Matthieu 6, 27

Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ?

Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ?
Saint Hilaire de Poitiers
On peut dire aussi que dans cette comparaison des oiseaux le Sauveur nous instruit par l'exemple des esprits impurs qui, sans aucun travail pour chercher ou amasser leur nourriture, reçoivent cependant leur subsistance par un effet des conseils éternels de Dieu, et c'est pour confirmer ce rapport aux esprits impurs qu'il ajoute : « N'êtes vous pas plus qu'eux ? »montrant ainsi par une comparaison frappante la différence qui existe entre la malice et la sainteté.

De même qu'il s'est servi de l'exemple des esprits pour appuyer notre foi en la Providence à l'égard des nécessités de la vie, ainsi c'est en invoquant l'opinion commune qu'il nous fait connaître l'état qui nous attend après la résurrection. Puisque Dieu doit un jour ressusciter tous les corps qui ont en vie et en ramener la diversité à l'unité d'un homme parfait, et que seul il peut ajouter à la taille de chacun, une, deux ou trois coudées, n'est-ce pas lui faire outrage que d'être inquiet à l'égard du vêtement, c'est-à-dire de l'extérieur de notre corps, alors qu'il doit ajouter à la taille de tous les corps humains ce qui sera nécessaire pour établir l'égalité entre tous les hommes.
Saint Jean Chrysostome
Tous les animaux ont été faits pour l'homme ; mais l'homme a été fait pour Dieu et Dieu prend d'autant plus soin de l'homme qu'il occupe un rang plus élevé dans la création. Si donc les oiseaux trouvent leur nourriture sans travailler, pourquoi l'homme ne la trouverait-il pas, lui à qui Dieu a donné la science du travail et l'espérance du succès ?

Notre-Seigneur vient d'affermir notre espérance par une raison du plus au moins, il la confirme maintenant par un argument du moins au plus : « Considérez les oiseaux du ciel, ils ne sèment ni ne moissonnent. »

C'est Dieu qui chaque jour donne l'accroissement à votre corps sans que vous puissiez vous en rendre compte. Si donc la Providence de Dieu travaille tous les jours en vous à l'accroissement de votre corps, comment restera-t-elle inactive devant de véritables nécessités ? Mais comment vous-mêmes, si tous les efforts de votre pensée ne peuvent ajouter la plus petite partie à votre corps, pourrez-vous le sauver tout entier ?
Saint Jérôme
Il en est qui, en voulant dépasser les limites respectées par nos pères et s'élever vers les hauteurs, tombent dans les abîmes. Ils prétendent que les oiseaux du ciel sont les anges et les autres puissances célestes qui exécutent les ordres de Dieu et qui sont nourris par la Providence divine sans aucun souci de leur part. S'il en est ainsi, comment expliquer les paroles suivantes qui s'appliquent nécessairement aux hommes : « Est-ce que vous n'êtes pas plus qu'eux ? » Il faut donc entendre ce passage tout simplement en ce sens que si, sans peine et sans préoccupation de leur part, la Providence de Dieu nourrit les oiseaux qui sont aujourd'hui et demain ne seront plus, elle fera bien plus pour les hommes à qui l'éternité est promise.
Saint Augustin
C'est-à-dire, vous êtes d'un prix plus élevé, parce que l'homme, animal raisonnable, occupe dans la nature un rang supérieur aux animaux sans raison, comme les oiseaux.

Cependant un cheval coûte ordinairement plus cher qu'un esclave, et une pierre précieuse plus cher qu'une servante ; mais ce n'est pas une appréciation raisonnable, c'est la nécessité ou le plaisir qui leur donne cette valeur.

Ou bien ces paroles se rapportent à ce qui suit de cette manière : « Une preuve que ce n'est pas votre sollicitude qui a fait parvenir votre corps à sa taille actuelle, c'est que, même quand vous le voudriez, vous ne pourriez lui ajouter une coudée ; laissez donc le soin de couvrir votre corps à celui qui a su lui donner une taille aussi élevée. »

Il en est qui prétendent n'être pas obligés au travail, parce que, disent-ils, les oiseaux du ciel ne sèment ni ne moissonnent. Pourquoi donc ne pas faire attention à ce qui suit : « Et ils n'amassent rien dans les greniers ? » Pourquoi veulent-ils avoir les mains oisives et leurs greniers pleins ? Pourquoi moudre leur blé et cuire leur pain ? Car les oiseaux du ciel ne le font pas. S'ils trouvent des personnes qu'ils détermineront à leur apporter chaque jour leur nourriture toute préparée, encore faudra-t-il qu'ils se procurent eux-mêmes de l'eau en allant la puiser à une fontaine, à une citerne ou à un puits. S'ils ne sont même pas obligés à remplir d'eau leurs vases, ils ont vraiment un degré de perfection de plus que les fidèles de Jérusalem qui, ayant reçu le blé qui leur était envoyé de la Grèce, ont pris soin d'en faire du pain ou au moins d'en faire préparer, ce que ne font pas les oiseaux. On ne peut pas assujettir à ne rien réserver pour le lendemain ceux qui se séparent pour longtemps du commerce des hommes sans aucune relation avec eux, et qui s'enferment pour vivre appliqués tout entiers à la prière. On peut dire même que plus leur perfection est grande, plus leur conduite diffère de celle des oiseaux. Si donc Notre-Seigneur prend les oiseaux pour terme de comparaison, c'est pour ne laisser à personne la pensée que Dieu puisse refuser le nécessaire à ses serviteurs, puisque sa providence s'étend jusque sur les oiseaux. Car il ne faut pas croire que ce n'est pas Dieu lui-même qui nourrit ceux qui travaillent de leurs propres mains. Ainsi, parce que Dieu dit : « Invoquez-moi au jour de la tribulation et je vous en délivrerai, » on ne doit pas en conclure que l'Apôtre ne devait pas recourir à la fuite, mais qu'il devait attendre qu'il fût saisi et que Dieu vînt le délivrer, comme il avait délivré les trois jeunes hommes de la fournaise. Les saints pourraient répondre à ceux qui leur feraient cette difficulté, qu'ils ne doivent pas tenter Dieu, mais que c'est à lui, s'il le veut, de les délivrer, comme il a délivré Daniel des lions et saint Pierre de ses liens, alors qu'ils étaient eux-mêmes dans l'impossibilité de le faire. Que si Dieu, au contraire, leur donne les moyens de fuir et qu'ils échappent ainsi au danger, c'est encore à lui seul qu'ils attribuent leur délivrance. Par la même raison, si des serviteurs de Dieu sont capables de gagner leur vie de leur travail personnel et que l'Évangile en main on vienne leur objecter l'exemple les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent, ils répondront facilement : « Si nous étions réduits à l'impuissance de travailler par suite de quelque maladie ou de quelque occupation, Dieu sans doute nous nourrirait comme les oiseaux du ciel qui ne travaillent pas. Mais puisque nous pouvons travailler, nous ne devons pas tenter Dieu, car cette puissance même que nous avons vient de sa bonté ; tant que nous vivons, notre vie vient de la même source que cette puissance, et nous sommes nourris par celui qui nourrit les oiseaux du ciel, comme Notre-Seigneur le dit : « Et votre Père céleste les nourrit ; n'êtes-vous pas beaucoup plus qu'eux ? » etc.

Si le Christ est ressuscité avec cette taille qu'il avait au moment de sa mort, on ne peut dire qu'au jour de la résurrection générale il paraîtra avec une taille gigantesque, différente de celle qui était connue des Apôtres. Si, au contraire, nous prétendons que tous les corps d'une taille plus grande ou plus petite seront élevés ou raccourcis à sa taille, un grand nombre de corps perdront de leur volume, contrairement à la promesse qu'il nous a faite que pas un cheveu de notre tête ne périrait. Disons donc que chacun ressuscitera avec la taille qu'il avait dans sa jeunesse, s'il est mort dans un âge avancé, et avec celle qu'il aurait eue s'il est mort auparavant. L'Apôtre n'a pas dit : « Dans la mesure de la taille, » mais : « Dans la mesure de l'âge parfait du Christ (Ep 4, 13 ), » parce que, en effet, les corps ressusciteront dans cet âge de jeunesse et de force auquel nous savons que le Christ est parvenu.
La Glose
Ce n'est pas seulement par l'exemple des oiseaux, c'est encore par notre propre expérience que le Sauveur nous enseigne que pour exister et pour vivre, nos soins personnels ne suffisent pas, mais qu'il faut encore l'action de la divine Providence. « Qui donc d'entre vous peut ajouter par son intelligence une coudée à sa taille ? »
Saint Thomas d'Aquin
951. Ici, [le Seigneur] montre, en faisant appel à l’expérience, que, de même que [Dieu] prend soin des oiseaux, de même [il prend soin de nous]. En effet, il existe une partie de l’âme qui est soumise à la raison, comme [la partie] motrice et sensitive ; [mais il en existe une] qui ne l’est pas, comme [la partie] qui assure la croissance et la nutrition. L’homme a cela en commun avec les animaux. Et de même que [Dieu] s’occupe des animaux pour ce qui est de leur croissance et de leur nourriture, de même [s’occupe-t-il] des hommes. Ainsi, nous ne nous donnons pas à nous-même la croissance, mais elle nous est donnée par Dieu. Nous ne devons donc pas désespérer de la providence de Dieu.
Louis-Claude Fillion
Troisième motif d’éviter toute sollicitude : cela ne servirait absolument de rien. - En se tourmentant ; réfléchissant et réfléchissant encore, à la façon des hommes de génie qui sont à la recherche de quelque découverte importante. Le grec suppose des réflexions pénibles, fatigantes. - A sa taille. Du texte grec, peut désigner tout ensemble la longueur de la vie ou la longueur du corps humain, c’est-à-dire l’âge ou la taille. Plusieurs commentateurs ont adopté le second sens à la suite de la Vulgate, pensant que le Sauveur avait voulu représenter ici l’impossibilité où sont les hommes d’ajouter quoi que ce soit à leur taille. Mais ils n’ont pas observé qu’il y aurait quelque chose de contradictoire dans l’expression employée par Jésus ; une coudée surajoutée à une taille quelconque serait en effet une mesure considérable, tandis que Notre-Seigneur veut évidemment parler d’une petite dimension. Il est donc préférable de le prendre dans l’acception plus ordinaire de « âge », Cf. Joan. 4, 23. On obtient ainsi un sens très naturel et très logique : Qui de vous, même après de longues méditations, est capable d’agrandir sa vie d’une coudée ? Métaphore pour signifier « d’une minute ». Au Ps. 38, 6, la longueur de la vie est mise en rapport avec le palme ; le poète grec Mimnerme parle aussi d’une coudée de temps. - Une coudée ; la coudée était l’une des principales mesures de longueur des Hébreux. Elle équivalait à l’avant-bras d’une personne de taille moyenne, depuis l’extrémité du doigt médium jusqu’au coude ; de là son nom. La conclusion du raisonnement est omise, comme au v. 25.