Matthieu 6, 24

Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.

Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.
Saint Jean Chrysostome
Le Seigneur venait de dire que celui dont l'âme est soumise à l'esprit peut facilement conserver tout son corps dans la pureté, tandis que cela est impossible à celui qui n'obéit pas à l'esprit, Il en donne maintenant la raison : « Personne ne peut servir deux maîtres. »

On peut encore donner cette explication : Dans ce qui précède, le Sauveur a combattu la tyrannie de l'avarice par des raisons fortes et nombreuses, il lui en oppose ici de plus pressantes encore. En effet, les richesses nous sont visibles non-seulement en armant contre nous les voleurs et en répandant les ténèbres sur notre intelligence, mais encore en nous arrachant au service de Dieu, ce que Notre-Seigneur prouve par cette maxime si connue : « Personne ne peut servir deux maîtres à la fois. » Il dit deux maîtres qui donnent des ordres contraires, car la bonne intelligence ne fait qu'un seul homme de plusieurs. Aussi Notre-Seigneur ajoute-t-il : « Ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il se soumettra à l'un et méprisera l'autre. » Il met les deux maîtres en présence pour nous apprendre que l'on peut facilement quitter le mauvais pour le bon. Vous dites par exemple : « Je suis l'esclave des richesses par l'affection que j'ai pour elles, » Le Sauveur vous montre qu'il vous est possible de changer de maître, en vous dérobant à cette servitude, et en n'ayant pour elle que du mépris.
Saint Jérôme
Mammon est un mot syriaque qui signifie richesse. Que l'avare qui porte le nom de chrétien apprenne ici qu'il ne peut à la fois servir Jésus-Christ et les richesses. Et remarquez que le Sauveur ne dit pas : « Celui qui a des richesses, » mais « celui qui est le serviteur et l'esclave des richesses, » car celui qui en est l'esclave les garde comme fait un esclave ; celui au contraire qui est affranchi de leur servitude, les distribue comme en étant le maître.
Saint Augustin
Celui qui est l'esclave de Mammon ou des richesses devient aussi l'esclave de celui qui par sa perversité a été préposé au gouvernement des choses de la terre, et appelé par le Seigneur le prince de ce monde. Ou bien encore par ces paroles : « Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent, » le Seigneur nous montre quels sont les deux seigneurs, Dieu et le démon. Or il faut nécessairement que l'homme haïsse l'un et qu'il aime l'autre, qu'il se soumette à l'un et méprise l'autre. En effet celui qui est l'esclave de l'argent souffre une dure servitude, car enchaîné par sa cupidité, il subit l'esclavage du démon, mais il ne l'aime pas ; de même que celui que sa passion unit à la servante d'un autre, est soumis à une cruelle servitude, sans qu'il ait aucune affection pour celui dont il aime la servante. Remarquez que le Sauveur dit : « Et il méprisera l'autre, et non pas il le haïra. » Car il n'est peut-être pas un homme qui puisse haïr Dieu dans sa conscience. Mais on peut le mépriser, c'est-à-dire ne pas le craindre lorsque sa bonté nous inspire une confiance présomptueuse.
La Glose
Par Mammon on peut entendre aussi le démon qui a l'empire sur les richesses, non pas qu'il puisse les distribuer à son gré, sans que Dieu le lui permette, mais parce qu'il les fait servir à tromper les hommes.

Voici une autre manière de rattacher cette pensée à ce qui précède : « Notre-Seigneur a déclaré plus haut qu'une intention terrestre rendait mauvais ce qui était bon. On pouvait en conclure qu'il était permis de faire le bien, en vue des biens de la terre aussi bien qu'en vue des biens du ciel. » Le Sauveur détruit cette erreur en ajoutant : « Personne ne peut servir deux maîtres à la fois. »

Ou bien encore Notre-Seigneur paraît ici faire allusion a deux espèces de servitude, l'une qui est noble et naît de l'amour, l'autre qui est servile et qui vient de la crainte. Si donc un chrétien sert par un principe d'amour l'un de ces deux maîtres opposés, il faut nécessairement qu'il ait de la haine pour l'autre ; s'il agit au contraire par un motif de crainte, il ne peut supporter l'un sans mépriser l'autre. Que ce soit un objet terrestre, que ce soit Dieu, si l'un ou l'autre domine dans le coeur de l'homme, il se trouve entraîné dans une direction contraire à l'un des deux, car Dieu attire son serviteur vers les régions élevées, les choses de la terre l'entraînent vers la terre ; et voilà pourquoi il conclut en disant : « Vous ne pouvez pas à la fois servir Dieu et l'argent. »
Saint Thomas d'Aquin
942. Vient ensuite : PERSONNE NE PEUT SERVIR DEUX MAÎTRES, etc. Puisque [le Seigneur] avait dit que la thésaurisation distrait de Dieu, il avait donc dit qu’elle devait être évitée, car non seulement elle distrait, mais elle éloigne de Dieu. En effet, PERSONNE NE PEUT SERVIR DEUX MAÎTRES. Est serviteur celui dont l’être appartient à un autre. Or, il est impossible que l’âme soit portée vers deux fins en même temps et au même moment (je parle de [fins] contraires et opposées). De même, il faut remarquer que certains exercent le pouvoir afin que les sujets soient dirigés ; d’autres, afin de se faire craindre. Le Seigneur et la richesse sont des maîtres opposés. Ainsi, VOUS NE POUVEZ SERVIR DIEU ET MAMMON. Mais il faut remarquer qu’il y a une différence entre posséder des richesses en maître et en serviteur. En effet, celui-là les possède en maître, qui en fait bon usage et ainsi produit du fruit ; mais celui-là en serviteur de la richesse, qui n’en tire pas de fruit. Qo 5, 12 : Voilà un autre mal que je vois sous le soleil : la richesse possédée au détriment de celui qui en est maître. Or, tout ce en quoi quelqu’un place sa fin est son dieu. Ainsi, celui qui fait de la richesse sa fin l’a pour dieu, comme on parle de ceux dont le ventre est leur dieu, Ph 3, 19.

943. VOUS NE POUVEZ SERVIR DIEU ET MAMMON. Par Mammon, on peut entendre le Diable, qui est à la tête de la richesse et l’a comme dieu ; non pas parce qu’il peut la donner, mais parce qu’il lui faut tromper les hommes par la richesse. Ainsi, comme il existe un esprit de fornication, de même existe-t-il un esprit de richesse. Augustin a donné une autre interprétation : PERSONNE NE PEUT [SERVIR DEUX MAÎTRES], etc., c’est-à-dire [deux maîtres] opposés. Mais Dieu et le Diable sont opposés, 2 Co 6, 15 : Quelle entente entre le Christ et Bélial ? ; 1 R [1 S] 18, 21 : Pourquoi boitez-vous des deux côtés ?

944. Puis vient ensuite : OU IL EN SUPPORTERA UN, c’est-à-dire le Diable. Et il ne dit pas : «Il en aimera [un]», parce que le Diable ne peut être aimé par nature. Dieu est aimé naturellement, mais le Diable est supporté, comme Augustin en donne un exemple : «Si quelqu’un désire la servante d’un autre, il le sert par amour de la servante, et non de lui-même ; il supporte donc le service du maître pour la servante. Ainsi quelqu’un supporte-t-il le service du Diable pour la richesse.»
Louis-Claude Fillion
Autre raison pour nous engager à ne point placer nos trésors sur la terre. Les arguments qui précèdent étaient basés sur l’instabilité des richesses matérielles, v. 19, sur la manière effrayante dont elles absorbent toutes nos affections, v. 21, sur la destruction du mérite de nos actes par leur pernicieuse influence, vv. 22 et 23 : celui-ci s’appuie sur le joug d’esclavage qu’elles nous imposent. - Nul ne peut servir... Vérité bien connue dans la vie domestique et confirmée par des axiomes semblables chez la plupart des peuples. Il ne faut pas, est-il dit ailleurs, placer deux selles sur un même cheval ; ou bien : Un sujet fidèle ne saurait servir deux souverains. Une comédie de Térence représente un serviteur fort embarrassé précisément parce qu’il est dans cette situation : « Je ne suis pas certain de ce que je dois faire. Vais-je aider Pamphile, ou prêter assistance à un vieux ? Si j’abandonne ce dernier, je crains pour sa vie. Mais, si je m’en occupe, je redoute les menaces de l’autre », Andr. 1, 1, 26. Le choix se fera pourtant, car l’indifférence en pareil cas est chose tout à fait impossible ; la balance finira par pencher d’un côté ou de l’autre. - Ou il haïra l'un... Il n’y a que deux hypothèses ; ou le serviteur en question aimera son maître Paul aux dépens de son autre maître Pierre, ou bien c’est à Pierre qu’il s’attachera et alors il négligera Paul. Ce sera donc un fort mauvais ménage où il y aura bientôt impossibilité de s’entendre. - De même au spirituel : Vous ne pouvez servir... L’âme ne saurait demeurer flottante entre Dieu et les richesses, avec l’intention de s’acquitter de ses devoirs envers Dieu sans cesser de jouir des biens terrestres. Entre le Seigneur et Mammon, il y a l’incompatibilité la plus absolue. Choisissez ! - L'argent. Dans le texte latin, Mammon, un nom chaldéen, (Mamôna, Cf. le syriaque Momoûno), grécisé d’abord, puis latinisé ; son étymologie est incertaine. Il désignait soit les richesses, soit le dieu qui en disposait, à la façon du Plutus des Grecs et des Romains. Remarquons l’emploi du verbe, « servir ». S. Jérôme écrit à ce sujet : « Il n’a pas dit : celui qui a des richesses, mais celui qui se met au service des richesses. Car celui qui est esclave des richesses, garde les richesses à la façon d’un esclave. Celui qui secoue le joug des richesses les distribue comme le Seigneur ».
Fulcran Vigouroux
Jésus-Christ ne défend pas absolument aux chrétiens d’avoir des biens temporels, mais seulement d’y attacher leurs cœurs et d’en être les esclaves.
Catéchisme de l'Église catholique
L’idolâtrie ne concerne pas seulement les faux cultes du paganisme. Elle reste une tentation constante de la foi. Elle consiste à diviniser ce qui n’est pas Dieu. Il y a idolâtrie dès lors que l’homme honore et révère une créature à la place de Dieu, qu’il s’agisse des dieux ou des démons (par exemple le satanisme), de pouvoir, de plaisir, de la race, des ancêtres, de l’Etat, de l’argent, etc. " Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon ", dit Jésus (Mt 6, 24). De nombreux martyrs sont morts pour ne pas adorer " la Bête " (cf. Ap 13-14), en refusant même d’en simuler le culte. L’idolâtrie récuse l’unique Seigneurie de Dieu ; elle est donc incompatible avec la communion divine (cf. Ga 5, 20 ; Ep 5, 5).

Un système qui " sacrifie les droits fondamentaux des personnes et des groupes à l’organisation collective de la production " est contraire à la dignité de l’homme (GS 65). Toute pratique qui réduit les personnes à n’être que de purs moyens en vue du profit, asservit l’homme, conduit à l’idolâtrie de l’argent et contribue à répandre l’athéisme. " Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et Mammon " (Mt 6, 24 ; Lc 16, 13).