu et du sens de l'homme, avec toutes ses nombreuses et funestes conséquences sur la vie. C'est avant tout la conscience de chaque personne qui est en cause, car dans son unité intérieure et avec son caractère unique, elle se trouve seule face à Dieu. Mais, en un sens, la « conscience morale » de la société est également en cause: elle est en quelque sorte responsable, non seulement parce qu'elle tolère ou favorise des comportements contraires à la vie, mais aussi parce qu'elle alimente la « culture de mort », allant jusqu'à créer et affermir de véritables « structures de péché » contre la vie. La conscience morale, individuelle et sociale, est aujourd'hui exposée, ne serait-ce qu'à cause de l'influence envahissante de nombreux moyens de communication sociale, à un danger très grave et mortel, celui de la confusion entre le bien et le mal en ce qui concerne justement le droit fondamental à la vie. Une grande partie de la société actuelle se montre tristement semblable à l'humanité que Paul décrit dans la Lettre aux Romains. Elle est faite d'« hommes qui tiennent la vérité captive dans l'injustice » (1, 18): ayant renié Dieu et croyant pouvoir construire sans lui la cité terrestre, « ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements », de sorte que « leur cœur inintelligent s'est enténébré » (1, 21); « dans leur prétention à la sagesse, ils sont devenus fous » (1, 22), ils sont devenus les auteurs d'actions dignes de mort et, « non seulement ils les font, mais ils approuvent encore ceux qui les commettent » (1, 32). Quand la conscience, cet œil lumineux de l'âme (cf. Mt 6, 22-23), appelle « bien le mal et mal le bien » (Is 5, 20), elle prend le chemin de la dégénérescence la plus inquiétante et de la cécité morale la plus ténébreuse.
La conscience, en tant que jugement concret ultime, compromet sa dignité lorsqu'elle est coupablement erronée, ou « lorsque l'homme se soucie peu de chercher la vérité et le bien, et lorsque l'habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle » C'est au danger d'une déformation de la conscience que Jésus fait allusion quand il donne cet avertissement : « La lampe du corps, c'est l'œil ; si donc ton œil est sain, ton corps tout entier sera lumineux. Mais si ton œil est malade, ton corps tout entier sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! » (Mt 6, 22-23).